
Former et accompagner les enseignants à développer les pratiques d’autoévaluation motivante et positive.
Certification d’aptitude aux fonctions de Formateur Académique
Académie de Reims session 2018-2020
Mémoire professionnel
Discipline : Economie-Gestion Marketing
Titre : Former et accompagner les enseignants à développer les pratiques d’autoévaluation motivante et positive.
Auteur : Angela Pereira Ribeiro
Table des matières
1.1 - Cadrage de l’évaluation : concepts et définitions
1.2 - Commandes institutionnelles
1.3 - La réglementation de l'évaluation et comparaison internationale
PARTIE 2 - Bilan des formations à destination des enseignants
2.1 - Les opérateurs de formation continue à disposition des enseignants
2.2 - Etat des lieux : le besoin de formation continue en matière d’évaluation des élèves
2.3 - Importance du numérique : lien fort et inévitable
PARTIE 3 - Démarche d’expérimentation : la pratique de l’auto-évaluation motivante et positive
3.2 - Résultats globaux et résultats en fonction du niveau d’enseignement
PARTIE 4 - Comment convaincre : stratégies d’actions d’accompagnement et de formation
4.1- S’appuyer sur les pratiques enseignantes : difficultés et besoins
4.2 - Proposition d’actions de formation sur les pratiques d’auto-évaluation positive et motivante.
Remerciements
Mes remerciements s’adressent aux différents interlocuteurs qui nous ont accompagnés tout au long de la certification du CAFFA, et tout particulièrement à Madame Dherse pour son tutorat. Son écoute et ses conseils, tout au long des épreuves d’admission, m’ont été très précieux.
Je remercie également tous les enseignants qui ont aiguisé ma curiosité et conseillé lors de nos échanges professionnels ainsi qu’à Madame Uriel ayant relu le mémoire professionnel. Sans leur collaboration, cette réflexion n’aurait pas été possible.
Je remercie les enseignantes et enseignants qui ont accepté de répondre à l'enquête sur l’évaluation, support principal de la partie expérimentale du mémoire professionnel.
En dernier lieu, je tiens à remercier ma famille et particulièrement mes enfants pour leur patience et leur aide dactylographique...
Introduction
Après 12 années d’enseignement dans les disciplines commerciales, je n’ai cessé d’essayer de répondre à cette interrogation : “Comment concevoir une évaluation qui me serve et serve à l’étudiant ?”
Après avoir travaillé sur les réformes du bac STMG et du BTS MCO, j’ai pu apprécier les enjeux du CCF permettant de valoriser “équitablement” le travail et la responsabilisation de l’élève et de l’étudiant[1]. En effet, les épreuves en CCF permettent une implication plus grande de l'apprenant et une autonomie dans les tâches et activités à réaliser.
Ainsi, les missions et directives de l’école ont impacté mon enseignement et ma perception de l’évaluation. L’environnement changeant, les tuteurs en entreprise plus exigeants et déçus ces dernières années sur le manque de soft skills[2] des jeunes stagiaires, les apprenants en construction et émotifs modifient continuellement les paramètres permettant de viser à bien ces missions : égalité de réussite, lutte contre le décrochage scolaire, enseignement explicite et école numérique entre autres.
Toutes ces missions traduisent la volonté d’une transmission des connaissances et de préparation au futur métier. La réalité du terrain déplore toutefois la souffrance et le stress des apprenants, du manque de sens donnée par l’école, d’une théorie éloignée des problèmes du terrain et d’une consécration des notes vias contrôles, épreuves et TD déconnectées des capacités et compétences réelles de l'apprenant. C’est cette souffrance, cette peur des notes, cette peur de mal faire qui m’anime et me porte à m’interroger sur l’impact de l’évaluation classique. Évaluation qui intervient de façon indépendante, ex-post après l’enseignement, que l'apprenant stratégiquement vise à réussir tout simplement faisant fi de notre parcours d’enseignement. Cette évaluation mesurant de façon “neutre” ce qui a été appris réduit le potentiel et la réalité des processus d’apprentissages. En effet, l’évaluation “pour contrôler” est une des causes du décrochage scolaire en France (Merle, 2012a). La “pression évaluative” utilisée en 2005 par P. Merle évoque cette tension de l’évaluation, d’autres ouvrages soulignent la menace et la frénésie évaluative et la peur de l’évaluation (Butera et al.,2011 ; Hadji, 2012)
Les recherches convergent pour estimer que l’évaluation doit s’envisager dès le départ avec l’enseignement et l’apprentissage afin de former un continuum. Ainsi, l’évaluation n’est plus un outil approximatif et destructeur de contrôle mais il peut devenir un levier pour mieux apprendre.
Nous revenons donc à une de nos obligations professionnelles (apprendre et mieux apprendre !) et à l’objet d’étude de ce mémoire professionnel.
“Comment concevoir une évaluation qui me serve et serve à l’étudiant ?”
A ma question de départ : je n’ai pas trouvé de réponses franches. En revanche, je peux constater de l’évolution de mes pratiques au gré de ces années ainsi que de mon détachement au système d’évaluations classiques. Je poursuis ainsi mes expérimentations basées sur la pédagogie innovante en exploitant le potentiel des pratiques d’auto-notation et d’auto-évaluations.
Comment l’évaluation peut devenir alliée et levier d’un parcours d’apprentissage ? Comment l'évaluation au quotidien dans la classe peut impliquer et faire apprendre ? Comment se renouveler dans les pratiques d’évaluations ? Peut-on s’appuyer sur les compétences d’auto-évaluations des apprenants et des enseignants ? Quelle place donne-t-on à l’erreur dans nos démarches d’apprentissage ?
C’est cette approche positive et motivante de l’évaluation qui est retenue comme objet d’étude de ce mémoire professionnel. Ainsi suite à ce diagnostic et face aux enjeux :
“Comment développer les compétences professionnelles des enseignants vers des pratiques d’auto-évaluation formative et motivante ?”
A partir d’analyses et de définitions, il s’agira tout d’abord de clarifier les termes de l’évaluation ainsi que les fonctions et les formes existantes de l’évaluation ainsi que sa réglementation en France. Sera présenté, dans un second temps, un état des lieux sur l’évaluation avec une comparaison internationale des pratiques d’évaluation et d’auto-évaluation afin de mieux comprendre les enjeux et d’identifier les besoins de formations des enseignants français. Puis dans une troisième partie, la phase d'expérimentation du mémoire prendra appui sur un questionnaire d’étude visant à mettre en exergue les pratiques en matière d’évaluation et les besoins. Il conviendra, enfin, de me positionner en tant que formateur et de proposer une action d’accompagnement et de formation reposant sur l'analyse des informations récoltées lors de l’expérimentation.
PARTIE 1- Etat des lieux
1.1 - Cadrage de l’évaluation : concepts et définitions
Suite à l’élaboration d’un cadre de référence visant à harmoniser les principes et réguler les pratiques en matière d’évaluation dans les trois ordres d’enseignement (primaire, Cycle d’orientation et postobligatoire), de nombreuses recherches ont été menées par le SRED, l’IFE par exemple.
L’origine du terme évaluation
Evaluer vient de « ex-valuere », c’est-à-dire « extraire la valeur de », « faire ressortir la valeur de », au sens étymologique du terme. Cette définition valorise ce que l’élève produit de positif.
Parmi l’ensemble des définitions qui ont été données de l’évaluation, celle de De Ketele (1989) reste encore aujourd’hui parmi les plus opérationnelles et les plus complètes.« Évaluer signifie recueillir un ensemble d’informations suffisamment pertinentes, valides et fiables et examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de route, en vue de prendre une décision. ». Cette définition valorise un aspect essentiel de l’évaluation : la prise de décision de l'enseignant dans son rôle d’évaluateur.
L’acte d’évaluer, comme le rappelle Bélair (1993), est un acte difficile car il « exige des habiletés plus complexes que l’acte d’enseigner, de gérer une classe ou d’intervenir en sous-groupes, car il demande de juger des actions et des faits extérieurs à sa personne et stipule une relation entre plusieurs individus » (p. 162). Ainsi, cet acte d’évaluation suppose un jugement moral complexe. Bélair rappelle que dans la taxonomie de Bloom, évaluer est considéré comme l’habileté la plus complexe car « évaluer implique un jugement porté à partir de critères élaborés au préalable, pour une critique interne et/ou externe de l’objet évalué » (p. 163)
L’enseignant et l’évaluation
Bélair ajoute que l’acte d’évaluer diffère selon un certain nombre d’éléments : l’évaluateur, l’objet et l’évalué. Comme nous le rappelions précédemment, l’enseignant, lorsqu’il évalue, est influencé et prend en compte de manière plus ou moins consciente un certain nombre d’éléments du système :
- tout d’abord, des dimensions personnelles (des caractéristiques telles que son âge, son genre, le nombre d’années d’expérience, etc.) ;
- sa formation initiale et continue ; sa conception de l’enseignement et sa représentation de l’évaluation; les dimensions institutionnelles : les documents et directives officielles, les plans d’études, les épreuves communes ;
- l’école (ou les établissements) et la ou les classe(s) où il enseigne (nombre d’élèves, niveau de la classe, composition socioculturelle du public scolaire) ;
- enfin, la société et les valeurs qui s’y rapportent ainsi que les parents des élèves.
Dans ce mémoire, j’aimerais essayer de situer l'évaluation du côté de l’enseignant et de l’apprenant, et, ainsi, montrer comment les caractéristiques personnelles de l’enseignant influencent sa manière d’évaluer et sa manière de faire apprendre.
De quelle évaluation parle-t-on ?
Il existe différents niveaux d’évaluation. Ainsi Weiss (2002) présente dans ce tableau les différents niveaux dans laquelle peut se situer l’évaluation et qui synthétise sa définition « l’évaluation en milieu scolaire remplit de multiples fonctions : régulation des apprentissages, information des familles, pronostic de la réussite, bilan du système de formation » (p. 2).
Evaluer c’est embrasser de multiples domaines et aspects.
Dans le cadre de ce travail, je souhaite axer mon analyse sur l’évaluation qui est partie intégrante du processus d’enseignement et d'apprentissage. L’évaluation, est de ce fait, utilisée dans et pour nos constructions de parcours des situations d’enseignements.
Ainsi, vous retrouverez différents aspects de l'évaluation issus des pédagogies dites nouvelles et actives principalement centrées sur l’apprenant. Le graphique ci-dessous, synthétise les différents modèles d’évaluation présentés dans le MOOC APP[3] (annexe Ia). Il montre bien l’évolution et la place croissante donnée à la parole de l’élève.
Graphique 1.1 : Différents modèles d’évaluation
Par conséquent, les trois derniers modèles correspondent au paradigme d’apprentissage et de transactions souhaitées par les institutions que je chercherai à développer dans ce mémoire.
Les enjeux des évaluations formatives et formatrices
Le thème de l’évaluation est important et courant dans les lectures scientifiques. En effet, de nombreux auteurs rappellent l’importance de l'intégration de l’évaluation dans les démarches d’apprentissages :
L’évaluation formative est ainsi vue comme une part du processus d’enseignement et d’apprentissage, plutôt que comme une activité séparée, intervenant après une phase d’enseignement (Looney, 2011).
Elle cherche avant tout à favoriser l’appétence et la motivation des élèves, en leur apportant un retour d’informations constant sur leur apprentissage mais dans un contexte favorisant leur sentiment d’efficacité personnelle, pour reprendre la théorie de Bandura.
Souvent mobilisés pour aborder la notion d’évaluation formative ou d’évaluation formatrice, les travaux de Black et Wiliam (1998) proposent dix principes pour guider la pratique évaluative pour les apprentissages.
Dans l’approche élargie (selon les termes d’Allal et Mottier Lopez), l’évaluation formative se situe à n’importe quel moment de l’apprentissage et non pas à la suite d’une phase d’enseignement.
Selon Jean Cardinet (1988), l’apprentissage de l’auto-évaluation constitue le moyen essentiel permettant à l’élève de dépasser un simple savoir-faire non réfléchi, purement opératoire, pour accéder à un savoir-faire réfléchi grâce auquel il peut intervenir et agir consciemment.
Promouvoir une conception et une mise en œuvre de procédures auto évaluatives accordant à l’élève une implication active dans son processus d’apprentissage, c’est accepter, selon Louise Bélair (1999), une diminution progressive des formes classiques d’hétéro-évaluation assurées par l’enseignant au profit de modalités d’auto-évaluation assumées par l’apprenant.
Ainsi, faire appel à une autre évaluation moins classique, plus socio-constructiviste permettrait l’émergence de l’autonomie de l'apprenant dans la construction des apprentissages et l’appropriation des connaissances. Comme le souligne Alain Touraine (1984), le sujet-apprenant demande une autonomie conçue dans la relation aux autres, se distinguant par là de l’indépendance.
L’auto-évaluation : une réponse à l’intention d’autonomie
L’auto-évaluation se développe grâce à un apprentissage impulsé par le maître qui accorde à l’élève une part suffisante de liberté afin que ce dernier puisse poser un regard critique sur lui-même. L’enseignant évite ainsi toute réglementation de l’auto-évaluation qui la bornerait à un autocontrôle stérile. Pour entendre l’autre, il s’autorise une mise à distance de sa raison raisonnante pour entrer en résonance, en compréhension avec l’apprenant, sans aucun jugement de valeurs selon Pillonel et Rouiller dans “accompagner une idée neuve en éducation” (cahiers pédagogiques n°393)
1.2 - Commandes institutionnelles
Les recherches en sciences de l’éducation montrent qu’une approche d’enseignement traditionnel (le modèle transmissif) a d’importantes limitations en termes de résultats d’apprentissages et de motivation. Le monde de l’éducation prend conscience de ce nouveau prisme et intègre des approches innovantes qui ont montré un impact nettement plus positif sur les apprentissages. Cette évolution n’épargne pas l’évaluation.
En effet, l'institution ne se résume pas à cadrer l'évaluation certificative. Les directives soumises par le système éducatif tendent vers un enseignement dont l’évaluation servirait à communiquer à l'apprenant ce que l’on attend de lui et de l’inciter à s’impliquer dans la formation. Scallon (2007) a mis en avant le “souci d’évaluation comme processus de vérification continue pour guider la démarche d’enseignement et d’apprentissage”. Autrement dit, évaluer ne se résume plus à mesurer l'exactitude d’un résultat fini mais bel et bien à rendre compte d’une progression des élèves.
Les textes officiels rappellent que l'évaluation fait partie du processus d'enseignement. C’est l'une des missions des enseignants inscrite dans le Code de l'éducation.
Ainsi, sont ci-dessous présentées, selon le degré d’enseignement, les obligations professionnelles concernant l’évaluation et l’auto-évaluation qui incombent à l'enseignant lors de son apprentissage (ne sont pas développées les évaluations nationales CP, CE1, 6eme et seconde)
Les orientations nationales pour le premier degré :
Les orientations nationales pour le collège :
La réforme du collège apporte avec elle une nouvelle philosophie et des nouveautés pédagogiques.
Les orientations nationales pour le lycée et post bac :
En conclusion, l’évaluation représente un enjeu, les commandes institutionnelles sont claires et tendent vers le même sens. L’évaluation devient un outil de pilotage des enseignements, et surtout un outil régulateur permettant d’ajuster les parcours scolaires en impliquant l'apprenant dans le processus d’apprentissage et ce dès son plus jeune âge.
La perspective est donc de se réapproprier collectivement ce qu’évaluer peut vouloir dire lorsqu’il s’agit d’un acte pédagogique ; c’est-à-dire lorsque ce geste professionnel bien connu se met au service des apprentissages et permet d’instaurer une dynamique de progrès pour chacun des élèves qui nous sont confiés ; lorsqu’il s’agit, en somme, non pas seulement d’évaluer les apprentissages mais d’évaluer pour les apprentissages, en faisant de l’évaluation le premier temps d’un processus de régulation, pour le professeur comme pour les élèves.
1.3 - La réglementation de l'évaluation et comparaison internationale
Dans les pays de l’OCDE, les réglementations nationales en matière d’évaluation des élèves sont de plus en plus contraignantes. C’est ce que confirme le rapport inédit de comparaisons internationales en 2014 réalisé par le CNESCO. Depuis plus de 30 ans, la liberté pédagogique des enseignants s’est trouvée progressivement encadrée par des réglementations qui se sont multipliées : le développement de nouvelles normes, sous forme de programmes scolaires formulés en objectifs pédagogiques ou en standards -National curriculum en Angleterre ou Socle commun en France-, a progressivement encadré l’activité évaluative des enseignants dans la classe et dans les établissements.
L’apparition de nouvelles normes d’évaluation a conduit à une diversification des modalités d’évaluation imposée aux enseignants. Alors que certains pays, comme la France, privilégient les formes d’évaluations traditionnelles, comme les devoirs écrits, dont le contenu est laissé à la discrétion de l’enseignant, d’autres pays, comme l’Angleterre ou le Québec, préconisent ou imposent, dans les textes officiels, de mobiliser de nouvelles formes d’évaluations comme l’auto-évaluation, l’évaluation par les pairs ou le suivi individualisé des élèves. Les enseignants irlandais du primaire sont invités à utiliser le guide national pour l’évaluation des élèves dans la classe « Assessment in the Primary School Curriculum : Guidelines for Schools », lancé par le National Council for Curriculum and Assessment (2007) qui met en avant une variété d’épreuves d’évaluation que les enseignants sont invités à mobiliser dans leurs classes. Ainsi, un large panel est présenté en invitant à la réflexion sur la place de l’apprenant dans l’évaluation. (Annexe IIb)
Graphique 1.2 : Continuum d’épreuves d’évaluation dans la classe recommandé en classe au primaire, Irlande
Ainsi la vision politique nationale de l’école conditionne les pratiques évaluatives et le système de notation des élèves. A titre d’exemple, certains pays ont supprimé les notes, notamment au primaire (la Finlande, la Suède, le Danemark). Au Danemark les évaluations sont modulables, les questions s’adaptent aux élèves et le compte-rendu doit être obligatoirement qualitatif.
D’autres pays ont remplacé la notation chiffrée par une évaluation en niveau de performance (ex : par lettres). Dans les pays restés fidèles à la notation chiffrée, les échelles d’évaluation varient fortement. Les notes et leur suppression suscitent des débats nationaux. Dans le canton de Genève, après avoir été supprimées dans les années 1990, les notes ont été réintroduites par référendum en 2006.
Le cas de la France : vers une nouvelle évaluation
La comparaison internationale nous révèle également les caractéristiques majeures de l’évaluation interne à la française. Ses spécificités nous apparaissent clairement : aux côtés de programmes scolaires très complets corsetant l’activité pédagogique dans la classe, l’évaluation a longtemps été en France le refuge de la liberté pédagogique des enseignants. Alors que, dans la grande majorité des pays de l’OCDE, des réglementations strictes imposaient dès les années 1970 des critères d’évaluation des élèves de plus en plus prescriptifs, et que, dans d’autres pays, les collectifs enseignants fortement présents imposaient, de fait, des formes d’harmonisation, les enseignants français ont longtemps bénéficié d’une marge de manœuvre individuelle sur le sujet.
Entre immobilisme et mouvement, entre attente réglementaire et difficultés de mise en œuvre d’une politique d’évaluation, la France est désormais au milieu du gué, comme dans de nombreux domaines en éducation, hésitant entre deux modèles d’évaluation et les superposant : l’un traditionnel fondé sur la liberté pédagogique dans la classe ainsi que sur la prescription de contenus très cadrée par les programmes scolaires et sur des évaluations certificatives harmonisées, pilotées par l’État comme notre baccalauréat ; l’autre superposant de nouveaux ingrédients avec le modèle ancien, comme des strates sédimentées - le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, les expérimentations des écoles sans notes…
Selon Rey & Feyfant (2014), C’est cet assemblage, à ce jour hétéroclite, d’ancien et de nouveau qu’il faut mettre en cohérence à l’avenir. C’est la condition de la lisibilité de l’école pour les professionnels de l’éducation qui y œuvrent au quotidien, mais aussi pour les parents, soucieux de suivre et de comprendre les progrès de leurs enfants à l’école.
PARTIE 2 - Bilan des formations à destination des enseignants
La publication au Bulletin officiel du 26 septembre 2019 du "Schéma directeur de la formation continue des personnels de l’éducation nationale 2019-2022" démontre l’attachement du Ministère à la formation continue, et sa volonté de la développer. Ainsi, ce texte doit devenir, pour trois ans, "l’unique cahier des charges stratégique de tous les plans de formation", PAF et formations d’établissement compris. Le schéma directeur définit trois objectifs à la formation continue : "se situer dans le système éducatif", "se former et perfectionner ses pratiques professionnelles", et "être accompagné dans ses évolutions professionnelles".
Le texte présente les thématiques à développer selon les publics. Ainsi, pour le personnel pédagogiques, les thèmes " doivent porter prioritairement sur : les nouveaux programmes en lycée, les fondamentaux en primaire, l’éducation artistique et culturelle comme levier de promotion sociale, l’apport des les sciences cognitives dans la pédagogie, la prise en compte dans les apprentissages de la diversité des élèves et les évaluations nationales des élèves”. Nous retrouvons ainsi la thématique de l’évaluation qui est développée comme suit dans le schéma directeur “faire de l’évaluation un levier d’amélioration des pratiques professionnelles".
Je ne m’attacherai par la suite qu’aux formations scientifiques, didactiques et pédagogiques portant sur l’évaluation et l’auto- évaluations à destination des apprenants.
2.1 - Les opérateurs de formation continue à disposition des enseignants
L’explosion de l’offre et de l’activité des opérateurs bouleverse et redessine le paysage de la formation continue. Nous pouvons repérer un usage des nouveaux médias, une diversification des services proposés aux enseignants, une veille éditoriale et pédagogique.
Une offre diversifiée des formations
Plusieurs opérateurs de formation sont à destination des enseignants. Je vais m’attacher à une présentation brève et repérer leurs offres de formation sur le thème de l’évaluation.
Il existe le Plan National de Formation (PNF). Le PNF est la traduction de la stratégie ministérielle de formation continue visant à améliorer les performances du système éducatif par la formation de formateurs. A titre d’illustration du thème étudié, une action de formation concernant l’évaluation est proposée :
Axes du schéma directeur : se perfectionner et adapter ses pratiques professionnelles
Intitulé des thématiques : La qualité par l’évaluation systématique des élèves et des établissements ;
faire de l’évaluation un levier d’améliorations des pratiques professionnelles
Modalités : printemps 2020, 2 jours, Paris, présentiel
Un autre acteur majeur de la refondation de l’école est le réseau Canopé. Il conjugue innovation et pédagogie pour faire entrer l’École dans l’ère du numérique. Réseau Canopé édite des ressources pédagogiques transmédias (imprimé, web, mobile, TV), propose des ateliers d’accompagnement et de formations répondant aux besoins de la communauté éducative. Ainsi après une recherche sur le réseau sur le thème de l'évaluation, 425 ressources sont disponibles et 80 formations à travers le réseau correspondent à ce mot clé. Il propose de nouvelles modalités de formation en réseau, davantage collaborative et en développant de nouvelles pratiques. A titre d’exemples se déroulent prochainement :
Webinaire : Evaluer sans dévaluer : le cahier de réussites au cycle 2 ! 30/04/2020 durée de 30 minutes
Webinaire : Se former - c@fé connecté Quizinière, un outil d'évaluation en ligne 7/05/2020 1h
Les délégations académiques au numérique éducatif (DANE) sont également des opérateurs importants et innovants. C’est un service du rectorat chargé de proposer, auprès du recteur, une stratégie académique déclinant les orientations nationales de développement et de formation aux usages du numérique, d’animer la mise en oeuvre de cette feuille de route numérique et d’en évaluer les résultats. La DANE affirme sa capacité à apporter des réponses rapides, satisfaisantes et personnalisées aux demandes de formation dans leur périmètre et dans leurs domaines de compétences (formation par le numérique, ingénierie de formation, formation de formateurs, etc.). Ainsi sont proposés pléthore de tutoriels (classiques ou en ligne) ou des entrevues en formation synchrone de 30 minutes :
Évaluation diagnostique avec une application numérique en ligne,
Comment mettre en place une grille d’évaluation critériée ou des badges de compétences via Moodle
Une offre de plus de 5000 stages et visites en entreprise sont ouverts à tous les personnels de l'éducation via le CEFPEP. Un stage court CEFPEP est un stage en immersion dans une entreprise, une organisation publique, une fondation ou association, etc. pendant un à cinq jours. Les enseignants de toutes les disciplines ont ainsi accès à des stages CEFPEP. A titre d’exemple, je me suis inscrite au stage Amazon organisé en mars 2020[4] , qui proposait un programme permettant de viser des compétences afin de favoriser l'élève (d’après l'observation du salarié au sein d’Amazon) dans son parcours d’apprentissage (professionnel).
Stage court Amazon : Découverte du principe d'amélioration continue. (1 journée)
Programme : la découverte des processus mis en place chez Amazon et comment Amazon rend ses salariés acteurs de ce principe.
Compétences : (extraits)
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- Accompagner les élèves dans leur parcours de formation
- Participer à la construction des parcours des élèves
- Organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l'apprentissage et la socialisation des élèves
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La plateforme M@gistère propose à tous les personnels de l'Education Nationale une offre de formations à distance, accompagnées ou non. L'offre de formation est constituée de formations en ligne ou hybrides mises en œuvre en académie par des formateurs de proximité et de formations ouvertes à tous les personnels de l'Education Nationale, en complément des plans de formation continue. Sont proposés par exemple des parcours en autoformation sur les outils numériques ou sur les ENT favorisant la démarche d’apprentissage individualisée et différenciée et en premier degré un parcours sur l’évaluation au service de l’évaluation.
Pour conclure, le développement de nouvelles modalités et pratiques (collaboratives, interactives, en réseau) a considérablement modifié le paysage de l’offre de formations. Des ressources et formations sont nombreuses et accessibles aux enseignants.
2.2 - Etat des lieux : le besoin de formation continue en matière d’évaluation des élèves
Le sentiment d’efficacité sur le suivi de l’apprentissage est moindre
L’enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (Talis), réalisée tous les cinq ans sous l’égide de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), donne la parole aux enseignants et aux chefs d’établissement. La publication de la Depp de juin 2019 conclut sur une dégradation du sentiment d’efficacité personnelle des enseignants français par rapport à 2013.
Graphique 2.1 : Pourcentage d’enseignants s’estimant bien ou très bien préparés en formation initiale
Ainsi en France en 2018, 26% des enseignants s’estiment bien ou très préparés lors de leur formation initiale au suivi de l'apprentissage et de la progression des élèves, contre 47% pour la moyenne UE et 60% pour la moyenne TALIS[5].
Les enseignants français, comme la moyenne des répondants Talis, sont plus nombreux en 2018 qu’en 2013 à éprouver des besoins de formation (l’enseignement aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers et la mise en œuvre d’approches pédagogiques individualisées).
Les enseignants français ayant bénéficié d’une activité de formation continue sur l’un et/ou l’autre de ces contenus sont plus nombreux à considérer que leur formation a eu un impact positif sur leur manière d’enseigner (82% contre 62% des enseignants dont l’activité de formation continue n’abordait pas ces contenus)
Les pratiques d’auto-évaluation sont sous représentées en France.
L’enquête TALIS de 2013 met en évidence une grande diversité de pratiques pédagogiques. Globalement, les données recueillies pour la France montrent des enseignants impliqués dans leurs établissements, attentifs à une bonne gestion de la classe et soucieux des apprentissages des élèves, mais exerçant leur métier dans des schémas assez traditionnels comparativement à d’autres pays.
Concernant les aspects sur l’évaluation des apprentissages, les enseignants en France déclarent adopter des pratiques qui traduisent une forte implication personnelle, avec des réponses très homogènes d’un secteur à l’autre (public en éducation prioritaire ou non, et privé). Ils élaborent massivement les tests qu’ils proposent aux élèves (86 % contre 68 % en moyenne TALIS, seul le Canada (Alberta) étant placé au-dessus de la France), ils associent très souvent des commentaires écrits aux notes (74 % contre 55 %, se rapprochant de ce qui se pratique au Royaume-Uni (Angleterre) et en Australie), et dans une moindre mesure, ils ont recours à l’oral (57 % contre 49 %, largement dépassés dans ce domaine par l’Italie). En revanche, l’auto-évaluation par les élèves est sous-représentée (17 % contre 38 %), tout comme l’utilisation de tests standardisés (8 % contre 38 %).
Par exemple, la Finlande associe relativement peu de commentaires à une note chiffrée et a peu recours à l’évaluation orale, mais les tests standardisés et l’auto-évaluation des élèves sont plus fréquents qu’en France.
Graphique 2.2 : Méthodes utilisées fréquemment (souvent, et à chaque séance ou presque) par les enseignants pour évaluer l’apprentissage de leurs élèves (en%)
L’auto-évaluation des élèves : une pratique innovante qui se développe
L’auto-évaluation, pratique en cours de développement dans certains pays de l’OCDE (Angleterre, Québec…), fait ainsi partie des modes d’évaluation encore peu mobilisés par les enseignants français. En moyenne, dans l’échantillon de pays TALIS, 38 % des enseignants du premier cycle du secondaire déclarent demander régulièrement à leurs élèves de s’évaluer eux-mêmes (voir figure 2). Les disparités dans l’usage de cette modalité d’évaluation entre les pays sont importantes puisque l’on constate que les enseignants anglais sont près de 69 % à déclarer utiliser l’auto-évaluation contre 16.5 % des enseignants français. Parmi tous les pays de l’échantillon TALIS, la France est le pays dans lequel les enseignants sont les moins nombreux à laisser les élèves s’auto-évaluer. L’existence d’une réglementation sur le sujet dans d’autres pays, comme l’Angleterre, explique ainsi que les enseignants, dans ces autres contextes nationaux, utilisent plus souvent cette pratique pédagogique.
Graphique 2.3 : Pourcentage d'enseignants du premier cycle du secondaire déclarant demander à leurs élèves de s’auto-évaluer “souvent” ou “à chaque séance”
Au total, si dans les pays de l’OCDE et en France, les enquêtes internationales mettent bien en évidence une variété de modalités d’évaluation, dont certaines innovantes ont bien pénétré les classes comme l’auto-évaluation des élèves ou les portfolios, l’étude de leur fréquence permet d’affiner l’analyse. Elle révèle des profils de pays plus avancés que d’autres dans l’évolution des pratiques en matière d’évaluation - les pratiques innovantes y sont plus régulières et plus répandues.
Les objectifs sont communs entre les enseignants et les institutions
La demande de formation continue est soutenue de la part des enseignants et la volonté de l’institution de proposer un volume de formation lisibles et accessibles.
Toutefois un rapport de l'inspection générale[6] s’interroge sur le retard français et classe la France derrière les pays comparables au niveau de l’offre de formation. De plus les auteurs mettent en évidence la difficulté d'accéder aux ressources. L'enseignant est confronté à des ressources nombreuses mais encore trop peu visibles et lisibles pour les usagers. Ils concluent ainsi sur les importantes évolutions du système éducatif des dernières années, ainsi que la part croissante du numérique dans la formation et les expérimentations conduites dans certaines académies, comme des facteurs qui incitent à reconsidérer l’actuel dispositif de formation professionnelle.
2.3 - Importance du numérique : lien fort et inévitable
Nouveaux formats dans l’offre de formations en France
Les opérateurs de formations proposent actuellement une offre de de formation constituée de formations en ligne ou hybrides mises en œuvre en académie par des formateurs de proximité. Ces formations sont ouvertes à tous les personnels de l'éducation nationale, en complément des plans de formation continue. Ainsi, si l’on jette un œil sur les 51 "parcours" proposés, à l’heure actuelle, par M@gistère sur l’utilisation du numérique, on peut observer que 35 d’entre-eux sont des parcours en auto-formation.
Le premier MOOC certificatif et gratuit en France, MOOC GdP (gestion de projet) date de 2013. Depuis les MOOC, se multiplient, majoritairement gratuits et qualitatifs, souvent payants pour obtenir une attestation de réussite. Les MOOC, révolution numérique, sont aujourd’hui considérés comme une révolution pédagogique : phases d’évaluation par les pairs, des évaluations automatisées permettant de connaître son niveau (du simple test de remémoration de contenu aux exercices d’application du cours plus complexes[7]), tests adaptatifs et/ou autocorrectifs, évaluation en deux étapes.
Dans un premier temps, avoir cette première initiation à l’auto-formation, s'imprégner et comprendre un parcours hybride ou virtuel, et dans un second temps s’en inspirer pour des pratiques en classe ou lors de la formation continue peut également être un moyen de déploiement de nouvelles pratiques d’apprentissages et d’évaluation.
L’évaluation aidée par le numérique
Le très riche rapport paru dans les dossiers de veille de l’IFE, Évaluer pour (mieux) faire apprendre, rappelle les conclusions d’auteurs d’une revue de littérature anglophone en “e-assessment” : “le numérique est souvent utilisé pour renforcer les méthodes d’évaluation traditionnelles ou que les transformations sont cantonnées dans des poches d’innovation qui ne se diffusent pas dans le système éducatif” (Timmis et al., 2012). De ce fait, la plus-value reste en effet modeste, si le numérique se contente de permettre des tests massifs sur écran ou des QCM en ligne, comme cela se remarque fréquemment.
Les pratiques évaluatives peuvent ainsi réellement se transformer et viser de nombreux objectifs d’apprentissage. De manière non exhaustive, les différentes lectures à ce sujet précisent ces nombreuses plus-values : créer un apprentissage auto-régulé et personnalisable, favoriser un apprentissage collaboratif (évaluation par les pairs, co-évaluation…); fournir des réponses plus flexibles et appropriées (en termes de rythmes et de lieux d’apprentissage); diversifier les données évaluables souvent dans un portfolio (compétences, connaissances, traces cognitives et tâches prises en compte).
Le numérique peut aussi aider le travail de l’enseignant, rendre les corrections plus efficientes et réduire la charge de travail; mieux articuler les dimensions formatives et sommatives des évaluations (suivi en continu des traces); améliorer la validité et la fiabilité (données plus fines et plus riches).
Pour conclure le numérique permet de penser l’évaluation autrement. L’e-assessment bouscule les supports et les évaluations traditionnelles.
PARTIE 3 - Démarche d’expérimentation : la pratique de l’auto-évaluation motivante et positive
Les objectifs de cette expérimentation seront de répondre à la problématique : comment accompagner l’enseignant à développer ses compétences en matière d’auto-évaluation ? L’analyse des réponses au questionnaire (annexe IIIa) devrait permettre de répondre aux questions de recherche suivantes :
- Les pratiques d’évaluation et d’auto-évaluation diffèrent-elles fondamentalement d’un niveau d’enseignement à l’autre ? Ces pratiques sont-elles utilisées dans les mêmes finalités ?
- Dans quelle mesure l’évaluation dépend-elle de la conception que se fait l’enseignant de l’enseignement-apprentissage ?
- Y a-t-il un écart entre les directives ou instructions officielles et les pratiques déclarées par les enseignant-e-s ?
- Dans quelle mesure la formation (initiale, continue ou auto-formation) des enseignants influe-t-elle sur les pratiques d’évaluation innovantes ? Quelle est l’influence des années d’expérience sur les pratiques d’évaluation et d’auto-évaluation déclarées ?
3.1 - Démarche scientifique : analyse des pratiques d’évaluation des enseignants du lycée Stéphane Hessel
Je décide de m’appuyer sur les études menées par Belair et détaillées dans la partie I. En effet, il conclut sur le fait que de nombreux facteurs sont amenés à expliquer l’évaluations d’un enseignant. Compte tenu des contraintes de temps de mon expérimentation, j’ai retenu parmi tous les critères présentés les suivants :
- les années d'expérience de l’enseignant
- la conception que se fait l’enseignant de l’enseignement-apprentissage ;
- les dimensions institutionnelles : les documents et directives officielles et les épreuves communes ;
- l’école (seul le lycée Stéphane Hessel fait partie de l’étude) et la ou les classe(s) de l’enseignant (seuls les 4 corps d'enseignements du lycée sont retenus, sans analyse de la composition socioculturelle du public scolaire) ;
Avant de donner les tendances générales et celles en fonction du corps d’enseignement, nous allons décrire l’échantillon de répondants en fonction d’un certain nombre de caractéristiques socio-démographiques ou structurelles.
Description de l’échantillon
Le questionnaire a été envoyé à 60 enseignants du lycée répartis entre les 4 niveaux d’enseignement proposés au LPO Stéphane Hessel. Le taux de réponse a été d’un tiers, ce qui a conduit à un échantillon de 19 personnes.
Caractéristiques personnelles des répondants et représentativité de l’échantillon
Années d’expérience
Graphique 3.1: Années d’expérience dans le métier selon le corps d’enseignement
Globalement la répartition est assez homogène ; 31,6% des enseignants débutent dans le métier (moins de 5 ans) suivi de 15,8% de 5 à 10 ans. Les enseignants plus expérimentés représentent plus de la moitié du panel (26,3% respectivement pour les 11 à 20 ans et 26,3% pour les plus de 20 ans)
Seuls les niveaux lycée générale et lycée technologique ne sont pas représentés par les 4 intervalles d'expérience dans le métier.
La représentativité du panel de la démarche d'expérimentation n’est pas optimale. Afin de garantir une qualité des réponses obtenues, le panel aurait dû être plus important et correspondre avec les caractéristiques de la population totale des enseignants.
Formation initiale des répondants sur l’évaluation
Graphique 3.2: Formation initiale accomplie (ou en cours)
On peut relever qu’une part importante n’a pas suivi ou ne se souvient plus d’avoir eu une formation sur l’évaluation (21,1% 11c, 15,6% 11d). De plus, l’évaluation semble, selon les interrogés, être abordée rapidement à hauteur de 36,8%. Seuls 26,3% déclarent avoir suivi une formation sur l’évaluation.
Relevons que l’on peut observer un lien important entre les années d’expérience et l’accès à formation sur l’évaluation.
Ainsi les jeunes enseignants ont tous suivi une formation sur l’évaluation contrairement au plus expérimentés qui représentent 75% des répondants à ne pas avoir suivi de formation initiale sur le thème de l'évaluation. La thématique de l’évaluation est ainsi abordée dans les INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l'éducation) plus ou moins rapidement.
La tranche de 11 à 20 ans d’années d’expérience n’aurait pas suivi de formation ou très rapidement pour 80% d’entre eux selon l’analyse des résultats.
Graphique 3.3: Formation initiale selon les années d’expérience
Démarche d’analyse
Dans un premier temps, j’ai utilisé une approche descriptive pour chacune des variables en donnant la fréquence et la moyenne de chaque item. Dans un second temps, afin de synthétiser l’information recueillie dans ce questionnaire, j’ai appliqué une méthode d’analyse statistique : la classification hiérarchique. Le principe de la méthode est de répartir les éléments d’un ensemble en groupes homogènes sur la base de leur similarité, c’est-à-dire d’établir une partition de cet ensemble. Le caractère homogène de l’analyse sélectionné est le corps d’enseignement.
3.2 - Résultats globaux et résultats en fonction du niveau d’enseignement
L’analyse du questionnaire sera présentée en deux temps. Dans une première partie, nous allons rendre compte des tendances générales pour l’ensemble des réponses à quelques questions et des différences entre les trois ordres d’enseignement (LEGT, LP et STS). Dans une deuxième partie de l’analyse, nous nous intéresserons aux questions de recherche développées dans le cadre de cette expérimentation, à l’influence d’autres facteurs tels que le nombre d’années d’expérience (cf. les cycles de vie dans le métier des enseignants, Huberman, 1989), à celle de la conception de l’enseignement-apprentissage qu’ont les enseignants interrogés (conception plutôt socioconstructiviste où l’élève construit ses connaissances avec l’aide de l’enseignant vs conception plutôt « transmissive » où l’enseignant transmet le savoir (cf Belair 1999).
Les finalités de l’évaluation
Pour l’ensemble des enseignants, la finalité qui rencontre la plus grande adhésion vise à vérifier les acquisitions (1d). D’autres rencontrent une adhésion importante : avoir un feed back sur son apprentissage (1e) et parce que l’institution me le demande (1c).
Afin de parfaire l’analyse des résultats, en amont ont été déterminées plusieurs dimensions des finalités de l’évaluation. De ce fait, une première dimension regroupe les items visant à vérifier les acquis, voir où en est l’élève, le situer voire remédier à ses difficultés. L’accord est relativement élevé pour les 3 items.
Une seconde dimension fait un consensus, il s’agit d'une dimension tournée vers l’enseignant où l’on cherche à comprendre sa démarche.
La dernière dimension est plus normative et a un caractère de contrainte. On observe une adhésion moins importante pour cette dimension. Il est intéressant de noter le consensus similaire entre le fait de mettre des notes et de donner des appréciations. Deux finalités différentes (voire contradictoire) mais une pratique traditionnelle en France.
Nous pouvons relever, que les répartitions sont assez homogènes dans les niveaux d'acceptation des réponses entre les quatre corps d’enseignement. Il n’y pas de tendances représentatives, les finalités sont plutôt similaires.
Toutefois, les écarts les plus importants se trouvent, premièrement, dans la finalité “mettre des notes (1a), où les enseignants en sections de technicien supérieur ne sont pas trop d’accord avec une moyenne de 2,36 contre une moyenne de 3 (plutôt d’accord) pour les enseignants de lycée professionnel. Puis, pour la finalité (1b) “pour donner des appréciations”, où ce sont les enseignants du lycée général qui ne sont pas trop d’accord (moyenne de 2.22) contrairement aux enseignants de BTS qui sont plutôt d’accord (moyenne de 2.88).
Aucun d’entre eux ne s’accordent dans le simple fait d’utiliser l’évaluation pour mettre des notes.
Dans l’ensemble, on observe des différences relativement faibles selon le niveau des corps enseignants.
Graphique 3.4 : Finalités d’évaluation selon le corps d’enseignement
La conception de l’évaluation
De la même manière que pour la question 1, 4 dimensions sont mises en exergue dans l’analyse des résultats.
Une première dimension est orientée vers l’élève, sur la compréhension du processus d’évaluation et où l’élève a un rôle à jouer dans cette dernière. Cette conception plutôt formative et socio-constructiviste remporte un franc succès de la part de tous les enseignants. Une seconde dimension de l’évaluation atteint le même résultat d’accord. Il s’agit de la troisième dimension présentant une forme d’évaluation utile mais qui reste difficile dans la pratique.
La seconde dimension axée sur un apprentissage où seul l’enseignant contrôle et évalue apporte peu d’adhésion. La moyenne globale y est la plus faible et près de 40% des enseignants ne sont pas d’accord avec cette dimension.
On observe des différences relativement faibles entre les corps d’enseignement. Les enseignants des trois ordres ne se distinguent pas du tout pour ses différents items.
Graphique 3.5 : Conceptions d’évaluation selon le corps d’enseignement
Toutefois, pour la seconde dimension, l'accord est dans l’ensemble moins élevé, les différences d’opinion entre les ordres sont plus marquées.
Cette dimension va dans le sens de l’enseignant qui est le seul à contrôler et à s’intéresser au résultat (vision plutôt de type transmission des savoirs). Un item occasionne un rejet surtout l’évaluation doit être essentiellement de la responsabilité du maître, pas celle de l’élève (12c)
Les pratiques en matière d’évaluation
Afin de vous présenter les instruments d’évaluation retenus dans le questionnaire, je me suis inspirée du modèle irlandais présenté dans la partie 1 illustrant le continuum d’épreuves d’évaluation au premier degré. Ce schéma permet de présenter les outils d’évaluation intégrant plus ou moins les apprenants. Des pratiques auto évaluative où l’élève évalue ses propres progrès et ses objectifs d’apprentissage en développant des compétences métacognitives aux pratiques plus classiques d’évaluation formative en passant par le « portfolio » qui est un moyen de centraliser tous les travaux de l’élève et de suivre ses compétences et ses connaissances acquises pendant une période.
Graphique 3.6 : Continuum d’instruments et d’outils d’évaluation
De manière générale, les instruments les plus utilisés sont les travaux/évaluations écrits, les grilles d’évaluation ainsi que les observations d’élèves en situation. On observe sans surprise un consensus autour des travaux/évaluations écrits (15a), instruments très fréquemment utilisés dans les trois ordres d’enseignement. L’ensemble des résultats montre une utilisation moyenne et peu fréquente des évaluations intégrant l’apprenant. De ce fait, les grilles d’auto-évaluation, la co-évaluation et l’évaluation mutuelle sont des pratiques plus rares.
La différence la plus nette entre l'utilisation des outils est l’usage du portfolio et du dossier d’évaluation. En effet c’est le seul instrument pour lequel l’échelle de fréquence n’est pas utilisée dans sa totalité. 12,19% ne l’utilisent jamais et 0% des enseignants déclarent l’utiliser très souvent. Le démarrage de ce nouvel outil est donc long, il y a bien une inertie entre le terrain et les demandes institutionnelles. Cet outil, tout comme pour le premier degré, permet une approche par compétences de l'apprenant : approche recommandée dans les récentes réformes en LP et STS.
Il est intéressant de noter que les enseignants du LP et LG sont sensibles à l’intégration des élèves dans les évaluations. Il serait intéressant de creuser et de vérifier ces résultats par rapport à la nature du public et ou à l’enseignement donné (enseignements en langues, capacités d’analyse plus marquées…)
Graphiques 4.1 & 4.2 : L’usage des instruments et outils d’évaluation
La conception de l’apprentissage proposée par les enseignants
De plus, les enseignants interrogés se situent à 5,32 sur l’échelle proposée de 1 à 10 allant d’un enseignement constructiviste à magistral. L’écart type ainsi calculé entre les niveaux est de 0,36, ce qui représente une faible volatilité du mode d’enseignement des interrogés. La relation de ces 2 critères explique la place moyenne actuelle des pratiques d’auto-évaluations dans les démarches pédagogiques. Un changement de pratique ne se réalise pas du jour au lendemain. Il se fait en douceur, au gré de stimuli internes ou externes. Ce qui est encourageant et remarquable c’est l’image positive des pratiques d’auto-évaluation.
L’analyse plus fine du questionnaire révèle les 3 items majoritaires expliquant la modification les pratiques d'évaluation des enseignants : l’utilisation du numérique 63,2% (8d), l’utilisation des critères d’évaluation plus précis 57,9% (8b), l’implication des élèves dans l’évaluation 52,6% (8c).
Adéquation entre pratiques et instructions officielles
42,1% des répondants déclarent modifier leurs pratiques d’évaluation en fonction des réformes appliquées. Ainsi l’impact du discours est positif et atteint ses objectifs. Les enseignants n’attendent pas forcément les directives pour les modifier. Les enseignants sont unanimes pour refuser l’idée qu’ils n’ont rien changé (8e). Le seul répondant déclarant n’avoir rien modifié à ses pratiques est un jeune enseignant de moins de 5 ans d’expérience.
L’adéquation entre pratiques et demandes de l’institution est forte. Près de 85% estiment que leurs pratiques correspondent à ce que demande l’institution, plutôt oui (10a). Une part faible de 10% est mitigée estimant que cela dépend. Le questionnaire ne me permet pas de savoir sur quels critères reposent cette distanciation. La réflexion est bien présente, la place de l’apprenant est davantage prise en compte et tend vers les attentes institutionnelles.
La place de l’auto-évaluation dans les démarches d’apprentissage
A la question 6 intitulée ” L’auto-évaluation peut-elle être motivante et positive ?”, les enseignants obtiennent une moyenne de 7,93 sur une échelle allant de 0 à 10.
Les pratiques d’auto-évaluation sont perçues positivement par les 4 corps d’enseignement.
Ainsi, les pratiques d’auto-évaluation sont bien perçues, mais se pose la question des fréquences d’utilisation des enseignants. Seuls 3 enseignants déclarent pratiquer souvent ce type d'évaluation (enseignants multi-niveaux) et un seul à chaque séance (niveau LT). L’analyse des fréquences rejoint celle des usages des outils, les pratiques d’auto-évaluations sont rarement (21 %) ou de temps en temps (58%) intégrées dans la pédagogie.
Certains retours d’expériences des pratiquants de l'auto-évaluation sont précisés. On peut facilement reconnaître la discipline EPS où l’auto-évaluation est largement répandue ou des pratiques concernant les productions écrites ou orales qui sont plus interdisciplinaires.
“En pratique de l'oral : feed-back immédiat sur sa production avec l'outil La Quizinière de Canopé” “Dans le cadre de l'étude de cas, il est intéressant que les élèves fassent l'auto- évaluation, ils comprennent mieux les consignes et en sortent leurs points forts et points faibles”.
Il en ressort que les enseignants utilisent des grilles critériées afin de faciliter l’auto-évaluation.
“Je donne assez régulièrement une grille d'auto-évaluation aux élèves. Cela leur permet, avant de me rendre leur copie, de savoir quelle note ils pensent obtenir. Souvent, ils sont bien plus sévères que moi. Cela les oblige donc à se corriger en amont.”
De manière générale, les enseignants intègrent l’auto-évaluation au processus d’enseignement. Ces modifications de pratiques vont le plus souvent dans le sens d’une plus grande transparence vis-à-vis des élèves, les enseignants utilisent, et leur fournissent par exemple, des critères plus précis.
La pratique de l’auto-évaluation est-elle liée avec les années d’expériences ?
L’acte d’évaluer diffère selon un certain nombre d’éléments : l’évaluateur, l’objet et l’évalué. Ainsi Belair, rappelle que l’enseignant, lorsqu’il évalue, est influencé et prend en compte de manière plus ou moins consciente un certain nombre d’éléments de sa dimension personnelle ( âge, genre, années d’expériences etc.) J’ai souhaité mettre en exergue le critères des années d'expériences et de la pratique de l’auto-évaluation. Ainsi, nous pouvons observer qu’il n’y a pas de lien entre ces deux critères. Les enseignants expérimentés comme les enseignants débutants utilisent cette pratique d’évaluation. Toutefois, il est important de souligner qu’une majorité des enseignants l’utilisent seulement de temps à autre.
Graphique 3.7 : L’auto-évaluation et les années d'expériences des enseignants
PARTIE 4 - Comment convaincre : stratégies d’actions d’accompagnement et de formation
L’élève doit donc se trouver au centre du processus d’évaluation. L’enseignant doit y trouver deux finalités, l’évaluer comme « objet » bien entendu, mais également comme acteur. Comme « objet » car, in fine, c’est le professeur seul qui portera une évaluation générale sur les acquis de chaque élève, évaluation communiquée au-delà de la classe à l’équipe pédagogique et à sa famille, et dont il assumera l’entière responsabilité. Comme acteur car, identifiant les compétences visées par le travail mené, l’élève ne pourra qu’y trouver un sens indispensable à sa motivation et à l’appréciation de ses difficultés et réussites.
Dans le contexte d'une évolution des pratiques évaluatives, prévue par la loi n°2013-595du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République -« privilégier une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles » et relayée par de nombreux articles scientifiques et institutionnelles, l’évaluation a pour objectif le développement de l’autonomie et de la confiance de l‘apprenant.
Avant de répondre à cette demande institutionnelle et de proposer une stratégie d’action d’accompagnement ou de formation, se pose la question du besoin de formation des enseignants sur l’évaluation.
Ainsi, je vais dans un premier temps, réaliser un point sur les difficultés et besoins en évaluation. Quelques questions avaient été introduites afin de pouvoir faire cet état des lieux. Puis dans un second temps, m’appuyer sur les données afin de réfléchir à une proposition d’accompagnement et/ou de formation.
4.1- S’appuyer sur les pratiques enseignantes : difficultés et besoins
En effet, la partie 2 du mémoire, traite de manière générale des enseignants en France. Il est important de prendre en compte la notion de proximité. Le bilan peut ainsi être différent selon les champs disciplinaires, le dynamisme impulsé par les acteurs de formations, la clarté des informations ainsi que par d’autres critères. On peut sans doute expliquer cela par l’offre de formation et les réformes.
Rappelons que seuls 26,3% des répondants déclarent avoir suivi une formation initiale sur l’évaluation. On peut relever qu’une part importante n’a pas suivi ou ne se souvient plus d’avoir eu une formation sur l’évaluation (21,1% 11c, 15,6% 11d). De plus, l’évaluation semble selon les interrogés, être vue rapidement à hauteur de 36,8%.
La formation continue en évaluation des répondants
La pratique de la formation continue concernant l’évaluation est homogènement répartie entre formations issus du PAF et auto-formation via des lectures scientifiques. Relevons qu’une part non négligeable (36%12d) n’a pas eu de formation sur l’évaluation depuis sa formation initiale. Le taux est plus important pour les enseignants du post-bac qui atteint plus de 60%. On peut sans doute expliquer ce comportement par l’offre de formations importante sur les domaines différents de l’évaluation (réformes, numérique, champ disciplinaire ...). De plus, une formation peut tout simplement contenir un volet consacré à l’évaluation.
L’accès à la formation sur l’évaluation diffère peu selon le corps d’enseignement mis à part le STS. Des verbatims ont été relevés proposant d’autres sources permettant de se former à l’évaluation : “les échanges avec les collègues”, et “lors des commissions d’entente et harmonisation (évaluation certificative)”.
Graphique 4.1 : Accès à la formation sur l’évaluation
Les enseignants sont relativement nombreux à avoir suivi une formation continue sur l’évaluation dans les deux dernières années soit près de 60%. La majorité ayant suivi une seule journée de formation (36,84% 13a) ou deux jours (15,79%).
100 % des formations réalisées récemment ont été suivies en présentiel.
Il est important de faire partir des difficultés évoquées précisément en question 9 afin d’en déceler des besoins et éventuellement des objectifs de formation.
Les difficultés rencontrées lors des pratiques d’évaluation
Les enseignants s’accordent sur le fait qu’il est rare de ne pas rencontrer de difficultés lors de l’évaluation des apprenants. D’ailleurs, nous obtenons 41 réponses possibles sur les 57 possibles (3 items pouvant être sélectionnés au maximum par répondant) Graphique 4.2 : Difficultés rencontrées lors de l’évaluation
Les difficultés qui dominent sont :
1e Évaluer les attitudes, les stratégies ou les démarches (11e-52,6%)
2e Déterminer un seuil d’exigences valable pour l’ensemble de la classe (11b-36,8%)
Varier le type d’instrument (11c-36,8%)
Réaliser une évaluation équitable pour tous les élèves (11f-36,8%)
3e Rédiger des questions compréhensibles pour tous les élèves (11h-31,6%)
Si l’on analyse ces difficultés récurrentes aux trois corps d’enseignement ;
- Il s’agit de difficultés liées d’une part à l’outil/instrument de l’évaluation et, d’autre part, à l’objet de l’évaluation (items 11e et 11c).
- Une seconde catégorie peut être mise en évidence avec les items 11b et 11f. Cette dimension renvoie à un souci d’équité vis-à-vis des élèves
- Puis, dans une moindre mesure, le souci de proposer lors de l’évaluation formative des questions compréhensibles et claires.
Quels sont les besoins de formation des enseignants ?
Les propos suivants sont une déduction de l’analyse des difficultés. Je regrette de ne pas avoir proposé une question sur les besoins attendus du panel étudié.
Toutefois il est possible, grâce aux littératures scientifiques et aux échanges sur le terrain, de mettre en évidence les besoins des enseignants. Ainsi ceux les plus fréquemment évoqués sont une formation sur mesure (liée à un champ disciplinaire ou à un projet d’établissement) et davantage de collaboration entre collègues (plus largement courant au premier degré).
Le rapport des inspections générales sur la formation continue rappelle que les deux raisons d’être de la formation sont la réussite des élèves et l’épanouissement professionnel et personnel des enseignants avec pour finalités aussi de redorer l’image du métier et de renouveler son attractivité. Force est de constater, selon eux, que la formation « peine à répondre aussi bien aux ambitions de l’institution qu’aux attentes et besoins hétérogènes des enseignants » (p.10). Après un ensemble de constats et de points critiques sur l’état de la formation en France, il propose une orientation nette vers un changement de paradigme : d’une formation (descendante et hors-sol) vers le développement professionnel et personnel des enseignants en contexte.
De même, ce changement de paradigme est appuyé par l'apparition, en septembre 2019, du schéma directeur de la formation continue des personnels de l’Education Nationale 2019-2022. Il est indispensable de prendre en compte ces paramètres.
4.2 - Proposition d’actions de formation sur les pratiques d’auto-évaluation positive et motivante.
J’ai orienté la suite de ma réflexion sur une proposition d’actions de formation sur les pratiques d’auto-évaluation positive et motivante.
Pour la suite de mon raisonnement, seront repris les éléments essentiels d’une formation continue actuelle[8] qui me permettront d'affiner ma réflexion afin de proposer une action de formation cohérente et réfléchie.
Les éléments qui contribuent à la formation, qu’elle soit initiale ou continue, sont moins mystérieux avec le dossier du centre Alain Savary. En formation continue, le travail autour des compétences de réflexivité est évidemment indispensable pour les enseignants qui n’y ont jamais été formés. Ces éléments tendent vers le modèle de cycle de développement professionnel ouvert (Huberman,1995).
Conclusion
L’évaluation reste un vaste sujet auquel se confrontent quotidiennement les enseignants. La finalité de cette étude n’est pas d’idéaliser les pratiques d’auto-évaluation comme seules pratiques d’évaluation à retenir. Il s’agissait dans un premier temps de comprendre la place qu’elle occupait dans le processus d'apprentissage français et européen et d’en percevoir son rayonnement. Puis, dans un second temps, de s’appuyer sur des données quantitatives et qualitatives de quatre corps d’enseignement distincts et de mieux comprendre les pratiques et les difficultés terrains afin d’envisager une proposition de formation continue cohérente.
Les pratiques d’auto-évaluation sont perçues comme des pratiques motivantes et positives, pourtant elles sont utilisées à la marge. L’évaluation est une phase importante dans le processus d’apprentissage et cependant certains enseignants n’ont jamais modifié leurs pratiques et d’autres n’ont pas eu de réactualisation ou de formation à ce sujet au cours des deux dernières années.
Ainsi, ai-je tenté, par cet écrit réflexif, de lier deux besoins : celle émanant d’une demande institutionnelle et celle émanant de la réalité du terrain. Les enseignants ont un besoin de formation afin de développer des pratiques plus adaptées aux rythmes et aux besoins de l’apprenant, de renforcer l’interactivité des cours en rendant les élèves acteurs de leurs propres apprentissages et évaluations, et de préparer à une insertion professionnelle réussie.
J’ai eu beaucoup de plaisir à me plonger dans ce domaine qui m’anime, celle de placer toujours un peu plus l'apprenant au cœur de son apprentissage et de le rendre à chaque fois plus autonome et conscient de ses actions par l’auto-évaluation. La valorisation du travail est ainsi plus aisée et motivante ce qui favorise et facilite l’acquisition des savoirs et des compétences.
Bibliographie / Sitographie
Oeuvres
Allal, L. (1999). Impliquer l’apprenant dans le processus d’évaluation : promesses et pièges de l’autoévaluation. In C. Depover & B. Noel, B. (Eds.),
Allal Linda & Mottier Lopez Lucie (2005). « L’évaluation formative de l’apprentissage : revue de publications en langue française ». In OCDE, L’évaluation formative : pour un meilleur apprentissage dans les classes secondaires. Paris : OCDE, p. 265-290.
Bélair, L.M. (1993). L'acte d'évaluer les apprentissages: problématique de la formation. In R. Hivon (Ed.),
Belair, L. (1999) : L’évaluation dans l’école . Paris : ESF.
Bonniol, J.-J. & VIAL, M. (1997) : Les modèles de l’évaluation : textes fondateurs avec commentaires. Bruxelles, Paris : De Boeck Université.
Articles/ dossiers
Centre Alain Savary, “Concevoir des formations pour aider les enseignants à faire réussir tous les élèves." version 7, Octobre 2019; http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/documents/publications/concevoir-des-formations
Houpert, D, En quoi la formation continue des enseignants contribue-t-elle au développement des compétences professionnelles ?, cahiers pédagogiques n°435 - dossier “Enseigner , un métier qui s’apprend” ; N°435 - Dossier "Enseigner, un métier qui s’apprend"
Pillonel et Rouiller dans “accompagner une idée neuve en éducation”, cahiers pédagogiques n°393 :http://www.cahiers-pedagogiques.com/Faire-appel-a-l-auto-evaluation-pour-developper-l-autonomie-de-l-apprenant
Rey, O & Feyfant, A. Évaluer pour (mieux) faire apprendre, Les dossiers de veille de l’IFE ,N°94 - septembre 2014) ; http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA-Veille/94-septembre-2014.pdf
Weiss Jacques, « Évaluer plutôt que noter », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 11 | 1996, mis en ligne le 29 juillet 2013, consulté le 01 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/ries/3264 ;
Mooc
Lison C, Université de Sherbrook Québec : L’APP, une pédagogie active. MOOC Edulib ( méthode d’apprentissage par problème ). Février 2019.
Rapports publics
Cnesco - Conférence nationale sur l’évaluation des élèves), Rapport de comparaisons internationales. 11 et 12 décembre 2014 ; http://www.cnesco.fr/fr/publications/evaluation/
DEPP Direction de l’évaluation: Note d’informations de la prospective et de la performance TALIS 2013 n° 23 – Juin 2014 - Enseignant en France : un métier solitaire ? ; http://www.oecd.org/fr/education/scolaire/France-DEPP_NI_2014_23_TALIS_2013_Enseignant_Fr ance_metier_solitaire_333502.pdf
DEPP Direction de l’évaluation: Note d’informations de la prospective et de la performance TALIS 2013 N° 19.23 – Juin 2019 - La formation continue, un levier face à la baisse du sentiment d’éfficacité personnelle des enseignants au collège ?;
https://cache.media.education.gouv.fr/file/2019/06/2/depp-ni-2019-19-23-la-formation-continue-un-levier-face-a-la-baisse-du-sentiment-efficacite-personnelle-des-enseignants-au-college_1161062.pdf
Rapport IGEN-IGAENR 2018-068, septembre 2018, La formation continue des enseignants du second degré : de la formation continue au développement professionnel et personnel. : https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/document/IGEN-IGAENR-Rapport-2 018-068-Formation-continue-enseignants-_second-degre-developpement-professionnel-personnel_ 1031056.pdf
Rapport IPR académie de Rouen, fevrier 2017; http://www1.ac-poitiers.fr/medias/fichier/guide-pratique-evaluation-15-02-2017_1487230308978.pdf
Sources institutionnelles
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BOEN n° 3 du 21 janvier 2016 qui précise les modalités de suivi et d'évaluation des apprentissages des élèves au cycle 1 ; https://www.education.gouv.fr/bo/16/Hebdo3/MENE1531422D.htm?cid_bo=97260;
Bulletin officiel n° 32 du 3 septembre 2009, Instructions pédagogiques: Enseignants du premier degré exerçant en classes et écoles maternelles; Déclinaison du référentiel de compétences des enseignants pour une formation des professeurs des écoles à l'exercice en école maternelle; https://www.education.gouv.fr/bo/2009/32/mene0900711c.htm
BO spécial n°1 du 22 janvier 2019 et au BO spécial n°8 du 25 juillet 2019, Programmes des classes de première ; https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?pid_bo=38502, Programmes des classe de terminale;https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html? pid_bo=39051
Bulletin officiel n°17 du 23 avril 2015, Décret n° 2015-372 du 31-3-2015 - J.O. du 2-4-2015; Socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo17/MENE1506516D.htm
Circulaire n° 2019-133 du 23-9-2019; Le schéma directeur de la formation continue des personnels de l’Education Nationale ; https://www.education.gouv.fr/bo/19/Hebdo35/MENH1927275C.htm?cid_bo=145323
Eduscol, Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et l'évaluation des acquis scolaires des élèves, Modalités d'évaluation des acquis scolaires des élèves; juillet 2019; https://eduscol.education.fr/cid103780/modalites-d-evaluation-des-acquis-scolaires-des-eleves.html
Eduscol, Suivi et évaluation des apprentissages des élèves à l'école maternelle, juillet 2012 ;https://eduscol.education.fr/cid97131/suivi-et-evaluation-a-l-ecole-maternelle.html#lien3
JORF n°0294 du 20 décembre 2018 texte n° 51,arrêté du 21 novembre 2018 relatif aux enseignements dispensés dans les formations sous statut scolaire préparant au baccalauréat professionnel; https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=F3FC195D8E52CA2DA1E95F807041 9A51.tplgfr23s_1?cidTexte=JORFTEXT000037833273&dateTexte=&oldAction=rechJO&categ orieLien=id&idJO=JORFCONT000037832549
Loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République ; https://www.education.gouv.fr/loi-ndeg2013-595-du-8-juillet-2013-d-orientation-et-de-programmatio n-pour-la-refondation-de-l-ecole-5618
Annexes
Annexe Ia - Enseignants en Irlande
Annexe IIa - MOOC APP - exemple de test d’auto-positionnement
Annexe IIIa - Questionnaire : Etude sur les pratiques d’auto-évaluation
Annexe I a : Enseignants en Irlande
Les enseignants irlandais du primaire sont invités à utiliser le guide national pour l’évaluation des élèves dans la classe, « Assessment in the Primary School Curriculum : Guidelines for Schools », lancé par le National Council for Curriculum and Assessment (2007) qui met en avant une variété d’épreuves d’évaluation que les enseignants sont invités à mobiliser dans leurs classes. En effet, le guide national définit un continuum d’épreuves d’évaluation (cf. présentation 2 ci-dessous sur ce « continuum of assessment methods ») en distinguant différentes natures d’évaluation selon les degrés d’implication et de responsabilisation tant de l’élève que de l’enseignant dans le processus d’évaluation. Il existe huit natures d’évaluation, positionnées à gauche si l’élève est responsable de sa propre évaluation et plus vers la droite lorsque l’enseignant joue un rôle majeur dans l’évaluation de l’élève.
Parmi les épreuves d’évaluation dans la classe, on compte ainsi : (1) l’autoévaluation où l’élève évalue ses propres progrès et ses objectifs d’apprentissage en développant des compétences métacognitives ; (2) le « conferencing » qui renvoie aux situations d’évaluation périodique entre l’élève et l’enseignant, et de réunions des enseignants avec les parents ou encore des enseignants entre eux (l’élève connaît alors ses forces et faiblesses pour mieux progresser) ; (3) le « portfolio » est un moyen de centraliser tous les travaux de l’élève et de suivre ses compétences et ses connaissances acquises pendant une période ; (4) le « concept mapping » est un moyen innovant d’appréhender et d’évaluer les acquis méthodologiques de l’élève en lui faisant réaliser des schémas relationnels (ou « semantic networking ») sur une idée ou un sujet ; (5) les questions orales par l’enseignant dans la classe permettent d’évaluer spontanément l’élève sur sa compréhension et ses connaissances ; (6) l’observation par les enseignants permet d’avoir un retour immédiat et objectif sur des situations d’apprentissage dans la classe tout au long de l’année et a fortiori d’orienter l’élève dans ses tâches d’apprentissage ; (7) les épreuves conçues par les enseignants peuvent prendre la forme de tests écrits ou oraux dans le cadre de l’évaluation formative ; (8) enfin les tests standardisés qui sont une forme d’évaluation externe.
Ainsi, la réglementation suggère une nouvelle de l’évaluation …La fréquence des évaluations, bien différemment, se révèle, elle, peu contrainte par les réglementations.
Annexe IIa - MOOC APP - exemple de test d’auto-positionnement
Annexe III a - Questionnaire : Etude sur les pratiques d’auto-évaluation (google forms)
[1] Rénovation 2008 des épreuves certificatives en CCF du projet en Tle STMG; Rénovation 2010 des épreuves certificatives en CCF - ACRC et PDUC en BTS MUC; Réforme 2019 du BTS MCO: les épreuves certificatives sont généralisées en CCF (3 disciplines commerciales sur 4) avec l’usage d’un portefeuille de compétences
[2] La notion de soft skills regroupe les compétences comportementales, humaines, mais également transversales. Il s’agit là de valeurs et de qualités d’un individu plus que de compétences techniques.
[3] MOOC APP - Apprentissage par situation problème - plateforme Edu Lib - Université Québec 2018
[4] Stage CEFPEP annulé compte tenu de la pandémie de Covid-19
[5] Moyenne Talis couvre l’étude des systèmes éducatifs de près de 30 pays
[6] Rapport IGEN-IGAENR 2018-068, septembre 2018, La formation continue des enseignants du second degré : de la formation continue au développement professionnel et personnel.
[7] Annexe IIa : Exemple de test d’auto-évaluation sur l’évaluation - MOOC APP
[8] Sources utilisées : rapport IG, schéma directeur et le site de l’IFE Alain Savary (livret " Concevoir des formations pour aider les enseignants à faire réussir tous les élèves.")
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