
Le collectif de travail pour prendre en charge la difficulté ordinaire des enseignants
Certification d’aptitude aux fonctions de Formateur Académique
Académie de Reims session 2018-2020
Mémoire professionnel
Discipline : Histoire-Géographie EMC
Titre : Le collectif de travail pour prendre en charge la difficulté ordinaire des enseignants
Auteur : Cazaubon Eric
I- ENSEIGNER : UNE MÉTIER SOLITAIRE ?
I-1 Contextes d’exercice du métier d’enseignant
I-1.1 Une expérience collective riche au lycée
I-1.2 Un nouveau contexte d’exercice au collège
I-2. Une expérience d’accompagnement
I-2.1 Une collègue en grande difficulté
I-2.2 Beaucoup de questions, peu de certitudes
I-3. Enseignants, isolement et collectif
II- LE TRAVAIL COLLECTIF ENSEIGNANT
II-1. Le travail collectif enseignant dans les textes officiels
II-1.1 Des instances au sein des EPLE
II-1.3 Le travail collectif au sein de l’éducation prioritaire
II-1.4 Des dispositifs instaurant le travail collectif
II-2. Entre travail collectif et collectif de travail
II-2.2 Vers un collectif de travail
III-1.1 Lantheaume et la sociologie pragmatique
III-1.2 Barrère et la sociologie du travail
III-1.3 Clot et la clinique de l’activité
III-2 "Merveilleux ou douloureux " ?
III-2.1 Le matériau de la recherche
III-3 Comment qualifier les difficultés des enseignants ?
IV- UNE PROPOSITION POUR L’ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
IV-2.3 Les conditions matérielles
IV-2.4 Les règles de fonctionnement
IV-2.5 Le choix de la question
IV-3 Animer la formation : accompagner le collectif
Annexe 2 : verbatims accompagnant les réponses au questionnaire précédent
INTRODUCTION
A la rentrée 2010, le proviseur de mon lycée avait innové en nous offrant une conférence d’un médecin du Rectorat. Je ne me souviens plus de l’intitulé exact de la conférence, mais on y parlait forcément de la santé des enseignants, et notamment de risques psycho-sociaux. Le regard porté par cet homme expérimenté, qui connaissait surtout des enseignants malheureusement malades, était plein d’humour, mais aussi acéré, celui d’un médecin qui a vu
trop d’enseignants en souffrance. Une formule est restée gravée dans ma mémoire, le
« syndrome du gros cartable » (je cite ses mots) : ce médecin disait que la santé mentale d’un enseignant se mesure à la taille de son cartable, ou plutôt de ses sacs tant ils sont parfois plusieurs et lourds.
Alors, bien sûr, j’ai fait ce que d’autres font en salle des professeurs avec les phases de la carrière enseignante de Huberman[1], en essayant de positionner les collègues, dans un jeu qui interroge les autres pour se rassurer soi-même sur sa capacité à rester engagé sereinement dans le métier. D’abord regarder mon cartable, en un temps où le savoir et le manuel tiennent de plus en plus souvent sur une clé USB, voire dans un cloud. Rassuré ! Il aurait même tendance à être de moins en moins lourd … bon signe ou désengagement ? … Échange d’un doute contre un autre doute… J’ai regardé le cartable des collègues, en arrivant le matin, entre photocopies (« c’est vraiment urgent, je peux ? ») et café, ou en repartant le soir, à une heure où le parking est vide depuis longtemps mais où « j’avais encore à faire ». Alors, j’ai regardé et… le syndrome est apparu : il y a bien ces collègues qui transportent de quoi se rassurer, juste pour se rassurer, qui expriment une lassitude forte et récurrente, qui se plaignent des élèves plus souvent que de raison, sans plus arriver à prendre une distance amusée sur le quotidien de la classe, qui cumulent les conflits avec les élèves, qui ont du mal à mettre des notes, qui n’arrivent plus à asseoir l’autorité de leur expertise, s’interrogent sur leurs compétences et leurs jugements, doutent de chaque choix alors qu’un enseignant fait des dizaines de choix à chaque heure de cours… Et ces collègues souvent tiennent leur poste, sont épuisés quand arrivent les vacances, encore fatigués à la rentrée, mais ils sont là tant qu’ils peuvent. Et parfois ils ne peuvent plus.
Quand j’ai débuté dans l’enseignement en 1993, en ZEP[2], je pensais que le volontarisme suffisait : travailler, s’engager, avoir des projets … Naïveté, coupable. Aujourd’hui, en suivant l’actualité parfois tragique ou tout simplement en lisant le panneau des enseignants absents, il me semble que la question de la santé au travail est un enjeu essentiel alors que les conditions d’exercice sont de plus en plus exigeantes et que l’allongement progressif des carrières, dans un métier qu’on débute tard, amène à s’interroger sur le comment « Durer dans le métier d’enseignant ?».[3]
I- ENSEIGNER : UNE MÉTIER SOLITAIRE ? [4]
La question qui constitue le point de départ de ma réflexion sur le collectif de travail est à la confluence de deux histoires d’enseignants : l’accompagnement d’une collègue mené en 20182019 et mon propre parcours professionnel.
I-1 Contextes d’exercice du métier d’enseignant
I-1.1 Une expérience collective riche au lycée
Enseignant en histoire-géographie dans un lycée d’enseignement général de centreville, Camille Claudel à Troyes, pendant 24 ans, j’ai fait le choix en 2018 de demander une mutation aux collèges Robert Schuman puis François Legros, à Reims. Ce choix très important constitue un véritable projet professionnel, à la fois pour sortir d’une situation d’exercice très confortable et pour mettre à l’épreuve mes compétences professionnelles dans un contexte différent. Sans entrer dans une description détaillée des difficultés qui accompagnent cette
« seconde carrière », je voudrais ici pointer un contexte d’exercice radicalement différent.
Le lycée Camille Claudel est né au début des années 1990 et a accueilli une équipe d’enseignants assez jeunes. Le collectif enseignant (et non-enseignant) a joué un rôle important en définissant un fonctionnement, des priorités et des projets qui ont fait l’objet de nombreuses discussions, parfois très animées. D’autre part, l’équipe d’histoire-géographie, jeune et stable, a développé une très forte culture de travail collectif : devoirs communs, élaboration commune de progressions et de séquences, partage des productions, co-enseignement, auto-formation au numérique ou aux « nouvelles pédagogies », retour d’expériences…
Cette dynamique de travail collectif a pu être prolongée par d’autres dispositifs initiés ou accompagnés par les IA-IPR[5], en particulier Madame Ruiz. J’ai ainsi pu proposer des formations et des animations locales ponctuelles et surtout animer le groupe de production locale lycée Aube. Ce groupe, regroupant des collègues de plusieurs établissements, se réunit plusieurs fois par an, avec pour mission de produire des ressources pour les collègues de l’Académie. J’ai aussi co-dirigé pendant cinq ans un travail collectif sur la Première Guerre mondiale[6], réunissant des enseignants du premier et du second degrés.
Ces multiples groupes de travail, institués ou informels, ont joué un rôle très important dans mon développement professionnel en me permettant de confronter en permanence mes pratiques au regard des collègues. Je suis convaincu que ces échanges ont très largement contribué à m’inscrire dans le genre professionnel (Clot, 2008, p. 101) et m’ont permis de définir un style propre. En m’offrant un espace d’échanges, de confrontations, d’expérimentations multiples et d’analyses réflexives, en quelque sorte un espace du droit à l’erreur et d’enrichissement mutuel, j’ai pu développer des pratiques parfois innovantes pour le lycée des années 1990-2000, en étant conforté par le collectif. Ce sentiment d’appartenance à un collectif me semble ainsi un facteur essentiel du développement de mes compétences professionnelles.
I-1.2 Un nouveau contexte d’exercice au collège
En arrivant au collège, à R. Schuman puis à F. Legros, j’ai découvert une réalité professionnelle très différente et pour le moins déstabilisante : il n’existe pas de travail collectif. Pour un nouvel enseignant de collège, comme cela est mon cas, l’appui d’une équipe aurait pourtant été un gain considérable pour apprendre « le métier de professeur de collège ». Il est difficile dans ces conditions de s’assurer pleinement des choix faits en situation nouvelle d’enseignement, même quand on a 25 ans d’expérience.
Comme tout enseignant, il m’est arrivé régulièrement d’éprouver une difficulté passagère, face à une classe, une pratique ou une question à enseigner. Mais ces difficultés étaient de suite partagées, discutées et des possibilités de faire et refaire différemment en sortaient. La difficulté demeurait donc passagère et surtout le sentiment de cette difficulté ne créait pas de doute déstabilisant, de malaise. En arrivant au collège en 2018, j’ai pour la première fois ressenti un sentiment d’isolement, de difficulté réelle face à des situations nouvelles, interrogeant aussi bien la gestion de classe que la didactique ou la pédagogie.
Toutefois j’ai gardé des liens avec des collègues de l’Aube et j’ai bénéficié de l’écoute attentive d’une collègue d’un lycée rémois qui m’a aidé à hiérarchiser les priorités et à prendre de la distance sur ma situation. Sans avoir ressenti une souffrance, j’ai cependant éprouvé le besoin de questionner l’utilité et l’efficacité de mon travail, et j’étais seul pour cela.
I-2. Une expérience d’accompagnement
I-2.1 Une collègue en grande difficulté
Une partie des réponses à mes doutes est aussi venue indirectement de l’Inspection, via la participation au dispositif des TraAM[7] en histoire-géographie et surtout une mission d’accompagnement qui m’a été confiée par Madame Schiano, IA-IPR de la discipline en 2018-2019.
Les TraAM m’ont permis de valider le travail mis en œuvre dans les classes de sixième en bénéficiant de l’expertise des collègues membres du groupe de travail. Cette exposition de mes pratiques au regard de collègues très expérimentés a donc constitué une réassurance bienvenue.
Surtout, la mission d’accompagnement a été très enrichissante. Elle consistait à accompagner une enseignante d’un collège rémois classé en réseau d'éducation prioritaire, en grande difficulté depuis longtemps. A son arrivée dans le collège, le nouveau chef d’établissement avait alerté l’Inspection de la situation et celle-ci a décidé de mettre en place un accompagnement disciplinaire. Cette mission était nouvelle pour moi, même si depuis 20 ans j’accueille des stagiaires dans différents cadres, et que j’ai eu l’occasion de mener des visites-conseils et d’intervenir dans la formation initiale ou continue.
J’ai donc rencontré la collègue avec l’IA-IPR puis le Principal et acté le principe d’un accompagnement. J’ai assisté à des cours en sixième et cinquième à plusieurs reprises. Ces séances d’observation ont ensuite fait l’objet d’entretiens dont l’objectif était d’identifier les points positifs et les points à améliorer en revenant sur des moments de cours, des documents travaillés, des activités proposées pour les interroger au regard du prescrit, du public et des objectifs poursuivis par l’enseignante. Le travail s’est étalé de décembre à avril, alternant les rencontres dans nos deux collèges. Le dispositif a été suspendu début avril 2019 à la demande conjointe du Principal et de moi-même : la situation en classe se dégradant, il a été décidé de retirer la collègue de ses classes.
I-2.2 Beaucoup de questions, peu de certitudes
Le fait que je sois un nouvel enseignant de collège a été une chance dans notre collaboration : même si sur certaines questions, je me suis senti clairement plus outillé qu’elle, je ne pouvais en aucun cas adopter une posture en surplomb sur un mode injonctif de bonnes pratiques. L’accompagnement était donc une tentative de « mise en chemin »[8], côte-à-côte, sans savoir d’avance jusqu’où nous pourrions aller, mais avec l’envie d’avancer dans la résolution de certaines difficultés criantes. La collègue a donné l’impression d’être engagée dans le projet. Pour autant, ces six mois de travail ont clairement fait apparaître des difficultés très importantes :
- Un très grand isolement professionnel en partie due à un positionnement idéologique radical ;
- Une réelle méconnaissance des programmes et des documents d’accompagnement ;
- Une transposition didactique insuffisante ;
- Un outillage pédagogique appauvri par une pratique isolée et peu de participation aux formations proposées ;
- Une relation délétère avec les élèves ;
- Une incapacité à exercer un regard distancié et réflexif sur sa propre pratique.
En résumé, j’avais devant moi une collègue qui avait accepté bon gré mal gré ma présence, qui essayait de négocier une adaptation pas trop coûteuse de ses pratiques et qui espérait durer encore un peu dans cette situation. Moi, je voyais une enseignante hors du genre professionnel, manquant de connaissances et de maîtrise des gestes de métier, dans un isolement total et dans une forme de déni de la situation. Ce déni (« la faute aux élèves ») et son aveu d’incompétence (« je suis nulle ! ») peuvent être perçus comme des stratégies pour échapper à la souffrance (Hélou & Lantheaume, 2008, p. 71).
I-3. Enseignants, isolement et collectif
I-3.1 Le rapport au collectif
Je viens de décrire deux difficultés, concernant deux enseignants, dans des contextes et des intensités différents. En vivant la double expérience d’un changement de conditions d’exercice de mon métier et de cette mission d’accompagnement, j’ai eu l’occasion de m’interroger sur la difficulté à enseigner. Je me suis bien sûr interrogé sur l’origine de ces difficultés, ouvrant un champ infini de questions sur ce qui fait la réussite comme ce qui fait l’échec dans l’acte d’enseignement.
Ce qui m’a particulièrement frappé est le rapport au collectif. A mon sens, l’isolement professionnel, l’incapacité à échanger sur les pratiques, les expériences, les petites difficultés et les réussites du quotidien, les élèves, … ont été vécus comme un manque générateur de difficultés dans un contexte de nouveautés multiples qui nécessite de trouver des points d’appui pour se construire professionnellement. J’ai ressenti le manque de collectif comme un facteur de fragilisation. Dans le cas de la collègue accompagnée, cet isolement, au milieu d’une communauté d’une cinquantaine d’enseignants, a été un de mes premiers constats.
Ces deux expériences professionnelles montrent finalement deux rapports au collectif :
- Dans le premier cas, le collectif vient enrichir un travail personnel, en offrant un regard critique et une bienveillance rassurante. Fondé sur un partage de valeurs et une identité collective forte, il n’empêche pas l’expression de la singularité de chacun, contribuant même sûrement à plus de créativité dans l’exercice du métier.
- Dans le second cas, l’exclusion du collectif ne permet pas de s’identifier pleinement à un genre professionnel, de s’approprier tant ses valeurs que ses gestes. L’enseignant est ainsi un individu singulier, sans ancrage dans le genre, la singularité n’étant que l’expression d’un isolement qui enferme dans des pratiques toujours identiques, des routines, jamais situées et ne reposant pas sur une réflexivité.
I-3.2 Une hypothèse
Pour l’avoir expérimenté en accompagnement, le chemin est particulièrement long et difficile pour sortir de l’isolement professionnel quand on y a passé tout ou partie de sa carrière. Mais il peut être difficile d’en sortir au gré d’une simple évolution de carrière. Je formule ainsi l’hypothèse que la plupart des collègues qui sont en difficulté, voire en souffrance, sont dans cette situation d’isolement, comme un élément particulièrement constitutif et marquant de leur état. Mais il me semble que cette situation d'isolement est sous-jacente à bien des difficultés du quotidien enseignant, provoquant ce malaise qui interpelle de plus en plus les acteurs de l’éducation et que les enseignants expriment après avoir dit leur attachement au métier (Lantheaume, 2011, p. 7).
Dans cette hypothèse il est intéressant de s’interroger sur le rôle que pourrait avoir, dans la prise en charge de la difficulté ordinaire, le développement d'un collectif de travail menant de l'analyse des pratiques professionnelles (APP) et de proposer une mise en œuvre de ce collectif.
II- LE TRAVAIL COLLECTIF ENSEIGNANT
II-1. Le travail collectif enseignant dans les textes officiels
II-1.1 Des instances au sein des EPLE[9]
La forme première du travail collectif relève de l’organisation dans les établissements de multiples instances dont nous pouvons ici faire une présentation rapide :
- Le conseil école-collège. Il a pour objectif de renforcer la continuité pédagogique entre les premier et second degrés en réunissant des enseignants du collège et des écoles du secteur de celui-ci.
- Au sein des EPLE, de nombreuses instances existent parmi lesquels le conseil des équipes disciplinaires, le conseil de classe, le conseil de cycles ou de niveaux (moins fréquents au lycée) ou le conseil pédagogique.
Le conseil pédagogique est devenu dans chaque établissement une instance importante depuis sa création par la loi du 23 avril 2005[10]. Placé sous la présidence du chef d’établissement, il a un rôle consultatif, les décisions relevant toujours du conseil d’administration. Le chef d’établissement consulte donc le conseil pédagogique pour avoir un avis notamment sur l’organisation et la coordination des enseignements, la coordination relative au suivi des élèves, en particulier les modalités d’évaluation des acquis scolaires ou d’accompagnement pédagogique des élèves, ou encore la partie pédagogique du projet d’établissement.
On le voit : le conseil est bien une instance consultative, mais son champ de compétences est large, touchant non seulement à des aspects strictement organisationnels mais aussi à des aspects pédagogiques, en particulier en matière d’accompagnement personnalisé pour lequel le conseil fait des « propositions [qui] portent plus particulièrement sur la différenciation des approches pédagogiques, notamment les aides pour les élèves rencontrant des difficultés dans les apprentissages scolaires. » Ce qui se discute ici collectivement a une incidence sur le travail de chaque enseignant dans sa classe.
II-1.2 Le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation (Bulletin Officiel n°30 du 25 juillet 2013)
Le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation liste les compétences de l’enseignant, en rappelant tout d’abord que « les professeurs et les personnels d'éducation font partie d'une équipe éducative mobilisée au service de la réussite de tous les élèves dans une action cohérente et coordonnée ». Il s’ensuit que tout enseignant doit faire preuve de plusieurs compétences lui permettant d’exercer son métier au sein de la communauté éducative et même au-delà avec les partenaires extérieurs.
Le professeur doit ainsi être en capacité de « 10. Coopérer au sein d'une équipe, 11. Contribuer à l'action de la communauté éducative, 12. Coopérer avec les parents d'élèves, 13. Coopérer avec les partenaires de l'école, 14. S'engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel. »
Ces compétences du référentiel ont été reprises dans le décret du 20 août 2014[11] relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré. L’article 2 liste en effet les missions liées au service d'enseignement qui comprennent [notamment] le conseil aux élèves dans le choix de leur projet d'orientation en collaboration avec les personnels d'éducation et d'orientation, les relations avec les parents d'élèves, le travail au sein d'équipes pédagogiques constituées d'enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d'élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire. Dans ce cadre, ils peuvent être appelés à travailler en équipe pluriprofessionnelle associant les personnels de santé, sociaux, d'orientation et d'éducation.
Ces deux textes mettent clairement l’accent sur le fait que l’enseignant ne travaille pas seul : il doit travailler au sein d’équipes pédagogiques, disciplinaires ou non, dans son établissement et au-delà.
Cette dimension du travail avec les pairs est donc clairement présente mais assez peu précisée, au sens où les modalités et les temps dédiés n’apparaissent pas, en lien avec le statut de 1950 qui garantit la liberté pédagogique des enseignants. Les textes sont plus précis en REP+[12].
II-1.3 Le travail collectif au sein de l’éducation prioritaire
Seuls les enseignants de l’éducation prioritaire ont un texte qui institue, dans le cadre des obligations de service, les modalités de ce travail. Dans son article 8, le décret du 20 août
2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants précise que dans les établissements relevant de l'éducation prioritaire [...], afin de tenir compte du temps consacré au travail en équipe nécessaire à l'organisation de la prise en charge des besoins particuliers des élèves qui y sont scolarisés, aux actions correspondantes ainsi qu'aux relations avec les parents d'élèves, chaque heure d'enseignement [...] est affectée d'un coefficient de pondération de 1,1.
Les enseignants de ces établissements, en fait les seuls REP+, bénéficient ainsi d’un allègement de service qui doit favoriser le travail collectif, mais « sans avoir vocation à se traduire par une comptabilisation, ce dispositif vise à favoriser le travail en équipe de classe ou disciplinaire, en équipe pluri-professionnelle. »
C’est donc dans le champ de l’éducation prioritaire que le travail collectif est le plus identifiable. Ainsi, le Référentiel de l’éducation prioritaire de janvier 2014[13] comporte un axe 4 intitulé « favoriser le travail collectif de l’équipe éducative » qui cadre de façon détaillée les objectifs de ce travail : il doit permettre « la mise au point de programmations pédagogiques et éducatives, préparation et analyse commune de séquences et d’évaluations, mise au point de dispositifs pédagogiques adaptés aux besoins, mise au point de projets de co-intervention et de projets pluridisciplinaires ou inter-niveaux… ».
Le travail se fait pour l’essentiel dans les cadres existants (« Ces temps de travail en équipe s’appuient sur des instances existantes (conseil de cycle, conseil école-collège, …) auxquelles ils allouent davantage de sens et de forme ») mais peut aussi « prendre des formes nouvelles ». On voit là un espace de liberté organisationnelle conforme à l’autonomie des EPLE et qui stimule le travail collectif depuis sa mise en place à la rentrée 2015 (DEPP, 11/2020).
II-1.4 Des dispositifs instaurant le travail collectif
Depuis la fin des années 1990, toutes les réformes introduites dans l’enseignement secondaire ont eu pour effet de réduire le poids des enseignements disciplinaires au profit de dispositifs interdisciplinaires (IFE, 2014) : ce fut le cas en lycée avec les TPE[14] entre 2001 et 2019, les Enseignements d’Exploration (par exemple Littérature et Société) entre 2010 et 2019, les IDD[15] de collège entre 2002 et 2016, et aujourd’hui avec certaines spécialités du lycée (HGGSP[16], Humanités…) et les EPI[17]du collège.
Même si les modalités et les finalités sont diverses selon les niveaux, tous ces dispositifs qui changent pour partie la forme scolaire, ont un effet sur le travail enseignant en créant des situations obligées de travail collectif, parfois devant les élèves (les TPE par exemple), souvent à l’échelle de l’établissement pour harmoniser les fonctionnements ou encore au niveau académique quand il s’agit d’évaluations certificatives. Il y a ainsi au minimum de la concertation dans la conception, la mise en œuvre des dispositifs et l’évaluation des productions-élèves. Les E3C[18] introduites cette année dans la réforme du lycée vont dans le même sens.
Il y a donc une intention forte et constitutive des différentes réformes : créer de l’interdisciplinarité et incidemment du travail collectif. Le prescrit indique une direction claire dans le sens de plus de travail collectif de la part des enseignants, en laissant une grande latitude sur les modalités de ce travail.
Au niveau académique aussi, l’accent est mis sur le travail collectif. L’Axe 3 du Projet académique 2018 - 2021[19] précise ainsi dans son objectif 9 (« Favoriser les coopérations internes et externes ») que « La coopération entre les acteurs qui agissent directement ou indirectement sur la scolarité des élèves est aujourd’hui un impératif de l’École. [...] Les collaborations entre les membres d’une équipe pédagogique et éducative facilitent une prise en charge efficace des élèves ». Cette ambition claire se décline en différents objectifs, en particulier : « Renforcer le pilotage pédagogique des chefs d’établissement, par leur coopération avec les corps d’inspection telle qu’initiée en éducation prioritaire, afin d’aider les équipes à définir des axes de progrès. »
II-2. Entre travail collectif et collectif de travail
II-2.1 Le travail collectif
Ce tour d’horizon du travail collectif institué permet finalement de relever trois caractéristiques :
- Il s’appuie sur les recherches en sciences de l’éducation et les enquêtes internationales[20] établissant un lien entre la performance des systèmes éducatifs et la place du travail collectif des enseignants.
- Il est organisé sur un mode hiérarchique en confiant le pilotage aux chefs d’établissement qui jouent donc un rôle-clé dans son organisation et son développement.
- Il est présent dans chaque texte faisant référence au travail des enseignants, comme un élément indissociable de ce travail et constitutif de leurs missions.
Cependant, sur le terrain, du travail collectif existe aussi en dehors des textes référencés ici. Il en est ainsi des collectifs informels qui existent dans chaque établissement et qui fonctionnent le plus souvent sur une base affinitaire. Les groupes locaux de l’histoiregéographie en sont une autre forme, parmi une multitude : groupes académiques disciplinaires entourant le corps d’Inspection, TraAM, Mooc[21] (il existe ainsi un Mooc pluri-académique en histoire-géographie)... Le corps d’Inspection joue d’ailleurs un rôle très important d’impulsion en favorisant la mise en place du travail collectif. Il en va ainsi du groupe Gestion de classe de l’Académie, qui accompagne chaque année 15 à 20 collègues et qui avait prévu d’organiser au cours de l’année scolaire une nouvelle forme de travail collectif avec ces enseignants autour de l’analyse des pratiques, de la pédagogie et de la coopération[22].
II-2.2 Vers un collectif de travail
On le voit, il y a déjà de nombreuses formes de travail collectif, c’est-à-dire des formes de travail où les enseignants (et non-enseignants le cas échéant) travaillent ensemble dans un souci de plus grande efficacité au service des élèves. Avec le projet du groupe Gestion de classe, on entre dans une autre dimension du travail collectif.
Le référentiel des compétences de 2013 introduit au point 14 que l’enseignant doit aussi « Réfléchir sur sa pratique -seul et entre pairs- et réinvestir les résultats de sa réflexion dans l'action ». Le texte invite ici, de façon explicite, à une réflexivité individuelle et collective. Dans sa dimension collective, on a donc une autre injonction au travail collectif, en fait au collectif de travail au sens de Clot (Caroly, 2016, p. 101).
Ces collectifs de travail sont encore rares dans notre institution. Ils ont des fonctions différentes du travail collectif, à plus long terme : « le collectif donne du pouvoir d’agir dans l’activité individuelle, il favorise la construction de la santé, il entretient la vitalité du collectif » (Caroly, 2016, p. 102). Défini ainsi, il s’apparenterait au collectif institué par les groupes locaux en histoire-géographie ou du moins à ce que les collègues des lycées aubois avaient développé. Il est un instrument au service du travail collectif.
Il ouvre surtout sur des pratiques différentes du collectif, moins tourné vers la production de ressources mises à disposition de tous, et davantage sur une réflexion distanciée sur le métier pour en explorer les possibles et créer du développement professionnel.
III- ANALYSER LES DONNEES
III-1 Le cadre de recherches
En 2008, la revue Recherche et Formation publiait dans son numéro 57 un entretien d’Anne Barrère et Frédéric Saujat par Françoise Lantheaume (Barrère & al., 2008). Cet entretien avait pour objectif de mettre en évidence les différences de méthodes et de finalités entre les deux chercheurs, invités à répondre à une chercheuse appartenant elle-même à un autre courant de la recherche. Tous trois interrogent le travail enseignant dans une visée a minima compréhensive et peuvent être ici mobilisés pour nous aider à définir les manifestations et l’intensité de la difficulté enseignante, et pour Saujat surtout, offrir des pistes pour la dépasser.
III-1.1 Lantheaume et la sociologie pragmatique
Né dans les années 1980, ce courant de la sociologie renouvelle celle-ci en apportant d’autres méthodes et champs de recherches (Barthe & al., 2013, p. 175-204), loin de la sociologie critique et quantitative jusqu’alors dominante. On peut la définir en quelques mots avant de voir en quoi elle peut être féconde pour notre travail.
La sociologie pragmatique est aussi qualifiée de sociologie des épreuves, dénomination peut-être plus explicite : elle étudie la capacité des sujets à s’adapter aux différentes situations (épreuves) de la vie sociale. Elle a donc pour objet l’ensemble de la vie sociale, en élargissant le champ de ses travaux à des terrains encore inexplorés alors et notamment le monde du travail. Sa nouveauté tient aussi à ses méthodes puisqu’elle part d’enquêtes de terrain, de l’observation des phénomènes étudiés, des controverses qui peuvent traverser les sociétés. En cela, elle est interactionniste (la société est le fruit des interactions de ses membres, approche qui s’applique à la salle de classe) et ethnométhodologique au sens où ce qui compte pour cette sociologie, c’est l’approche qualitative et la compréhension plus que l’explication. A partir d’une approche de terrain, la sociologie pragmatique entend pouvoir aller du « micro» au « macro» et étudier ainsi un corps social dans son entièreté (Barthe & al., p. 178).
Les travaux de Lantheaume se sont portés à plusieurs reprises sur le corps enseignant. Ainsi, dans le même numéro de Recherche et formation, elle publiait avec Hélou « Les difficultés au travail des enseignants - exception ou part constitutive du métier » (2008), un article tiré de leur ouvrage publié en 2008, La souffrance des enseignants. Une sociologie pragmatique du travail enseignant. Au travers de ces publications, les chercheurs essaient de catégoriser les difficultés du métier d’enseignant, de les définir avec précision en usant de vocables qui expriment des intensités différentes, avant de proposer des pistes de professionnalisation pour y porter remède. La publication de leurs travaux avait, il y a seulement 15 ans, interpellé le monde de l’éducation et au-delà. En effet, Lantheaume soulignait « l’invisibilité et l’illégitimité de la souffrance enseignante » (2011, p. 8), un métier qui « se situe entre l’hypervisibilité et l’invisibilité » (2011, p. 9) selon elle : tout le monde le connaît (le moindre dîner en ville le rappelle toujours à un enseignant !), mais en réalité personne ne le connaît vraiment, car « le travail n’est pas ce qu’on croit qu’il est, celui des enseignants non plus » (2011, p. 9). La souffrance enseignante était encore largement ignorée de l’extérieur et tue à l’intérieur. On la pensait limitée à des cas particuliers -personnels plus que professionnels-, et concentrée dans les établissements de certains quartiers de nos villes. Les deux chercheurs se demandaient, eux, au contraire, si cette souffrance n’était pas une « part constitutive du métier » (Hélou et Lantheaume, 2008), donc un phénomène central pour une profession exercée par quelques 800.000 personnes…
III-1.2 Barrère et la sociologie du travail
Si les travaux de Barrère[23] se rapprochent de la sociologie pragmatique par les méthodes employées et la volonté de catégoriser, ils s’en éloignent cependant par le fait que Barrère ne se centre pas sur la difficulté mais sur le travail enseignant au sens large. Mais, comme Lantheaume, elle cherche à comprendre ce qui fait le travail enseignant, dans la classe et en dehors de celle-ci, mettant d’ailleurs, aussi, l’accent sur la part d’invisibilité du travail enseignant aux yeux de la société. Ses enquêtes de terrain s’appuient sur une subjectivité liée à une première carrière d’enseignante du secondaire, qu’elle utilise comme une ressource assumée au service de sa recherche. Son travail a abouti à la construction du concept de l’épreuve, « défini comme un moment de confrontation tendue avec une tâche ou un ensemble de tâches, qu’il s’agisse de la préparation des cours, de la gestion de la classe, ou de l’évaluation » (Barrère & al., 2008, p. 98) et qui lui sert pour analyser « le travail enseignant, de manière globale, c’est-à-dire non seulement le travail en classe mais également l’ensemble des tâches enseignantes » (Barrère & al., 2008, p. 89). Le travail de Barrère s’inscrit dans une visée compréhensive qui produit de la connaissance pour la mettre à disposition des formateurs.
III-1.3 Clot et la clinique de l’activité
Représentée dans l’article précité par Saujat, la clinique de l’activité est surtout médiatisée au travers des travaux d’Yves Clot, professeur au CNAM[24]. Elle se distingue d’emblée des travaux de Barrère en revendiquant deux différences essentielles. Son intérêt se porte sur la seule activité dans la classe, considérant avec Saujat que « le cœur du métier reste principalement l'expérience avec les élèves » (Barrère & al., 2008, p. 95). Son objectif est la transformation du travail, comme moyen, pour le clinicien, de le comprendre, ce qui distingue au passage clinicien et ergonome, le second voulant comprendre d’abord pour transformer ensuite. Le clinicien se définit donc tout à la fois comme chercheur et intervenant dans le milieu professionnel, ici le monde enseignant. Le terme de « clinique » indique l’approche méthodologique : il s’agit de poser un diagnostic au plus près du sujet (du « lit » littéralement en latin) par une observation directe sur le lieu de travail, en se centrant sur la tension entre la recherche de l’efficacité et la santé, partant de l’idée que « les enseignants font en permanence des compromis pour faire tenir ensemble ces deux dimensions » (Barrère & al., 2008, p. 93-94). Les cliniciens de l’activité réinterrogent dans leur lecture du travail ce qui pèse sur la santé au travail, en faisant le constat que l’activité, c’est tout à la fois ce que l’enseignant fait, mais aussi ce qu’il ne fait pas, et que c’est cet empêchement à agir qui est la source de la difficulté voire de la souffrance, expressions d’une perte du pouvoir d’agir du professionnel, pouvoir que Clot considère comme fondateur de la santé au travail (Clot, 2008).
Le travail évoluant en permanence, des questions nouvelles se posent aux enseignants, qui créent un besoin de réinterroger leur métier, ce que Clot appelle « le métier qui parle »
(2008, p. 263), comme un moyen d’élaborer, collectivement, de nouvelles réponses, au-delà des gestes à faire - les gestes connus, les « bonnes pratiques » - , pour aller vers des gestes possibles -des possibilités nouvelles- qui accroissent d’autant les ressources à la disposition des enseignants et leur rendent ainsi leur pouvoir d’agir. C’est à ses yeux l’absence de controverses, de ré-interrogations du métier qui rend ce métier malade. La clinique de l’activité propose donc de soigner le métier en recréant des espaces collectifs de controverses grâce à différents outils.
La sociologie a investi depuis longtemps le terrain de l'École, dans une approche quantitative et critique, pour y dénoncer la fameuse reproduction des élites selon Bourdieu, avant de se pencher plus récemment sur ce qui se joue réellement dans les salles de classe, dans la relation -les interactions et les malentendus notamment- entre l’enseignant et les élèves, mais aussi pour étudier les métiers de l’éducation. Si le métier d’enseignant est encore très largement perçu par la société comme un métier de privilégiés, la recherche insiste elle depuis un certain temps sur sa difficulté croissante et les « malaises enseignants » (Barrère, 2017), comme le fait aussi la clinique de l’activité. En cela, ces approches offrent des outils pour connaître et analyser les difficultés des enseignants à exercer leur métier aujourd’hui.
III-2 « Merveilleux mais douloureux »[25] ?
III-2.1 Le matériau de la recherche
Pour obtenir un matériau solide et faire émerger avant tout les difficultés du quotidien, celles que Hélou et Lantheaume qualifient d’« ordinaires » et de « constitutives du métier » (Hélou & Lantheaume, 2008), j’avais souhaité réaliser un ou deux entretien(s) de collègues, en utilisant des cahiers d’élèves. Mais aucun collègue ayant accepté, je me suis résolu à procéder autrement : j’ai proposé un questionnaire en ligne, anonyme, dans un collège (François Legros, Reims) et un lycée (Camille Claudel, Troyes). J’ai choisi de croiser les résultats obtenus avec une autre source, l’enquête menée par le SNES-FSU[26] à l’automne 2019. J’ai en revanche renoncé à utiliser les données offertes par les deux enquêtes Talis 2013 et 2018, et les notes de la DEPP[27] qui en sont issues : le corpus était trop important au regard de l’étude à mener. Le tableau suivant présente donc le matériau qui fonde ma recherche.
III-2.2 Quelles difficultés ?
Il s’agit maintenant de voir comment, en se servant du cadre scientifique défini au point précédent, les données présentées ci-dessus peuvent renseigner ma connaissance de la difficulté enseignante et me permettre de la catégoriser.
III-2.2.a La santé au travail (Lantheaume, Clot)
Définir la difficulté nécessite de définir au préalable ce qu’est l’absence de difficulté, autrement dit la santé au travail. Pour ce faire, je vais utiliser ce qu’en disent Lantheaume et Clot.
Lantheaume propose une définition du travail qui en souligne le caractère multidimensionnel :
Travailler n’est pas seulement respecter des consignes, un programme, mais faire face
à l’imprévu, ajuster son action, la coordonner avec d’autres dans le cadre d’une organisation du travail prescrite, en fonction des ressources du métier et de celles que chacun mobilise et crée dans l’interaction avec l'environnement. Enseigner n’est donc pas plus “appliquer” des directives qu’une simple question de technique didactique ou pédagogique (2011, p. 9).
Ce que Clot précise en disant que « vivre au travail c’est donc pouvoir y développer son activité, ses objets, ses instruments, ses destinataires, en affectant l’organisation du travail par son initiative » (2008, p. 7). C’est à cette condition, selon Clot, que l’enseignant -le travailleur en général- se sent pleinement actif (pas seulement agissant au sens de faire la tâche prescrite), et, citant Canguilhem, il ajoute : « je me porte bien, dans la mesure où je me sens capable de porter la responsabilité de mes actes, de porter des choses à l’existence et de créer entre ces choses des rapports qui ne viendraient pas sans moi » (2008, p. 6).
Ainsi défini, le métier, comme tout métier, ne peut être réduit à la simple exécution d’un prescrit : l’enseignant est le propre créateur d’une activité toujours située. C’est parce qu’il est justement le propre créateur de son activité qu’il peut tisser des liens entre les composantes du métier et ainsi donner un sens et une valeur à son travail. L’activité de l’enseignant est donc unique car elle est re-créée à chaque situation. Il peut alors se sentir pleinement responsable de ses actes ; il peut se soumettre aux « deux sources de reconnaissance mises à jour par les sciences du travail [...] le jugement d’utilité définie par la hiérarchie » (Lantheaume, 2011, p. 14) et le « jugement de beauté attribuée par les pairs » (Ibid. p. 14), si un collectif de travail existe.
On le comprend, le métier d’enseignant repose sur une forte implication personnelle et une subjectivité presque toujours présente. Cette implication personnelle est d’autant plus forte que vie privée et vie professionnelle sont difficiles à séparer dans le temps et l’espace. Elle est aujourd’hui mise en tension par la question de la qualité du travail, autrement dit la définition de ce que ce serait « un bon enseignant » et « un bon cours », questions non tranchées dans le contexte de massification. Mais elle l’est aussi, et de façon plus récente, par ce que Lantheaume qualifie de logique de service (2011, p. 13) : l’enseignant se doit de rendre un service personnalisé à chaque individu-élève et il porte la responsabilité de la qualité de ce service dans le contexte de ce qu’on nomme le new public management[28], ce qui le laisse seul face à ses difficultés le cas échéant car il est le garant -individuel- de la qualité de son travail.
C’est de ces tensions que je vais essayer de faire émerger les difficultés des enseignants. Je m’appuierai pour cela sur les épreuves de Barrère qu’elle définit, rappelonsnous, comme « un moment de confrontation tendue avec une tâche ou un ensemble de tâches, qu’il s’agisse de la préparation des cours, de la gestion de la classe, ou de l’évaluation » (2008, p. 98).
III-2.2.b « La cyclothymie de la relation» (Barrère)
Par cette expression Barrère met en évidence ce que toutes mes sources expriment :
la relation entre enseignants et élèves peut s’avérer difficile, même si, de façon peut-être paradoxale, tous les enseignants, dans toutes les enquêtes, manifestent un attachement fort à leurs élèves.
Dans mon enquête, 90 % des enseignants se déclarent satisfaits ou très satisfaits des relations avec leurs élèves. Les verbatims soulignent cependant nombre de difficultés dans la relation et avancent quelques explications : « trop d’élèves considèrent que l’école est à la carte, sèchent les devoirs, arrivent et repartent aux heures qu’ils souhaitent » (L34) ou encore « le désintérêt, voire la défiance que semble montrer une partie des élèves vis-à-vis des savoirs » (L19). C14 se plaint d’une « classe comme les 602, pas élevés [...] qui ne font rien » alors que C3 réclame « plus de pouvoir disciplinaire » Les enseignants aiment leurs élèves, mais dès qu’on parle travail, les relations se tendent !
Barrère souligne que c’est le climat scolaire qui est pour l’enseignant le premier juge de la qualité d’une heure de cours, bien avant la qualité des apprentissages (2017, p. 70) : là se mesure, ou pas, son autorité, c’est-à-dire sa capacité à faire accepter comme légitime son expertise par les élèves (p. 125).
Pour les chercheurs, ces difficultés sont liées à la nature même du travail et à son évolution et font partie de la professionnalité enseignante. Clot rappelle en effet que le métier constitue une activité sur autrui, dans un rapport multiple puisque l’enseignant travaille pour l’élève, sur lui, avec lui mais parfois aussi contre lui et même sans lui (2007, p. 88). La relation est aussi devenue plus importante car la massification et l’explosion de l’hétérogénéité ont débouché sur une nécessaire différenciation/ individualisation du travail et de la relation enseignant-enseigné qui expose d’autant plus l’enseignant que l’élève est éloigné des attentes normatives de l’École. Barrère résume cette mutation en disant qu’« il s’agit moins désormais de faire cours [un cours magistral, descendant où seule la transmission des connaissances compte] que de faire classe » (2017, p. 31), c’est-à-dire permettre une mise en activité des élèves qui rende possible les apprentissages, dans un cadre de travail au moins acceptable. Or cette injonction à des démarches pédagogiques actives peut être une autre épreuve pour l’enseignant.
III-2.2.c « Le fantôme de l’impuissance » (Barrère)
Derrière cette formule, qui a de quoi hanter le sommeil des enseignants, nous semble se dissimuler une double impuissance. L34 insiste sur la difficulté à « capter l’attention sur une durée assez longue », devenue « mission impossible », tout comme « faire lire le Rouge et le noir ou Les mémoires d’Hadrien en Première », ce que l’enseignant explique par les « lacunes importantes à l’arrivée en seconde » et « le temps hebdomadaire dont nous bénéficions et l’ampleur des programmes ne permettent pas de combler ». On a bien ici l’expression de ces impuissances.
Mon enquête met en évidence que pour les enseignants, l’impuissance se situe d’abord face à la classe : 35 % de enseignants soulignent le manque d’implication des élèves, ce que L30 explique par « les nouvelles addictions » qui se traduiraient par « un manque de concentration, l’absence d’assimilation des connaissances liées à un manque de sommeil ». Mais un autre problème revient en effet massivement chez plusieurs répondants de l’enquête, notamment C14 qui déclare ne pas réussir à travailler avec les « enfants atteints de troubles spécifiques du développement [...], des élèves ayant des handicaps mentaux graves ».
Finalement, bien plus que l’investissement des élèves, c’est bien l’hétérogénéité qui ressort comme la principale source de difficultés des enseignants (⅔ des réponses à mon enquête), en lien avec l’inclusion. Dans la question 9 sur l’évolution du temps de travail, l’enquête SNES-
FSU pointe parmi les causes de son augmentation le nombre d’élèves à prendre en charge en parallèle à l'hétérogénéité et à l’inclusion. Dans la question 19, la même enquête met en évidence les questions d’effectifs (et leur corollaire, l’absence de moyens pour travailler en groupe) comme un facteur aggravant. En résumé, gérer le nombre, avec des besoins de plus en plus différenciés, est source de difficultés.
Mais, à l’instar de L26, les programmes sont aussi très souvent mis en cause : ce répondant dénonce « le gouffre entre le travail prescrit in abstracto dans l’idéal théorique des
“y’a qu’à’’, ‘’faut qu’on’’, déconnectés de la réalité, [...] et la réalité concrète de ce qu’il est possible de faire ici-bas par nous, simples mortels, avec les moyens qu’on nous octroie et le temps dont on dispose ». L24 insiste sur des « programmes [qui] sont devenus infaisables par leur ambition et leur encyclopédisme ». Les programmes, principaux mis en cause dans l’augmentation du temps de travail au lycée en cette année de réformes (par 70% des répondants, question 9 de l’enquête SNES-FSU), posent le problème de leur adaptation au public selon plus de la moitié des collègues de lycée (question 23). C5 réclame pour le collège « des programmes moins lourds » tandis que C15 souhaite disposer de « davantage de temps » pour les mettre en œuvre.
Il y a donc l’expression de deux grandes impuissances : la gestion de l’hétérogénéité croissante et la mise en œuvre du prescrit. La traduction d’un écart entre ce qui est attendu de l’enseignant et ce qu’il est possible de faire dans l’activité réelle de la classe est formulée lapidairement par C15 qui affirme que les enseignants sont « découragés et impuissants ». Et pourtant, dans l’enquête SNES-FSU, 88 % (collège et lycée confondus) déclarent un temps de travail en hausse par rapport aux années précédentes, ne permettant cependant plus forcément d’approfondir les tâches pour beaucoup (question 10).
Lantheaume affirme que ces impuissances multiples créent chez les enseignants un sentiment d’inutilité face à la difficulté, sentiment né du « décalage entre leur engagement et les résultats des élèves » (2011, p. 11). « L’immensité de la tâche d’intéressement, semblant sans fin, conduit à un découragement exprimé par la majorité des enseignants, même les plus engagés dans leur métier » (Hél0.
ou & Lantheaume, 2008, p. 68). Clot qualifie d’empêchement cette impuissance. Il est selon lui constitutif de l’activité, au même titre que ce qui est réalisé, et peut-être plus encore puisque « l’activité retirée, occultée, repliée [...] pèse de tout son poids dans l’activité présente » (Clot,
2008, p. 89). En d’autres termes, ce que l’enseignant voudrait faire mais n’arrive pas à faire est au cœur de malaise enseignant.
III-2.2.d « Le deuil de la discipline » (Barrère)
La lourdeur des programmes est d’autant plus dénoncée qu’elle s’accompagne d’une réduction des volumes d’heures affectés à la plupart des disciplines, comme nous l’avons montré dans l’analyse du prescrit. Les enseignants ressentent donc « un décalage [...] entre le contrat initial sur lequel ils ont été recrutés (l’excellence dans une discipline d’enseignement à transmettre) et la réalité du métier (l’apprentissage à des élèves souvent rétifs et peu intéressés, de plus en plus de tâches autres que l’enseignement) » (Lantheaume, 2011, p. 11).
Le temps de travail des enseignants devant les élèves n’a pas évolué depuis le décret de 1950, avec les mêmes obligations de service pour les certifiés et les agrégés. Mais il est un fait que la part du temps de travail consacrée à l’enseignement de la discipline de recrutement dans le temps de travail hebdomadaire total[29] diminue au profit d’autres missions administratives ou périscolaires. L’enquête SNES-FSU montre que cette évolution est ressentie comme une problématique saillante (question 19a), qui accroît la charge de travail (question 9) :
« augmentation du nombre de réunions », « implication dans des projets », « demandes de la direction sans lien avec le métier » ... Les enseignants déclarent travailler de plus en plus, mais de moins en moins à leur discipline (même si la complexité des programmes est presque toujours pointée).
Ce constat de tous, observé par Lantheaume plus haut, traduit là encore une évolution profonde : le métier change parce que les finalités de l'École changent avec la massification, passant d’une école devant produire une élite à une école capable d’assurer l’insertion économique et sociale de tous et le vivre-ensemble dans la République (Barrère, 2017, p. 20). Les enseignants sont-ils en opposition à cette « évolution-révolution » voulue par la société et portée par les réformes successives ? Résistent-ils en refusant de faire évoluer leurs pratiques et leurs enseignements ?
On peut en effet le penser quand 60 % des enseignants de notre enquête souhaitent un arrêt des réformes et 45 % une réaffirmation disciplinaire du métier (question 11). En fait, audelà de la défense de leur propre discipline se cache autre chose. Barrère cite Crozier et Friedberg (2017, p. 132) :
La notion de résistance au changement devrait être rayée du vocabulaire. Non qu’il n’y ait pas de résistance. Mais celles-ci ne sont le plus souvent que l’expression de l’appréciation tout à fait raisonnable et légitime par les acteurs concernés des risques que comportent pour eux tout changement conçu en dehors d’eux et visant à rationaliser leur comportement.
La résistance serait en fait un ajustement du comportement à une situation nouvelle. Et Barrère précise : « ces stratégies visent à maintenir une marge de manœuvre [...] et à maîtriser au mieux ce que Crozier et Friedberg nomment des ‘’zones d’incertitude’’, cruciales pour la conservation de leur pouvoir. » (2017, p. 133). En résistant, l’enseignant chercherait en fait à maintenir un espace de liberté, donc de créativité, fondée par exemple sur une réappropriation personnelle du prescrit, à l’opposé d’une vision tayloriste du travail enseignant. Il limite aussi les incertitudes anxiogènes en opposant à la rupture créée par le changement de prescrit « un changement dans la continuité par essai-erreur, ajustements successifs, par confrontation et coopération entre professionnels sur un temps assez long » (Lantheaume, 2011, p. 11).
Ces stratégies ou résistances interrogent le sens du métier. Or, ce sens ne fait pas aujourd’hui consensus : près d’un enseignant sur deux questionné par le SNES-FSU (question 18-5) a le sentiment d’une perte de sens de son métier. Au lycée, la plupart des répondants rejettent le discours institutionnel sur les finalités de la réforme, en n’étant par exemple « pas du tout d’accord » (72 %) ou « pas vraiment d’accord » (15 %) sur le fait que la « réforme du baccalauréat rend l’examen plus juste pour les élèves » (question 25). C17 affirme que le « métier perd d’année en année de son sens ». L30 appelle à « stopper la réforme Blanquer, ses incohérences », ajoutant « on passe à côté de l’essentiel », comme une interrogation sur le sens des réformes. L26 apporte son explication à cette situation : « On cherche à faire passer en force des réformes posant objectivement de simples problèmes logistiques, mais aussi des soucis éthiques, déontologiques, sans concertation avec les seuls experts de terrain [...] totalement déconnectés de la réalité du terrain ». La critique est puissante et montre une double cristallisation sur la réforme des programmes mais aussi des structures qui en conditionnent la mise en œuvre avec de nombreuses réformes enclenchées qui visent notamment à poursuivre un changement en profondeur du travail enseignant. Les enseignants cherchent à (re-)donner du sens à leur métier et ce n’est pas toujours simple.
Si ce sens leur échappe, c’est selon Barrère et Lantheaume pour la même raison : la manière de réformer l’école rend illisible le message politique sur son sens. La seconde constate sur le fond « l’ambivalence du projet politique et institutionnel [qui] se traduit par des injonctions se succédant rapidement et oscillant » tandis que sur la forme, elle souligne que « les politiques publiques éducatives se font depuis les années 1990 sur un modèle de changement imposé de l’extérieur. Ce modèle repose sur une certaine défiance à l’égard d’un groupe professionnel perçu comme puissant » (2011, p. 11). Et la première voit dans les résistances « l’absence de construction commune des problèmes » (2017, p. 133).
Pour définir ce qui se joue alors chez l’enseignant, Clot parle de déréalisation (2008, p.7) : le sujet perd l’estime de soi et par conséquent son efficacité au travail. Il n’arrive plus à penser les liens entre prescrit, moyens et finalités, il ne donne plus de sens à ce qu’il fait, à l’opposé de ce que nous avons précédemment défini, en nous appuyant toujours sur Clot, comme la santé au travail. Cette déliaison entre les buts poursuivis et ce qui compte vraiment pour lui (en tant qu’idéal professionnel) dépasse la difficulté ordinaire.
III-2.2.e « Les enjeux de la reconnaissance » (Barrère)
On peut situer ces enjeux à trois niveaux.
La première reconnaissance est une reconnaissance entre experts : les collègues, de l’établissement ou d’ailleurs. Ce sont eux qui exercent ce « jugement de beauté » évoqué par Lantheaume (2011, p. 14) et qui permettent de se sentir pleinement membre du métier. L’auteur souligne néanmoins que ce jugement ne peut s’exercer que s’il y a travail collectif, ce qui est rare dans notre organisation, les établissements étant rarement pensés pour offrir des espaces de travail aux enseignants. C14 souligne aussi, au sujet des EPI, qu’« on nous oblige à travailler avec des collègues qui n’ont pas forcément l’envie, qui ne font pas forcément le job » … Travailler avec les autres collègues serait donc une épreuve aussi ! Et cette épreuve peut être accentuée par les réformes : le contexte de réforme au lycée tend les relations entre disciplines et entre collègues selon l’enquête du SNES-FSU (question 24).
L’enquête souligne aussi qu’au cours des dernières années, les relations ont diminué en quantité et qualité en collège comme en lycée, parallèlement à une augmentation des conflits (question 13). Les relations entre enseignants sembleraient donc se distendre au regard de ces deux enquêtes. L’enseignant français, même s’il entretient des relations affinitaires fortes avec ses collègues, ne peut trouver là des ressources suffisantes pour surmonter les difficultés rencontrées.
Ces ressources pourraient venir de sa hiérarchie, au premier rang de laquelle se situent le chef d’établissement et l’Inspecteur Pédagogique Régional, qui sont aussi les deux personnes qui évaluent son travail et donc influent sur son avancement, mais qui ont aussi un rôle essentiel et croissant de conseil et d’accompagnement dans le cadre du PPCR[30].
Selon les résultats de l’enquête-SNES-FSU, le jugement sur les équipes de direction est très contrasté : certains y voient « un soutien » (surtout en collège où la proximité est souvent plus forte), quand d’autres les jugent « ignorantes et déconnectées du travail » (surtout en lycée). Les enseignants de mon enquête délivrent, eux, un très net satisfecit à l’égard de leur direction. Barrère souligne toutefois que les réformes de gestion, en renforçant le rôle de pilotage pédagogique des personnels de direction, aboutissent parfois à des formes de « collégialité contrainte » (2017, p. 148) qui peuvent s’opposer à la collégialité spontanée des enseignants ou à la liberté pédagogique de ceux-ci quand la direction entend faire évoluer les pratiques vers ce qu’elle estime être de « bonnes pratiques », à tout le moins de meilleures pratiques.
Les IA-IPR cristallisent bien plus de mécontentement que les personnels de direction. Ainsi, dans mon enquête, les avis sont diamétralement opposés entre les enseignants satisfaits de leurs relations avec les IPR et les mécontents. Seuls 2 répondants (sur 34) souhaitent l’aide des IPR dans leurs missions… Cette distance entre enseignants et IPR est forcément exacerbée dans les périodes de grande transformation puisqu’il appartient aux IPR de mettre en œuvre et d’accompagner les réformes pédagogiques en cours. Ils sont donc très exposés car eux seuls sont au contact direct des enseignants et de leurs difficultés, devant avoir des réponses à des questions sur lesquels ils n’ont eux-mêmes pas de prise, dépendants du Ministère (la DGESCO[31] en particulier) et notamment de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la jeunesse. Cette surexposition du corps des IPR en fait le réceptacle de bien des manifestations de mauvaise humeur. Ils incarnent en effet aux yeux des enseignants ce qui est aujourd’hui dénoncé massivement : une école de la défiance plus que de la confiance en son corps enseignant alors qu’il « faut faire confiance aux professeurs sérieux » (C14), une hiérarchie qui n’arrête pas « d'’infantiliser les enseignants, de mettre des carcans » (C14). C10 va plus loin encore en visant le centre du système et en évoquant le « mépris » du « ministre lui-même vis-à-vis de notre travail ». Ce qui s’exprime ici, c’est la distance croissante entre « le corps et la tête » si l’on peut dire ainsi : une distance et un sentiment de méconnaissance et d’incompréhension violemment ressentis par les enseignants et qui s’incarnent dans le modèle de gestion mis en œuvre depuis le début des années 1990 avec « la montée d’une culture des résultats dans les établissements [qui] les place de facto sous le signe de ce qu’on appelle ''le nouveau management public'' [...] se caractérisant par l’effort pour importer des modes de gestion du privé mais aussi une attention nouvelle portée à l’efficacité de l’action » (Barrère, 2017, p. 151).
L'École se doit d’être efficace, une efficacité mesurée de façons multiples, dont le très médiatisé classement PISA[32], brandi aux yeux de ses détracteurs comme un moyen détourné pour imposer aux enseignants des réformes qui sont légitimées par les résultats obtenus à ces tests standardisés. On a ainsi un transfert sur l’enseignant de la responsabilité de la réussite de l’élève, dans une logique non plus de moyens mais de résultats (Hélou & Lantheaume, 2008, p. 74), sans pour autant que l’enseignant ait le sentiment d’être écouté sur cette évolution et d’avoir reçu les moyens de sa mission (Lantheaume, 2011, p. 14-15).
Enfin, les enseignants sont très nombreux à revendiquer de « revaloriser la profession et les salaires » (L22) ou de « revaloriser la parole et le métier d’enseignant » (C10). Cette idée de re-valoriser, de re-donner de la valeur au métier d’enseignant, notamment par le salaire, mais pas uniquement, semble constituer un horizon d’attente très fort et un préalable à tout apaisement des relations entre enseignants et institution.
On peut supposer que les enseignants cherchent ici une reconnaissance de nature à chasser le sentiment de déclassement qui les habite, le divorce entre « le statut et le métier » (Barrère, 2017, p. 18) aboutissant à « une forme d’ascension sociale en trompe-l’oeil, en particulier pour les enseignants des classes populaires » (Ibid. p19). L’auteur explique son constat par l’idée que les avantages supposés du métier toujours mis en avant dans l’opinion publique (vacances, protection contre le chômage et faible temps de travail) ne constituent plus « une contrepartie suffisante au regard de la pénibilité du métier » (Ibid. p.20), une pénibilité prise en compte par l’Institution pour une fraction seulement des enseignants dans le cadre des dispositifs REP+. Pour obtenir cette reconnaissance sociale, les enseignants doivent reconquérir d’abord l’opinion publique. C10 voit cela comme un défi particulièrement difficile car
« le plus difficile à vivre reste sans doute le mépris qu’ont beaucoup de parents d’élèves [...] de notre travail : la quasi-totalité des profs cherche à bien faire, se remet en question, travaille énormément, mais cela n’est pas reconnu par la société, notre salaire n’est pas du tout motivant et finalement très décourageant ». Il est vrai, selon Hélou et Lantheaume, que « la société et les parents ont eux aussi un rapport plus critique à l’enseignement et aux enseignants » (2008, p. 67). Les enseignants vivent mal les critiques qui leur apparaissent injustes au regard de leur investissement.
III-3 Comment qualifier les difficultés des enseignants ?
Le vocabulaire des risques psycho-sociaux offre nombre de termes pour qualifier ce que j’ai pour l’heure désigné sous le terme d’épreuves. Il convient, pour terminer mon étude de ces épreuves, de s’arrêter sur les mots pour dire les maux des enseignants, en prenant appui sur l’article de Hélou et Lantheaume qui cite les travaux de Hirschman (2008, p. 75). Je voudrais montrer comment la difficulté se manifeste, quelles réponses chacun essaie de trouver, le plus souvent seul, parfois en bénéficiant d’un accompagnement quand la souffrance ne permet plus d’exercer le métier devant les élèves et les collègues.
IV- UNE PROPOSITION POUR L’ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
IV-1 Une proposition réaliste
La mise en œuvre d’une clinique de l’activité vient souvent répondre à une souffrance en milieu professionnel (Clot, 2008). Elle est lourde et difficile à mener car elle implique :
- Des professionnels très bien formés pour l’animer (formation à la psychologie) ;
- Des dispositifs qui nécessitent une très grande confiance entre les membres du collectif, fondée sur le respect de règles éthiques ;
- Une action sur l’organisation du travail qui est, de fait, limitée dans le cadre de l'École.
Nous faisons donc le choix de ne pas la proposer en tant que telle ici, mais de la penser comme un objectif de plus long terme. Il nous semble préférable de proposer un dispositif qui intervienne très en amont de la souffrance enseignante en le situant (si l’on repense au schéma de la partie III-3) entre l’émergence des difficultés et la recherche individuelle de solutions. Le projet est bien une prise en charge par un collectif d’enseignants, accompagnés d’un formateur, de la difficulté ordinaire du métier, de façon à prévenir le risque de souffrance au travail en mettant en place un outil qui vise au maintien de la santé par le développement de l’agir professionnel (Clot, 2008). Il s'agit donc de proposer un atelier d'analyse des pratiques professionnelles (APP).
IV-2 Concevoir la formation
IV-2.1 Le public
L’action de formation que nous proposons peut concerner différents publics : ● Équipe disciplinaire d’un établissement ou d’un bassin ;
- Équipe pluridisciplinaire d’un établissement, d’un réseau ou d’un bassin ;
- Équipe éducative incluant personnel enseignant et non-enseignant selon les objectifs poursuivis.
L’efficacité de la formation nous semble d’autant plus forte que :
- Le public est volontaire (la subjectivité est forte et nécessite une implication constante) ;
- Le public est limité à un groupe de taille réduite : entre 6 et 12 personnes ;
- La mixité titulaires - non-titulaires et la mixité débutants - enseignants expérimentés sont effectives. Ces mixités sont importantes si l’on pense à la dimension transpersonnelle du métier (Ruelland-Roger, 2008, p. 119), et donc de nature à favoriser l’entrée dans le métier et sa transmission. Elle est d’autant plus intéressante que la maquette de formation actuelle de l’INSPE[33] a introduit les ECR[34]qui ont donc familiarisé les néo-titulaires à l’analyse des pratiques.
IV-2.2 Les objectifs
La discussion préalable avec le(s) chef(s) d’établissement et/ou le responsable du réseau ou du bassin doit faire émerger les objectifs de la formation, en lien avec le Référentiel des compétences des enseignants (2014), notamment les points :
- Coopérer au sein d'une équipe ;
- Contribuer à l'action de la communauté éducative ;
- Coopérer avec les partenaires de l'école ;
- S'engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel.
Dans le cadre de l’APP, c’est bien sûr le point 14 qui mobilise le plus notre attention. Sa déclinaison peut cependant varier selon les publics et les objectifs discutés avant la formation. On peut envisager trois grands objectifs, mais qui ne peuvent être tous trois retenus :
- Apporter des solutions à des problèmes (disciplinaires ou le plus souvent pluridisciplinaires) identifiés en amont de la formation.
- Réinterroger les routines d’une équipe, d’un réseau ou d’un bassin.
- Développer la réflexivité des participants.
L’action menée doit avoir un impact sur au moins un des trois éléments suivants :
l’apprentissage des élèves ; le développement professionnel des enseignants ; l’organisation scolaire (IFE, 2018, p. 8-11). Cette question de l’objectif est importante à discuter dès la commande mais devra peut-être être renégociée au début voire en cours de formation au gré de l’évolution de la réflexion du groupe. Elle impacte nécessairement le contenu de la formation (en particulier l’usage qui sera fait des analyses produites par le collectif).
IV-2.3 Les conditions matérielles
Compte tenu de la particularité d’une telle formation, en termes de durée et de besoin de sécurisation du public, on veillera particulièrement à ces questions :
- Lieu : établissement du public.
- Salle : salle assez grande pour pouvoir s’isoler.
- Convivialité à prévoir car la formation peut être éprouvante.
- Durée : 2 heures.
- Fréquence : la régularité semble importante pour créer une habitude. Prévoir une analyse toutes les 4 à 6 semaines, soit 6 à 10 sur l’année, en fonction des besoins exprimés par le public.
- Horaire : là aussi, penser la régularité. L’idéal serait d’anticiper la participation dans les emplois du temps de façon à libérer un créneau horaire en journée.
Même si le public est par essence volontaire, le caractère potentiellement déstabilisant de l’APP peut être un motif d’abandon. La stabilité des conditions matérielles est un atout pour éviter les abandons.
IV-2.4 Les règles de fonctionnement
Les règles de fonctionnement sont pensées en amont par le formateur comme des conditions indispensables et non négociables. Il en est le garant car l’APP repose sur une confiance entre membres, et entre membres et formateur. Le Référentiel de compétences professionnelles du formateur de personnels enseignants et éducatifs (2015) est d’ailleurs très clair sur ce point, notamment dans la partie « Mettre en œuvre – animer ».
Ces règles doivent être énoncées lors de la première rencontre de clarification avec le public, admises et partagées par tous les membres.
On posera donc et on expliquera devant le groupe les règles suivantes :
- Non-jugement (un réflexe premier et paralysant).
- Non-conseil.
- Confidentialité des échanges.
- Droit à la parole et droit au silence. ● Égalité entre tous les membres.
On veillera particulièrement à ce qu’aucun collègue n’exerce par sa personnalité un leadership sur le groupe, imposant sa parole et ses pratiques comme normatives, ou à l’inverse, un collègue qui chercherait dans les faits un tête-à-tête avec le formateur dans une démarche qui serait celle de l’accompagnement individuel.
IV-2.5 Le choix de la question
C’est une question bien sûr importante. Elle dépend au premier chef du public : on peut ainsi avoir des questions de didactique disciplinaire ou transdisciplinaire, des questions de vie scolaire et gestion de classe, des questions liées au fonctionnement de l’établissement… La concertation en amont permettra de clarifier les thèmes et au formateur de s’y préparer.
Il faut aussi envisager le choix de la question en séance. En fait, plusieurs options peuvent s’offrir :
- Un choix en amont de la séance par questionnement du public (il ne convient pas de faire des propositions avec un choix fait dans une liste). Cette solution facilite la préparation du formateur mais a le défaut de permettre au narrateur, l’enseignant qui expose une situation professionnelle (s’il est connu avant), de préparer son récit et de penser ses représentations.
- Un choix en début de séance. On peut soit opter pour le premier membre du collectif qui souhaite prendre la parole, soit laisser émerger une question en partant d’un « quoi de neuf ? » qui libérera la parole et créera une plus grande spontanéité.
- On pourrait aussi opter pour un système de « petits-papiers » que le collectif remplit pour exprimer une question, et que le formateur dépouille pour faire un choix en fonction des questions soulevées. Cette solution pourrait notamment être facilement mise en œuvre si la séance commence par un retour du narrateur de la séance précédente pour évoquer ce qui est selon lui ressorti de la réflexion collective et comment il s’en est emparé dans sa pratique quotidienne. On fermerait ainsi la boucle pratique-analysepratique en revenant sur les possibles apparus par le travail d’analyse collective.
IV-3 Animer la formation : accompagner le collectif
Nous nous posons ici la question du déroulement d’une séance-type, dont nous avons estimé la durée à 2 heures. Donner un minutage précis nous apparaît difficile car la gestion du temps dépend en fait des objectifs assignés à l’APP et des besoins réels du public en situation : un cadre trop rigide sera toujours contre-productif. Cependant, il convient que l'entièreté de la démarche soit mise en œuvre pour atteindre les objectifs assignés. Aussi notre proposition intègre-t-elle quelques variantes envisageables dès la conception de manière à éviter de créer un climat d’incertitude pouvant déstabiliser le public. On gardera cependant à l’esprit que les étapes de clarification et de réflexion individuelle doivent représenter les ⅔ du temps de la formation. On prendra en compte que le début de la séance est consacré au choix de la question, et à un possible retour sur la séance précédente, soit environ 15 à 20 minutes.
IV-4 Analyser et évaluer
L’évaluation doit se faire au regard de trois éléments :
- La commande : définie par le responsable de la demande de formation et renégociée au début de la formation, le respect de la commande (en matière de résultats) est toujours difficile à mesurer en matière d’APP car c’est une action de long terme. On se doit cependant dans les échanges avec le collectif et dans des observations simples (assiduité, enthousiasme, …) de chercher cette mesure et de réajuster constamment le dispositif par petits pas (un changement brutal de dispositif susciterait presque automatiquement un sentiment d’insécurité dans le groupe).
- L’éthique : elle est définie dès les premières ligne du Référentiel du formateur en rappelant que le formateur est là « pour aider la personne en formation à se construire professionnellement en développant sa réflexion et sa liberté d’initiative ». La visée transformative est centrale, mais elle ne peut être atteinte que dans un cadre sécurisant, bienveillant, particulièrement dans ce type de formation.
- La pratique : former « consiste à conduire un processus visant à une évolution des savoirs et des savoir-faire du professionnel à partir de ses connaissances, compétences, qualifications et besoins » (Référentiel, 2015). Il est donc indispensable de partir du réel (et surtout pas de situations fictionnelles génériques) et de mobiliser d’abord les ressources propres à chaque membre et au collectif (les ressources du collectif sont toujours plus importantes que la simple addition des ressources de chaque membre du collectif). C’est ainsi que l’on peut travailler la dimension transpersonnelle du métier qui est celle qui abrite le genre professionnel et la mémoire du métier, et dont le questionnement dynamique nourrit la vitalité de ce métier et de ses membres, donc leur santé (Clot, 2008, p.150).
Le formateur devra lui, comme l’y invite le Référentiel, « réfléchir entre pairs dans un groupe d’analyse de pratiques : se distancier, modéliser son action, poursuivre son processus de questionnement et de formation » pour garantir le sens et l’efficience de son action.
CONCLUSION
En reprenant Garcia et Lantheaume, il nous semble que la question de durer dans le métier est centrale dans notre institution, sauf à changer les conditions de l’emploi dans la Fonction publique. Il faut « durer » en bonne santé, c’est-à-dire en capacité de connaître un développement professionnel et personnel, ce qui passe nécessairement par une capacité à redéfinir de façon dynamique et partagée le métier, à le faire vivre. Le seul moyen d’atteindre cette nécessaire ambition, c’est de développer toutes les formes de travail collectif, pour débattre de didactique, d’inclusion, d’organisation interne, de projet d’établissement ou de relations avec l’ensemble de la communauté éducative. Aucun sujet de préoccupation de l'École ne peut échapper aux bienfaits du collectif, des controverses, des propositions élaborées collectivement et mises en œuvre en situation avec l’espace de liberté et de singularité qui les rendent efficaces. Le collectif, ce n’est pas moins de liberté, c’est asseoir la liberté de chacun sur le groupe, pour la porter, la légitimer et l’enrichir. Devenir plus libre en réalité, donc en meilleure santé.
Le travail réalisé ici a permis d'approfondir des intuitions et une observation, fruits d'un vécu professionnel. On constate que la recherche confirme ce que le corps enseignant exprime sous de multiples formes ces dernières années et ce que chacun peut percevoir de façon subjective au contact des enseignants. La lecture de quelques auteurs a permis de préciser ce qui fait réellement difficulté et de mettre en mots ces difficultés. J’ai croisé des approches différentes mais qui convergent vers des résultats proches qui objectivent mes connaissances. La proposition qui en découle est, elle aussi, le fruit d'un vécu. Ce vécu est le résultat d’une construction collective, d'une façon d'être à l'Autre, construite pas à pas avec les collègues, sans que cela soit d'ailleurs discuté. Seul l'effet était parfois exprimé, après coup, quand l'un de nous avouait au détour d'une conversation les bienfaits du collectif. Ce sont davantage les regards extérieurs, souvent étonnés, parfois envieux, qui nous faisaient prendre conscience de la relative singularité de notre fonctionnement. Là encore, les lectures ont permis d'enrichir la réflexion sur le sujet. Il existe un grand nombre d'auteurs et de fonctionnements sur la question de l'analyse des pratiques professionnelles. Aujourd'hui, il y a consensus sur la portée de telles pratiques en matière de développement professionnel, et l'accroissement des difficultés du métier n'est certainement pas étrangère à la production scientifique sur le sujet.
Je retire du travail mené et des échanges avec des collègues, et notamment Madame Ruiz qui est à l’origine de ma démarche, qu'il ne suffit pas de vivre une expérience pour savoir et comprendre. L'expertise nécessite non seulement une appropriation de la recherche, mais aussi un recul réflexif sur ses propres pratiques. Et dans un cas comme dans l'autre, un questionnement permanent, une ouverture d'esprit et un regard critique.
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ANNEXES
Annexe 1 : questionnaire
On trouve ici les captures d'écran du questionnaire de notre enquête et les statistiques produits par l'outil d'analyse de framaforms (https://framaforms.org/content/creez-et-diffusez-vosformulaires-facilement)
Annexe 2 : verbatims accompagnant les réponses au questionnaire précédent
Réponse 8 : les changements depuis le début de carrière
L34 Énorme décalage entre les programmes et les attentes des élèves ou des familles (lecture, grammaire, époques...)
Lacunes importantes à l'arrivée en seconde : le temps hebdomadaire dont nous bénéficions et l'ampleur des programmes ne permettent pas de les combler.
Programmes de plus en plus contraignants, peu de liberté pédagogique. (École de la confiance, vraiment ?)
Manque évident de sommeil et de travail personnel chez les élèves (temps passé devant les écrans : jeux et réseaux sociaux, y compris la nuit.)
L30 Les nouvelles addiction des élèves (jeux vidéo et réseaux sociaux) => manque de concentration, absence d'assimilation des connaissances liée au manque de sommeil... Un absentéisme devenu chronique
...
L26 Le climat, l'ambiance, l'atmosphère, le manque flagrant de bienveillance, les pressions, la façon dont on cherche à faire passer en force des réformes posant objectivement de simples problèmes logistiques, mais aussi des soucis éthiques, déontologiques, sans concertation avec les seuls experts de terrain, sans ménagement, sans respect, sans bienveillance, avec, de l'autre côté, des discours se voulant bien mais totalement déconnectés de la réalité du terrain, comme de nombreux inspecteurs dont on pourrait ainsi légitimement remettre en cause le professionnalisme, la compétence, voire la légitimité et l'utilité, tout cela n'étant sûrement que le fruit de l'immixtion des méthodes déplorables du néo-management, dont Johann Chapoutot met en évidence les liens avec le système nazi.
L24 * une pression énorme sur les examens (infantilisation des enseignants : ils seraient les seuls responsables de la réussite - ou non - de leurs élèves ; infantilisation des élèves : ils sont cantonnés dans des pratiques de bachotage et de restitution de connaissances mal digérées)
* des programmes devenus infaisables par leur ambition et leur encyclopédisme
L19 le désintérêt, voire la défiance que semble montrer une partie des élèves vis à vis des savoirs
C 5 l'inclusion d'élèves relevant d'autres structures l'adaptation pour les élèves "dys" la "pression" sur les projets
la lourdeur des programmes
C14
Trois réponses supplémentaires :
1) L'inclusion depuis 2005, mais je ne le ressens vraiment que depuis 2010.
Selon moi, et je ne prétends pas avoir raison, la scolarisation des élèves en situation de handicap est une richesse pour les élèves et les professeurs, tant que le handicap reste moteur, auditif ou visuel, ou que les troubles sont limités à des "dys" (ai-je le droit d'appeler cela un handicap dans ce cas ? Je ne sais pas). Quand j'écris cela je pense aux dyslexiques et dysorthographiques ; aux dysphasiques ; aux dyspraxiques ; aux dyscalculiques... Tous ces enfants, de plus en plus nombreux, me poussent à chercher des méthodes innovantes.
Mais intégrer à l'école des enfants atteints de troubles spécifiques du développement des processus attentionnels graves, des troubles d’attention avec hyperactivité ; intégrer à l'école des élèves ayant des handicaps mentaux graves (Quand bien même leurs capacités intellectuelles sont indemnes) (Nous avons des schizophrènes dans nos classes ! Non accompagnés !), que nous ne pouvons pas "punir" comme les autres car "ce n'est pas de leur faute", va à l'encontre de ce pourquoi l'inclusion aurait été mise en place. Un sentiment d'injustice et de rejet se forme petit à petit vis à vis de ces élèves, à qui on donne beaucoup de moyens mais qui nous rendent peu, voire RIEN.
- Le fait que les parents se dédouanent de plus en plus sur l'école pour TOUT faire. Ils ne s'occupent plus de leurs enfants (quelle que soit la catégorie socio professionnelle - les "riches" délèguent à des profs particuliers, inscrivent leurs enfants à un panel d'activités impressionnant, mais ne partagent pas de temps avec leurs enfants. Les autres ne font rien.
Ni temps partagé, ni amour donné à leur progéniture, rien)
- Le mépris global des gens pour notre profession. De plus en plus.
Je caricature, et je suis fatiguée et déprimée. Mais c'est globalement ce que je ressens et ce que je pense quand même, au risque de te choquer
Réponse 9 : les changements les plus difficiles à mettre en oeuvre
L34 Capter l'attention sur une durée assez longue devient mission impossible avec certains élèves.
Faire lire "Le Rouge et le Noir" ou "Les Mémoires d'Hadrien" en 1re = idem.
C5 l'inclusion
C14
Rien de plus mais j'explique un peu.
Nulle part il est noté dans le nouveau Pgm à quelle compétence de Maths se rattache la connaissance évaluée, (et on y a passé des heures avec Michèle à essayer de comprendre) et nous avons eu un outil opérationnel seulement cette année depuis la réforme de 2016 ! Nous pouvons enfin (youpi ! 4 ans après la réforme !) intégrer les compétences directement aux évaluations, sans faire 2 fois le travail en créant des tableaux excell, et en faisant des millions et des millions de croix seules dans notre coin. (Avant c'était l'horreur : 5 croix par élèves et par évaluation, et on pouvait pas faire de saisie en masse...) Entre les compétences du socle, les parcours éducatifs (je comprends pas tout), les compétences de maths (chercher, modéliser, communiquer, calculer, représenter, raisonner), et la seule chose que je pense bien faire c'est à dire l'évaluation des connaissances attendues en fin de cycle (nombres et calcul, espace et géométrie, grandeurs et mesure), .... pffffff soupir car je suis profondément respectueuse de l'institution, et disciplinée. Donc à chaque réforme, j'ai essayé de faire au mieux, en y passant des heures et des heures. A essayer de mettre en place des choses que je ne comprends pas.
Et le numérique : j'adore préparer mes cours, je les fais tous - enfin j'essaye- sur power point (depuis que j'ai eu des élèves sourds dans mes classes), ce qui me permet de garder un œil sur la classe, de ne quasi jamais tourner le dos aux élèves. Mais je prépare parfois pour une notion 3 ou 4 diapos différentes, pour anticiper leurs réponses, et donc adapter le cours en fonction du répondant que j'ai en face de moi.
et donc...NE PAS AVOIR UN ORDINATEUR PORTABLE FOURNI par l'éducation Nationale me révolte. J'ai dû faire 2 ou 3 prêts depuis que j'enseigne pour en avoir un portable.
Réponse 10 : les explications
L34 Élèves très dynamiques à l'oral ou dans certains types d'activités, mais difficultés insurmontables en rédaction (maîtrise de la langue, mise en œuvre d'une culture personnelle suffisante.
Connaissances peu assimilées, trop vite oubliées.
L30 La hiérarchie au sein de notre établissement est actuellement irréprochable !
L26 La multiplication des injonctions paradoxales et contradictoires, le gouffre entre le travail prescrit in abstracto dans l'idéal théorique par des "y a qu'à", "faut qu'on", déconnectés de la réalité, dans la stratosphère des idées, et la réalité concrète de ce qu'il est possible de faire ici-bas, par nous, simples mortels, avec les moyens qu'on nous octroie et le temps dont on dispose, sans pour autant ruiner sa santé ni sa vie privée.
C5 aussi le manque d'implication des élèves et des familles
C14
Je suis une pédagogue, encore une fois disciplinée et respectueuse de l'institution. J'ai toujours fait de son mieux pour transmettre des connaissances en Mathématiques aux élèves qui me sont confiés.
Je crois savoir transmettre des connaissances.
Mais cette histoire de compétences... Cette histoire d'EPI (bon j'ai connu les TPE, c'est pareil), qui nous oblige à "travailler" avec des collègues qui n'ont pas forcément l'envie, qui ne font pas forcément le job, sur des sujets sur lesquels je ne me sens pas forcément à l'aise... Même en travaillant, au détriment il me semble de ma matière dans ce cas.
Car les beaux discours "en construisant une maquette avec le prof de techno on travaille la proportionnalité et les élèves comprennent tout et on gagne du temps en classe après...". Ce n'est pas vrai. C'est vrai pour des enfants où l'environnement culturel est déjà là. C'est très élitiste, cela favorise certes les meilleurs, qui s'éclatent dans ces projets car ils ont un bagage suffisant pour s'orienter par eux même, mais les autres sont noyés, ou se laissent porter par les bons, malgré le prof qui s'investit et qui s'épuise derrière.
En outre l'élève qui a 18 sur 20 a encore une marge de progression, et sera motivé pour y arriver. L'évaluer uniquement par compétences est pour lui (et ses parents) très flou, et peu motivant pour se surpasser.
Une année une classe sans note (J'étais dans le dispositif je pourrais t'en parler) a été mise en place au collège FL : un échec.
Réponse 11 : dispositions pour mieux réaliser les missions
L26 Qu'on arrête de faire passer le laxisme savamment et pernicieusement cultivé et entretenu depuis des années pour de la "bienveillance", tout en attaquant, corrodant, détruisant le service public d'"éducation nationale"... (Comme, par exemple, de se voir conseiller explicitement par un inspecteur de surnoter les élèves pour ne pas les dégoûter d'une matière, afin qu'elle ne soit pas délaissée dans le choix des élèves...) En fait, cela va beaucoup plus loin, et inclut également la prévention des RPS à la base, à un niveau primaire, et non tertiaire, par une réelle réforme systémique. Il faudrait revoir à la base le projet de société que l'on a, et donc le projet d'une instruction et éducation pour tous, mieux former et accompagner les enseignants, et leur donner les moyens de mettre tout cela en œuvre, ce qui n'est actuellement objectivement absolument pas le cas.
L24 Une prise en compte institutionnelle - et donc financière - du travail d'équipe dans l'établissement, base d'une véritable action pédagogique efficace.
C5 des programmes moins lourds
C15 davantage de temps
C14
Je ne suis pas pour l'élève passif. Mais pas non plus pour l'élève qui construit le cours à la place du prof. Il faut remettre un cadre suffisant pour l'apprentissage.
Et il faut faire confiance aux profs sérieux.
Je n'ai pas attendu la réforme pour faire travailler les élèves en groupes, ou faire des tâches complexes (quelle horreur ce mot !) avec eux. Oui, lorsque j'ai une classe comme les 605, bien équilibrée, où il y a une vraie tête de classe, beaucoup d'élèves bien élevés, avec des parents qui suivent : et bien on cherche des problèmes intéressants, on construit des jeux pédagogues, on fait des tours de mathémagie... Mais avec une classe comme les 602, pas élevés, délaissées par les parents, qui ne font rien, qui n'ont pas de connaissance, ou très peu, je ne crois pas que cela soit ce qu'il faut faire, ou en tout cas beaucoup plus tard dans l'année, quand les connaissances sont là aussi ! Car ces élèves-là ne rentrent pas dans une démarche de construction de leur savoir, malgré toute la bienveillance que je leur donne. Toute la phase d'initiation et de construction qui devrait être inculquée par les parents ne l'est pas, et surtout encore une fois ils n'ont pas les connaissances. Dans ces classes-là, où j'ai essayé de mettre en place les îlots ou autre innovation pédagogique, car il fallait le faire, j'ai observé encore plus qu'avant la passivité des élèves largués. Alors qu'avec un cours plus "traditionnels", les sérieux progressent.
Réponse 12 : à la fin d'une journée, ...
L34 Métier très motivant, mais manque de temps pour le pratiquer dans des conditions "épanouissantes" : course permanente, bricolage de solutions dans l'urgence...Programmes trop ambitieux et pas toujours stimulants.
L30 Globalement satisfaite du métier et des relations avec les élèves, parfois même enchantée, mais très fatiguée (travail personnel, corrections, multiplication des injonctions, âge de la retraite qui s'éloigne encore après 60 ans...)
L26 démoralisé en me demandant honnêtement où l'on va, avec l'envie de démissionner et de quitter ce pays !!!...
Triste.
C5 et déçu et satisfait des élèves en même temps / cela dépend des élèves et des jours
Réponse 13 : le travail que vous faites a un sens ...
L34 Trop de bachotage dans le nouveau bac de français, à l'inverse de ce qui était demandé auparavant : lectures linéaires et exposés sur les œuvres sont en ligne ; élèves qui se sont envoyé les sujets des E3C sur les réseaux sociaux...et trouvent les profs vraiment trop naïfs puisqu'ils mettent bien, souvent de bonnes notes à ceux qui ont triché et non à ceux qui ont travaillé.
L30 Trop de bachotage, les élèves doivent moins penser, hélas.
L26 Peut-on encore parler d'"enseignant"? D'"enseigner"?... Quoi, comment, quelles valeurs, dans quel but ?... Je suis interpellé lorsque je vois ce qui se fait dans certains établissements privés hors de prix, avec l'éducation bienveillante, la pédagogie de projet, etc... On parle de "bienveillance", s'en donne-t-on les moyens ?... La CNV, par exemple, offre des outils pour cela. Cependant, en dehors des beaux discours théoriques et du blabla insipide et creux dont on nous rebat les oreilles, rien n'est fait. Si vous voulez vous former réellement, il faudra payer de votre poche. Si vous vous efforcez de mettre en pratique, il faudra le faire tout seul, envers et contre tous. Apprendre à devenir HUMAIN tout simplement avant tout devrait être une priorité, car c'est à cette seule condition que tout le reste, les valeurs humanistes, républicaines, démocratiques et les savoirs, prend sens.
L22 Surtout avec les E3C, une usine à gaz qui épuise tout le monde, des élèves aux administratifs en passant par les profs
La réforme du bac qui au lieu de donner plus de sens à cet examen qui ne cessait d'en perdre depuis plusieurs années vient le vider totalement de sa légitimité
C14 Je veux aider tous les élèves. Je ne peux pas.
le rôle de l'école a-t-il un sens pour les élèves ?
Réponse 14 : quelque chose à ajouter sur le métier d'enseignant ?
L34 De + en + d'absentéisme, de démissions et de phobie scolaire chez les élèves : cela pose vraiment question.
Trop d'élèves considèrent que l'école est à la carte : sèchent les devoirs, arrivent et repartent aux heures qu'ils souhaitent.
L33 Vient se rajouter à la perte de sens, une certaine rancœur quant au manque de reconnaissance de notre profession et à la perte de notre pouvoir d'achat.
L30 Magnifique métier trop mal considéré.
L24 le métier d'enseignant reste un beau métier à une triple condition :
- rester bienveillant avec les élèves ;
- construire une équipe dans son établissement ;
- continuer à aimer sa discipline
L22 Je continue à penser que c'est un beau métier... Mais à force de mentir aux élèves, aux parents sur le niveau, sur les contenus et sur ce que nous leur ouvrons comme portes, nous risquons de créer des générations de plus en plus hostiles à notre profession. Nous sommes beaucoup trop jugés comme responsables des échecs alors que nos hiérarchies en portent la responsabilité depuis de nombreuses années.
L17 Un métier passionnant mais de plus en plus épuisant.
Un métier qui perd d'année en année de son sens...
C14 merveilleux mais douloureux
C10 Le plus difficile à vivre reste sans doute le mépris qu'ont beaucoup de parents, d'élèves et surtout le ministre lui-même vis à vis de notre travail : quasi la totalité des profs cherche à bien faire, se remet en question, travaille énormément mais cela n'est pas assez reconnu par la société, notre salaire n'est pas du tout motivant et finalement très décourageant
C5 ajouter plus d'argent sur ma fiche de paie !!!
Réponse 15 : quelque chose à proposer pour changer le métier d'enseignant ?
L34 Reconstituer de véritables classes, recréer de la cohésion, redonner du sens à notre enseignement actuellement trop éclaté et trop formaté. Écarts de notes très importants entre les matières (des moyennes de 14 à 15 en italien, espagnol... ; autour de 10 dans d'autres matières, plus personne ne s'y retrouve. Les conseils de classe enfin deviennent une gigantesque mascarade (plus de profs que d'élèves, ils sont impossibles à organiser) + matériel informatique qui ne fonctionne pas correctement, travail à l'aveuglette, écœurement des participants tous conscients des dysfonctionnements du système actuel, découragés et impuissants.
L30 Rajouter une semaine (ou deux) de vacances à Noël, car les élèves (et les profs) sont épuisés arrivé février. Et retirer, en contrepartie, une à deux semaines des grandes vacances, qui sont beaucoup trop grandes, les élèves arrivant en ayant oublié la moitié des acquis.
Stopper la réforme Blanquer, ses incohérences : beaucoup de soucis pour un piètre résultat => sentiment de régression et de déploiement inutile d'énergie. On passe à côté de l'essentiel.
L26 Tout faire sauter à la base. Se poser réellement la question de la société que l'on veut et des êtres humains, des citoyens que l'on veut former. Pour cela, il faudrait que l'éducation échappe totalement aux enjeux et intérêts politiques et financiers. En deçà de ça, tout cela ne sera qu'un doux rêve fleuri qui planera au-dessus de la réalité comme un ineffable parfum de printemps dont la nature nous laisse pressentir l'arrivée, mais qu'on n'entrevoit jamais...
L24 1) améliorer la formation initiale
réduire le nombre d'heures de cours des stagiaires (revenir à environ 6 heures), réintroduire des stages dans les 2 cycles (collège/lycée), renforcer le volet formation à la psychologie de l'adolescent, introduire un module de formation à l'histoire de l'enseignement (base de la réflexion sur le sens à donner à notre métier)
2) repenser la carrière des enseignants en la fondant sur des principes simples : passage dans les deux cycles d'enseignement secondaire, système amélioré de mutations, missions de formation repensées, encourager les enseignants du secondaire à s'engager dans la recherche (pédagogique ou scientifique : statut d'enseignant-chercheur du secondaire), développement des postes partagés secondaire-supérieur, penser la fin de carrière (cessation progressive d'activité).
L22 Revaloriser la profession et les salaires !
L17 Ecouter les gens qui sont sur le terrain et non pas faire réaliser les programmes par des individus qui n'ont jamais mis les pieds devant une classe.
Arrêter de vouloir faire des économies sur le service public...
C15 arrêter d'infantiliser les enseignants, de mettre des carcans, faire confiance aux enseignants, etc.
C13 J'ai eu l'occasion de regarder des reportages sur les systèmes éducatifs Sud-Coréens, Japonais et Chinois.
Le problème en France se situe-t-il réellement au niveau des Professeurs ?
C10 Revaloriser la parole et le métier de professeur
C6 Les critères de recrutement. Il y a des contractuels qui tiennent la route, même plus que certains titulaires ! D’ailleurs ces contractuels vont passer leurs vies à remplacer des titulaires déprimés, malades, écœurés par le métier ! Mais eux vaillants ils sont et seront là. Alors voilà ce que je voudrais, j’aimerais qu’un contractuel au bout de six ans puisse se faire inspecter pour lui permettre de devenir peut-être titulaire.
C5 revenir à certaines bases (sans pour autant enseigner comme au début du 20e siècle ) faire moins mais mieux
C3 Plus de pouvoir disciplinaire
[1] Huberman, M. 1989. Les phases de la carrière enseignante. Revue française de pédagogie, 86, 5-16.
[2] ZEP : Zone d’éducation prioritaire
[3] Garcia, A.-L. & Lantheaume, F. (Eds) (2019). Durer dans le métier d'enseignant. Regards franco-allemands. Bruxelles : Academia.
[4] Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). (2014). TALIS 2013 – Enseignant en
France : un métier solitaire ? 23. https://pmb.cereq.fr/doc_num.php?explnum_id=2062
[5] IA-IPR : Inspecteur d’Académie – Inspecteur pédagogique régional
[6] Cazaubon, E. & Pottier, O. (dir.). (2018). Troyes, l’Aube, la Guerre, 1914 - 1922. Troyes : Éditions de la Maison du Boulanger.
[7] TraAM : Travaux académiques mutualisés.
[8] Paul, M. (2016). La démarche d’accompagnement - repères méthodologiques et ressources théoriques. Bruxelles : De Boeck.
[9] EPLE : Établissement public local d’enseignement.
[10] Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école. Bulletin officiel n°18 du 05 mai 2005. https://www.education.gouv.fr/bo/2005/18/MENX0400282L.htm
[11] Missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics d'enseignement du second degré. Décret n° 2014-940 du 20 août 2014. https://www>. legifrance. gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029390906&categorieLien=id
[12] REP : Réseau d’éducation prioritaire.
[13] Référentiel pour l’Education prioritaire 2014. https://www.reseau-canope.fr/education- prioritaire/fileadmin/user_upload/user_upload/accueil/Referentiel_de_l_education_prioritaire.pdf
[14] TPE : Travaux personnels encadrés.
[15] IDD : Itinéraires de découverte.
[16] HGGSP : Histoire- géographie-géopolitique-Sciences politiques.
[17] EPI : Enseignements pratiques interdisciplinaires.
[18] E3C : Épreuves communes de contrôle continu.
[19] Projet académique 2018 - 2021. http://web.ac-reims.fr/books/projet-academique /2018/ Projet-academique.pdf
[20] Guide TALIS 2018 à l’intention des enseignants (2020), 2. OCDE.
[21] Massive Open Online Course : « cours en ligne ouvert et massif ».
[22] Entretien de l’auteur avec M. Fabrice Barbier, groupes académiques Climat scolaire et Gestion de classe, 11 décembre 2019.
[23] Citons notamment Barrère, A. (2004). Travailler à l'école : que font les élèves et les enseignants du secondaire ? Rennes : Presses universitaires de Rennes.
[24] CNAM : Conservatoire national des arts et métiers.
[25] Verbatim de l’enseignant C14 issu de notre enquête. Pour simplifier la lecture, les verbatims sont codés : Lx : enseignant de lycée ; Cx : enseignant de collège.
[26] SNES-FSU : Syndicat national des enseignants du secondaire - Fédération syndicale unitaire
[27] Par exemple, Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). (2019). La formation continue, un levier face à la baisse du sentiment d’efficacité personnelle des enseignants de collège, 19.23.
[28] Nouveau management public. Nous pouvons ici le définir comme la mise en œuvre d’une conception libérale qui promeut une gestion du secteur public copiée du secteur privé en plaçant au centre du fonctionnement des services publics les critères de rationalisation des moyens, de performance et de responsabilité individuelle des agents.
[29] Voir Hélou & Lantheaume, 2008, p. 68-70. Les auteurs décrivent un travail réparti entre travail avec les élèves en classe, travail administratif dans l’établissement et travail à domicile, pour un total que toutes les études établissent entre 40 et 44 heures hebdomadaires.
[30] 30 PPCR : Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations. “Ce qu’il faut retenir de la réforme de l’évaluation. L'affirmation du principe de l'accompagnement continu tout au long de la carrière, lequel constitue une opportunité pour : favoriser le développement personnel et professionnel des agents ; permettre à chacun de donner une orientation dynamique à sa carrière”. https://www.education.gouv.fr/rendez-vous-de-carriere-mode-d-emploi-41627
[31] DGESCO : Direction générale de l’enseignement scolaire.
[32] PISA : Programme international pour le suivi des acquis des élèves.
[33] INSPE : Institut national supérieur du professorat et de l’éducation
[34] ECR : Espaces Réflexifs Collectifs. https://www.univ-reims.fr/inspe/tutorat-mixte-m2- stagiaires/ tutorat-mixtem2- stagiaires,18577,32005.html
[35] Bibliographie aux normes de l’APA (7° édition). https://bib.umontreal.ca/citer/styles-ibliographiques/pa?tab=3280
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