
Former à la culture de l’égalité Filles Garçons à l’école, contribution des CPE à la politique éducative
Certification d’aptitude aux fonctions de Formateur Académique
Académie de Reims session 2017-2019
Mémoire professionnel
Discipline : Education
Titre : Former à la culture de l’égalité Filles Garçons à l’école, contribution des CPE à la politique éducative
Auteur : PAUWELS Cécile
SOMMAIRE
II. Vie Scolaire : miroir de l’asymétrie genrée
A. Des indicateurs du bilan Vie Scolaire révélateurs
B. Socialisation scolaire et pratiques différenciées
C. Des espaces et des temps scolaires en déséquilibre
III. Pertinence et enjeux d’une politique éducative égalitaire Filles Garçons
A. Mixité scolaire et stéréotypes de genre en question
B. « Culture d’égalité filles-garçons », mais de quoi parle-t-on ?
C. Enjeux scolaires et enjeux sociaux
1. Pour une Vie et un climat scolaires apaisés
2. Pour des résultats scolaires et des parcours de formation plus équilibrés
3. Pour une société plus respectueuse des droits et devoirs
IV. Pour une formation à la culture de l’égalité Filles-Garçons en Vie Scolaire
A. Représentations et implications inégales des CPE
B. Du prescrit au réel : actions, cadre et cohérence
1. Les « correspondant.e.s Egalité Filles-Garçons »
2. L’Education à la vie affective et sexuelle (Evas)
3. Des actions éducatives spécifiques
C. Répondre aux besoins de formation des CPE
2. Affiner les représentations des CPE pour développer une justice scolaire correctrice
3. Agir au service des valeurs de la République pour servir l’idéal d’égalité
I. Introduction
La Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif français, portant sur les années 2013-2018, arrive à son terme et n’est pas sans laisser des interrogations persistantes qui conduisent à une multiplication des rappels à la poursuite de changements des pratiques pédagogiques et éducatives, au sein de l’école.
L’histoire de l’école de la République est jalonnée par des lois définissant l’accès égalitaire aux savoirs : les lois FERRY de 1881 déclarent l’école gratuite, laïque et obligatoire pour les garçons comme pour les filles…mais dans des espaces séparés et avec des enseignements différents, ces derniers reproduisant les normes sociales en vigueur : aux filles la sphère privée et aux garçons la sphère publique. Il n’était donc pas concevable au début du XXe siècle que les filles apprennent le latin, le grec ou la philosophie représentant les humanités, signe de la virilité, alors que cet enseignement s’est déplacé dorénavant vers les filles, laissant les garçons investir le champ des sciences[1].
Il faudra attendre 1975 et la Loi HABY, pour voir naître l’idée d’une instruction identique entre les filles et les garçons dans un espace commun, le « collège unique ».
Pour autant, Michelle PERROT explique comment les « frontières du savoir et les frontières du scolaire se déplacent » : au fur et à mesure, les filles ont investi le champ scolaire et réussissent dorénavant mieux que les garçons. Le pourcentage de réussite des filles au baccalauréat est supérieur à celui des garçons depuis quelques années2. La virilité s’exprime ailleurs ou autrement dans l’espace scolaire, nous le verrons un peu plus loin.
Malgré cette évolution, les filles ne tirent pas tous les bénéfices sociaux de cette réussite scolaire et se restreignent ainsi bien souvent et de façon inconsciente dans leur choix d’orientation, préférant investir des filières les moins valorisées symboliquement et les moins rentables sur le marché du travail. Le « plafond de verre[2] » est ainsi l’illustration de la restriction engendrée par la norme.
Parallèlement, l’injonction permanente à la masculinité enfermerait les garçons dans un rôle dont ils peuvent également être les victimes, les confinant dans des choix répondant à attentes sociales très prégnantes.
Depuis 2013, les rapports et les enquêtes[3] ne cessent de démontrer que l'égalité entre filles et garçons est loin d’être acquise, tant au niveau des résultats, de l'orientation que des sanctions.
La mixité à l’école n’a donc pas conduit à l’égalité entre les filles et les garçons, alors même que cette dernière est décrétée « grande cause nationale »[4] en 2017.
Cette question d’égalité à l’école ou dans la société s’articule autour de trois grands axes qui vise la disparition de la hiérarchie entre les sexes :
- acquérir et transmettre une culture de l’égalité entre les sexes,
- renforcer l’éducation au respect mutuel et à l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes,
- s’engager pour une plus grande mixité des filières de formation à tous les niveaux d’études
Or, si l’égalité des sexes ne cesse de se décliner d’un texte à l’autre, il est à se demander si les objectifs fixés sont atteignables et dans ce cas, quels acteurs ou actrices doivent encore se mobiliser pour y contribuer ?
La question centrale du bien-vivre ensemble et de l’accomplissement personnel est au cœur de ces préoccupations éducatives et pédagogiques des acteurs de la communauté scolaire, notamment des Conseillèr.e.s Princpales d’Education.
Ainsi, pourquoi les conseillèr.e.s principales d’éducation doivent-ils contribuer activement à la culture de l’égalité Filles-Garçons au sein des établissements scolaires ? Quels bénéfices y-a-t-il à développer de la formation à l’égalité F-G, pour la Vie et le climat scolaires et pour nos élèves ?
Il sera intéressant dans un premier temps de mettre en lumière des indicateurs genrés de la Vie Scolaire, reflétant une violente réalité et remettant en cause nos pratiques professionnelles.
Nous nous attèlerons ensuite à en dessiner les causes, en lien avec une définition « de la culture d’égalité » corrélée à notre profession, pour en déterminer les enjeux fondamentaux, scolaires et sociétaux.
Et enfin, nous proposerons des axes de formation destinés à porter un nouveau regard sur notre public sexué, mais aussi à développer des pratiques utiles à cette cause et à notre identité professionnelle.
L’observation de la place des filles et des garçons au sein de mon collège s’imposait dès lors que nous menions régulièrement des actions sur le sujet dans les classes avec ma collègue CPE, très sensible au sujet. Au travers des chiffres, se profilait une surprenante « réalité scolaire » dont il fallait que j’en comprenne les causes et les enjeux.
II. Vie Scolaire : miroir de l’asymétrie genrée[5]
A. Des indicateurs du bilan Vie Scolaire révélateurs
Depuis juillet 2014, sous l’impulsion de la directrice académique départementale, nous intégrions les paramètres du genre aux indicateurs de notre Bilan Vie Scolaire, qui était déjà analysé sous l’angle du niveau, des motifs, du type de suivi et des évaluations de nos actions. Pour ce mémoire, j’ai synthétisé une analyse comparative des indicateurs Vie Scolaire[6] sur les 4 dernières années qui révèle un important déséquilibre entre les filles et les garçons :
Globalement, sur les 4 dernières années, nous pouvons même observer une augmentation du phénomène : les garçons sont surreprésentés pour tous les indicateurs chiffrés de nos bilans d’activités et ne cessent de prendre une part toujours plus importante sur les filles. Ce constat est à relativiser du fait du nombre plus élevé de garçons que de filles.
Malgré cela, l’analyse des motifs met en lumière le caractère sexué des punitions : 83% des incidents ayant rapport à la violence physique sont le fait de garçons. Les filles, elles, sont plus souvent concernées par la violence verbale et les insultes, et plus encore par voie de réseaux sociaux.
Il est difficile d’évaluer au quotidien les motifs de la totalité des manquements au collège, qui font, souvent, l’objet de rappels à l’ordre et ne sont donc pas tous enregistrés[7].
Il est également intéressant de constater la répartition des « fiches de suivi individuel ». Cette mesure d’étayage est mise en place après concertation entre les professeurs principaux et la CPE référente, en réponse à des manquements en matière d’obligations scolaires[8], :
Une question s’impose alors presque violemment à nous : Pourquoi, alors que nous menons des actions fortes en faveur de l’égalité entre les filles et les garçons[9], la surreprésentation des garçons est-elle encore si importante ? Sans nier le rôle des familles ni celui de la société, et non sans se convaincre de la nécessité de continuer, la pertinence des animations que nous proposions au titre de l’égalité filles-garçons était à questionner : ces animations produisaient-elles de l’égalité au sein du collège ?
Chaque année, la présentation du Bilan Vie Scolaire en assemblée plénière de rentrée laisse perplexes quelques collègues enseignants curieux-ses de savoir pourquoi nous arrivons à un tel écart. Je comprends au détour de quelques échanges que trop peu de collègues ne sont formés à comprendre que ces différences ne sont ni dues « au hasard », encore moins à une sorte de fatalisme : « c’est normal, les garçons sont plus durs, c’est les hormones ». Que signifie donc cette asymétrie genrée si forte ? A quoi la devons-nous ?
Selon l’étude menée par Sylvie AYRAL11, les garçons représentent 80 % des élèves sanctionnés tous motifs confondus, 92 % des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes, ou encore 86 % des élèves des dispositifs « Relais » qui accueillent les jeunes entrés dans un processus de rejet de l’institution scolaire.
L’appareil punitif trie, oppose et hiérarchise les élèves en fonction de leur genre et de la conformité de leurs comportements aux rôles sociaux attribués à chacun. Il distingue les garçons dominants et « invisibilise » les filles et les garçons sages.
Sylvie AYRAL démontre que le système punitif scolaire finit par construire ce qu'il prétend corriger, l'exacerbation d'une masculinité stéréotypée.
Selon la sociologue, le problème est d’en finir avec la « fabrique des garçons », lesquels sont sous permanentes injonctions à l’illustration d’une virilité supposée.
Ces premières recherches en sociologie me permettent de comprendre ce que l’on peut attribuer à un « processus continu de construction de sens sexué[10] », qui renvoie aux pratiques punitives ou d’accompagnement, en contradiction avec le discours égalitaire officiel.
Je ne pensais pas alors découvrir un processus aussi complexe.
B. Socialisation scolaire et pratiques différenciées
Avant l’école…et dès sa naissance, l’enfant développe des comportements en lien avec les autres : au sein de sa famille, chez sa nourrice, à la crèche…
Ainsi, pendant la période de socialisation précoce, de 0 à 6 ans, trois processus contribuent à l’intériorisation de stéréotypes de genre : la « catégorisation » du monde entre masculin et féminin ; la « prise d’exemple », l’observation par l’enfant de son environnement constituant en soi un apprentissage de la division des rôles sociaux entre hommes et femmes ; le
« renforcement », quand l’enfant est encouragé dans les comportements conformes à son sexe.
A l’école, on apprend à être une fille ou à être un garçon, c’est ce que Marie DURU-BELLAT, sociologue, nomme « la facette implicite du métier d’élève ».
Image tirée d’Un jour, Une actu, « c’est quoi un stéréotype » ?
La socialisation scolaire[11] se définit par le processus selon lequel un.e élève apprend à vivre en société au sein de l’école, durant lequel il/elle intériorise les normes et les valeurs, et par lequel il/elle construit son identité psychologique et sociale.
L’école est ainsi un lieu de transmission de savoirs, de savoir-être et de savoir-faire indispensables à l’intégration sociale : la multitude d’interactions contribue à faire intégrer les « savoirs de sens commun »[12]. Comme l’écrit Jean-Claude FORQUIN, reprenant la notion de curriculum caché, « l’élève apprend ces choses qui s’acquièrent à l’école (savoirs, compétences, représentation, rôle, valeurs) sans jamais figurer dans les programmes officiels ou explicites. » [13]
Une enquête de 2014 du Commissariat général à stratégie et à la prospective[14] détermine que les attitudes enseignantes sont elles-mêmes tributaires d’influences, fondées sur les habitudes, les clichés et les traditions. Conscientes ou non, elles déterminent les relations et les attentes que nous avons envers nos élèves.
Ces enquêtes montrent qu’en moyenne, en classe, les enseignant.e.s ont moins d’interactions avec les filles qu’avec les garçons (1/3 contre 2/3). Comme il est prouvé que l’enseignant.e ne donne pas nécessairement la parole aux élèves filles ou garçons pour les mêmes raisons :
aux filles le rappel des savoirs, aux garçons la proposition de solutions innovantes.
Les stéréotypes rythment également les attentes des enseignant.e.s vis-à-vis des élèves :
aux filles la docilité et l’envie de plaire, aux garçons l’affirmation de soi et l’envie de défier. Et les manifestations de l’effet Pygmalion feront écrire à Armand CHATARD que « les attentes de réussite sont fortement prédictives des performances ultérieures »17. Ainsi, est-il utile de rappeler que ces études démontrent que la manière de corriger les copies est orientée s’il s’agit d’un garçon ou d’une fille. On excusera moins un garçon de s’être trompé qu’une fille, en ce qu’« il peut mieux faire » en lien avec leur performance supposée, contrairement aux filles « qui font leur maximum » au regard de leurs aptitudes exploitées.
Ainsi, on peut lire dans la Convention interministérielle : « La manière d’interroger, de donner la parole, de noter, de sanctionner et évidemment d’orienter, révèlent des représentations profondément ancrées sur les compétences supposées des unes et des autres ».
Ces attitudes peuvent avoir un effet négatif sur l’ambition et la confiance en soi des filles, et positif sur celles des garçons. Les comportements attendus et tolérés ainsi que l’expression des encouragements à travailler diffèrent selon le sexe.
En « Vie Scolaire », la question des « attendus » s’est alors posée à moi de la même manière lorsqu’il s’agit d’interactions entre adultes et élèves, dans ce temps hors-la-classe que nous nommons abusivement « Vie Scolaire ».
Filles et garçons ne sont pas sollicités pour les mêmes raisons, ni ne manifestent de façon identique leur souhait de réaliser certaines activités, surtout si elles sont genrées…
Sur ce sujet, il me revient des anecdotes : des garçons qui refusent de passer le balai en étude « car c’est un travail de fille » ou encore une adulte se présente en étude « y-a-t-il un garçon pour m’aider à porter un carton ? » ou bien un professeur qui arrive à mon bureau avec un élève « arrête donc de pleurer comme une fille » ou encore un garçon qui dit lors d’un entretien « bah, non je vais pas taper une fille quand même » laissant sous-entendre que c’est moins grave de taper un garçon…nous ne cessons de renvoyer quotidiennement – et inconsciemment - des messages emprunts de préjugés à nos élèves, les inscrivant dans un rôle, que nous valoriserons.
Aussi, quel.le.s CPE n’a jamais entendu un.e élève dire pour se justifier d’une agressivité reprochée « bah, quoi, j’suis un bonhomme, moi ! » … ? Comme pour signifier qu’être « un bonhomme » donc être un garçon, un homme, le masculin, c’est légitimer la possibilité de s’énerver, d’être violent, de ne pas supporter la contradiction ou l’opposition et de se donner « en spectacle ».
C’est pour toutes ces raisons que les garçons, selon S. AYRAL, « exercent naturellement une dominance » à la fois sur le groupe des filles et sur certains garçons, et, entretenu par nos attentes typiques, les garçons développent donc des comportements déviants conduisant à des manquements, ce qui explique qu’ils soient donc plus punis et sanctionnés que les filles.
En somme, on peut admettre que les jugements et les attentes des adultes dans le milieu scolaire alimentent ces représentations sexuées. Ainsi compris et, en tant que CPE, une nouvelle façon d’analyser la vie au collège et les comportements s’imposait alors à moi. Qu’en était-il de l’observation des espaces et des temps « vie scolaire » ? Ceux-là mêmes que nous ne « quantifions » pas, que nous n’évaluons que trop rarement.
C. Des espaces et des temps scolaires en déséquilibre
En lien avec ces constats et premières lectures, il apparaît pertinent de mesurer la façon dont filles et garçons investissent les lieux du collège. J’ai donc pris l’habitude de demander à l’équipe d’assistant.e.s d’éducation ou aux stagiaires CPE d’observer la façon dont les 780 élèves évoluent dans la cour et dans les différents espaces comme l’étude et les couloirs, puis entrent en interaction, se rangent et se déplacent.
Bien sûr, la mixité de ces espace-temps est effective et possible, nous évoquons ici les grandes tendances observables, la manière dont les filles et les garçons se présentent « naturellement » dans ces lieux.
La cour - Concernant l’espace de la cour, les retours sont sans équivoque : les garçons sont plus « visibles », m’a répondu un jour un stagiaire, décrivant des agissements « plus violents et plus bruyants que ceux des filles ».
Au fond se situent les tables de ping-pong, qui sont investies exclusivement par des garçons aux deux récréations ainsi que temps méridien.
Les rangs sont une illustration parfaite des analyses sociologiques genrées : à la sonnerie, les filles se présentent plus rapidement rangées à l’avant pour laisser les garçons à l’arrière, non rangés et souvent agités. Quelques garçons « isolés » se trouvent parmi les filles et sont ceux les moins intégrés au groupe masculin dominant de la classe.
Une anecdote me revient alors que j’étais à l’entrée d’une classe : ma collègue enseignante me voit surprise face aux garçons rangés à l’avant, devant la porte, et les filles plutôt à l’arrière du rang. Fière, elle me dit : « tu vois, mes élèves cassent l’idée que les garçons sont toujours au fond ». Alors que les garçons entrent dans la salle, nous les voyons investir toutes les places du fond, pour laisser les filles…à l’avant.
Les déplacements dans les couloirs sont également décrits avec les mêmes adjectifs : en grande majorité les garçons n’hésitent pas à « pousser fort pour passer » ou à « marcher au centre du couloir » pour imposer leur passage me relatent des élèves lors d’incidents quotidiens. Les assistants d’éducation confirment le bruit et la plus grande visibilité des déplacements de « groupes de garçons », qui courent davantage que les filles dans les couloirs. Les cris sont différents et tendent à signifier leur présence.
Les toilettes - Les WC garçons, bien que séparés en deux zones distinctes 6°/5° d’un côté et 4°/3° de l’autre, restent des espaces où le « pouvoir » et les comportements sont le reflet d’attitudes sexuées : les filles « se recoiffent », « papotent » ou « se maquillent » quand les garçons « crient » et « gênent certains pour entrer » qu’ils empêchent par leur simple présence en groupe. Il y a toujours eu plus de dégradations dans les WC garçons (bien que nous n’en ayons que peu).
City stade et salle baby-foot - Les espaces les plus spécifiquement investis de manière inégale: le city-stade, accessible uniquement sur le temps méridien, est le lieu plébiscité par les garçons – et il s’y joue majoritairement du foot, laissant quelques filles spectatrices, en bordure du jeu. Pour accentuer le trait, nous observons le même phénomène à l’espace « baby-foot ».
Les clubs - Sur les temps méridiens, de nombreux « clubs » et activités rythment la vie des 350 demi-pensionnaires. Ainsi, nous pouvons constater que pendant que les garçons jouent en extérieur et font le spectacle, les filles investissent davantage d’autres espaces comme le club Nail Art, la chorale ou le club jeu de société…en intérieur, bien plus à l’abri des regards.
Au Self, il apparaît que les garçons et filles mangent peu ensemble et restent majoritairement entre pairs. Imposer une place à un.e élève sera toujours évalué au regard de la proximité éventuelle avec « l’autre groupe » surtout s’il s’agit de l’opposé.
Sur ces questions d’investissement inégal des espaces scolaires, les travaux d’Edith MARUEJOULS[15], géographe du genre, sont très intéressants[16].
Elle évoque un inégal partage des lieux : « Quand on s’immerge, on réalise que le mélange entre filles et garçons n’est pas la norme. Il y a presque une absence de la relation. Dans la cour de récréation, les garçons occupent l’espace central, les filles sont en périphérie », peuton lire. Ils sont corroborés par le tout récent rapport de l’Unicef correspondant à la 4e consultation nationale des 6-18 ans qui a eu lieu en 2018[17].
L’appropriation de l’espace s’effectue différemment par les filles et les garçons, tous deux producteurs d’un espace sexué, qui, selon ces études, préfigure la façon dont plus tard, les hommes et les femmes s’approprient l’espace public. Dès l’école, nous pouvons observer la manière dont les filles adoptent des stratégies d’évitement ou de contournement de certains espaces dans lesquels elles se sentent rejetées, en insécurité ou illégitimes.
Ainsi, si la socialisation des filles et des garçons dans le cadre scolaire alimente l’idée que l’espace public est masculin, il entretient également l’incitation des filles à être dociles et à privilégier leur apparence physique, selon le CGSP[18].
CPE et enseignant.e.s ne peuvent nier que la mixité scolaire n’est pas sans engendrer des besoins de régulations quotidiennes : en pleine construction identitaire, les filles et les garçons expérimentent leur rapport aux autres, tout en développant leur personnalité.
Du Code de l’éducation aux référentiels de compétences, on peut lire sur le site de Canopé[19] :
« Si les objectifs généraux se retrouvent d’une convention à l’autre, c’est que les inégalités se maintiennent. » Or, les études menées en la matière permettent d’entrevoir des leviers et de comprendre les processus de construction sociale engendrant les situations quotidiennes auxquelles sont confrontées les personnels en établissement, notamment ceux de Vie Scolaire.
III. Pertinence et enjeux d’une politique éducative égalitaire Filles Garçons
La différenciation sexuée produite par la sphère de l’école trouve ses origines dans nos pratiques mais également dans des processus « invisibles » étudiés en sociologie et sciences de l’éducation. Ainsi, il est nécessaire d’interroger davantage les notions de mixité et de stéréotypes de genre pour redéfinir la notion de « culture d’égalité à l’école » sous le prisme de la profession de CPE.
Nous pourrons ensuite mettre en perspective les enjeux fondamentaux d’une politique volontariste d’égalité entre filles et garçons au sein des établissements scolaires.
A. Mixité scolaire et stéréotypes de genre en question
Ce sont, entre autres, les travaux de psychologie sociale cognitive[20] qui peuvent aider à comprendre comment la mixité ne suffit pas à produire de l’égalité.
Le fait même qu’un groupe soit mixte accroît ce que l’on peut alors nommer « la saillance », c’est-à-dire la catégorisation sociale, en l’occurrence de sexe, fille-garçons, la plus primitivement apprise par l’enfant lors de la phase de socialisation précoce.
Aussi, la sociologue Marie DURU-BELLAT explique ce phénomène « en ce que l’égalité dans l’instruction ne signifie pas égalité dans l’éducation[21] ». Evoquant une de ces notes de synthèse[22], la sociologue présente les recherches centrées sur l’analyse des différences entre filles et garçons dans le système scolaire. Ces analyses portant sur les inégalités de sexe sont d’ailleurs très récentes en France[23], contrairement à celles portant sur les inégalités sociales à l’école. On a longtemps considéré que les différences de réussite et de trajectoires scolaires étaient « naturelles », chacun.e devant répondre au modèle qui lui était prescrit.
A l’école, l’enfant construit son identité et affirme son appartenance à un groupe, en même temps qu’il apprend son « métier[24] » d’élève en intégrant des normes liées aux rôles et aux attentes de l’institution scolaire en matière de comportements et d’aptitudes des filles et des garçons.
Ainsi, la mixité voulue par la réforme HABY en 75 devait aboutir à l’égalité réelle -de l’instruction- à l’école, les inégalités restant l’exclusivité de la sphère familiale, professionnelle ou publique. La mixité acquise en droit et ancrée telle une évidence dans notre système scolaire demeure une condition nécessaire mais ne suffit pas à lisser les préjugés qui imprègnent les représentations sur les appétences et les compétences de chacune et chacun.
Le processus naturel de « catégorisation sociale » dont nous avons parlé plus avant, naît du besoin de nous représenter le monde et de nous identifier à nos pairs. Cette catégorisation tend vers la construction de stéréotypes, notion apparue en 1922, à propos d’études sur le racisme (du journaliste Walter LIPPMAN), nous dit Nicole MOSCONI. Le stéréotype, au départ terme d’imprimerie, étymologiquement « type de relief », est un ensemble de croyances rigides voire caricaturales, concernant les caractéristiques supposées
d’un groupe social qui tend à standardiser ses membres[25]. Elle développe la notion de stéréotype de genre en ce qu’il contribue à créer des différences hiérarchisées entre les sexes et tend à valoriser le groupe dominant masculin et à dévaloriser le groupe dominé féminin.
L’effet psychologique des stéréotypes est puissant sur nos regards et attitudes : ils conditionnent notre jugement et nos conduites sans que l’on en ait vraiment conscience. Ce système de normes « imposées » a donné naissance dans les années 70 au concept de « genre », au cœur de polémiques, tant sur sa définition que sur ses prétendues conséquences.
La question des stéréotypes de genre renvoie également à la question de la génétique. Les travaux de Catherine VIDAL[26] en la matière sont passionnants : le bilan des études en imagerie par résonnance magnétique menées depuis 15 ans sur des cerveaux de femmes et d’hommes est sans appel : il n’existe pas de différence entre les deux dans leur constitution. En opposition à la théorie caduque « des deux cerveaux », elle s’appuie sur ses travaux en neurobiologie pour expliciter ce que l’on nomme « la plasticité cérébrale », c’est-à-dire la capacité du cerveau à modeler ses connexions en fonction de l’environnement et des expériences vécues. Elle décrit également un rythme de développement identique des aptitudes de raisonnement, de langage et de logiques mathématiques chez les filles et chez les garçons dans les premières années de la vie. Celui-ci se modifie ensuite sous l’influence des interactions avec l’environnement, et par ce même processus, mène à la construction de nos identités sexuées.
« C’est tout ce processus d’interactions de l’enfant avec son environnement physique, familial et culturel qui va contribuer à forger certains goûts, certains traits de personnalités, certaines aptitudes en fonction des normes du masculin et du féminin qui sont données par la société dans laquelle l’enfant est né ». Aussi, Marie DURU-BELLAT écrit[27] « La socialisation de genre forme à des compétences, mais aussi à des incompétences », conduisant à ce que l’auteure appelle la « menace du stéréotype » : le fait pour une fille d’estimer qu’elle a peu de chances de réussir dans un domaine fortement masculinisé affaiblit de fait ses chances d’y arriver. […]
C’est une succession d’actes prescrits qui forge la différence supposée naturelle entre les sexes ».
Schéma issu du rapport du Laboratoire de l'égalité – 2013
B. « Culture d’égalité filles-garçons », mais de quoi parle-t-on ?
L’égalité de droit, affirmée dans la Constitution française de 1946 et réitérée par la Déclaration universelle des droits humains en 1948 « garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »
Or, force est de constater qu’elle n’assure pas l’égalité de fait et qu’elle n’aboutit pas à une égalité réelle dans la société.
Le débat philosophique engendré par la question de l’égalité mériterait d’être étoffé, selon Michel DELATTRE[28], par les notions affichées de « mérite » ou de « talent », en ce que ces qualités sont le reflet d’inégalités considérées comme « justes ou légitimes ». Pour lui, tous les élèves, qu’ils soient « premier » ou « dernier » - s’il est pertinent d’établir ce genre de classement - sont égaux, c’est-à-dire « ont le droit d’être respectés de la même façon par l’école, d’être encouragés autant les unes que les autres ».
L’école républicaine a, selon Olivier LOUBES32, d’abord garanti un tel un idéal et plus récemment, l’égalité sociale en ce qu’elle permet à tous et toutes d’accéder aux savoirs et
« d’aller le plus loin possible en fonction de ses mérites qu’idéalement l’école permet de reconnaître ».
Au nom des valeurs républicaines, l’institution scolaire a donc revendiqué les conditions d’application « d’égalité des chances », favorisant l’équité de traitement, développant le « donner plus à ceux-celles qui ont moins », supposant qu’il existe des inégalités illégitimes, et destiné à offrir les conditions de travail et de développement social utiles à la réussite et indépendamment du contexte de vie de chaque élève.
Or, l'expression « égalité des chances » en elle-même est un contre-sens. Comment favoriser l’égalité sans nier que le poids des critères de naissance et d’environnement social influence le développement des attitudes et des aptitudes ?
Elle implique que les écarts liés au milieu d'origine, au sexe, aux différences physiques, etc, soient absolument neutralisés, ce qui reste de l’ordre de l’utopie.
François DUBET[29] va émettre de nombreuses réserves sur cette notion d’égalité des chances en ce qu’il est difficile d’évaluer les inégalités de départ, car même si, ici, notre sujet est facilement différentiable (filles-garçons), les inégalités qui découlent de ces différences sont aléatoirement identifiables selon les sujets, les situations et les contextes. Il s’attache également à questionner la notion de mérite pour ces mêmes raisons.
Ainsi, la culture d’égalité des chances et de situations implique de reconnaître les différences évidentes entre les élèves en empêchant la production d’inégalités qui fait émerger la domination des uns sur les autres. Les adultes référents doivent donc travailler à garantir une forme de justice scolaire, empreinte de ces connaissances, pour produire un discours et des pratiques qui neutralisent ces processus.
Une conception différentialiste de justice scolaire[30] ne semble pas suffire à notre étude pour ouvrir une réelle « culture d’égalité filles garçons ». Il apparaît opportun d’évoquer ici l’application d’une autre forme de justice, la notion de justice correctrice qui vise à corriger une inégalité parfois non consciente par les sujets, en revendiquant la production d’une discrimination positive, légitimé par l’objectif d’équité.
Pour exemple : l’accès aux structures sportives de la cour n’est pas limité aux garçons, mais établir des priorités d’accès, selon les jours, aux filles et aux garçons, fait naître une nouvelle discrimination au service d’une visibilité et d’un temps de pratique équitable.
Malgré les intentions et les injonctions à « produire » plus d’égalité, les filles et les garçons subissent donc des différenciations dans le système scolaire qui nourrissent des inégalités de conditions et engendrent des biais invisibles qui déterminent leur choix et parcours respectifs.
C. Enjeux scolaires et enjeux sociaux
Les très nombreux textes et rapports qui étudient l’importance de mener une politique d’égalité entre les filles et les garçons, mettent l’accent sur les enjeux d’orientation, lesquels, bien qu’indispensables, me semblent restreindre l’intérêt d’une approche globale de ce sujet.
Ainsi, trois niveaux sont à considérer :
- l’intérêt pour le climat d’établissement
- l’intérêt pour la réussite scolaire et l’insertion professionnelle de nos élèves, - et enfin, l’intérêt sociétal.
1. Pour une Vie et un climat scolaires apaisés
Les actions menées depuis bientôt 7 ans au collège Marie CURIE sur le thème de l’égalité filles-garçons ont conduit entre autres sondages, à l’élaboration d’un grand questionnaire numérique « Climat Scolaire »[31], auquel ont répondu 676 élèves en 2017. L’objectif était de percevoir le ressenti global de nos élèves sur leur vie au collège. En octobre 2018, ce même questionnaire a été proposé à la nouvelle cohorte de 6e.
Cette expérimentation a fourni l’occasion de réfléchir aux indicateurs, au sens large, de Vie Scolaire, en lien avec les priorités fixées dans le Projet de service. L’accueil, la circulation des élèves (flux et densités), la sécurité, la vie dans la classe, le sens des punitions, les conditions de travail, le rapport des élèves entre eux et celui élève-adultes figurent parmi les critères qu’il faut tenter de mesurer pour décliner des axes d’actions.
Aussi, au travers ces thèmes, sont abordées les questions de violences scolaires, du rapport filles-garçons et des règles de vie du collège, sujets au cœur de notre étude.
Ainsi 89,5%des élèves disent être bien accueillis au collège et 89,9% affirment s’y sentir en sécurité. En revanche, d’autres indicateurs laissent entrevoir des pistes de travail[32] à décliner.
Le rapport Filles et garçons sur le chemin de l'égalité, de l'école à l'enseignement supérieur présente les résultats des enquêtes nationales de climat scolaire et de victimation dans le second degré.
Ces données confirment celles recueillies au niveau du collège : les filles ont une perception du climat scolaire plus positive que les garçons, que ce soit au collège ou au lycée.
Pourtant, elles sont plus touchées par des situations de mise à l’écart (9%) ou de moqueries et humiliations (15%), tandis que les garçons sont plus victimes – et coupables - de violences physiques, qu’ils justifient en entretien par la « pression du groupe ».
Cela traduit un double malaise : en fin de compte, filles et garçons subissent les conséquences de leur socialisation genrée.
Assumer une politique éducative attentive au sujet a permis, au sein du collège Marie
CURIE, d’absorber l’augmentation constante des élèves (+100 élèves soit 14% en 4 ans) sans hausse proportionnelle de la violence scolaire. Toutes les actions menées dans des cadres définis plus loin ont conduit à resserrer les liens entre adultes et à proposer aux jeunes des espaces de parole indispensables à l’émergence de l’esprit critique et du bien-être scolaire, dont nous profitons tous et toutes.
Travailler à décliner l’égalité filles-garçons au sein de l’école doit contribuer à repenser l’éducation des garçons et des filles car aborder la lutte contre les stéréotypes sexués à l’école sous le seul angle de la promotion des filles s’avère insuffisant.
C’est à ce prix que nous pouvons imaginer faire baisser la sur-représentation des garçons en matière de violences - mais plus globalement faire baisser la violence scolaire - et ainsi apaiser le climat scolaire de l’établissement.
2. Pour des résultats scolaires et des parcours de formation plus équilibrés
Ces effets sont visibles au niveau des résultats scolaires : selon l’Observatoire des inégalités[33], les filles obtiennent dorénavant de meilleurs résultats que les garçons.
Les dernières évaluations de CE1 réalisées en 2014 en français et mathématiques démontrent que les filles ont acquis des compétences de base supérieures à celles des garçons - en français : 85,2% contre 78,3% - et font jeu égal en mathématiques : 82,6 % des enfants des deux sexes, pour se creuser en fin de troisième en défaveur des garçons.
La différenciation filles-garçons se déplace aux niveaux supérieurs avec l’allongement du cursus scolaire et les choix d’orientation[34]. Outre le fait que les garçons sont plus tournés vers l’apprentissage (10% contre 3%) et les filières professionnelles (42% contre 30%), force est de constater que longtemps très minoritaires dans les filières scientifiques au lycée, les filles forment 47 % des élèves en terminale S et investissent la filière ES à hauteur de 60%. Pour autant, les garçons choisissent bien rarement la série littéraire (20 % en terminale L). Ces persistances d’inégalités sont illustrées dans une étude de la DEPP[35] qui compare les choix d’orientation et leur réussite de l’école à l’entrée dans la vie active.
Les filles sont à présent plus diplômées que les garçons : ✓ 88 % des filles et 83 % des garçons ont obtenu le diplôme national du brevet en 2015, dans la série « générale ». ✓ Au baccalauréat, en 2018, les filles affichent un taux de réussite de 91,04% contre 86,02% pour les garçons. ✓ 31 % des filles sont à leur sortie du système éducatif titulaires d’une licence ou d’un diplôme supérieur, contre 24 % des garçons en 2014. |
Et pourtant, ni les filles, ni les garçons, ne sont meilleurs ou moins bons élèves « par nature ».
Ces résultats sont le fruit d’un processus de socialisation différenciée. L’éducation des filles (respecter les règles, être sage, etc.) est davantage en phase avec les attentes du système scolaire que celle des garçons, pour lesquels on tolère plus d’écarts, nuisibles à leur réussite. Et pourtant, il existe un paradoxe apparent entre la plus grande réussite scolaire des filles et leur orientation vers les filières les moins valorisées symboliquement et les moins rentables professionnellement.
Christine MORIN-MESSABEL[36] écrira que la socialisation masculine prépare les garçons à la
« certitude de soi » et à la culture du conflit qui s’avèrent être des atouts importants au moment des choix décisifs d’orientation.
Travailler à décliner l’égalité filles-garçons au sein de l’école doit contribuer à faire progresser les compétences sociales et émotionnelles, à susciter l’intérêt pour des filières plus mixtes et non « étiquetées » féminines ou masculines et ouvrir tous les champs des possibles, c’est-àdire développer les potentiels de chaque jeune, sans différentiation de sexe.
3. Pour une société plus respectueuse des droits et devoirs
L’école étant à la fois le terreau et le reflet de la société, il est pertinent de projeter les conséquences de cette éducation différenciée à une échelle plus grande, pour cerner les bénéfices probables de la conduite d’actions au service de l’égalité Femmes-Hommes.
A travers ses travaux, Thomas SAUVADET, sociologue, exprime sans filtre la réalité genrée des quartiers dits « sensibles ». Lors d’une conférence sur la sécurité dans les quartiers prioritaires41, il illustre la place dominante des garçons par une simple phrase : « l’échec scolaire a un sexe, la rue a un sexe, les prisons ont un sexe.» Ainsi, le lien de causalité entre l’échec scolaire, la délinquance et la criminalité est-il un raccourci d’une réalité sexuée. L’échec scolaire n’est évidemment pas à lui seul le facteur explicatif de l’entrée dans la délinquance mais l’éloignement de l’insertion sociale en est un marqueur fort.
- Effectivement, et face au désenchantement concernant la lutte contre les inégalités scolaires, l’échec scolaire concerne davantage les garçons puisque nous pouvons constater que 10,1 % des garçons de 18 à 24 ans sortent précocement du système scolaire, contre 7,5 % des filles alors que la part des jeunes de 18 à 24 ans en situation de décrochage est passée de 12,8% en 2007 à 8,8% en 2016[37].
- Concernant la délinquance et selon les rapports du ministère de l’Intérieur, en 2016, on évalue à près de 5 millions le nombre de victimes d’injures, de 2011 à 2015, et dans 20% des cas, la victime qualifie l’injure de sexiste[38] et dans 3% des cas, on lui attribue une dimension homophobe. En 2017, une augmentation des violences sexuelles est constatée : +12% pour les viols, +10% pour les autres agressions sexuelles. Dans 74% des cas, les auteurs sont des hommes majeurs à 71%. En 2018, les violences physiques se multiplient en particulier les coups et blessures volontaires (+7,5%). Ce sont les violences au sein de la famille qui grimpent en flèche et les victimes sont principalement des femmes[39]. En 2017, en France, 130 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint, un chiffre en constante augmentation.
- Et pour finir d’illustrer cette phrase de Thomas SAUVADET, les chiffres définissant la population carcérale sont caractéristiques de ce même processus : au recensement d’octobre 2018, 70714 personnes peuplent les prisons françaises, la part des femmes n’en représente que 3,8% (3104 femmes).
Outre le facteur déterminant des origines sociales, il apparaît que les jeunes garçons portent les stigmates d’une société en malaise.
Une étude internationale récente[40] auprès de 450 jeunes issus de 15 pays permet d’ouvrir le sujet sur la question de santé publique et de confirmer que les restrictions fondées sur le genre conduisent à l’asservissement des filles, poussées dans un environnement clos, ainsi qu’à la vindicte des violences domestiques et à la surexposition violente des garçons dans la rue. A l’adolescence, peut-on y lire, un monde se restreint pour les filles et s’ouvre pour les garçons. Enfermer les garçons et les filles dans « le carcan du genre » les met en danger : il ancre les comportements des unes et des autres dans des normes qui les obligent à « être ou ne pas être ». Il est d’ailleurs troublant de constater comment les « transgressions » des filles-femmes sont mieux intégrées que celles des hommes : porter un pantalon, fumer, occuper un poste à responsabilité, revendiquer son homosexualité…comme si la virilité ne saurait souffrir d’une remise en cause de sa domination sur le reste de la société.
Promouvoir la culture de l’égalité à l’école doit permettre de favoriser la réussite scolaire et l’émergence de compétences indispensables à l’insertion sociale et l’estime de soi. Déclarer ce thème « grande cause nationale » est le reflet d’une volonté politique en ce sens.
Ainsi, comment l’école, et plus particulièrement les CPE, peuvent-ils-elles tendre à cet objectif d’égalité de traitement, pour enrayer ces phénomènes de déviances masculines, signe d’un sentiment de domination, mais aussi de dévalorisation féminine, signe d’une attente normée répondant à des rôles traditionnellement prescrits, lesquels produisent des inégalités qui nuisent aux filles comme aux garçons ?
IV. Pour une formation à la culture de l’égalité Filles-Garçons en Vie Scolaire
Cheminant pour ce mémoire, je me devais maintenant d’évaluer le positionnement professionnel des collègues CPE sur ce thème, par le biais d’un sondage auprès des collègues, ce que nous verrons dans un premier temps.
Puis il sera nécessaire d’identifier les temps et les cadres d’actions possibles au service de cette politique éducative pour les CPE et la Vie Scolaire.
Enfin, en lien avec les besoins exprimés par les CPE, nous proposerons des pistes de réflexion et des outils contribuant à la formation des personnels et plus globalement, à l’affirmation de l’identité professionnelle des CPE.
A. Représentations et implications inégales des CPE
Il me semblait absolument indispensable d’évaluer les représentations des CPE sur ce sujet de la culture d’égalité filles-garçons en lien avec leurs pratiques professionnelles.
Ainsi, une enquête de 11 questions a été soumise aux 21 collègues CPE Relais de l’académie mais aussi aux 55 collègues CPE de l’Aube, ce qui paraissait être un panel intéressant et varié dans sa composition. 48 collègues ont répondu (75% de femmes et 25% d’hommes) à ce questionnaire simple[41], élaboré sous trois angles :
La présentation des résultats de cette courte enquête est une très bonne introduction à une formation professionnelle, la consultation des collègues en amont permettant de « faire entrer » les stagiaires en formation par l’appropriation du sujet d’étude.
Les résultats sont intéressants en ce qu’ils contredisent parfois l’idée que je me faisais de l’implication des CPE sur ce sujet, et révèlent néanmoins quelques paradoxes.
Si, pour 3 sondés sur 4, le sujet de l’égalité filles-garçons mérite une contribution spécifique de la part des CPE, 87,5% des sondés déclarent contribuer à l’égalité d’abord – et seulement - « en régulant les comportements filles-garçons au quotidien ».
En effet, c’est en portant « les lunettes du genre » que l’on peut affiner l’analyse des situations gérées par les CPE. Elles renvoient quotidiennement à la problématique de la construction sociale et du rapport à l’autre. Car, selon Geneviève FRAISSE[42], c’est vers 13-14 ans que débute la « pleine tourmente d’identification de sexe. L’adolescence résiste mal à ce brassage des corps et les signes physiques de la puberté introduisent un malaise [à la piscine comme sur le stade] », écrit-elle.
Ainsi, l’expression des inégalités empreintes de stéréotypes sexués, comme du rapport à la « conformité », produisent les situations auxquelles les CPE doivent répondre tous les jours : violences engendrées et subies, mal-être, complexes, conflits entre élèves, médiations élève-adulte, dévalorisation des unes, doute des autres, vie familiale, conflit de loyauté, vie affective des élèves, peur de l’avenir, pressions familiales, relations amicales et amoureuses, exacerbation des émotions juvéniles, quête identitaire, identité sexuelle, places des unes et des autres à l’école, revendications, attentes des enseignants, expression de ces attentes.
Dans un deuxième temps, il est utile de refixer les cadres d’actions possibles au service de cette valeur républicaine.
B. Du prescrit au réel : actions, cadre et cohérence
1. Les « correspondant.e.s Egalité Filles-Garçons »
Depuis 2010 et la mise en place de ces référents48, à la demande de la direction, avec le sentiment qu’être une femme engendrait valablement une « spécialisation » ou une « sensibilité » à cette cause, j’ai été régulièrement « correspondante Egalité Filles-Garçons ».
Les CPE revendiquant bien souvent l’intensité du quotidien et les situations d’urgence qui laissent, selon elles-eux, peu de place à leur investissement pour cette cause.
La question du recrutement est posée : comment sont nommés ces référents ? Par choix et appétences ? Sur quelles compétences particulières ? Les CPE ont-elles/ils été formés spécifiquement à ce thème et à l’exploitation d’outils ?
Quel est donc le rôle concret de ces référent.e.s Egalité Filles-Garçons ? Quels sont les attendus ? Existe-t-il un référentiel de compétences et d’outils[43] ?
Un référentiel est justement né ce 1er mars 2019 et doit permettre aux référent.es de définir leur mission, de trouver des ressources nécessaires à son accomplissement et d’œuvrer à dynamiser les équipes autour de cette question et de ses enjeux.
2. L’Education à la vie affective et sexuelle (Evas)
La circulaire 2003 fixe explicitement les modalités d’application de l’éducation à la sexualité au sein des écoles, collèges et lycées qui doit être mise en œuvre par l'ensemble des acteurs éducatifs[44], au cours des enseignements et dans le cadre de séances spécifiques.
Formée à l’EVAS en 2012, j’ai très vite mesuré en quoi l’objet éducatif peuvent servir nos pratiques quotidiennes et des séquences spécifiques.
Les 22 collègues formés spécifiquement à l’EVAS au sein de mon collège permettent de faire évoluer l’offre de séquences pédagogiques auprès des 3 niveaux[45], 4e- 3e puis 5e.
Ainsi, près de 85 % des élèves des niveaux 4e et 3e expriment leur intérêt pour ces séances particulières, et plus de 78% reconnaissent « apprendre quelque chose » sur ce sujet[46]. Depuis deux ans, en réponse à des besoins identifiés, une séquence pour le niveau 5e a été conçue sur le thème « Adolescence, puberté et émotions ».
Pour compléter ce parcours citoyen et de santé, nous expérimentons cette année avec ma collègue CPE des séances-débats pour le niveau 6e par la projection de deux films « Graine de citoyen – des films agités pour bien cogiter »[47] : des séances dynamiques pour faire émerger les représentations des élèves et rappeler l’importance du respect et de l’acceptation de soi et des autres.
3. Des actions éducatives spécifiques
Consciente que « l’égalité ça s’apprend[48] », c’est en regardant son propre
parcours qu’on peut analyser les raisons qui conduisent à des choix opérationnels que le métier de CPE permet de développer.
L’enquête révèle comment les CPE s’emparent du thème de l’égalité Filles-Garçons : 33,3% déclarent organiser ou participer à des séances spécifiques sur ce sujet. Parmi eux, 43.8% disent s’associer avec les correspondants égalité F/G de leur établissement et 35,4% avec des partenaires extérieurs.
Avoir exercé 5 années en lycée professionnel des Métiers – avec des sections telles que maintenance machines agricoles, travaux publics, conducteur de transport routier, parcs et jardins – m’avait confronté rapidement, en tant que jeune femme CPE, à une réalité quotidienne à laquelle je n’étais pas formée : blagues sexistes de certains collègues, difficultés des filles minoritaires en sections maintenance et conduite, mais aussi contenus des échanges avec 360 élèves internes et originaires de milieu ruraux, des familles éloignées, des partenaires trop rares ainsi que la question de l’homosexualité - et de l’homophobie - dans les internats masculins…autant de sujets qui ont nécessité un accompagnement des élèves - et des équipes.
En réponse aux besoins repérés, « Une semaine contre les discriminations » a donc vu le jour durant deux années sur 4 thèmes fondamentaux : Handicap – Racisme – Sexisme – Liberté sexuelle. Des ateliers organisés avec des partenaires internes (AS, infirmière, COP pour exemple) et externes (associations) ponctuaient cette semaine si particulière au sein du lycée.
Ce besoin de fédérer l’établissement autour d’actions spécifiques et complémentaires aux enseignements s’est de nouveau imposé à moi à mon arrivée au collège Marie CURIE. Ma collègue CPE avait lancé depuis quelques années une « Semaine Egalite Filles-Garçons » pour l’ensemble des classes de niveau 5°. L’évolution d’un outil pédagogique d’animation s’est effectuée naturellement avec la chargée de mission Egalité Femmes-Hommes à la
Préfecture[49], tout comme l’enrichissement de nos connaissances en la matière.
La construction de séances prenait forme et je mesurais à quel point la crédibilité et la légitimité des CPE pouvaient en passer par là : proposer progression pédagogique par des séances adaptées s’appuyant sur des contenus scientifiques et des techniques d’animation innovantes. Accueillir les élèves avec des barbes en moquette[50] restera un souvenir unique !
Comme pour les formations des délégué.e.s, il est devenu légitime de valoriser un
« programme » en lien avec les exigences institutionnelles, lorsqu’il s’agit d’animations citoyennes au service des priorités nationales.
Deux séquences[51] sont alors proposées tous les ans aux 5e :
- 2 h sur la « Construction des stéréotypes »
- 2h sur la « Visibilité des femmes et des hommes dans la société » - Quizz
Les CPE ont donc tout intérêt à travailler cette question de l’égalité entre les filles et les garçons car elle est un enjeu majeur pour le climat scolaire d’un établissement mais aussi pour le devenir des futures citoyennes et citoyens. Ce prisme de l’analyse genrée concerne la totalité des élèves en ce qu’ils sont filles OU garçons, différents et égaux[52].
Complétons cette introduction à une formation par la présentation des besoins professionnels et des pistes concrètes à décliner en concertation et en collaboration.
C. Répondre aux besoins de formation des CPE
Le retour de 48 CPE a permis d’entrevoir des besoins spécifiques et pluriels.
En 2014 on pouvait lire dans un rapport de l’Inspection générale : « D’une part, les acteurs de terrain sont, pour la majorité d’entre eux, dépourvus des appuis conceptuels et des outils pratiques nécessaires ; d’autre part, il faut que la sérénité revienne pour que toutes et tous s’engagent de manière active et coopérative dans cette évolution éducative à laquelle la lutte contre la transmission des stéréotypes sociaux les convie. Ce projet s’inscrit dans la politique de lutte contre toutes les formes de discrimination et participe d’une éducation à l’altérité, donc à l’acceptation des singularités et plus largement au bien vivre ensemble.» Extrait du rapport du 06/14- Évaluation du dispositif expérimental « ABCD de l’égalité »
Autrement dit, il s’agit d’ouvrir le questionnement professionnel sur l’intérêt profond de se saisir de cette problématique, d’intellectualiser sa démarche, de porter un discours fondé sur du savoir et la recherche pour émettre des analyses professionnelles pertinentes et produire la justice scolaire la plus adaptée. Cela est notre discipline.
1. Proposer l’actualisation des connaissances pour comprendre les processus de construction identitaire et ses conséquences
Toutes les références citées dans ce mémoire peuvent être présentées en formation professionnelle par le biais d’une conférence. Les CPE ont besoin de comprendre le processus de construction sociale des identités genrées (jadis étudié trop rapidement en formation initiale[53]) mais surtout d’en saisir les enjeux en termes de climat scolaire et de développement des valeurs de la république.
Pour rappel, « la mission de l’école républicaine est de former des citoyens et des citoyennes libres et éclairé.e.s en les émancipant des appartenances, assignations et déterminismes familiaux, culturels, économiques mais aussi de sexe et de genre »[54]. En écho à des conversations avec des collègues, il ne s’agit pas ici de provoquer « des conflits de loyauté » entre l’élève et sa culture familiale mais bel et bien de concourir à développer son esprit critique et sa pleine conscience d’exercice de sa liberté.
2. Affiner les représentations des CPE pour développer une justice scolaire correctrice
Les remarques des collègues en fin de questionnaire[55] laissent percevoir un besoin d’identification des problématiques liées à ce thème de l’identité genrée et à ses déclinaisons dans le cadre professionnel.
En fait, il s’agit ici de déterminer les « bons usages » au quotidien et de questionner le regard porté sur les élèves et l’observation des espace-temps Vie Scolaire.
Rendre compte et expliciter ces résultats à tous les personnels en conseil pédagogique ou réunion de rentrée, c’est proposer une nouvelle façon de percevoir les comportements des élèves et des adultes au sein de l’école, une manière d’éviter la banalisation de ce sujet grâce à une analyse du quotidien proposée à la réflexion collective.
Consulter les représentations des élèves est un levier formidable pour apprécier, non sans humour, le « drame des préjugés » comme m’a dit Tiphaine, élève élu.e du CVC. Mener une enquête avec et auprès des élèves affine notre perception de la situation. Ainsi, une présentation dynamique des résultats de l’enquête[56]peut devenir un outil de formation.
Les résultats permettent de réaliser une vidéo et une exposition photos « STOP aux Clichés » fondée sur la synthèse des retours d’élèves[57]. L’objectif étant de déconstruire les préjugés par un contre-exemple et l’humour. Ces travaux peuvent également servir la formation. 48% des élèves interrogés pensent que les professeurs font des préférences pour les filles. Le contenu des insultes est aussi révélateur : « nique ta mère, bâtard, fils de pute, enculé, salope, PD, pétasse, pute, tchoin… » qui sont le répertoire explicite d’expressions sexistes…ce qui interpelle beaucoup les élèves, puisque la plupart de ces insultes sont en lien avec la sexualité (et ne sont souvent pas comprises) ou n’ont pas leur équivalent masculin.
3. Agir au service des valeurs de la République pour servir l’idéal d’égalité
Sur la plupart des supports pédagogiques proposés pour mener des actions en faveur de l’égalité femmes-hommes, il nous est conseillé de travailler à déconstruire les stéréotypes de genre. Pour ce faire, les stagiaires doivent les identifier.
En prendre conscience pour déconstruire les normes stéréotypées[58], c’est répondre au souhait d’éveiller l’esprit critique de nos jeunes. C’est aussi se méfier de nos injonctions inconscientes à leur égard. Dans ce cadre, l’association avec les professeurs documentalistes peut conduire à la création d’un photo langage (papier ou numérique) construit autour de l’éducation à l’image, aux médias et à l’information. Des supports-vidéos[59] existent et peuvent être présentées en complément lors d’une formation, ils sont des outils d’échanges avec les élèves.
Le langage et la communication, vecteurs du développement des compétences psychosociales, sont nécessaires à une expression épicène, mixte et valorisante avec et envers nos élèves. Le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotypes de sexe[61] est un outil qui mérite d’être présenté aux collègues dans le cadre d’une activité.
Cet atelier peut conduire les stagiaires à réfléchir à leurs réactions et à leurs arguments face au poids des mots/des images. A qui s’adresse le message, que signifie-t-il ? Adoptons-nous la bonne attitude - réponse ?
Enfin, et volontairement en toute fin, il me paraît pertinent de proposer une activité collaborative pour recentrer les collègues sur les missions et convaincre les éventuelles résistances. Celle-ci est complémentaire à la « feuille de route » proposée en Annexe 4.
A propos de ces résistances éventuelles et dans le prolongement de ce support, un autre atelier pourrait se construire autour de cette question « Pourquoi éduquer à l’égalité des filles et des garçons ? »68. Répondre à des arguments opposés oblige à conceptualiser les enjeux.
Ces exemples de supports, d’outils et de techniques d’animation de formation sont à apprécier par l’équipe qui va conduire l’action de formation professionnelle. La pertinence et l’ordre de chaque animation proposée doivent dépendre des objectifs fixés et de la conviction avec lesquels elles sont portées. L’actualisation des connaissances mais aussi le partage des compétences, des outils et des pratiques sont une condition de réussite de la formation professionnelle.
V. Conclusion
Promouvoir l’éducation à l’égalité entre les filles et les garçons nécessite d’en comprendre les fondements, les processus à l’œuvre et les enjeux. Voilà l’objet d’étude proposé à travers ce mémoire destiné à questionner et produire la formation professionnelle. L’évocation de ce thème suscite parfois -et bien souvent- un éventail de réactions qui vont du déni de l’existence d’inégalités, à leur banalisation, voire de la lassitude ou de l’opposition.
Pourtant, la socialisation différentiée selon les sexes, la différence de traitement par le système scolaire et l’exercice des rapports sociaux « créent des destins scolaires et des choix d’orientation et d’insertion professionnelles inégalitaires » peut-on lire de Charlie Galibert.
Or, notre statut et nos missions légitiment l’obligation d’intérêt à ce sujet, en ce qu’il met en relief l’ensemble des paramètres éducatifs que nous nous devons de maîtriser au quotidien : construction identitaire, relations interpersonnelles, vie affective et sexuelle, violences scolaires, réussites scolaires, compétences, projets et orientation, citoyenneté.
Autrement dit, l’expression quotidienne des situations que nous rencontrons en tant que CPE - et pédagogue - est rattachée à cette problématique des identités genrées et des normes sociétales prescrites. Voilà un des enjeux identitaires de notre profession.
La question du genre et des influences de l’environnement est centrale, en ce qu’elle contrarie les pratiques éducatives différenciées justifiées abusivement par l’existence de besoins spécifiques des sexes. Pourtant, ce sont ces mêmes pratiques qui engendrent des comportements impropres à l’acceptation des autres et/ou de soi-même. Les perpétuelles injonctions à la virilité ou à la féminité ne favorisent pas l’épanouissement libre de chaque individu, ni ne contribuent à sa pleine sécurité affective et émotionnelle.
Il s’agit ici de donner à chaque élève, fille ou garçon, les moyens de se reconnaître en tant qu’individu unique et différent afin de développer des compétences propres nécessaires à l’expression de choix éclairés guidés par la liberté de sa conscience.
La gestion de la mixité, qui se doit désormais d’être abordée par une approche non genrée, en termes de « climat scolaire », doit inclure le respect entre les filles et les garçons comme une impérative variable d’ajustement. Il en va d’un projet plus vaste que celui de l’école de la République, mais bel et bien d’un projet de société, qui trouvera sans aucun doute sa déclinaison dans la future Convention interministérielle.
A Annie MARQUET-PENICHOUX, ma collègue convaincue
VI. Bibliographie
Ouvrages
AYRAL Sylvie, La fabrique des garçons : sanctions et genre au collège, Ed.PUF, 2011
ANKA IDRISSI Naïma, Enseigner l’égalité Filles Garçons, la boîte à outils du professeur, Ed. Dunod, nov.2018
GALIBERT Charlie, Petit manuel du genre à l’usage de toutes les générations, Ed.PUG, coll. Petits manuels, déc.2018
PIQUET Emmanuelle, MANDEL Lisa, Je me défends du sexisme, Albin Michel Jeunesse, 2018
Articles et rapports
MOSCONI Nicole, « Système scolaire et stéréotypes sexistes », compte rendu de conférence, Paris Nanterre, 2014
Formation à l’égalité filles garçon : faire des personnels enseignants et d’éducation les moteurs de l’apprentissage et de l’expérience de l’égalité, rapport n°2016-12-12, par Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes.
L’égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, dans le système éducatif, vol.3 – suite des n°96 et 97, Education et formations, n°98, déc. 2018.
Quelles normes de genre prescrit le système préscolaire et scolaire ? extrait du site de l’Association Adéquations, juin 2012.
Filles et garçons sur le chemin de l'égalité, de l'école à l'enseignement supérieur, Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance [DEPP], édition mars 2019
Guide de ressources pour les actions d’éducation à l’égalité filles garçons, Observatoire de l’égalité femmes hommes, secrétariat général de la ville de Paris, déc. 2012
Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, nov. 2015
Banalisation des comportements sexistes- document de travail par les CPE de Créteil, disponible sur http://ses.ac-creteil.fr/sites/cpe.ac-creteil.fr/IMG/pdf/BanalisationComportementsSexistes.pdf
Sites de référence : http://www.ecoledugenre.com https://www.centre-hubertine-auclert.fr http://www.education.gouv.fr https://www.inegalites.fr
VII. Annexes
ANNEXE 1
Enquête en ligne réalisée auprès des CPE Relais de l’académie de Reims et des CPE de l’Aube- 02/19
ANNEXE 2
Extrait d’un diaporama animé « Les stéréotypes »
ANNEXE 3
Proposition de déclinaison des thèmes pour une conférence – Culture Egalité Filles Garçons
ANNEXE 4
« Feuille de route » - formation des CPE – mutualisation de la réflexion
ANNEXE 5
Carnet de bord à l’usage des CPE, Repérer, se questionner, analyser
ANNEXE 6
Enquête sympathique auprès des élèves du collège Marie CURIE – Filles et garçons au collège
ANNEXE 7
Retour sur les clichés « filles – garçons » du Conseil de la Vie Collégienne
ANNEXE 1
ANNEXE 2
Extrait d’un diaporama animé « Les stéréotypes »
ANNEXE 5
Carnet de bord à l’usage des CPE, Repérer, se questionner, analyser
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[1] Voir notamment les travaux de Michelle PERROT, historienne et professeure émérite d’histoire contemporaine, elle est l’auteure de nombreux ouvrages sur les femmes dans l’histoire. 2 Détail en partie 2.4 – b concernant les résultats scolaires.
[2] Cette expression apparaît aux Etats-Unis et désigne le cas où un individu, notamment une femme, est confrontée à un réseau de pouvoir tacite, implicite, voire occulte, qui l'écarte d'un niveau de pouvoir, de rémunération ou hiérarchique auquel elle pourrait prétendre. On parle également « de mur invisible ».
[3] Rapport n°2016-12-12-STER-025 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes – Etude de 2015 de la DEPP, Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance - Rapport de 2014 du Commissariat général à la stratégie et à la prospective -
[4] En novembre 2017, le Président Emmanuel Macron a déclaré l'Égalité entre les femmes et les hommes "grande cause nationale" du quinquennat.
[5] Le genre, compris ici, comme concept sociologique désignant les "rapports sociaux de sexe", et de façon plus concrète, l’analyse des statuts, rôle sociaux, la part des filles et les garçons.
[6] Les indicateurs Vie Scolaire sélectionnés ici ne prennent pas en compte le sexe des élèves suivis en « Veille » ou « GPDS » car ces indicateurs sont évolutifs tout au long de l’année, leur analyse s’étant plutôt portée sur le niveau et le type de suivi.
[7] Les rappels à l’ordre oraux font partie du système punitif, ils sont une réponse éducative destinée à réguler les comportements et répondre à un manquement mais ne conduisent pas obligatoirement à un devoir supplémentaire ou une retenue, ils sont donc pas comptabilisés dans le bilan.
[8] Les objectifs fixés de chaque fiche de suivi sont déterminés avec l’élève, tel un « contrat » : écoute en cours, respect des consignes, apprentissage des leçons, prise de parole, respect des camarades…sont autant d’items possibles.
[9] Actions éducatives menées dans le cadre du projet d’établissement du collège M.CURIE à Troyes, voir pp.23/24. 11 Pour en finir avec la fabrique des garçons, Sylvie AYRAL et Yves RAIBAUD(dir.), MSHA, 2014.
[10] Sylvie AYRAL dans La fabrique des garçons. Sanctions et genre au collège, puf, Paris,2011.
[11] A différencier de la socialisation primaire – celle de l’enfance et de l’adolescence – et de la socialisation secondaire – fin de l’adolescence et vie adulte- notion d’identité sociale et d’intégration de nouvelles normes
[12] Cf Nicole MOSCONI, philosophe et professeure en sciences de l’éducation, ses recherches s'intéressent notamment à la façon dont les enseignants, « sans doute à leur insu, tendent à “positionner” différemment filles et garçons »
[13] Jean-Claude FORQUIN. Sociologie du Curriculum. Presses universitaires de Rennes, 2008, 197 p.
[14] « Lutter contre les stéréotypes filles-garçons », rapport coordonné par M.C NAVES et V.WISNIA-WEILL janvier 2014 - CGSP 17 Armand CHATARD. « L’orientation scolaire sous l’emprise des stéréotypes ». In TOCZEK M-C et MARTINAOT D ; (dir.). Le défi éducatif. Paris, Armand Colin, 2004. 352 p.
[15] Article sur Rue 89, Comprendre les inégalités dans la cour d’école par Edith MARUEJOULS, 19 février 2017.
[16] Edith MARUEJOULS, accompagnée par Serge PAUGAM, sociologue, avec Catherine DOLTO, haptothérapeute.
[17] à l’occasion de la journée nationale de lutte contre le harcèlement du 8 novembre. 26 458 enfants et adolescent.e.s français ont répondu à 165 questions sur les relations entre filles et garçons et leur perception des droits.
[18] Rapport du Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective – janvier 2014 - "Lutter contre les stéréotypes filles-garçons.
Un enjeu d'égalité et de mixité dès l'enfance."
[19] https://www.reseau-canope.fr/outils-egalite-filles-garcons/principes-et-objectifs.html
[20] Voir entre autres les travaux de Marie Claude HURTIG et Marie France PICHEVIN.
[21] « Acquérir une culture d’égalité entre les filles et les garçons », entretien filmé et accessible sur le réseau Canopé
[22] « Filles et garçons à l’école, approches sociologiques et psycho-sociales », Marie DURU-BELLAT, Revue française de pédagogie, n°109, oct-nov.1994
[23] Les premières recherches sur cette question des inégalités de sexe à l’école datent des années 80, contrairement aux travaux concernant les inégalités sociales entamées dès les années 60.
[24] Le concept de "métier d'élève" est né du regard porté par les sociologues sur le monde de l'école, notamment dans les travaux de Philippe PERRENOUD. Apprendre le métier d'élève, c'est d'abord décoder les attentes de l'école. C'est ensuite apprendre avec les autres pour se construire soi-même.
[25] Article sur le site du rectorat, « Système scolaire et stéréotypes sexistes », Nicole MOSCONI.
[26] Catherine VIDAL est une neurobiologiste française, auteure d'ouvrages de vulgarisation scientifique dans le domaine des différences cognitives entre les genres. Voir la vidéo « Le cerveau a-t-il un sexe ? ».
[27] Marie DURU-BELLAT, La Tyrannie du genre, Presses de Sciences Po, 2017.
[28] Entretien filmé de Michel DELATTRE, professeur de philosophie à Sciences-Po, Saint Germain en Laye, site Canopé. 32 Entretien filmé d’Olivier LOUBES, professeur en classe préparatoire au lycée Saint-Sernin, Historien de la nation et de l'enseignement en France, site Canopé.
[29] François DUBET, sociologue français, ex-directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales. Professeur à l’université de Bordeaux, il a développé notamment l’idée que l’école « était un système qui favorisait l’exclusion ».
[30] Cf programme de Terminale ES sur la définition de justice sociale. Ici, nous transposons le concept pour l’utiliser à des fins scolaires.
[31] Ce questionnaire a été élaboré par un assistant d’éducation et finalisé avec l’aide des CPE. Il comprend 27 questions, les résultats globaux sont consultables sur demande.
[32] Les relations interpersonnelles, les insultes sexistes et les moqueries doivent conduire à faire l’objet d’actions en faveur du respect de l’autre. La visibilité du Règlement intérieur également, pour lequel 69,7% disent ne le connaître qu’un peu ou pas du tout.
[33] MEN - Repères et références statistiques - Données 2015 - © Observatoire des inégalités – résultats des évaluations CE1 et 3ème / orientation Part des filles dans les filières au lycée.
[34] Voir Parcours Avenir, l’égalité filles garçons en question, SAIO de Reims, 2018
[35] La DEPP, direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance conçoit et produit des données et indicateurs sur la situation du système éducatif français.
[36] Christine MORIN-MESSABEL (dir.), Filles/Garçons. Questions de genre, de la formation à l’enseignement, PUL, 2013. 41 Conférence du 23 novembre 2018 à La Chapelle Saint Luc, Aube.
[37] En France, en 2015, selon le Conseil national de l’évaluation su système scolaire (CNESCO) – ou « taux de sortants précoces » - voir également Filles et Garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, édition mars 2019
[38] Et dans 14% des cas, les victimes qualifient l’injure de raciste, antisémite ou xénophobe. Le choix des items s’est orienté en ce qu’ils correspondaient au thème de ce mémoire.
[39] Ces chiffres sont le reflet d’une tendance. Certains biais doivent être pris en compte comme le fait de donner priorité à tel type de délinquance, qui contribuerait mécaniquement à augmenter un phénomène ou encore que les victimes ne portent pas toujours plainte, qui minimiserait un autre phénomène
[40] Cf Etude « The global early adolescent study », conduite ces six dernières années à travers 15 pays, sous la direction de l'université américaine Johns-Hopkins en partenariat avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
[41] Questionnaire présenté en ANNEXE 1, p.32
[42] Geneviève FRAISSE, née en 1948, est philosophe, historienne de la pensée féministe, citée dans un article très intéressant de Annick DAVISSE, IA-IPR, « Elles papotent, ils gigotent, l’indésirable différence des sexes ». 48 Le terme « référent.e » a remplacé le terme de « correspondant.e » en 2017.
[43] Echanges avec Valérie KREIN puis Carole OBERS, chargées de mission « Egalité filles/garçons » au rectorat de Reims sur le besoin de création d’un « référentiel » qui pourrait faire l’objet d’un groupe de travail.
[44] Art.II de la circulaire du 17.02.2003 - Au sein des écoles et des établissements scolaires, tous les personnels, membres de la communauté éducative, participent explicitement ou non, à la construction individuelle, sociale et sexuée des enfants et adolescents - ,cf Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation.
[45] Réalisation de fiches-actions avec présentation des séances, réalisation de plannings, réunion de régulation équipe EVAS.
[46] Evaluation « à chaud » réalisée en fin de séquence EVAS auprès des 4e et de 3e du collège Marie CURIE en 2016-2017.
[47] Canopé – les fondamentaux – Graine de citoyen - cycle 2 et 3 – ici films « s’accepter » et « connaître les autres ».
[48] Référence au Centre Hubertine AUCLERT qui contribue avec l’ensemble de ses membres, à la lutte contre les inégalités et les discriminations fondées sur le sexe et le genre et promeut l’égalité femmes-hommes.
[49] A l’époque, Mme Catherine STAVRINOU a contribué à la construction de l’outil et à l’animation de séquences à nos côtés. Voir ANNEXE 2, extrait du diaporama d’animation de séance « les stéréotypes ».
[50] Cette expérience faisait référence au mouvement La Barbe et était destinée à expliquer la sous-représentation des femmes dans les sphères de pouvoir, amorce de la séquence « Visibilité des femmes et des hommes dans la société », classes de 5e.
[51] Ces deux séquences sont animées par une activité d’ouverture et un diaporama dynamique et peuvent faire l’objet d’une présentation ou d’un partage d’outil dans le cadre d’une formation.
[52] A la question « Filles et Garçons sont-ils égaux ? » la plupart des élèves répondent avec vigueur « Non, ils sont différents ! » alors que le contraire d’« égal » est « inégal »…et travailler à l’égalité ne nie en aucun cas les différences des unes et des autres.
[53] Souvenirs émus du cours de Danner Magali, enseignante chercheuse à l’Espé de Reims, en 2004/2005.
[54] Cf Chapitre 5, Petit manuel du genre à l’usage de toutes les générations de Charlie GALIBERT, ed.PUG, 2018.
[55] « je ne pense pas avoir ce genre de problème dans mon établissement » ou encore « l’égalité de droit étant un fait, pourquoi ne pas préférer la notion de complémentarité entre les filles et les garçons ? » - cf idéologie de la complémentarité.
[56] En ANNEXE 7 présentation de l’«Enquête sympathique auprès des élèves du collège de Marie CURIE – Filles et Garçons au collège »- réalisée en janvier 2019 avec les élu.e.s du Conseil de Vie Collégienne -CVC- à destination des élèves.
[57] ANNEXE 8 « Retours sur les clichés » - exemple de synthèse effectuée par les élèves du CVC.
[58] Voir le dossier 1 de Enseigner l’égalité filles-garçons, la boite à outils du professeur, N.ANKA IDRISSI, ed.Dunod, 2018.
[59] Voir les nombreuses références via « Outils Egalité Filles Garçons » Réseau Canopé.
[60] Atelier-philo – méthode AGSAS - menés en formation des délégués sur le thème filles/garçons au collège. 33% des collègues CPE disent concourir à a la sensibilisation des élèves élu.e.s sur ce sujet.
[61] Voir le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotypes de sexe, du Haut Conseil à l’Egalité, 2015. 68 Voir notamment p.8 à 11 du Guide des ressources pour les actions d’éducation à l’égalité Filles Garçons, observatoire de l’égalité femme-hommes, Ville de Paris, dec.2012.
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