
En quoi une réflexion sur la posture de l’enseignant est-elle un facteur essentiel à analyser en formation pour favoriser l’accrochage scolaire ?
Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Formateur Académique
Session 2021-2023
Discipline : Philosophie
Titre : En quoi une réflexion sur la posture de l’enseignant est-elle un facteur essentiel à analyser en formation pour favoriser l’accrochage scolaire ?
Auteur : Diot Sandra
REMERCIEMENTS
Le travail réalisé dans ce mémoire n’aurait pu voir le jour sans le concours de celles et ceux qui m’ont accompagnée et que je veux remercier.
J’adresse d’abord toute ma reconnaissance à Mesdames les Inspectrices de Philosophie : merci à Madame Paula LA MARNE de m’avoir recommandée auprès de Madame Floriane TANGUY, laquelle m’a accordé sa confiance pour mettre en œuvre un programme de formation initiale à l’attention des professeurs stagiaires de Philosophie. Merci à Madame Magali LOMBARD de m’avoir renouvelé cette confiance et d’avoir été à mes côtés dans la préparation du CAFFA tout en me permettant de continuer à développer mes compétences de formatrice débutante auprès des professeurs stagiaires de philosophie, des néo-titulaires et des contractuels.
Je tiens à remercier aussi les formateurs, Anne BERTAUX, Steve LEJEUNE et Martine
ZELER, qui ont su se montrer disponibles tout au long de la formation et m’ont permis de construire ma réflexion, de changer mon regard et ma posture et sont parvenus à m’insuffler l’énergie nécessaire pour persévérer dans mon travail, avec beaucoup de bienveillance. Merci à Madame
Stéphanie PERREIN-LEMAIRE, pour ses conseils précieux, et les échanges riches qu’elle nous a permis d’entretenir.
Sans réponses aux questionnaires que j’ai construits, mon mémoire n’aurait pas eu de contenu. C’est pour cette raison que je remercie mes collègues qui, dans les deux établissements dans lesquels j’exerce, ont rendu possible mon travail en s’engageant à mes côtés.
Enfin, j’ai une pensée particulière pour Monsieur Christian ENAULT, chef de projet du microlycée 51, qui m’a permis de partager cette aventure collective du microlycée, déterminante dans ma carrière d’enseignante, avant de m’accompagner dans cette voie nouvelle de la formation, en m’apportant ses conseils et ses encouragements, en dialoguant pour nourrir mes questionnements et mes réflexions, avec patience et humanité.
Table des matières
Introduction
Partie I Du décrochage à l’accrochage
1. Le cadre théorique de la réflexion, les concepts mobilisés
2. Problématisation et hypothèses de travail
Partie II Les pratiques des enseignants au sein du microlycée 51 et d’un EPLE Partie II Les pratiques des enseignants au sein du microlycée 51 et d’un EPLE
1. Les actions menées
2. Traitement et analyse des données du questionnaire des enseignants du microlycée 2. Traitement et analyse des données du questionnaire des enseignants du microlycée
3. L’application des analyses aux hypothèses de travail 3. L’application des analyses aux hypothèses de travail
Partie III Les leviers à mettre en œuvre en formation pour favoriser l’accrochage
1. Limites des dispositifs utilisés 1. Limites des dispositifs utilisés
2. L’ouverture vers une formation / projection
Conclusion
ANNEXES
Annexe 1 : Fiche de poste du microlycée 51 Annexe 1 : Fiche de poste du microlycée 51
Annexe 2 : Typologie des élèves décrocheurs Annexe 2 : Typologie des élèves décrocheurs
Annexe 3 : Questionnaire aux enseignants du microlycée 51
Annexe 4 : Questionnaire aux enseignants du lycée J-B Colbert
Annexe 5 : Sondage auprès des élèves d’une classe de terminale du lycée J-B Colbert
Annexe 6 : Tableau des réponses
Annexe 7 : L’importance du travail en équipe
Annexe 8 : L’importance de l’attitude du professeur
Annexe 9 : Projection d’une action de formation
Annexe 10 : La connaissance de la question du décrochage
Bibliographie
Introduction
La question du décrochage est au cœur des politiques de l’Éducation Nationale depuis 2010, et les périodes de confinement que nous venons de traverser ont ramené cette problématique au premier plan, soulignant la fragilité de certains élèves et les difficultés, pour les enseignants, de trouver les moyens et les ressources pour les maintenir au cœur de l’école et de leurs apprentissages, pendant la période de la pandémie mais aussi depuis. Mon intérêt pour cette question est né d’une rencontre professionnelle forte et bouleversante. Avant d’être un concept ou un problème, le décrochage s’est imposé à moi comme une réalité, sous la forme d’une mission qui m’a été proposée par le chef de projet du Microlycée 51. Il s’agissait de devenir, selon la fiche de poste, « professeur intervenant auprès de jeunes raccrocheurs » pour « préparer des jeunes décrocheurs à obtenir un baccalauréat général ou technologique ». J’enseigne dans un lycée général et technologique de Reims et, depuis 2015, en même temps dans une Structure de Retour à l’École, le Microlycée 51. C’est cet « en même temps » qui a fait surgir mes interrogations. En effet, j’ai pu découvrir les manières différentes de concevoir le phénomène du décrochage et surtout réfléchir à mettre en œuvre ce qui pouvait permettre de maintenir le lien avec les jeunes décrocheurs pour leur permettre de se reconstruire en retrouvant une place dans cette école qu’ils avaient désertée ou qui les avait abandonnés.
Le microlycée m’a permis de voir la réalité qui jusqu’alors m’était cachée : celle des élèves dont le parcours a été souffrance et qui pourtant sont demandeurs d’enseignement, de professeurs, d’examen. Il semble bien que « le décrochage scolaire est un processus, un jeune ne décroche pas de l’école du jour au lendemain. Il s’agit d’une situation qu’il est possible de prévenir, d’endiguer et de renverser si les moyens mis en place sont adéquats » . Quels sont ces moyens adéquats ? À quelles conditions est-il possible de les mettre en œuvre ? Quel rôle déterminant les professeurs peuvent-ils alors jouer ? Mon expérience m’a permis de retrouver au Microlycée des élèves qui avaient quitté mes classes. La première rencontre a été douloureuse parce qu’elle me renvoyait à mon échec et toute nouvelle rencontre dans ces circonstances avec un ancien élève le serait plus encore si je n’avais pas la certitude qu’il sera bien au Microlycée et qu’ensemble on pourra l’aider. Qu’y -a-t-il de si particulier qui permet à l’équipe d’affronter les problématiques profondes et plurielles de ces jeunes en difficulté et d’y répondre avec l’attitude la plus adéquate possible, même si on ne réussit pas toujours ? Pourquoi m’est-il encore difficile d’adopter la même posture dans mon établissement lorsque je suis confrontée à des élèves en voie de décrochage ?
Depuis 2020, je suis chargée de la formation des professeurs stagiaires de Philosophie et je suis amenée à traiter de cette question du non-accrochage voire du décrochage face à notre discipline. Mais cette question est bien sûr transversale et il me semble essentiel de travailler à pouvoir la traiter dans une formation pluridisciplinaire. C’est en envisageant les difficultés de transférer ma pratique au sein de mon établissement qu’il m’a semblé intéressant de mettre en œuvre, en formation, les leviers qui aideraient les enseignants à réaliser cette mission dont nous chargent les textes ministériels, de lutter contre le décrochage, de façon moins douloureuse et plus efficace, et de mettre en place les conditions d’un accrochage scolaire qui réussit.
L’idée d’interroger le rôle de la posture enseignante crée potentiellement un malaise que nombre d’entre nous ont déjà éprouvé avec ce sentiment d’avoir parfois favorisé le décrochage de certains élèves, à notre insu ou bien d’avoir été impuissants à créer des dispositifs efficaces pour y remédier faute de savoir ce qu’on peut faire, de comprendre les mécanismes du décrochage, de pouvoir les repérer et d’envisager que la posture qu’on adopte n’est pas toujours adéquate. Si c’est dans la classe – aussi – que le décrochage se joue, cela invite à réfléchir à la responsabilité de chacun d’entre nous : c’est là une exigence éthique si l’on veut que l’école soit l’école de tous et qu’elle soit, comme elle l’annonce, bienveillante pour être véritablement l’école de la confiance, confiance faite aux élèves et foi en leurs capacités à réussir. Comment alors former les enseignants à comprendre ce qui se joue dans le décrochage des élèves et notamment mettre en lumière le rôle majeur des interactions individuelles au cœur d’un collectif ? C’est ainsi qu’une réflexion croisée sur la posture des élèves et des professeurs semble pouvoir être pertinente. Pour envisager cette question, je partirai d’abord d’une analyse qui permettra de comprendre la nécessité de formuler au mieux la question du décrochage à travers différents concepts pour arriver à la notion de persévérance. Je poursuivrai ensuite en comparant les pratiques de l’équipe enseignante du microlycée à celle d’une équipe d’EPLE dans le but de comprendre ce qui se joue dans la lutte contre le décrochage. Enfin, je montrerai que malgré leurs limites, mes recherches peuvent conduire à un éclairage qui permet de concevoir une formation.
Partie I Du décrochage à l’accrochage
1. Le cadre théorique de la réflexion, les concepts mobilisés
La réflexion qui a été la mienne m’a fait partir de la réalité du décrochage et m’a amenée à la question de l’accrochage. Le mot « décrochage » est employé dans une multitude de cas, sans qu’il soit toujours clairement défini. C’est pourtant un concept qu’il faut précisément poser. Si l’on suit l’usage courant du mot « décrocher », on signifie par-là : « laisser tomber », « ne plus s’investir », s’être éloigné des préoccupations scolaires. Cela désigne souvent un élève avec lequel on peine à travailler voire dont on se désintéresse, puisqu’il ne s’intéresse pas à notre réalité scolaire. Si l’on cherche précisément la définition du terme, le dictionnaire nous indique que l’emploi intransitif du verbe signifie « se détacher de quelque chose », sur le plan psychologique « se dégager de », et par extension « abandonner une activité, une compétition, s’en désintéresser ».
Les questions pourraient être de savoir de quoi se désintéresse le jeune, pourquoi il s’est détaché.
Il s’agit pour nous ici de savoir ce que nous pouvons faire pour lui, de réfléchir à l’école que nous pourrions lui proposer, de l’attitude avec laquelle nous pourrions composer dans la mesure où les études montrent que le jeune décrocheur « ne renvoie pas à l’institution ou aux professeurs les signaux attendus et souffre des réactions à cette souffrance ». La souffrance est ainsi en jeu des deux côtés puisque l’enseignant n’est pas dans une situation confortable non plus pour aborder cette problématique. Nous avons là un processus de souffrance en miroir, très impactant, et l’idée que le mal-accrochage fait mal à celui qui essaie aussi de tenir.
Pour le Ministère de l’Éducation nationale, la définition qui est donnée du décrochage est celle d’un « jeune qui quitte prématurément un système de formation initiale sans avoir connu de diplôme de niveau V (BEP ou CAP) ou de niveau supérieur ». Que deviennent alors ceux qui ont décroché ?
En tant qu’enseignante je m’étais rarement interrogée sur ce point. Les élèves n’étaient plus là, il fallait continuer avec les autres, ceux qui étaient bien accrochés.
Lorsque la réalité du microlycée s’est offerte à moi, les questions ont été nombreuses puisque j’ai constaté que des décrocheurs pouvaient raccrocher. Mais comment allais-je pouvoir travailler avec eux, puisque je ne savais travailler que dans « une situation normale » avec des « élèves normaux » ? Comment composer avec cette réalité que je connaissais mais ne considérais que de loin ? Il allait alors falloir réinventer, imaginer une autre manière de travailler : moins d’heures de cours, du distanciel, de l’asynchrone…pour arriver au résultat que veut l’école et que veulent ces jeunes : décrocher le baccalauréat. Il est intéressant de voir ici comment le verbe prend alors un tout autre sens : il y a là deux versants pour un même mot, le premier renvoyant à un échec lié à un enlisement inéluctable et à un isolement qui se crée, faisant perdre le sens de l’école comme lieu de vie et d’épanouissement, le second sens amenant à une réussite personnelle, sens d’une réparation et d’un nouveau départ qui a été obtenu par le jeune lui-même et ses efforts qui ont toutefois pris forme dans un collectif. Il m’a semblé que l’on pouvait y voir un parallèle avec le professeur : s’il est difficile de considérer la question du décrochage, n’est-ce pas aussi parce qu’il est vécu comme un échec professionnel, voire personnel et qu’il est donc vécu dans la souffrance ? N’est-ce pas parce la question ne doit pas être considérée de façon individuelle mais au contraire envisagée dans un travail collectif qui permet de donner plus de force, d’accepter la souffrance et de ne pas voir l’échec comme une fatalité et une fin de tout, mais une étape ? Ce n’est pas d’échouer qui détruit, c’est la manière dont on échoue. Peut-être alors faut-il adopter un autre regard sur les difficultés, et même sur cette question de l’échec, puisqu’ « il n’y a pas de réussites faciles, ni d’échecs définitifs » . Pour cela, il faut alors revoir sa posture.
Du décrochage je me suis alors tournée vers l’accrochage. Derrière le glissement de terme se cache un nouveau paradigme : c’est sortir de la négativité du décrochage qui constate que le jeune « décroche » signe d’impuissance et de souffrance, mais aussi de résignation, à un nouvel état d’esprit qui invite à tout faire pour « l’accrocher », et qui témoigne d’une volonté d’action. Accrocher l’élève, c’est aussi prendre le risque de s’accrocher avec lui tant qu’il ne parvient pas à s’accrocher à nous : la souffrance de l’élève implique parfois sa difficulté ou son impuissance à accepter, un temps durant, l’aide, la peur d’être jugé, d’être de nouveau laissé. Le professeur a un rôle à jouer devant ces élèves qui deviennent réellement invisibles au point où quand on fait l’appel on ne voit même plus qu’ils manquent…ou qui entendent par leurs camarades les propos qu’on a pu tenir en leur absence. Un simple constat parfois « il est encore absent » qui sonne pourtant terriblement aux oreilles de celui à qui on le rapporte. Le professeur a alors lui aussi besoin d’être accompagné pour pouvoir mieux accompagner.
Si de nombreuses typologies existent pour identifier les profils des élèves décrocheurs, force est de reconnaître que c’est une réalité plurielle et complexe. Chaque cas est ainsi particulier et aucun facteur n’est à lui seul déterminant pour mener au décrochage. On insistera alors davantage sur le fait qu’« à tout moment, le processus est réversible, si l’élève trouve les points d’appui au sein du système éducatif et/ou de son environnement ». Les effets des politiques successives ont permis de réduire le phénomène en mettant en place différentes structures accueillant les jeunes qui font la démarche de préparer à nouveau un diplôme. Ce n’est donc pas au décrochage avéré ou effectif que nous nous intéresserons, mais à ce que l’on peut choisir d’appeler le « décrochage provisoire » (Liliane Pelletier et Driss Alaoui) , ou encore « les décrocheurs sur place » (Glasman, 2000) ou bien encore « les décrocheurs passifs » (Rochex) , ceux qu’avant, Bourdieu nommait les « exclus de l’intérieur » , tous souffrant d’un même mal, un décrochage cognitif parfois silencieux mais toujours douloureux.
Dominique Glasman observe deux niveaux de décrochage : il distingue le « drop-in » qui désigne les élèves présents physiquement mais qui ne sont pas engagés intellectuellement dans le cours, et le « drop-out » lorsque ces derniers ne sont pas présents physiquement. C’est en effet dans le cadre de la classe face à ces types d’élèves, « décrocheurs de l’intérieur » (Bonnery, 2003) que l’enseignant pourra, s’il sait détecter les profils, répondre en adoptant une posture professionnelle qui permettra au jeune de ne pas quitter l’école, de ne pas renoncer. L’objectif est donc de s’intéresser à ce que Stéphane Bonnery appelle une forme « de divorce » entre certains élèves et l’école, pour voir de quelle manière la mobilisation de l’enseignant peut essayer de l’enrayer. Cela part du principe que le professeur peut agir, à sa mesure, parce qu’il n’y aurait pas d’irrémédiable dès lors qu’on trouve les bons leviers, mais bien « un continuum » qui mènerait l’élève démobilisé à parfois décrocher si on ne cherche pas à le raccrocher. Comment faire que l’élève que l’on perçoit comme en souffrance ou démobilisé ne franchisse pas le pas de la déscolarisation ?
Enfin, cette question de l’accrochage scolaire a été abordée sous l’angle de la persévérance scolaire de manière à pouvoir considérer les moyens d’action des enseignants au sein de leur classe, pour installer une relation interindividuelle qu’il est parfois difficile d’envisager. Il s’agit alors d’aider, en mettant en œuvre les moyens adéquats, l’élève à s’engager (de nouveau) dans sa scolarité, à se (re)mobiliser pour créer une dynamique, avant que la rupture de l’élève ne soit effective. C’est se demander comment l’enseignant peut parvenir à enrayer le processus de désengagement du jeune, se demander aussi si parfois il ne participe pas, à son insu, à ce processus. « La persévérance scolaire (ou l’accrochage scolaire) est un élément clé de la prévention du décrochage scolaire. Elle reflète les efforts permanents déployés par les élèves, les équipes pédagogiques et éducatives pour favoriser l’apprentissage au quotidien, valoriser les réussites et par là même l’obtention d’un premier diplôme. Le travail sur l’estime de soi est au cœur de la persévérance scolaire » . Si depuis 2015 l’Éducation nationale a mis en place une « semaine de la persévérance scolaire » , c’est pour essayer de détecter au mieux les élèves les plus fragiles et mieux les accompagner pour lutter contre le décrochage. Cette semaine constitue une des mesures du plan « Vaincre le décrochage scolaire » et s’inscrit dans cette priorité nationale que constitue depuis 2014 la lutte contre le décrochage scolaire. La circulaire de rentrée 2022 mentionne à la fois les efforts à fournir pour « prévenir au plus tôt et avec une efficacité accrue des risques qui amènent aujourd’hui encore près d’un jeune sur huit à quitter l’enseignement scolaire sans diplôme » et la nécessité pour l’école d’être « un lieu de bien-être pour les enfants et les adolescents », où « chaque élève doit se sentir accueilli, encouragé dans ses efforts et ses réussites et préservé des discours dévalorisants ». Il s’agit alors de construire un discours qui puisse mettre en face de la réalité en évitant le déni, mais en préservant d’une approche négative. Retrouver le goût de réussir et par conséquent se sentir bien à l’école et en soi, c’est là la mission que doivent désormais relever auprès des élèves décrocheurs les enseignants, presque un combat qu’il faut mener avec eux. En usant de cette image de la lutte, on entend dire que la persévérance incombe à la fois à l’élève et à l’enseignant, et qu’il faut se former pour s’y engager.
Dans la perspective de la persévérance scolaire, l’estime de soi est un élément essentiel. Or il n’y a pas d’estime de soi si on se sent rejeté ou exclu, si les efforts que l’on fait ne sont pas considérés par l’enseignant qui ne les voit pas parce que les attentes sont différentes et en tant que telles souvent manquées, ou bien qui aux yeux de l’élève ne sont pas pris en considération. L’élève en voie de décrochage tend à fuir les situations d’apprentissage : absent aux contrôles, absent lors de la restitution d’un devoir, soit parce qu’il est véritablement empêché, soit qu’il vit ces situations comme des situations d’échecs ; ces manquements à répétition vont favoriser à la fois le décrochage, la perte d’estime de soi et le sentiment de ne pas être à sa place. Il s’agit alors pour l’enseignant de contribuer, aux côtés de l’élève, à construire une spirale vertueuse qui amène ce dernier à comprendre de quoi il est capable. Cela pourrait-il se faire sans un aménagement de la relation et donc de la posture de l’enseignant ? Ne faut-il pas revenir à l’origine étymologique de celui qui est pédagogue ? À l’origine, le pédagogue est celui dont le rôle était de conduire l’enfant à l’école. Pour ceux qui peinent à y venir, le rôle du professeur-pédagogue semble donc essentiel pour guider de nouveau sur le chemin de l’école. Peut-être faut-il d’ailleurs appliquer la même distinction que celle que Xénophon faisait en son temps entre le paidonomos, maître commun de tous les enfants et le paidagôgos, maître spécialement attaché à une famille. S’il convient à l’enseignant d’aujourd’hui de ne négliger aucun élève, il lui revient aussi de s’attacher d’autant plus à ceux qui sont en voie de décrochage, même si la tâche est ardue. Comme l’indique le site EDUSCOL, « l’objectif est de comprendre la situation individuelle de l’élève pour le réinstaller dans une dynamique positive par rapport à ses études » . Cela ne saurait se faire sans une reconnaissance pleine et entière de l’élève et pour cela, il faut prendre en compte la singularité qui permet de reconnaître chaque élève d’abord comme une personne.
Ainsi, le sentiment d’appartenance à l’établissement ou à la classe s’avère-t-il essentiel, tout comme le climat scolaire. Comment l’élève peut-il se sentir appartenir à la classe, quand son retour le conduit à des reproches devant les autres, quand ses manquements le stigmatisent et l’empêchent de reprendre le cours ? Il s’agit alors de travailler ce sentiment d’appartenance et d’adopter une posture inclusive. Mais pour cela, il faut être sensible au jeune qui va mal et trouver en soi les ressources pour contrecarrer une attitude de reproches ou de remontrances. Ce sentiment d’appartenance est grandement fragilisé chez le décrocheur qui n’a plus confiance en lui, plus confiance en l’autre. Cette expérience de la restauration de la confiance est longue et passe par de multiples étapes : il faut inconditionnellement faire confiance à l’élève, autant de fois que nécessaire, pour qu’il puisse alors nous faire confiance, progressivement, et alors se faire confiance à lui puis plus généralement à d’autres. Ce travail incombe à l’enseignant qui saura être là, comme et quand il faudra l’être. En effet, le lien ne peut que se distendre quand l’élève souffre de n’être pas là ou de ne pas réussir et qu’il souffre aussi de ce qu’on lui dit ou qu’on lui oppose quand il est présent ou quand il fait, mais pas assez bien. Ainsi, il ressort de manière évidente par la confrontation avec des élèves raccrocheurs que « les enseignants jouent un rôle important dans le développement du sentiment d’appartenance des jeunes ». Ce sentiment d’appartenance doit être donné par l’enseignant à l’élève qui ne parvient pas à le trouver seul, ou qui n’essaye plus. Pour lutter contre le sentiment de non-appartenance la posture professorale peut apparaître alors comme essentielle dans la mesure où il ne s’agit pas pour lui de réparer ni de soigner l’élève décrocheur, non plus que de régler ses problèmes, mais bien d’accompagner, dans la durée et bien souvent dans la difficulté, l’élève qui n’avance pas sur ses deux pieds, l’élève qui a du mal à rester dans le chemin de l’école. Pour reprendre la formule poétique de Freud, d’accepter et d’aider l’élève à comprendre que « ce qu’on ne peut atteindre en volant, il faut l’atteindre en boitant »
2. Problématisation et hypothèses de travail
Le rôle majeur de l’enseignant peut être analysé au travers de l’effet Pygmalion, ou ce qu’on nomme « selffulfilling prophecy » (prophétie auto-réalisatrice). C’est à Robert Rosenthal et Leonore Jacobson que l’on doit l’application de cette théorie dans le milieu scolaire. Ce concept permet d’envisager l’importance du regard de l’enseignant et de comprendre que beaucoup de choses se jouent dans l’interrelation, elle-même déterminée par la posture adoptée par l’enseignant. Cette interaction est essentielle puisque l’enseignant agit avec et sur l’élève quand celui-ci est présent en classe alors qu’il n’a que peu de prise - voire pas du tout - sur les facteurs externes. Il semble que l’enseignant soit plus en interaction avec l’élève qui répond aux attentes et semble en phase avec le système qu’avec celui qui ne peut répondre aux attendus explicites ou implicites de l’école. Dans ce cas, son regard se détournera de l’élève en voie de décrochage : il aura des attentes moindres ou peu élevées qui ne sauront pas aller chercher l’élève qui a au contraire besoin qu’on le voit comme capable de réussir, dans sa capabilité ou dans son éducabilité malgré ses difficultés. C’est là l’enjeu de la relation professeur-élève dans laquelle on peut chercher un levier pour un meilleur accrochage. En travaillant à rétablir le lien, en tissant un fil que l’enseignant ne rompra pas, l’élève peut se sentir soutenu et sortira plus fort de cette situation. Qu’il en ait conscience ou non, l’enseignant a des attentes vis-à-vis de ses élèves, et dans sa « théorie des 4 facteurs » Rosenthal identifie quatre catégories de comportements qui permettent de voir que les enseignants traitent plus favorablement les élèves envers qui ils ont des attentes élevées. Les enseignants ne présenteraient pas de la même façon les contenus pédagogiques et les tâches d’apprentissage, ils ne solliciteraient pas de la même manière ces élèves, ne réagiraient pas pareillement à leurs prestations et le climat socio-émotionnel des interactions verbales et non verbales serait différent.
L’élève en voie de décrochage serait-il donc laissé pour compte par l’enseignant ? Serait-il décroché malgré lui ? Il ne s’agit pas là de chercher des coupables parmi les enseignants mais de chercher pour chacun d’entre nous à interroger ce qui, à un moment ou à un autre, n’a pas relevé de la posture adéquate pour garder l’élève en voie de décrochage. À tout le moins, si nous n’avons pas mal fait, avons-nous vraiment fait quelque chose ? En prenant conscience de ce rôle de professeur Pygmalion, en accordant à l’élève en souffrance une reconnaissance authentique, cela suffi à avoir foi en lui pour qu’il puisse se remobiliser. C’est à l’enseignant, à l’adulte, de faire cet effort sans qu’il condamne l’élève qui ne parvient pas - encore - à trouver sa place dans un système qui semble convenir pourtant à une grande majorité. Le professeur semble donc jouer un rôle essentiel dans la posture qui est la sienne pour favoriser l’accrochage scolaire : si lui-même renonce, l’élève en difficulté se verra à travers ses yeux et risquera de se trouver conforté dans son attitude, ce qui ne peut manquer de le mener à l’échec. Le regard de l’enseignant qui est une médiation nécessaire à la reconnaissance de soi comme sujet peut devenir destructeur s’il est inexistant ou insuffisamment bienveillant, s’il est non-malveillant mais pas encore bienveillant, mais il devient moyen d’une remédiation, dès lors que le jeune se mésestime et ne croit plus en lui mais qu’on le voit comme capable de réussir. Il est évident que cela ne peut se faire sans difficulté, pour l’enseignant qui se donne cette mission et qui prend le risque de mal faire ou d’échouer, mais il fera moins de mal que s’il ne fait rien. Il s’agit alors de lutter pour et avec le jeune en difficulté, en le respectant dans son entièreté et en mettant en œuvre une relation dans laquelle paradoxalement l’élève devient le pilote.
C’est dans cette convergence d’efforts que le processus du raccrochage peut être envisagé. Il ne faut en effet pas minorer les efforts que le jeune fait et la douleur qui est la sienne face à cette situation qui s’impose à lui et dont il est la première victime non plus que celles des enseignants qui cherchent à l’accompagner au mieux.
Ainsi, l’expérience au sein du microlycée de Reims et les lectures qui ont nourri ce mémoire permettent d’envisager que le décrochage n’est pas une fatalité et que l’enseignant dans sa classe peut contribuer à y remédier. La littérature consultée nous permet de penser que l’enseignant a un rôle majeur à jouer dans la prévention du décrochage, et que c’est en réfléchissant sur sa pratique et en adaptant ses gestes professionnels qu’il pourra être plus efficace dans sa lutte, faisant ainsi diminuer la souffrance qui peut être la sienne devant son impuissance à soulager la souffrance de l’élève en voie de décrochage. Dans la mesure où c’est le rôle de l’enseignant qui apparaît ici essentiel, la réflexion mobilisera les acquis des théories de Dominique Bucheton relatifs à la posture de l’enseignant , laquelle pourrait être un levier majeur dans le cadre de la lutte conte le décrochage et donc celui d’une formation des enseignants. Si la première question se présentait de manière fermée, à savoir « Une réflexion de l’enseignant sur sa posture, son rapport aux élèves et aux attendus de l’école peut-elle contribuer à lutter contre le décrochage scolaire ? », elle est devenue, de manière plus générale : « En quoi une réflexion sur la posture de l’enseignant est-elle un facteur essentiel à analyser en formation pour favoriser l’accrochage scolaire ? » C’est pourquoi nous avons choisi de nous focaliser sur ce qui pourrait être, dans la posture de l’enseignant, un frein à la persévérance des élèves en voie de décrochage mais qui, une fois conscientisé pourrait devenir le levier d’un accrochage réussi.
Quels sont les enseignements à tirer d’une structure de retour à l’école comme le microlycée 51 et qui pourraient, dans le cadre d’une formation, aider les enseignants à mieux ou à plus s’investir dans leur mission de lutte contre le décrochage ? Comment amener un enseignant à envisager qu’il a une part de responsabilité dans le décrochage d’un élève, qu’il est engagé dans ce processus de décrochage, puisqu’il est celui qui articule l’élève et l’école et donc dans la possibilité de le faire raccrocher, sans qu’il y ait une quelconque mise en cause ou culpabilisation, mais au contraire un souci d’accompagner chacun dans sa démarche psychologique et intellectuelle ? En quoi la conscientisation par l’enseignant de sa posture et de son rôle essentiel pourrait-elle permettre de lutter contre le décrochage ? De manière à tenter de répondre à ces questions, nous avons posé trois hypothèses :
- Hypothèse 1 : il apparaît nécessaire de conscientiser et de clarifier les représentations des élèves et des enseignants. Le changement de posture de l’enseignant serait induit par ce travail d’élucidation et de clarification, le non-accrochage étant amplifié peut-être par une incompréhension des attendus des uns et des autres, qui seraient plus ou moins explicites.
- Hypothèse 2 : il est nécessaire de croire en l’élève, de le reconnaître pour qu’il soit en mesure de réussir. L’effet Pygmalion serait déterminant pour permettre la persévérance. Le doute qui s’installe dans un EPLE n’est pas de mise au microlycée : les enseignants ont une certitude, c’est que le jeune peut « y arriver ». La valeur indéfinie de ce pronom adverbial n’enlève pas la certitude mais ouvre le champ des possibles : l’essentiel est d’aider le jeune à se (re)construire, et pour cela, il faut croire en lui. Les retours des jeunes, les résultats aux examens confortent cette certitude.
C’est parce que le microlycée est une structure non-abandonnante que l’accrochage est possible.
- Hypothèse 3 : si l’enseignant est seul devant sa classe, c’est en équipe seulement qu’il pourra contribuer à l’accrochage ou au raccrochage scolaire aussi bien qu’à la persévérance.
Le sentiment d’appartenance nécessaire au bien-être du jeune ne peut être le fait d’un enseignant seulement, même si ce dernier ou sa discipline peuvent être des vecteurs forts de raccrochage. Il faut envisager de mettre en œuvre une stratégie commune à une équipe pédagogique.
Partie II Les pratiques des enseignants au sein du microlycée 51 et d’un EPLE
1. Les actions menées
Le point d’ancrage de mes interrogations provenant de ma double appartenance à une structure de retour à l’école et à un EPLE, j’ai choisi de donner la parole aux enseignants de chaque équipe, pour un jeu de regards croisés. Les premiers « savent » gérer les cas de décrochage, parce qu’ils sont amenés à le faire depuis bientôt dix ans. Et puisque les raccrocheurs décrochent souvent aussi, et trébuchent parfois dans leur parcours, les enseignants ont appris à repérer les mauvaises postures qui fragilisent et s’efforcent de trouver la bonne posture, la juste attitude. Les seconds ressentent souffrance et difficulté face à des élèves qu’ils peinent à maintenir en classe et n’ont pas toujours l’idée que des élèves qui ont décroché peuvent réussir. Ce sont nos jeunes raccrocheurs qui montrent que c’est possible : sur 9 sessions de baccalauréat, 270 jeunes ont été reçus à l’examen, décrochant ainsi ce qu’ils étaient venus chercher. Il paraît intéressant alors de s’interroger sur la possibilité non d’un transfert complet de ce qui se fait au microlycée mais bien d’un apport pertinent dans le cadre d’actions de formation : en partant du vécu des enseignants d’une Structure de Retour à l’École, comment peut-on mieux rencontrer le réel des enseignants qui sont confrontés au décrochage dans leur propre établissement ? En effet, on peut penser que plus tôt on intervient moins il y a de dégâts pour tous, l’école pouvant alors se vivre comme véritablement inclusive.
En juin 2022, un sondage a été effectué auprès des enseignants du microlycée, par le biais de ce que nous nommons « la plateforme », cet outil informatique qui nous est commun dans notre travail au quotidien et qui relève de Moodle. L’objectif était de ce questionnaire était double : - il s’agissait d’abord de vérifier s’il existait des différences posturales pour chaque enseignant présent devant des élèves, mais exerçant sur deux structures aux objectifs comparables (préparer des élèves à l’examen du baccalauréat) mais aux modalités très différentes (taille des groupes, horaire réduit, travail asynchrone et synchrone). - Il s’agissait ensuite de voir si les enseignants alors même qu’ils sont dans une dynamique commune conservent leur liberté tout en développant une identité professionnelle quelque peu différente de celle de leur établissement.
En septembre 2022, j’ai proposé un autre sondage , cette fois à l’équipe enseignante de la classe de terminale dont je suis professeure principale. L’idée était de recueillir leurs pratiques et connaissances relatives à la question du décrochage. J’ai alors présenté mon questionnaire dans le cadre de mon travail au microlycée et de ma réflexion pour le mémoire professionnel en cours d’élaboration, et j’ai choisi d’utiliser également Moodle pour garder un format comparable. Au-delà du recueil de données il me semblait intéressant de mettre en œuvre un premier pas vers ce qui pourrait être un travail conjoint dans l’établissement pour lutter contre le décrochage.
Il me fallait donner aussi la parole aux élèves. Pour ce qui est des jeunes du microlycée, j’ai choisi de prendre appui sur des données existant indépendamment de mon sujet de réflexion : d’une part pour ne pas réactiver, par un travail de remémoration, les douleurs de ces élèves face à l’institution et à leur passé, et d’autre part pour rester au plus près du sentiment qui avait été le leur au moment de leur entrée dans l’établissement. J’ai donc utilisé le contenu de ce que l’on nomme une « fiche de positionnement ». Pour donner du sens à leur parcours j’ai également consulté les réponses données par les jeunes dans un sondage à destination des bacheliers 2022 et qui s’intitule « Quelques mots concernant votre parcours au Microlycée ». Il me semblait possible d’y trouver ce que les jeunes avaient, eux, trouvé au microlycée rendant leur engagement et leur réussite possibles, en pensant y voir des leviers à exploiter dans le cadre d’une action de formation.
Enfin, pour avoir une idée de ce qui m’attendait au regard des élèves dont je suis cette année professeure principale dans mon établissement, j’ai également créé à leur intention un sondage dans le but d’évaluer leur rapport à l’école ou à leur scolarité, avec l’idée d’exploiter leurs réponses pour ma réflexion mais également pour guider mon action tout au long de l’année scolaire. Il me semblait intéressant de connaître le regard qu’ils portaient sur eux-mêmes et j’espérais que leurs réponses pourraient m’apporter des pistes de réflexion pour construire un meilleur rapport avec ceux qui, peut-être, exprimeraient des difficultés liées à une sensibilité particulière à l’égard des enseignants ou de l’école. L’idée était également de mettre en œuvre un dispositif de vigilance pour un travail d’équipe avec les enseignants de la classe. Trente et un élèves ont renseigné le questionnaire.
Le travail de recherche mené ici s’appuie donc sur le vécu et le ressenti des enseignants mais aussi des élèves. Il m’a semblé important de laisser s’exprimer les uns et les autres. Le choix a donc été fait de privilégier cette dimension subjective pour parvenir à une compréhension de ce qui se joue dans la relation professeur-élève et qui pourrait favoriser l’accrochage dès lors qu’on le conscientise.
2. Traitement et analyse des données du questionnaire des enseignants du microlycée
Dans la mesure où j’étais partie de l’idée que leur parole serait riche d’enseignement en tant qu’ils sont confrontés quotidiennement à la gestion des cas de décrochage, les premières réponses analysées sont celles du sondage réalisé auprès des enseignants du microlycée 51. Ils sont aussi, ou ont été amenés, à exercer à la fois dans un établissement classique et au microlycée. À ce titre, ils ont pu appréhender les différences de travail et les questions que cela engendre. Douze enseignants ont répondu au questionnaire, ce qui permet d’avoir l’avis de la plupart des professeurs dont les disciplines se trouvent être enseignées en classe de Terminale. On retrouve là une cohorte de répondants semblable à celle du lycée Jean-Baptiste Colbert également interrogée.
À la question des attentes vis à vis des élèves de leur lycée d’origine, l’assiduité apparaît comme l’attente la plus forte puisque 42% la donne comme première attente, et 76% au total, devançant ainsi l’apprentissage du cours. À 75% les collègues du microlycée disent qu’ils n’exigent pas la même chose des jeunes décrocheurs. Il y a donc là une différence majeure : les attentes ne sont pas les mêmes. Faut-il y voir un premier point d’appui pour comprendre d’abord ce qui permet à un élève de s’accrocher et ensuite ce qui donne l’opportunité à ce même élève de décrocher son diplôme ? Ce premier résultat permet d’aller à l’encontre de cette doxa professionnelle qui associe réussite et assiduité, réussite et volume horaire des enseignements. Les enseignants du microlycée font davantage porter leurs attentes sur l’engagement du jeune et son épanouissement personnel plutôt que sur sa présence en classe, souvent empêchée. Au microlycée, on attend que le jeune « mesure l’importance de ce qu’il vit et s’implique dans sa formation » , « qu’il reprenne goût aux apprentissages », et dans la relation à tisser avec les enseignants « qu’il nous fasse confiance et qu’il communique », que s’installent « le dialogue, la confiance » et enfin que se mette en place un travail opéré dans « l’autonomie pour réaliser les activités », et que l’élève « suive la progression à disposition sur la plateforme en restituant les activités », qu’il s’efforce à « une restitution des travaux », une « réalisation des activités », « la régularité dans la réalisation des travaux ». On pourrait alors, en formation, chercher à partir sur un nouveau présupposé : si la présence de l’élève est préférable dans la mesure où elle est engageante pour lui, elle ne saurait être une condition nécessaire de réussite, non plus qu’une condition suffisante. Ainsi, on pourrait acter que le travail peut être dissocié de la présence en cours, même si celle-ci est souhaitable. Pour autant, il faut réussir à maintenir le lien pour rendre effectif le travail et rendre ainsi possible l’accrochage et la progression. C’est ce fil qui ne se rompt pas qui semble être le gage de la réussite d’une rescolarisation. Ne pourrait-il pas alors être aussi ce qui favoriserait la persévérance dans un établissement classique ? Cela suppose bien entendu de concevoir un programme de travail pour l’élève décrocheur, distinct de celui qui est donné aux autres élèves. Une différenciation pourrait ainsi se mettre en place.
Ce rapport différent à l’élève semble impliquer un rapport différent aux programmes qu’il convient de traiter, alors que nous préparons les élèves à un même examen national. Il est à remarquer que les collègues ressentent davantage le poids du programme à réaliser dans leur établissement (59% des collègues estimant que cette contrainte est de 4 ou 5 sur une échelle de 5), tandis que 16 % d’entre eux seulement ressentent ce même programme comme une contrainte au microlycée. La question qui se pose est alors de savoir si la pression que se met l’enseignant en situation classique ne pourrait pas être une cause de difficulté pour l’élève décrocheur. Nombre d’entre nous ont en effet expérimenté que la pression – sans doute en raison d’attendus plus fantasmés que réels – nuit à la sérénité de notre travail ainsi qu’à notre rapport aux élèves. Lorsque la pandémie a contraint au passage au contrôle continu, nous n’avons pas travaillé moins, mais nous avons souvent travaillé mieux, sans chercher à transposer les modalités présentielles en distanciel. Les collègues sont aussi nombreux à exprimer ce sentiment pour la spécialité abandonnée en fin de première et évaluée en contrôle continu : délesté du poids de l’examen, l’enseignant semble plus léger, et la relation à l’élève se détend ce qui permet de travailler dans un climat plus paisible, plus soucieux du rythme propre de l’élève, gage de progrès et de réussite tout autant que d’avancée dans le programme. La sérénité ainsi obtenue semble propice à un meilleur travail où on donne à l’élève le temps de s’engager véritablement et de progresser dans quelque chose qui peut alors faire sens pour lui. C’est d’ailleurs ce qui ressort des propos des enseignants du microlycée, pour qui ce qui prime « est l’engagement de l’élève, plus que de couvrir l’intégralité du programme » et où le « fait de traiter tout le programme n’est pas une priorité ». En effet, « il faut notamment savoir se défaire, en tant qu’enseignant, de la pression des programmes qui n’est pas adaptée à un jeune faisant face à de nombreux problèmes. » Ainsi, ce pourrait être un élément clé : que gagne-t-on à imposer de force à un jeune en voie de décrochage un programme qu’il n'est pas en mesure d’absorber ? Ne jouerions-nous pas plutôt gagnant à accepter de mettre en œuvre des dispositions et des dispositifs qui lui permettent de rester engagé et de progresser, quitte à ce qu’il fasse une année supplémentaire, plutôt qu’à le laisser se désespérer et quitter l’école ?
Les collègues font d’ailleurs état de pratiques qu’ils ont au microlycée mais qui leur manquent dans leur établissement : « aborder les choses de manière plus apaisée, avec moins de pression », « beaucoup d’échanges, pas uniquement en lien avec la scolarité », « des liens de confiance et un dialogue sincère », « plus de proximité professeur-élève, de dialogues, plus de familiarité dans le bon sens du terme ». Pourquoi ne serait-il pas possible de mettre cela en œuvre dans un établissement classique ? Certes, il y a moins d’élèves en charge au microlycée, mais ils ont tous des problématiques lourdes. Pourquoi alors ne pas essayer de mettre en place ce type de rapports privilégiés pour les quelques élèves dont nous pensons qu’ils sont en voie de décrochage ? Pourquoi cette posture accompagnante est-elle empêchée même pour ceux qui la mettent en œuvre au quotidien au microlycée ? Quelques pistes apparaissent pour répondre à ces questions : « un rapport avec l’enseignant plus vertical », « par manque de temps et les étudiants n’en ont pas nécessairement besoin », le « cloisonnement au parcours scolaire ». Pour autant ces réponses sont-elles satisfaisantes ? Elles sont incontestablement authentiques dans leur ressenti, mais manque-t-on vraiment de temps pour quelques jeunes seulement ? Qui restreint la relation au jeune à la seule considération de son parcours scolaire ? L’enseignant ou l’élève ? Ces éléments permettent donc d’envisager le professeur comme le pilote de la relation, mais elles auraient mérité d’être mises en écho avec les élèves concernés.
Si l’enseignant au microlycée comme ailleurs est seul devant sa classe, la dimension collective de l’engagement apparaît toutefois primordiale pour eux : 83 % des collègues interrogés ont répondu que le travail en équipe avait changé leur manière de travailler. Serait-ce là un autre levier de la réussite ? Face aux aménagements nécessaires ou aux renoncements apparents, « une dynamique portée collectivement permet de desserrer les fausses contraintes habituellement admises comme telles en maintenant une position et un discours communs auprès des jeunes ». « Travailler avec des gens volontaires et concernés est beaucoup plus motivant et inspirant », il y a « davantage d’échanges et de recherche de stratégies communes », « les échanges permettent de questionner mes pratiques ». C’est ce même taux de 83% qui ressort quand on interroge les enseignants pour savoir si le travail en équipe a changé leur rapport aux élèves. « C’est en fait l’engagement collectif de l’équipe, défini comme l’accueil des personnes plus que des élèves, qui permet d’adopter une posture différente ». Ainsi, le changement de posture serait induit par le collectif tout autant que par un travail réflexif, et le climat de confiance que trouvent les enseignants serait favorable à leur relation aux jeunes, puisque « on n’est pas seul à gérer les élèves, il y a toujours quelqu’un pour nous épauler », « on peut davantage se reposer sur les collègues », « on connaît mieux les élèves par les échanges avec l’équipe ». Ce même travail en équipe a permis d’opérer pour 92% d’entre eux un changement par rapport à eux-mêmes, certains se découvrant « des qualités de patience et de bienveillance », se sentant « plus utiles » et appréhendant leur fonction de « manière plus humaine », « plus en phase avec [leurs] valeurs personnelles », se débarrassant « d’illusions sur [leur]infaillibilité » ou se faisant au contraire « plus confiance (…) pour embarquer les jeunes», ou allant jusqu’au s’interroger pour savoir si « la culpabilité d’être en arrêt et le sentiment d’abandonner les jeunes et l’équipe aurait été aussi fort et difficile à supporter dans [l’] autre établissement». Mais tous ces éléments-là ne devraient-ils pas être le fait de tous les enseignants dans leur quotidien ? Dans l’imagerie professionnelle traditionnelle, la salle des professeurs apparaît comme le lieu où les enseignants peuvent se retrouver. Au microlycée, nous avons la chance d’avoir une salle commune, qui accueille les professeurs et les jeunes, au sein d’un même espace. Chacun peut échanger et même boire un café avec qui il le souhaite, sans barrière. Alors qu’on aurait pu penser que cette présence des jeunes serait un frein aux échanges entre professeurs, il n’en est rien, puisque d’aucuns remarquent qu’il « y a davantage de communication sur la situation des jeunes », que les communications peuvent « être plus centrées sur l’élève » et que « les remarques portent sur des jeunes que nous connaissons tous ; sur un projet partagé ». Clairement, ce lieu qui nous accueille tous est propice aux échanges constructifs et non aux propos délétères et démoralisants qui se tiennent quand « on passe beaucoup de temps à échanger sur les élèves en difficulté ainsi que sur les problèmes de discipline ». C’est un lieu de partage où il fait bon vivre et travailler. Est-ce à dire que le regard qui est adopté dans cette salle commune nous porte davantage vers la recherche de solutions que vers les plaintes désespérées ? Que c’est là que se trouve remis en position centrale le jeune dont on se soucie au-delà de la salle de classe ?
Au moment du bilan, un mot revient sur cette expérience du microlycée : elle est incontestablement « enrichissante » puisque c’est ce que disent 50%des collègues, tandis que 10 % la voit comme un privilège et 10 % comme une « expérience très positive ». Doit-on en conclure que le bonheur des uns, les élèves qui ont raccroché, fait le bonheur des autres, les enseignants qui travaillent avec eux ? Dans ce cas, pourquoi devrait-il en être autrement dans un établissement classique ? Comment une formation pourrait-elle engager les enseignants dans un cheminement de même nature ?
3. L’application des analyses aux hypothèses de travail
Après avoir cherché des enseignements auprès des collègues qui interviennent au microlycée, nous pouvons chercher maintenant à croiser les informations pour répondre à nos hypothèses de travail. La connaissance que les enseignants du microlycée ont des élèves provient de sources diverses : d’abord des fiches de positionnement établies à l’entrée du jeune dans l’établissement, qui font suite à plusieurs entretiens, et aussi de leurs échanges constants et du suivi qu’ils ont des jeunes, aussi bien dans leurs cours qu’en dehors, par le biais du tutorat par exemple. Connaissant les phénomènes du décrochage, ils sont souvent conscients des représentations qui sont les leurs mais aussi de celles des jeunes et par conséquent des divergences qu’il y a bien souvent. Il ressort des questionnaires faits au lycée Jean-Baptiste Colbert, que ce n’est pas toujours le cas.
Notre première hypothèse de travail établissait la nécessité de clarifier les représentations de chacun. Sur les dix enseignants de l’équipe qui ont répondu au sondage, la question de l’apprentissage et du travail réalisé semble centrale : les professeurs attendent que l’élève « revienne à la maison sur le travail fait en classe » , qu’il soit en mesure de « bien connaître le cours », qu’il « progresse en faisant le travail demandé », qu’il soit « réceptif aux consignes pour progresser », « qu’il apprenne ce qui est nécessaire pour avancer dans la progression de l’année », qu’il soit « actif en classe ». Seuls deux enseignants posent l’importance que s’instaure « un climat de confiance mutuelle » et que l’élève s’inscrive dans une dynamique qui lui permette « dans tous les cas de faire avancer le cours ». Excepté pour ces deux enseignants, l’idée d’une œuvre commune n’apparaît pas, comme si les élèves et le professeur pouvaient ne pas avancer de manière conjointe, et ainsi évoluer sur des chemins parallèles qui pourraient ne pas se croiser, comme s’il suffisait d’avoir « fait cours » pour avoir bien fait. Dominique Bucheton définit les doxas professionnelles comme « des "allant de soi" assez partagés sur des sujets variés, relatifs à l’enseignement. Considérées comme des évidences, ces doxas ne sont pas questionnées ». Pourtant, il est essentiel ici d’interroger la raison pour laquelle les enseignants sont ainsi dans l’attente d’un travail de l’élève sans le mettre en lien avec la relation qu’ils instaurent, comme si le contrat qu’ils tissent était à sens unique.
Les élèves interrogés mettent au contraire en avant l’importance de leur implication en classe, moins dans leur participation propre que dans la capacité des enseignants à les emmener sur leur territoire, à leur permettre de cheminer ensemble, parce que si pour certains il est important que le professeur « enseigne sa matière correctement » pour « bien préparer aux examens », qu’il soit dans « la transmission » et qu’il fasse « bien son travail », nombreux sont ceux qui veulent qu’il « incite à aller de l’avant », qu’il « enseigne sa matière mais surtout qu’il la fasse comprendre », qu’ « il aide ou encourage » pour que ce soit « compréhensible par tous ». Comprendre, c’est prendre ensemble. Il ne s’agit pas seulement ici de réduire à l’idée d’une appréhension purement intellectuelle, mais peut-être de l’envisager comme la capacité de l’enseignant à accompagner l’élève dans sa démarche propre. Le professeur n’est donc pas envisagé comme celui qui doit seulement transmettre un savoir académique maîtrisé, même si certains élèves définissent ainsi le bon professeur, mais comme quelqu’un qui construit une relation dans laquelle il est « présent pour ses élèves », « à l’écoute ». Cette question de l’écoute revient à 13 reprises, c’est-à-dire à 41,9 %. Elle est donc importante. Le professeur veut qu’on écoute son cours pour l’apprendre, l’élève veut qu’on soit à son écoute pour être en mesure d’apprendre. Si cela semble évident pour tout enseignant, le sondage a le mérite de montrer qu’un même mot peut revêtir des facettes différentes. Le fait que les uns et les autres ne sont pas toujours au clair sur ce qui est attendu est alors peut être à envisager comme une condition déclenchante ou plus souvent favorisante du décrochage.
Cette idée de mise au clair semble ainsi nécessaire pour favoriser l’accrochage, parce que l’attitude des élèves est souvent le corollaire de ce qu’ils perçoivent chez l’enseignant, de lui et d’eux-mêmes, et inversement. Si le professeur cherche à savoir ce que les élèves attendent de lui, et surtout l’élève décrocheur, il pourra adopter la posture la plus propice à l’accrochage de ce dernier en réajustant autant que nécessaire ses attentes pour le mener vers la réussite.
De façon majoritaire, les collègues du lycée mettent en avant que c’est l’absentéisme qui permet de repérer un élève susceptible de décrocher. Ils mentionnent en effet ce critère pour neuf d’entre eux, et confirment que « la fréquentation irrégulière, l’absentéisme perlé plus ou moins régulier » est le premier indicateur de décrochage évoqué par les enseignants. Mais quand l’élève est absentéiste, le décrochage est déjà en cours. Certains enseignants sont toutefois sensibles à des signaux faibles de désengagement comme « les travaux non rendus ou feuilles blanches », à l’élève qui « fait semblant de faire son travail » ou qui est dans « le refus de travail ». Aussi, les représentations des enseignants sur le décrochage méritent d’être précisées puisque l’absentéisme peut aussi bien être la cause que la conséquence du décrochage. Les enseignants se préoccupent de l’absentéisme en aval, mais ils ont des difficultés à travailler en amont et à faire de la prévention, alors que parmi les déterminants internes au système scolaire on peut trouver des facteurs pédagogiques, liés principalement » aux interactions et relations entre les enseignants et les élèves » .
C’est alors qu’on peut envisager la seconde hypothèse qui était que l’effet Pygmalion peut être déterminant. On peut ainsi considérer qu’il y a un effet miroir. Il y aurait une sorte d’homochromie où l’attitude du professeur déclencherait celle de l’élève. Cela invite alors l’enseignant à conscientiser ses gestes professionnels. Dominique Bucheton a développé l’idée du multi-agenda, un outil pour appréhender le travail de l’enseignant dans sa complexité. La connaissance des différents gestes d’étayage semble un atout majeur dans la lutte contre le décrochage. En effet, la posture de refus apparaît chez certains élèves : quand le professeur ne répond pas à leurs attentes, ils choisissent de ne pas répondre aux siennes. La posture de contrôle semble inopérante pour l’élève décrocheur, de même qu’une gestion en solitaire. Cette posture prend appui sur des représentations fausses qui enferment l’élève et le professeur dans une interrelation qui ne peut fonctionner, puisqu’elle renvoie l’un et l’autre à ses propres manquements : le professeur « accuse » l’élève de ne pas faire ce qu’il faut, et l’élève « accuse » le professeur de ne pas le comprendre ou de ne pas l’aider comme il faut.
Ainsi, 17 élèves sur 31 répondent qu’un professeur les a déjà découragés. C’est 54,84 %. Ils expriment alors leur réaction face à l’attitude ou aux propos de l’enseignant : « un professeur d’espagnol ne m’aimait pas, donc j’étais très énervée ». Le ressenti est aussi incontestable que la réalité est discutable, mais il suffit à faire que l’élève se détourne de l’enseignant. L’écart entre les perceptions peut être grand et source autant d’incompréhension que de souffrance ; un élève écrit :
« le professeur voyait que je n’y arrivais pas dans sa matière, il pensait que c’est parce que je ne travaillais pas assez alors que je révisais énormément ». Le professeur a-t-il exprimé ainsi sa pensée ? Force est de constater que l’élève l’a ressentie et que c’est ainsi qu’il a interprété l’attitude de l’enseignant. C’est donc un jeu de perceptions dont il faut prendre conscience qui semble déterminer la réaction et l’action des élèves. Pour un autre en effet, « l’attitude nonchalante et très peu respectueuse [d’un professeur] envers ses élèves » est retenue, ce qui l’a conduit à « cesser de s’investir pleinement dans cette matière », parce que « lorsque le professeur est désagréable, de mauvaise humeur et le montre beaucoup, ça ne motive pas vraiment à travailler ». Ce même élève reconnait toutefois que « c’est humain » et dit continuer à « travailler comme [il] peu[t] ». Si ces propos peuvent sembler naïfs et parfois peu matures, ils sont toutefois tenus par des élèves de Terminale qui expriment ainsi le rôle déterminant de la posture professorale. On peut envisager qu’une telle sensibilité peut s’avérer déterminante pour un élève fragile, en voie de décrochage, parfois de sa propre vie, rendant très forte sa vulnérabilité. Cette dimension ne saurait être ignorée et c’est pourquoi un élève dit même qu’il est essentiel d’avoir « un professeur qui garde une relation humaine avec ses élèves, sans les prendre pour des robots ». Il s’agit de remettre ici l’humanité au cœur de l’enseignement en prenant conscience que ce que l’enseignant pense des élèves est essentiel pour eux. Comment alors travailler à réfléchir sur ses pratiques professionnelles pour mettre à jour les situations où on pourrait parfois manquer d’humanité, même si elles n’apparaissent en rien conflictuelles, peut-être parce qu’elles existent peu ? La posture de certains élèves est parfois radicale, puisque l’un dit que dans ce cas où le professeur a eu une attitude qui l’a découragé : « j’ai abandonné la matière et j‘ai séché », tandis qu’un autre écrit : « je n’ai pas fait d’efforts en classe ». D’ailleurs, lorsque l’un parle du « fait de prendre les élèves pour débiles car ils ne comprennent pas quelque chose », on ne peut qu’être choqué de la violence du terme qui exprime d’abord la violence de ce que l’élève a ressenti. Les textes traitant de la question du décrochage font état de la complexité de la situation de ces jeunes en difficulté : s’il est évident qu’une seule parole ou un seul comportement inattendu ne saurait provoquer le renoncement de l’élève, ils peuvent néanmoins être des facteurs aggravants. Ainsi, avoir conscience de la fragilité psychologique de ces jeunes permet d’être plus vigilant. On peut penser que « l’expérience scolaire des élèves, marquée par la mobilisation et le découragement scolaire est sensiblement sous l’emprise de la compétence relationnelle du professeur » . Les professeurs peuvent avoir tendance à minorer le pouvoir impactant de leurs propos parce qu’ils leur paraissent anodins ou qu’ils le sont pour des élèves qui ne sont pas en situation de grande fragilité. Le professeur Pygmalion va au contraire transformer l’élève dont l’expérience pourra être ainsi marquée par une relation spécifique et constructive. Dans la mesure où 58,06 % d’élèves disent avoir déjà ressenti du découragement, et que 54,84% expriment qu’ils pensent avoir des fragilités qui pourraient rendre difficile leur année scolaire, il est essentiel de réfléchir ensemble à la portée de nos propos qui, s’ils ne sont pas nécessairement malveillants, peuvent ne pas être réellement bienveillants.
En travaillant cette question de l’effet Pygmalion, on aurait peut-être pu aider ces 17 élèves de la classe qui disent avoir déjà été découragés par des propos d’enseignants. Parmi eux, un seul a sollicité son professeur. Il dit ainsi : « j’en ai parlé à mon professeur qui m’a fait des entrainements spéciaux ». De cette manière l’enseignant a su lui montrer qu’il était à l’écoute, prêt à l’aider et qu’il le voyait capable de réussir : en s’engageant autrement, il a su engager l’élève qui aurait peut-être abandonné. D’ailleurs, 6 élèves se remémorent un événement marquant qui a impliqué un professeur, l’un reconnaissant avoir été « accompagné du début jusqu’à la fin de l’année » par un professeur qui lui « a remonté le moral », et qui « même s’il y avait des remontrances (…) ne garde que de bons souvenirs », l’autre le fait que les professeurs l’« encouragent constamment » a permis « de ne pas relâcher les efforts ». On ne naît peut-être pas professeur Pygmalion, mais on peut apprendre à le devenir dès lors que l’on prend conscience de ce qui se joue dans la relation au cœur de l’école. On notera toutefois que ces paroles qui agissent comme moteur n’ont été notées que par des élèves qui disent avoir un bon rapport voire un très bon rapport à l’école. Faut-il y voir une cause ou une conséquence ?
Au contraire de ces exemples, lorsque les élèves évoquent des événements qui les ont démotivés, dix d’entre eux mentionnent le rôle qu’a joué, à leurs yeux, l’enseignant. On peut retrouver cet élément déterminant où l’élève voit sa réussite dans les yeux de l’enseignant qui le regarde en reprenant les fiches de positionnement des bacheliers 2022 du microlycée et en les comparant aux propos qu’ils ont tenu début juillet quand on leur a demandé « quelques mots concernant [leur] parcours au Microlycée » . Parmi ces jeunes qui ont raccroché et ont réussi à décrocher l’examen, l’une d’entre elle dit être venue au microlycée parce qu’elle « s’est rendue compte du besoin d’avoir des professeurs pour l’aider à mener à bien son projet », et qu’elle y attendait « plus de soutien et de compréhension » puisqu’il lui avait manqué auparavant « soutien compréhension et encouragement ». Un autre écrit, après avoir réussi l’examen, qu’« il n’y a rien à dire à part " merci " , continuer ainsi et merci de croire en nous là où beaucoup nous ont délaissés ».
Pour une autre encore, c’est un « accompagnement humain tout au long de l’année » qui l’a motivée à s’inscrire au microlycée tandis que l’un de ses camarades a dit attendre « plus de suivi et d’aide des enseignants », parce qu’à l’école c’est « qu’on le rassure sur sa capacité à réussir, qu’on l’accompagne » qui lui a fait défaut. Son année se conclura sur ces mots : « cette année de terminale m’a fait reprendre confiance en moi et m’a permis de me montrer que j’étais capable d’avoir le bac ». Autant de mots qui manifestent que c’est à travers le regard de l’enseignant que le jeune parvient à se reconstruire, que l’effet Pygmalion est déterminant.
L’expérience du microlycée dévoile que les élèves, dont certains ont pu croire qu’ils ne réussiraient jamais ou qu’ils étaient perdus pour l’école, étaient tout à fait capables intellectuellement de réussir quand on les aidait à se projeter dans la réussite. L’autre, ici le professeur, apparaît en effet comme « un médiateur indispensable entre [s]oi et [s]oi-même ».45 Il s’agit de s’engager aux côtés du jeune dans sa lutte et non pas d’engager un combat contre lui. Rosenthal et Jacobson s’accordent sur l’existence de trois étapes principales pour expliquer l’effet Pygmalion. La première consiste à former des attentes différenciées des élèves, tôt dans l’année, la seconde étape est consécutive : elle conduit l’enseignant à mettre en place un traitement particulier des élèves, la troisième étape amène quant à elle à modifier les perceptions et les comportements et résultats scolaires des élèves. Lorsque la question a été posée dans le sondage « Comment accueillez-vous un élève qui a été absent au cours précédent ? » les collègues du lycée restent concentrés sur la vérification « du motif d’absence » et donc « du billet d’absence », et se soucient de lui donner les documents qu’il n’a pas eus en raison de son absence. Trois seulement disent lui demander de ses nouvelles. L’absence est donc perçue comme un problème administratif ou pédagogique, une faute avant d’être vue comme un élément propre à la vie de l’élève, un symptôme à considérer. Prendre conscience que le jeune doit être pris dans sa globalité, qu’une liaison doit être faite avec son vécu, sa réalité pour ne pas que s’instaure une déliaison semble donc essentiel.
Pour autant, si cette conscientisation relève d’un travail personnel que l’enseignant est à même de mener quand il le souhaite, la mobilisation en équipe apparaît nécessaire pour endiguer ce phénomène de décrochage. Cette troisième hypothèse qui était la nôtre a pu être vérifiée auprès des collègues du microlycée. Questionnés sur leur ressenti à propos de la contrainte que représente un programme à traiter, les collègues mentionnent la nécessité, dans ce cadre spécifique à une structure de retour à l’école, d’établir des contenus plus « structurants », de se « fixer moins d’objectifs mais de manière plus solide », d’envisager que dans la mesure où « l’objectif est avant tout de permettre à l’élève de reprendre confiance, le fait de traiter tout le programme n’est pas une priorité ». Ils reconnaissent par ailleurs « qu’on fait et on assume des choix du fait des conditions d’enseignement ». Le « on » est ici intéressant en ce qu’il suggère bien la dimension collégiale du travail qui est effectué. Ces propos peuvent sembler étonnants mais ils relèvent à la fois de décisions personnelles et d’une dynamique collective qui permet notamment « de desserrer les fausses contraintes habituellement admises comme telles en maintenant une position et un discours communs auprès des jeunes ». Il semble évident que « la communication entre collègues permet de mieux appréhender les problématiques que peuvent rencontrer les jeunes », parce qu’il « y a davantage d’échanges [que dans l’autre établissement d’enseignement] et de recherche de stratégies communes ». On retiendra ici l’idée d’une communauté qui s’est constituée, peut-être même d’une communion d’idées. Il est aussi intéressant de saisir que les enseignants sont, au microlycée, « en recherche » constante. Le microlycée évolue parce que les jeunes sont différents chaque année, ce qui est le cas aussi dans un établissement classique, mais aussi parce que chaque professeur fait évoluer ses positions et ses postures. Alors que les jeunes du microlycée comme ceux du lycée Jean-Baptiste Colbert cherchent à être rassurés, ont besoin de soutien, c’est bien un enseignant du microlycée aussi qui apprécie « pouvoir compter sur l’équipe et notamment les référents et les tuteurs ». Si le jeune est bien encadré, les enseignants le sont tout autant, et engagés dans une lutte commune, ils savent pouvoir trouver l’aide et l’écoute mais aussi la formation dont ils ont besoin. Ne pourrait-on envisager une telle chose ailleurs ? Comment faire prendre conscience aux enseignants que c’est ensemble qu’ils doivent agir, s’ils veulent agir ?
S’il ressort auprès des enseignants du lycée Jean-Baptiste Colbert que 6 enseignants sur 10 sont en début d’année au courant qu’il y a potentiellement des élèves décrocheurs, ils le tirent davantage de leur expérience personnelle que des échanges entre collègues. Pourquoi la dimension collective n’entre-t-elle pas en jeu ici ? Par ailleurs, 9 sur 10 souhaiteraient en priorité, pour aider un élève en voie de décrochage l’appui de la communauté éducative (vie scolaire, assistant social, retour GPDS). Cela peut être croisé avec le fait que les enseignants externalisent les causes de décrochage, évoquant « les situations familiales difficiles » ou bien le fait que « l’élève n’avait pas le niveau requis ». Une seule enseignante dit n’avoir « jamais réussi à comprendre ce décrochage » auquel elle a été confrontée. Aucun enseignant n’évoque le fait que la relation entretenue - ou non
- avec l’élève aurait pu être un facteur explicatif. Lorsqu’ils ont essayé de traiter le cas « auprès du GPDS », ou bien en tentant avec l’élève de « dialoguer en direct ou par message », ils reconnaissent dans le premier cas n’avoir eu « aucun retour » et dans le second avoir trouvé cela « inefficace ».
Pourtant, l’une d’entre eux dit clairement que face à ce problème de décrochage, « la réponse, si elle peut exister, doit être collective ». On note ici le doute qui plane malgré tout quant à la possibilité de faire raccrocher un élève qu’on est en train de perdre. Et pourtant. On comprend aussi que si un seul enseignant souhaite une action collective, celle-ci risque d’être difficile à installer. Peut-être alors la « motivation agissante chez l’enseignant serait-elle à chercher dans le passage « d’une causalité externe » à une « causalité interne » dont les effets sont bien davantage porteurs de changements et d’efficacité, puisque l’individu se sent alors acteur dans les événements avec lesquels il est en prise ? » .
Dans le questionnaire, il était proposé comme piste de remédiation « un travail de concertation et la mise en place d’un protocole commun » : c’est cet item qui a été le moins retenu. Comment le comprendre ? Est-ce l’idée d’un travail supplémentaire à fournir qui requiert le moins l’approbation des enseignants ou bien la crainte de la restriction de leur liberté pédagogique dans la mise en place d’un protocole commun ? S’il est évident que la lutte contre le décrochage implique des efforts différents et donc ajoutés pour l’enseignant, le microlycée montre toutefois que la liberté pédagogique n’est jamais remise en cause : c’est en avançant dans une même direction, en modélisant les conditions de travail et en mobilisant les mêmes outils que nous pouvons aider les élèves à y voir plus clair, tout en déployant chacun notre propre pédagogie au sein de notre propre discipline.
La souffrance des élèves a souvent pour corollaire celle des enseignants. Face à la réalité du décrochage, les collègues évoquent aussi bien « de la déception », - mais de qui ? de quoi ? – que de « la frustration », voire « beaucoup de frustration », « de l’impuissance » aussi. Ils se disent « démunis par le manque de solution ». Où la trouver alors, sinon au sein d’une équipe, celle à laquelle on appartient dans son établissement ou au sein d’une formation ? Comment construire ensemble cette solution ? L’un d’entre eux évoque le sentiment de son « propre échec » : c’est dire alors qu’il a essayé, mais que seul il n’y est pas parvenu. On revient ainsi à la nécessité de faire œuvre commune pour le bien de tous, celui de l’élève et celui de l’enseignant, mais aussi de la nécessité à envisager qu’en tant qu’enseignant, même bienveillant on peut, sans le vouloir être malagissant. Ainsi, il ne faut pas se tromper d’objectif : quand un jeune décroche, l’immédiateté de l’examen ne saurait être la priorité. Le temps doit être donné à la rassurance et à la reconstruction de soi, sous peine de perdre l’élève. Pourtant, ces propos semblent parfois inaudibles dans une salle des professeurs d’un établissement classique où les objectifs de réussite semblent toujours compter plus, où le nombre des élèves qui avancent aisément semble prendre le pas sur le souci de celui qui chemine mal. Cette rassurance doit aussi être apportée aux enseignants qui s’engagent dans cette lutte contre le décrochage, de même qu’il faut les accompagner à accepter leurs difficultés et leurs tâtonnements, leurs échecs parfois.
Partie III Les leviers à mettre en œuvre en formation pour favoriser l’accrochage
1. Limites des dispositifs utilisés
La collecte de données a été réalisée auprès de groupes définis et circonscrits au microlycée 51 et au lycée Jean-Baptiste COLBERT, tous deux situés à Reims. Les réponses valent donc pour ces deux établissements et les résultats ne peuvent être considérés que comme limités. Les informations ont été prélevées au sein d’équipes qui œuvrent auprès d’élèves de Terminale. On ne peut donc exclure que les réponses sont particulières à cette classe qui est la dernière du lycée et qui est classe d’examen. Ces éléments amènent nécessairement à relativiser les données.
Il a pu y avoir de erreurs d’enquête. En construisant le questionnaire à l’attention du microlycée, au cours du mois de mai 2022, j’ai en réalité construit mon premier questionnaire de ce type et si j’avais déjà bien avancé dans ma réflexion, ma problématisation n’était pas assez rigoureuse encore. La formulation des questions s’en ressent et certaines seraient aujourd’hui reformulées. D’ailleurs, lorsque j’ai construit le questionnaire pour mes collègues de Jean-Baptiste Colbert, les questions ont été posées différemment, par un effet mécanique de correction, recentrant davantage peut-être sur le sujet, réduisant ainsi le spectre des interrogations. Pour préciser les réponses, des entretiens individuels auraient pu être mis en place, qui auraient néanmoins pris beaucoup trop de temps et qui n’auraient sans doute pas pu être menés avec l’ensemble des collègues des deux équipes, ce qui aurait également compromis l’intégrité des résultats. De plus, le questionnaire offrait l’avantage d’une plus grande fiabilité dans la mesure où les questions étaient uniformes et inchangées. Un entretien direct avec les collègues m’aurait peut-être conduite à déroger à ce cadre strict et possiblement à influencer les réponses lors de l’échange.
Un certain nombre d’effets sont liés à l’enquête elle-même : il n’y a pas qu’une seule façon de formuler les questions, et le choix établi oriente nécessairement les réponses. Ainsi, le choix de questions fermées, s’il m’a semblé au départ cohérent, implique en réalité mes propres présupposés ou postulats dont je n’avais pas nécessairement conscience. Le choix de questions ouvertes invitait les collègues à s’exprimer plus largement mais certains n’ont pas été à l’aise, évoquant la difficulté de l’exercice et le temps qu’il prenait. Cela donne toutefois la possibilité de saisir la subjectivité qui me semblait essentielle pour le sujet. Une critique peut être posée quant au caractère individualiste du sondage. Si chacun a pu ainsi s’exprimer dans le temps et selon la durée qui lui convenaient, ce qui a sans doute favorisé la liberté d’expression, il aurait pu être intéressant d’envisager de construire un questionnaire s’adressant à une équipe et permettant d’envisager ce qu’une équipe constituée pourrait avoir comme ressources communes : l’échange nécessaire alors à la formulation collégiale des réponses aurait peut-être mis à jour des éléments dont les collègues n’avaient pas conscience. Le taux de réponse a été satisfaisant puisque dans les deux cas les collègues ont eu à cœur de m’aider à conduire mon travail. Il n’en reste pas moins que l’échantillonnage est faible et que les résultats ne sont donc que très partiels. On peut envisager que l’échantillon sondé n’est pas représentatif et qu’il faut se limiter aux conclusions pour ces seuls établissements sans les généraliser, même s’il serait possible de les utiliser pour faire des hypothèses qu’il conviendrait à mettre à l’épreuve d’autres travaux.
En ce qui concerne le microlycée, il faut y ajouter le fonctionnement propre de la structure :
il aurait pu être intéressant d’interroger des collègues d’autre Structures de Retour à l’école, de solliciter d’autres équipes. En effet, le propre de ces structures est d’innover sans cesse et de développer méthodes et chemins particuliers : leur vision du décrochage et leur approche du raccrochage peuvent donc être sensiblement différentes. Néanmoins, dans la mesure où les formations sont académiques et que le microlycée 51 est le seul établissement à recueillir de jeunes décrocheurs et à construire des stratégies communes de travail, la perspective des seuls collègues du microlycée permet sans doute un regard propre à éclairer les enseignants soucieux de lutter contre le décrochage sur des élèves qui sont proches d’eux, puisqu’ils viennent majoritairement des établissements de l’académie.
Ce même regard peut être porté sur le sondage à l’attention des collègues de Jean-Baptiste Colbert. La majeure partie de l’équipe pédagogique a répondu au questionnaire, mais cette équipe travaille depuis de nombreuses années maintenant sur une classe avec un profil identique et identifié clairement : les conditions d’exercice et les modalités de gestion des élèves influent nécessairement sur les réponses.
Pour ce qui est du sondage des élèves, ceux-ci n’ont pas été informés de la raison d’être du questionnaire : il a été présenté dans le cadre de mes fonctions de professeur principal, comme substitut à l’habituelle fiche de rentrée. Volontairement, le sondage n’était pas anonyme, et il est sans doute difficile pour un jeune de se livrer. Sans remettre en cause la vérité du ressenti des élèves, les propos tenus ne sont pas toujours des raisons fondées ou objectives du mal-accrochage que certains évoquent. Pour ce qui est des élèves du microlycée, l’idée a été de faire avec les documents qu’ils ont rempli dans le cadre du microlycée. De la même façon que pour les élèves sondés, on peut penser que certaines réponses ont été biaisées, dans les fiches de positionnement parce que le jeune intègre l’établissement et ne veut ou ne peut pas tout dire peut-être, et dans le cadre du sondage après la réussite à l’examen, parce que les sentiments mêlés de la réussite ont pour conséquence directe une perception autre de la réalité.
Il n’en reste pas moins que, dans tous les cas, une subjectivité, pleinement réfléchie ou non, a pu voir le jour et c’est ce qui permet de lire de manière pertinente la relation qui se joue entre les élèves et les enseignants, les enseignants et les élèves. En acceptant la subjectivité qui émane de chacun, on est en mesure de mieux saisir ce qui se joue dans l’intersubjectivité : en l’accueillant comme un moyen d’instaurer un rapport plus authentique et plus franc à l’élève, on se donne les moyens de construire une relation qui favorise l’accrochage. Dans le cadre d’une lutte contre le décrochage il faudrait faire en sorte, d’une manière ou d’une autre, d’accéder à la subjectivité propre des professeurs et des élèves qu’ils suivent dans leur classe, et au-delà, ce qui se fait dans l’établissement. C’est sans doute l’une des leçons de cette réflexion : dans le cadre d’un accompagnement des enseignants, il s’agira bien de ramener le réel en formation, et aussi de les aider à poser leur réel propre.
Les différents questionnaires montrent que le poids du discours que tient l’enseignant est fort auprès des élèves qui décrochent. Les enseignants n’en ont pas toujours conscience et l’exercice en classe ne permet pas toujours de peser, c’est-à-dire de penser véritablement les propos et leur véritable portée. L’objectif est clair au microlycée : le discours se doit d’être encourageant, et il l’est, parce qu’ensemble on croit à la possibilité des jeunes de réussir. Ce n’est pas un simple affichage mais bien une certitude qui se fait jour au fil du temps, parce que la réalité s’impose à nous. L’effet Pygmalion ne saurait être magique : il ne fonctionne que parce qu’il n’y a pas de discours de complaisance qui serait contre-productif ; il fait sens parce qu’il s’accompagne d’une exigence éthique. Décrocher, comme raccrocher, c’est s’engager dans un parcours qui est chaotique mais qui, même s’il n’est pas mené jusqu’au terme voulu doit déboucher sur quelque chose qui permet au jeune de se construire. Ainsi, accompagner, c’est parfois mener l’élève vers ce qu’il ne voyait pas d’abord, ou même ce qu’il ne savait pas vouloir ou pouvoir, c’est en tous les cas ne pas rompre le fil qui nous lie à lui tant qu’une solution n’a pas été trouvée pour lui ou avec lui. S’il ne s’agit pas de transférer in extenso ce qui se fait au micro lycée, une formation qui s’appuiera sur l’expérience maintenant fort conséquente de cette structure doit permettre d’exporter certains éléments essentiels au lycée où il y a aussi des réussites « miraculeuses » au sens où elles démentent les représentations et même parfois les pronostics parce que les élèves n’obéissaient pas au schéma traditionnel des représentations des enseignants, au sens où l’élève modèle est mythifié, fantasmé.
2. L’ouverture vers une formation / projection
« Concevoir une formation, c’est d’abord analyser la commande et les besoins » : faute de cette commande, la proposition que je fais restera générale et en lien avec les conclusions du mémoire ; elle ne prendra pas appui sur un cahier des charges. Nombre des perspectives retenues pourraient toutefois être mobilisées dans tout préambule à une formation sur le décrochage ou la persévérance.
À l’issue de cette réflexion qui visait à saisir les freins et les leviers pour un meilleur accrochage scolaire, le rôle majeur de chaque enseignant au sein d’une équipe pédagogique et la nécessaire coordination des efforts et des moyens se sont imposés, amenant à penser qu’une formation ne saurait être envisagée « hors sol » si l’on veut qu’elle soit efficace. Traiter du décrochage en général ne semble pas ce qu’il y a de plus pertinent dans la mesure où l’engagement des professeurs peut être pensé comme lié à l’intérêt pratique qu’ils peuvent trouver à une formation. Il y a sans doute des actions à mener dans le cadre des bassins FOQUALE , et s’inscrire dans le cadre d’une Formation d’Initiative Locale ou dans le cadre d’une Formation Établissement et Bassin pourrait être intéressant dans la mesure où c’est à l’intérieur des établissements qu’il faudrait pouvoir concevoir des dispositifs permettant de focaliser sur le décrochage scolaire des élèves, chaque établissement ayant en effet des problématiques qui se déclinent de manière propre et avec un engagement différent des enseignants. Une formation de ce type pourrait accompagner le projet d’établissement par un accompagnement au plus près des acteurs d’un l'EPLE, développant des pratiques collectives adaptées au contexte de chaque établissement et construisant des compétences professionnelles communes à un ensemble de personnels. Cela permettrait ainsi d’inscrire la formation dans la dimension collégiale que le sujet semble imposer, accompagnant ainsi les enseignants dans une démarche individuelle de réflexion vers un engagement collectif et effectif de lutte contre le décrochage. La formation peut être conçue comme un temps pour soi pour mieux enseigner.
Dans la mesure où une formation vers la persévérance vise à réfléchir sur les postures de l’enseignant et au besoin les infléchir, il faut donner au processus le temps de s’amorcer puis de se développer en élaborant un « ensemble », dans le temps et dans l’espace, qui existe difficilement hors des formations. Puisque la problématique du décrochage peut être rencontrée tout au long de l’année, et ne saurait se penser efficacement que sur le long terme, on pourrait concevoir une formation qui comprenne plusieurs modules. Un premier module pourrait intervenir en début d’année scolaire, pour sensibiliser les professeurs aux différentes faces du décrochage et initier les premières actions. Un second pourrait se tenir au moment des vacances de la toussaint, permettant ainsi une analyse fine des situations de travail des enseignants. Le troisième module pourrait relever d’un temps de bilan et de projection, permettant ainsi une meilleure réflexivité. Les temps de formation sont des temps d’échange où la parole doit pouvoir trouver la possibilité de s’exprimer librement et où le temps de réflexion doit être donné. La formation pourrait donc être pensée de façon hybride, en prévoyant d’abord les deux premiers modules en présentiel, tandis que le dernier pourrait l’être en distanciel. Le premier temps de formation pourrait être précédé d’un questionnaire à destination des participants, sur leur connaissance du phénomène du décrochage. Cela permettrait à la fois d’engager le travail de réflexion des participants à la formation et ainsi de les enrôler. Cela contribuerait à mieux cibler les éléments à proposer.
La première journée de formation aurait pour objectif de développer une attitude réflexive sur la question du décrochage et d’envisager les moyens d’inscrire la persévérance comme finalité de l’action enseignante. Il sera nécessaire de consacrer un premier temps au surgissement des représentations des enseignants. Comme le suggèrent A. Bouvier et J.P Obin « plusieurs moyens existent pour faire émerger, par écrit ou oralement, individuellement ou en groupe, les conceptions sous-jacentes » avec pour objectif d’aider les enseignants à « dépasser leurs propres doxas qui les enferment spontanément dans des registres de réactions » . Pour partir des représentations individuelles des enseignants tout en donnant à voir à chacun ce qui se joue, il peut être intéressant de construire un nuage de mots à partir d’un outil numérique dédié. Une question générale peut alors être posée, qui permettra – ou non - de faire émerger des représentations communes. Les réponses individuelles permettront de prendre conscience des idées préconçues. Les enseignants peuvent répondre de façon immédiate, avant que ne soient repris les mots que chacun aura proposés. Ce premier temps permettra de convoquer les doxas avant de les confronter aux théories sur le décrochage. Le second temps consisterait alors à définir par les textes ce qu’est le décrochage et à « faire connaître le prescrit » , en donnant l’occasion aux enseignants de se confronter aux documents officiels. En effet, les enseignants reconnaissent à une forte majorité qu’ils sont dans l’ignorance des textes institutionnels, qu’ils se sentent peu informés et qu’ils n’ont pas reçu de formation. Il s’agira alors de « partager les références » . À travers l’analyse conceptuelle il sera alors possible de clarifier les connaissances et de commencer le travail sur les fausses représentations. Dans le troisième temps, il serait bien de donner la parole aux jeunes en souffrance, de rapporter le réel en formation, à partir des propos des propos qu’ils expriment. Les verbatims des élèves pourraient être empruntés aux fiches de positionnement des élèves du microlycée. Il est remarquable que sur les cinq premières fiches que j’ai pu consulter aucune ne fait état de difficultés scolaires : un temps pourrait être consacré à une réflexion sur la nature de leurs difficultés pour considérer de manière plus précise ce qui peut être une cause de décrochage. Un tour de table permettra de recueillir les impressions des enseignants avant un temps d’échange susceptible de les faire formuler par eux-mêmes les conclusions et conséquences. Le quatrième temps permettrait de mieux saisir le phénomène du décrochage, d’identifier les signaux forts et les signaux faibles du phénomène. Après la présentation de la typologie de Janosz, la parole d’un spécialiste du sujet pourrait alors être étudiée, permettant de passer de la notion de décrochage à la notion de persévérance, en posant la définition qui pourrait ainsi circonscrire le champ d’action des enseignants dans leur classe . La formation pourrait alors s’orienter vers la considération du décrochage cognitif, pour lequel les élèves, « présents-absents, peuvent se faire reconnaître dans l’école mais oublier dans la classe, s’extrayant discrètement des apprentissages et s’éloignant progressivement des acquis » . Le cinquième temps pourra être consacré à la réflexion sur la pratique des enseignants présents au stage. Un atelier peer to peer pourra être introduit par les propos de Frédérique Weixler, actuellement inspectrice générale de l'éducation, du sport et de la recherche. L’objectif de l’atelier sera de dégager « « les bonnes raisons que les gens ont de faire ce qu’ils font » avant de chercher comment ils pourraient faire autrement » . Cela permettra de commencer à réfléchir aux leviers que l’enseignant / l’équipe peut mettre en place. Le sixième temps de la formation consisterait alors à dégager les cas à envisager dans l’établissement, à en faire le repérage et à en commencer une analyse. La question du contrat pédagogique pourra alors être envisagée, puisqu’elle permettra de prendre en compte l’élève comme personne, en inscrivant la relation enseignant-élève dans le cadre d’un contrat qu’ils pourraient établir ensemble, prenant en compte la spécificité de l’élève et des risques de son décrochage à l’aide des temps précédents qui ont permis de revenir sur revenir sur l’image inexacte du décrocheur souvent véhiculée (un élève en échec scolaire, une situation personnelle / familiale difficile) et de se focaliser sur les leviers internes. Le temps conclusif pourrait alors se construire autour des pistes pour la mise en œuvre d’une action vers la persévérance. La première journée se terminerait par une évaluation à chaud du déroulement et du contenu de la formation.
Ce premier temps de formation devrait permettre à la fois de documenter les enseignants, de les amener à réfléchir sur la réalité du décrochage et de leur pratique et de les sensibiliser à l’importance de leur rôle au sein de la classe, pour qu’ils se mobilisent dans une action de prévention du décrochage et réfléchissent aux élèves qui pourraient avoir besoin qu’on les accompagne dans leur persévérance. Il servirait aussi de socle pour les actions de formation à venir, et c’est pour cette raison que celles-ci ne seront que succinctement décrites.
L’objectif du deuxième temps de formation pourrait consister en l’élaboration d’un contrat pédagogique et en une réflexion sur la question de l’évaluation. Il pourrait être consacré à ramener le réel à travers les paroles des élèves décrocheurs et les études de cas prélevés dans la réalité des professeurs suivant la formation. On pourrait ainsi envisager d’hybrider ce module de formation en demandant aux participants de revenir avec des relevés de leur terrain professionnel, leurs observations, la parole des élèves mal-accrochés. Cela favoriserait l’engagement des enseignants entre les deux temps de formation et constituerait un socle commun de réflexion pour commencer la deuxième journée de travail. Cela permettrait d’intégrer des temps de discussion à partir des problèmes soulevés et l’émergence de dilemmes professionnels. Un travail en groupes pourrait être envisagé, qui donnerait l’occasion à chacun de présenter une situation dans laquelle il pense qu’un mal-accrochage est effectif et où des difficultés se posent pour l’enseignant dans sa gestion de l’élève. Un cadrage à partir des analyses de Dominique Bucheton permettrait alors de réfléchir aux postures professionnelles qu’il serait possible de mettre en œuvre pour interagir avec l’élève et ses propres postures et de comprendre comment certaines postures professionnelles, certaines interactions, certaines situations pédagogiques ou didactiques favorisent l’engagement des élèves dans l’activité. Il serait alors possible de discuter du déploiement d’un contrat pédagogique dans lequel chacun pourrait trouver sa place en fonction de sa discipline, pour élaborer une relation individualisée avec l’élève en voie de décrochage. Pourrait alors être étudiée la question de l’évaluation qui devrait être revue pour ne pas nuire à la progression du dispositif non plus qu’aux progrès espérés de l’élève.
Enfin, un troisième module pourrait finaliser cette année de formation. Plus court, il pourrait être organisé en distanciel et consister d’abord dans le recueil de la parole des enseignants engagés, pour un retour réflexif sur le chemin qu’ils ont parcouru. Il serait alors possible de s’interroger sur la réalité ou non de l’effet Pygmalion pour voir s’il est bien un mécanisme influent sur la réussite de l’élève. Même si les résultats sont à lire sur le long terme, on pourrait alors mesurer pour certains élèves les effets du dispositif sur leur parcours et leurs résultats. Ce dernier temps de formation permettrait également de faire une projection sur l’année scolaire à venir pour comprendre ce qu’il faut reconduire, réfléchir sur les effets collatéraux qui n’avaient pas été prévus.
Pour l’élève, pour l’enseignant, pour l’équipe. Quelles conditions à faire bouger pour faciliter une mise en œuvre ultérieure ? Enfin, comme pour toute action de formation, il faudra prévoir un temps d’évaluation afin de mesurer l’adéquation de ce qui a été proposé avec les attentes des enseignants et réaménager le cas échéant le cadre de formations ultérieures. Il faudra faire le lien entre la formation et le cadre institutionnel, en rappelant que tous les enseignants sont engagés dans cette lutte pour la persévérance et ainsi réactiver le lien entre la formation, la recherche et les demandes institutionnelles. L’outil de sondage de la plateforme numérique qui permettrait la tenue de la séance en distanciel pourrait être utilisé, à partir d’un questionnaire préalablement élaboré.
Puisque la formation a pour objectif d’accompagner une équipe dans sa mission de lutte contre le décrochage, de développement et de soutien à la persévérance, il est en effet important que le lien soit maintenu entre les sessions, par le biais d’un magistère qui serait nourri par les ressources données en formation ou des ressources supplémentaires et permettrait aussi des échanges pour traiter les questions ou les difficultés à mesure qu’elles se rencontrent, à l’aide d’un forum de discussion pour permettre les propos croisés et à chacun d’être plus ou moins acteur selon le temps qu’il choisira d’accorder à cette partie plus personnelle de la formation.
Un autre type de formation, initiale ou continue, pourrait être envisagé de manière complémentaire, par disciplines. Une réflexion concernant la contribution spécifique de chacune des disciplines au décrochage et à l’accrochage serait intéressante dans la mesure où elle permettrait de rendre les enseignants davantage acteurs encore et qu’une réflexion particulière sur la didactique de chaque discipline pourrait être bénéfique à l’ensemble d’une classe. Travailler ensemble, avec un spécialiste de la didactique permettrait de réfléchir à ace qui est particulièrement décrocheur ou accrocheur, et cette conscientisation permettrait alors peut-être d’élaborer des outils efficaces pour pallier certaines difficultés, même de façon expérimentale.
La rédaction de ce mémoire m’a amenée à théoriser la pratique qui est la mienne depuis maintenant huit ans au microlycée et à dépasser le cadre simplement pratique et empirique de mon engagement. La confrontation avec la littérature s’est révélée riche d’enseignements. Elle m’a permis de mettre des mots clairs sur ce qui n’avait jusqu’alors que la forme d’intuitions. Une meilleure maîtrise des concepts et de l’histoire du décrochage a été un apport intellectuel conséquent et passionnant, me permettant de quitter peu à peu le statut de l’enseignant praticien pour aller vers celui de l’enseignant réflexif. Je me tiens désormais en veille active sur cette question du décrochage et de la persévérance de manière à me constituer un socle de connaissances qui puisse être mobilisable dans le cadre d’actions de formation afin d’aider les personnels, dans leur individualité comme d’un point de vue collectif, à mieux gérer ces phénomènes.
En restant au plus près de la réalité, sur le terrain du raccrochage au microlycée, je pourrai continuer à approfondir mes connaissances et être plus attentive encore à l’évolution du décrochage et du raccrochage. Cela pourrait contribuer ainsi à donner force aux actions de formation que je serais amenée à réaliser. En effet, si parler de ma réalité et de mon quotidien au microlycée a toujours été important pour moi, pour essaimer auprès de mes collègues cette idée que les décrocheurs ont la possibilité de réussir, il m’est devenu essentiel désormais d’essayer de contribuer à changer les regards, les postures et les perspectives en mettant en œuvre les formations adéquates tant pour la formation initiale que pour la formation continue et ainsi contribuer activement à développer les conditions de la persévérance.
Annexe 1 : Fiche de poste du microlycée 51
Annexe 2 : Typologie des élèves décrocheurs
A. La typologie de JANOSZ
B. La typologie de FORTIN
Fortin (1999) a réalisé une étude longitudinale sur le décrochage scolaire au secondaire auprès de 800 adolescents de 12-13 ans. Il a repéré dans cet échantillon 317 élèves à risque de décrochage scolaire (39 %), qu’il a regroupés sous quatre types. Le type 1, qualifié de délinquance cachée (G1), le type 2 défini comme peu intéressé (G2), le type 3 caractérisé en trouble du comportement et en difficultés d’apprentissage (G3) et le type 4 désigné dépressif (G4).
Annexe 3 : Questionnaire aux enseignants du microlycée 51
1. Quelles sont vos attentes vis-à-vis d’un élève de l’établissement ? (Première attente)
o Ponctualité o Restitution des travaux o Participation o Capacité à prendre des notes
o Apprentissage du cours o Bons résultats o Assiduité
2. Quelles sont vos attentes vis-à-vis d’un élève de l’établissement ? (Deuxième attente)
o Ponctualité o Restitution des travaux o Participation o Capacité à prendre des notes
o Apprentissage du cours o Bons résultats o Assiduité
3. Quelles sont vos attentes vis-à-vis d’un élève de l’établissement ? (Troisième attente)
o Ponctualité o Restitution des travaux o Participation o Capacité à prendre des notes
o Apprentissage du cours o Bons résultats o Assiduité
4. Si vous avez d’autres attentes, vous pouvez les préciser
5. Attendez-vous la même chose d’un élève du Microlycée ?
o Oui o Non
6. Pour quelle(s) raison(s) ?
7. Qu’attendez-vous de lui en particulier ?
8. À quel niveau estimez-vous ressentir la contrainte d’un programme à réaliser dans votre établissement ?
o 1 o 2 o 3 o 4 o 5
9. À quel niveau estimez-vous ressentir la contrainte d’un programme à réaliser au Microlycée ?
o 1 o 2 o 3 o 4 o 5
10. S’il y a un décalage, pourriez-vous expliquez pourquoi ?
11. Le travail en équipe au Microlycée change-t-il votre manière d’envisager les choses dans votre travail ?
o Oui o Non
12. Comment ?
13. Le travail en équipe au Microlycée change-t-il votre manière d’envisager les choses dans votre rapport aux élèves ?
o Oui o Non
14. Comment ?
15. Le travail en équipe au Microlycée change-t-il votre manière d’envisager les choses dans votre rapport à l’institution ?
o Oui o Non
16. Comment ?
17. Le travail en équipe au Microlycée change-t-il votre manière d’envisager les choses dans votre rapport à vous-même ?
o Oui o Non
18. Comment ?
19. Avez-vous la possibilité de travailler en équipe dans votre établissement ?
o Oui o Non
20. Si oui, à quelles occasions ?
21. Que faites-vous avec les jeunes du Microlycée que vous ne faites pas dans votre établissement et qui vous manque ?
22. Pourriez-vous dire pourquoi vous ne le faites pas dans votre établissement ?
23. La co-évaluation mise en œuvre au Microlycée a-t-elle modifié votre rapport à l’évaluation ?
o Oui o Non
24. La co-évaluation mise en œuvre au Microlycée a-t-elle modifié votre rapport à l’élève ?
o Oui o Non
25. La co-évaluation mise en œuvre au Microlycée a-t-elle modifié votre rapport à vous-même ? o Oui o Non
26. Précisez si vous le souhaitez.
27. Souhaiteriez-vous pouvoir réaliser une co-évaluation dans votre établissement ? o Oui o Non
28. Pourquoi ?
29. Parlez-vous de la même chose en salle des professeurs, dans votre établissement, qu’en salle du Microlycée ?
o Oui o Non
30. Si non, qu’ont de particulier vos remarques en salle du Microlycée ?
31. Si vous deviez faire le bilan de votre expérience au Microlycée, qu’en diriez-vous ?
Annexe 4 : Questionnaire aux enseignants du lycée J-B Colbert
Questionnaire adressé aux enseignants de l’équipe du lycée de la Terminale 1.
1. Qu’attendez-vous d’un élève ?
2. Quelle est, selon vous, la qualité essentielle pour un enseignant ?
3. Comment accueillez-vous un élève qui a été absent au cours précédent ?
o Je ne le remarque pas toujours o Je lui demande de ses nouvelles
4. Reprenez-vous pour l’élève en question, ce qu’il a manqué au cours précédent ?
o Parfois o Jamais o Toujours o Pourquoi, et le cas échéant, sous quelle forme ?
5. Le faites-vous pour n’importe quel élève ou seulement pour certains ?
o Pour tous les élèves o Pour les « bons élèves »
6. Vous sentez-vous bien informé sur la question du décrochage scolaire ?
o Oui o Non
7. Connaissez-vous les textes institutionnels qui prescrivent les moyens et les dispositifs pour lutter contre le décrochage scolaire ?
o Oui o Non
8. Avez-vous eu connaissance de cas d’élèves potentiellement décrocheurs cette année dans votre terminale ?
o Oui o Non
9. Si oui, de quelle façon ?
o Partage entre collègues o Professeur principal o Information officielle (Psy EN, Assistant social, Direction)
10. À quels signes repérez-vous un élève décrocheur ?
11. Avez-vous déjà été concerné par un élève décrocheur ?
o Oui o Non
12. Si oui, quel souvenir gardez-vous de cette situation ?
13. Sauriez-vous dire pourquoi cet élève a décroché ?
o Oui o Non
14. Le cas échéant, pouvez-vous l’expliquer ?
15. Que pensez-vous qu’il serait utile de déployer pour lutter, le cas échéant, contre le décrochage dans cette classe de Terminale ?
o L’appui de la communauté éducative (vie scolaire, assistant social, retour GPDS)
o Échanges au sein de l’équipe pédagogique
o Travail de concertation et mise en place d’un protocole commun
Annexe 5 : Sondage auprès des élèves d’une classe de terminale du lycée J-B Colbert
1. L’école et vous, ça va comment jusqu’à présent ?
o Pas très bien o Bien o Très bien
2. Expliquez votre réponse.
3. Pour vous, qu’est-ce qu’un bon élève ?
4. Pour vous, qu’est-ce qu’un bon professeur ?
5. D’une manière générale, qu’attendez-vous d’un professeur ?
6. Si vous rencontrez des difficultés, qu’attendez-vous du professeur ?
7. Diriez-vous que vos relations avec les enseignants sont bonnes ?
o Oui o Non
8. Expliquez votre réponse.
9. Diriez-vous que la relation avec le professeur est essentielle pour que vous travailliez ?
o Pas du tout d’accord o Plutôt pas d’accord o Plutôt d’accord o Tout à fait d’accord
10. Racontez un événement marquant de votre scolarité qui vous a incité à travailler une matière 11. Racontez un événement marquant de votre scolarité qui vous a incité à ne pas travailler une matière
12. Avez-vous déjà été déjà découragé à l’école ?
o Oui o Non
13. Si oui, comment avez-vous réagi ?
14. Un professeur vous a-t-il déjà découragé ?
o Oui o Non
15. Si oui, de quelle façon et comment avez-vous réagi ?
16. Au-delà de la réussite à l’examen, qu’est-ce qui est important pour vous cette année ?
o Le contenu des cours o La relation avec les autres élèves o La relation avec les profs o L’ambiance de classe
17. Pensez-vous avoir des fragilités qui pourraient rendre difficile votre année scolaire ?
o Oui o Non
18. Si oui, précisez lesquelles.
Annexe 6 : Tableau des réponses
Annexe 7 : L’importance du travail en équipe
Annexe 8 : L’importance de l’attitude du professeur
Annexe 9 : Projection d’une action de formation
Diapositive 1 Diapositive 2
Diapositive 3 Diapositive 4
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Annexe 10 : La connaissance de la question du décrochage
Bibliographie
Textes officiels
- Lutte contre le décrochage scolaire, priorité nationale https://www.education.gouv.fr/la-lutte-contre-le-decrochage-scolaire-7214
- Éduscol Enjeux et objectifs de la lutte contre le décrochage https://eduscol.education.fr/891/enjeux-et-objectifs-de-la-lutte-contre-le-decrochage
- Semaine de la persévérance scolaire https://eduscol.education.fr/document/986/download?attachment
- Tous mobilisés pour vaincre le décrochage scolaire http://multimedia.education.gouv.fr/2014_decrochage_scolaire_DP/files/mobile/index.html#1
- Circulaire NOR : MENE2219299C, du 29 juin 2022, relative à la rentrée
https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo26/MENE2219299C.htm
- Éduscol Prévention du décrochage scolaire https://eduscol.education.fr/907/prevention-du-decrochage-scolaire
- Rapport n° 2013-059 Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée.
https://www.education.gouv.fr/media/44216/download
Ouvrages de référence
A. BOUVIER et J.P OBIN La formation des enseignants sur le terrain. Hachette éducation, 1998
D. BUCHETON Les gestes professionnels dans la classe, éthique et pratiques pour les temps qui viennent. ESF, 2021
J.P DELAHAYE, F. WEIXLER Le décrochage scolaire, entre parcours singuliers et
mobilisation collective, un défi pour l’école, Boulogne-Billancourt, Berger Levrault, 2017
GLASSMAN (D.) in BLOCH (M.C.), GERDE (B.) (coord.), Les lycéens décrocheurs, de l’impasse aux chemins de traverse, chronique sociale, Lyon, septembre 1998
L. RIA Former les enseignants. Pour un développement professionnel fondé sur les pratiques de classe. ESF Sciences humaines, 2019
F. WEIXLER, C. ENAULT Décrochage scolaire, anticiper et franchir les obstacles. Éditions Canopé, 2022
Documents numériques
- S. BONNERY Décrochage scolaire de l’intérieur http://storage.canalblog.com/24/26/144218/19324161.pdf
- D. GLASMAN Le décrochage scolaire : une question sociale et institutionnelle
https://yakamedia.cemea.asso.fr/sites/default/files/upload/GLASMAN_VEI2000_decrochagescolair e.pdf
- R. HATEM Les effets miroir de la motivation. Les Cahiers pédagogiques, 09 janvier 2005 https://www.cahiers-pedagogiques.com/les-effets-miroir-de-la-motivation/
- L. PELLETIER et D. Alaoui Du décrochage provisoire au raccrochage scolaire :
l’importance de la reconnaissance
https://journals.openedition.org/questionsvives/1918
- P. MERLE Dans Mobilisation et découragement scolaires : l’expérience subjective des élèves.
https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2004-1-page-193.htm
- SCHULLER Marie L’accrochage scolaire, De l’Utopie à la réalité
https://www.pourlasolidarite.eu/sites/default/files/publications/files/na-2017-accrochage-scolaire.pdf
- R. THIBERT Le décrochage scolaire : diversité des approches, diversité des dispositifs. Dossier d’actualité Veille & Analyses IFÉ, n°84, mai. Lyon : ENS de Lyon, 2013.
http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA-Veille/84-mai-2013.pdf
- D. TROUILLOUD, P. SARRAZIN Les connaissances actuelles sur l’effet Pygmalion :
processus, poids et modulateurs. Revue Française de Pédagogie, n°145, octobre-novembredécembre 2003 https://hal.science/hal-00388839/document
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