
Différenciation pédagogique et processus d’appropriation du changement
Géographie
Certification d’aptitude aux fonctions de Formateur Académique
Académie de Reims session 2022-2024
Mémoire professionnel
Discipline : Histoire-géographie
Titre : Différenciation pédagogique et processus d’appropriation du changement
Auteur : GRAMMONT-MASSET Céline
Remerciements
Je remercie, en premier lieu, Peggy Legrand et Pascal-Éric Lalmy, IA-IPR d’histoire-géographie de l’académie de Reims pour la confiance accordée lors des formations que j’ai co-conçues et co-animées ces dernières années.
J’ai une pensée émue pour Jean-François Mabile, IA-IPR d’histoire-géographie de l’académie de Reims, avec qui j’ai longuement échangé sur le CAFFA au cours de mon troisième rendez-vous de carrière, qui m’a encouragée et qui m’a confié une première formation.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Fabienne Dherse, qui a merveilleusement tenu son rôle d’« amie critique » toute cette année, dans le cadre de ce mémoire mais aussi lors de la conception de la formation à destination des PFS pour laquelle nous avons travaillé ensemble.
Toute ma reconnaissance va à mes collègues et amies, Barbara Mathé et Delphine Petit pour leur soutien, leurs gentils mots et la relecture avisée. Merci aussi à tous les collègues, chefs d’établissement et formateurs avec qui j’ai eu des échanges précieux.
Enfin, merci à ma famille qui a fait preuve de patience et de compréhension et a su m’accompagner tout au long de ce parcours.
Table des matières
1.1 Comment les différences sont-elles traitées à l’école ? Quelles valeurs entrent en jeu ?
1.2 Et si la classe homogène était la panacée ?
1.2.1 Vers une définition opérationnelle de l’hétérogénéité.
1.2.2 « Classes homogènes versus classes hétérogènes ».
1.2.3 Une question d’ordre éthique et politique.
1.3 Comment définir la différenciation pédagogique malgré ses contours flous ?
1.3.1 Une difficile mais nécessaire délimitation du champ.
1.3.2 La place centrale de l’évaluation.
1.3.3 Les controverses de la différenciation pédagogique.
1.3.4 Une nécessaire planification.
2.1.1 TALIS : une faible pratique de la différenciation pédagogique en France.
2.1.2 EPODE : les enseignants français préoccupés par la réussite de tous les élèves.
2.2 Comment accompagner le changement de pratiques professionnelles ?
2.2.1 De la résistance au changement à un continuum de comportements face au changement.
2.2.2 Le processus du changement : en connaitre les phases et les étapes pour mieux l’appréhender.
2.3.1 Présentation du recueil de données.
2.3.2 Une inégale pratique de la différenciation pédagogique.
2.3.3 Les freins à sa pratique : une définition assez sibylline et des obstacles variés.
3.1 Quels sont mes principaux points d’appui ?
3.1.2 Des outils incontournables.
3.1.3 Deux expériences significatives et échanges entre pairs.
3.2.2 Déroulement de la formation.
Liste des abréviations
Introduction
« On ne naît pas bon enseignant, on apprendrait à mettre
en place des pratiques d’enseignement efficaces » (Talbot, 2012).
Il y a une dizaine d’années, à un moment de profonde et intense remise en cause professionnelle, je me suis interrogée sur mes pratiques enseignantes. Objectif visé (et encore poursuivi) : les rendre plus efficaces pour mieux appréhender l’hétérogénéité de mes classes. Analyse de pratiques, lectures et observations m’ont amenée à mettre en œuvre la différenciation pédagogique. J’ai alors, entre autres, décidé de modifier l’agencement de « ma » salle de classe en installant les tables en îlots. Cet aspect visible de l’iceberg a surpris plusieurs de mes collègues[1], qui m’ont interrogée sur mes pratiques et sont parfois venus les observer pour ensuite échanger. J’ai alors adopté une posture, très embryonnaire, de formatrice.
En 2021, suite à mon troisième rendez-vous de carrière, j’ai co-conçu et co-animé une formation en distanciel - pandémie oblige - à destination des personnels NT1 de l’académie[2] ayant pour thème : « différenciation pédagogique et évaluation ». Les retours du questionnaire préalable à la formation m’ont permis de déceler un intérêt pour la différenciation pédagogique que tous les répondants déclaraient pratiquer, régulièrement ou occasionnellement, comme un moyen de gérer l’hétérogénéité des classes. La part assez élevée des non répondants m’a interpellée : était-ce par manque de temps, par désintérêt pour la thématique ou méconnaissance de celle-ci ? Cette formation, malgré la difficulté créée par la distance, m’a finalement confirmé que la différenciation pédagogique intéresse autant qu’elle questionne, inquiète voire bloque les enseignants, notamment à cause de ses contours flous. En tout cas, elle ne laisse pas indifférent. Des obstacles à son application ont émergé lors de nos échanges : chronophagie, crainte de mettre en place une pédagogie différenciatrice, appréhension exprimée par certains élèves ou parents… Des questionnements voire des réticences ont pu apparaître : comment mettre en place ce changement ? Comment modifier les postures et gestes professionnels ? Comment surmonter les obstacles ? Pourquoi changer les pratiques ?
Ces obstacles et ces questionnements, associés au manque de temps et parfois à la méconnaissance d’outils d’analyse de pratique, font que certaines expérimentations pédagogiques, comme la différenciation pédagogique, ne sont pas toujours testées, sont abandonnées avant qu’elles n’aient pu révéler leurs fruits ou sont partiellement voire maladroitement appliquées. Une ambivalence apparait alors : les classes sont hétérogènes mais il semble compliqué de mettre en place la différenciation pédagogique alors qu’elle affiche pour ambition de s’adresser à tous les élèves. Émerge alors l’intérêt de concevoir des formations qui permettraient de dépasser ces freins, de prendre le temps « de faire [mieux] connaître le prescrit, de lire ensemble le réel, de partager des références, d’oser les outils, d’accompagner dans la durée » (Centre Alain Savary, 2017). De ce fait, comment faciliter, au cours d’une formation, la mise en pratique de la différenciation pédagogique ? En quoi le formateur peut-il agir comme levier dans le processus du changement des pratiques enseignantes et favoriser ainsi la mise en œuvre de la différenciation pédagogique afin de gérer l’hétérogénéité des élèves ?
Dans un premier temps, nous verrons en quoi la différenciation pédagogique peut être considérée comme un levier permettant de faire face à l’hétérogénéité des classes. Puis nous présenterons le processus du changement professionnel afin de l’accompagner tout en recherchant ce qui fait obstacle à la mise en œuvre de la différenciation pédagogique, en nous appuyant sur un recueil de données. Enfin, nous réfléchirons à la façon dont une formation sur la différenciation pédagogique peut être mise en œuvre.
1 En quoi la différenciation pédagogique peut-elle être considérée comme un levier pour faire face à l’hétérogénéité ?
1.1 Comment les différences sont-elles traitées à l’école ? Quelles valeurs entrent en jeu ?
1.1.1 De la ségrégation…
Jusque dans les années 1950, le système scolaire français est basé sur la stricte séparation entre enseignement élémentaire et secondaire. À partir de 1936, les élèves sont soumis à l’instruction obligatoire entre 6 et 14 ans. La majorité des élèves suit une scolarité à l’école primaire jusqu’à la passation du certificat d’études primaires. Seuls les meilleurs d’entre eux poursuivent leur scolarité dans des cours complémentaires. L’enseignement secondaire demeure culturellement et socialement ségrégué et est principalement le fait des enfants des familles urbaines aisées. L’enseignement supérieur, quant à lui, reste très marginal. La gestion des différences se manifeste alors par une ségrégation dans des classes différentes :
Jusqu'à une date récente, la diversité des structures scolaires était censée s'adapter à cette hétérogénéité des élèves, et d'ailleurs, chaque fois qu'une structure nouvelle était mise en place, elle était définie notamment en référence au public d'élèves particulier auquel elle s'adressait. (Duru-Bellat & Mingat, 1997, p. 3)
La pédagogie est alors strictement transmissive et la notion qui sous-tend ce mode de fonctionnement est l’égalité, ce qui « signifie mettre les élèves dans les mêmes conditions de passation d’épreuves. Il y a ceux qui peuvent, ceux qui ne peuvent pas et personne n’est choqué » (Robbes, 2009, p. 4).
1.1.2 … à la massification…
La dynamique démographique, économique, sociale et culturelle des Trente Glorieuses a entrainé une profonde modification du système scolaire qui se prolonge bien au-delà du milieu des années 1970 : l’enseignement est massifié, la durée des études allongée et la structure du système scolaire transformée. La scolarité obligatoire est ainsi prolongée jusqu’à l’âge de 16 ans révolus[3]. De plus, la loi Haby votée en 1975 et appliquée en 1977, prolonge les réformes précédentes[4] en instituant le collège unique. Même si un palier d’orientation est maintenu à l’issue de la classe de cinquième pour préparer un CAP, c’est la classe de troisième qui constitue réellement le premier palier d’orientation. Le redoublement recule[5]. Comme tous les élèves sont scolarisés au sein d’un même établissement, le collège unique, les différences entre les individus sont plus visibles. Nous pouvons alors parler d’hétérogénéité au sein des classes :
En sciences et sociologie de l’éducation, la notion d’hétérogénéité se définit a minima en rapport aux écarts de niveaux scolaires au sein d’une classe, souvent attribués aux évolutions dues à la massification de l’enseignement, à la suppression de certains paliers d’orientation, à la disparition progressive du redoublement, au collège unique. (Le Prévost, 2010, p. 57)
Il est d’ailleurs à noter que l’apparition de la notion d’« échec scolaire » va presque de pair avec l’instauration du collège unique, car la diversité du public scolaire y est, de fait, visible : les difficultés inhérentes à l’hétérogénéité sont alors mises en exergue (Duru-Bellat & Mingat p. 5). L’éducation nationale la prend alors en considération. Ainsi, l’article 1 de la loi d’orientation de juillet 1989 indique que « le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances »[6]. L’article 4, quant à lui, organise la scolarité en cycles (trois pour les écoles maternelle et élémentaire, deux au collège), pour lesquels des objectifs sont fixés, et précise que « pour assurer l'égalité et la réussite des élèves, l'enseignement est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité ». L’égalité des chances est promue, la notion d’équité[7] est convoquée.
Robbes (2009) rend compte des conséquences de cette massification pour les enseignants :
Le traitement des différences n’est plus institutionnel mais pédagogique : il doit se faire dans la classe. Les professeurs sont placés devant la difficulté d’avoir à enseigner un même programme dans des classes devenues très hétérogènes (différences de niveau scolaire et d’origine sociale, arrivée au collège d’élèves dont les parents n’avaient pas fait d’études secondaires et qui avaient donc plus de difficultés à rentrer dans le nouveau contrat, etc.). (p. 4)
Duru-Bellat et Mingat (1997) évoquent les discours des enseignants, qui « mettent de plus en plus en avant le caractère problématique de cette hétérogénéité ; ce qui pose problème, ce n’est pas tant l’hétérogénéité en elle-même, c’est son caractère dit excessif dans les classes » (p. 6). Ils sont rejoints en cela par Zakhartchouk (2021) qui constate que « quand les enseignants se plaignent de l’hétérogénéité, c’est surtout parce qu’il y a trop d’élèves en difficulté, davantage d’homogénéité "par le haut" ne les dérangerait pas » (p. 9). Ils s’accordent sur le fait que c’est le poids des élèves faibles, voire très faibles, qui est à l’origine de ces réactions, car, d’une part, il « faut [les] accompagner, [leur] faire accepter les règles du fonctionnement scolaire habituel » (Zakhartchouk, 2021, p. 9) et d’autre part, « un certain nombre de contenus de programme et de pratiques pédagogiques apparaissent inadaptés » (Duru-Bellat & Mingat, 1997, p. 6). Les enseignants craignent alors une baisse du niveau « et l’hétérogénéité des élèves semble incompatible avec les principes égalitaires en fonction desquels tous les élèves, au même moment, au même rythme, en empruntant le même itinéraire, sont censés parvenir aux mêmes savoirs et savoir-faire » (Duru-Bellat & Mingat, 1997, p. 6).
1.1.3 … à l’école inclusive.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances reconnait à tout élève porteur de handicap d’être inscrit en milieu ordinaire, dans l’école dont relève son domicile. Ce principe est renforcé par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 qui introduit, pour la première fois, dans le code de l’éducation la notion d’école inclusive. Dix ans plus tard, l’« acte II » de l’école inclusive va plus loin et pose comme objectif de prendre en compte non seulement les élèves à besoins éducatifs particuliers (EBEP)[8] mais aussi ceux qui ont des besoins pédagogiques particuliers, tout au long de la scolarité de la maternelle au lycée. Ainsi, il s’agit de :
Bâtir une école encore plus inclusive [ce qui] constitue un enjeu fondamental d’équité. [Ainsi] conformément à l’article L. 111-1 du code de l'éducation, l’enjeu d’égalité et la question de la justice sociale sont placés au cœur des priorités de l’éducation nationale avec l’ambition que chaque élève bénéficie des conditions permettant sa réussite dans une société pleinement inclusive. (Éduscol, mars 2024)
Même si, dans certains cas, les élèves à besoins éducatifs particuliers sont encore scolarisés dans des structures dédiées, la classe devient plus hétérogène, comme le mentionnent les résultats de l’enquête TALIS 2018[9] :
En moyenne en France, 40% des enseignants travaillent dans des classes comptant au moins 10% d’élèves ayant des besoins particuliers (c'est-à-dire ceux pour lesquels un besoin éducatif particulier a été formellement identifié parce qu'ils sont désavantagés mentalement, physiquement ou émotionnellement), ce qui est supérieur à la moyenne des pays et économies de l’OCDE participant à TALIS (27%). (OCDE, 2019, p. 6)[10]
En 2013, moins d’un tiers des professeurs enseignaient dans des classes comptant au moins 10% d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. De plus, « en 2013, seulement 16 % des enseignants en éducation prioritaire déclaraient avoir plus de 30 % d’élèves peu performants dans leur classe ; en 2018, ils sont 49 % à dresser un tel constat » (Charpentier & Solnon, 2019, p. 3). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution :
L’école accueille des publics de plus en plus hétérogènes et notamment des élèves à besoins éducatifs particuliers […] Au cours de la même période, les dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire ont également permis de scolariser des élèves qui quittaient le système éducatif sans diplôme. Ces tendances, même si elles ne concernent qu’une faible part des élèves, sont de nature à influencer la perception qu’ont les enseignants de leur métier et de ses conditions d’exercice. (Charpentier & Solnon, 2019, p. 3)
En ce qui concerne la formation, les résultats de l’enquête TALIS 2018 concernant l’item « enseigner à des élèves ayant des niveaux et des besoins éducatifs différents » montrent qu’en France, « 49% des enseignants ont été formés, au cours de leur formation initiale, à l’enseignement à des élèves de niveaux différents, mais [que seulement] 25 % des enseignants en moyenne se sentent préparés à enseigner dans ce type de classes à l’issue de leur formation »[11] (OCDE, 2019, p. 6). Mais on peut constater une amélioration de la formation dans ce domaine car « les enseignants récemment formés (dont l’ancienneté dans le métier est strictement inférieure à trois ans et qui sont donc passés par une formation en ESPÉ) sont plus nombreux à se sentir préparés sur ces aspects (39 %, 35 % et 33 %, respectivement) » (Charpentier & Solnon, 2019, p. 3), même si des efforts restent à faire.
1.2 Et si la classe homogène était la panacée ?
« Une classe est constituée d’individus tous différents : banalité que de dire cela. Mais le fantasme existe toujours d’une homogénéité d’enfants et de jeunes » (Zakhartchouk, 2021, p. 17).
1.2.1 Vers une définition opérationnelle de l’hétérogénéité.
L’hétérogénéité[12] entre les humains est un constat anthropologique. De fait, toute classe est par nature hétérogène. La littérature scientifique énonçant les causes de l’hétérogénéité abonde. Ainsi, pour Le Prévost (2010), « la notion d’hétérogénéité se définit a minima en rapport aux écarts de niveaux scolaires au sein d’une classe » (p. 57). Elle affine ensuite cette définition en distinguant deux aspects :
Au-delà de cette acception minimale, le terme se trouve employé aussi bien pour signifier la diversité des décisions et processus organisationnels générant, régulant ou prévenant cette hétérogénéité des groupes-classes (organisation par filières, taille des classes, composition des établissements, etc.)[13] que pour rendre compte de la pluralité des profils des élèves. On parlera dans ce second cas autant de différences de « rythmes d’apprentissage » ou de « styles cognitifs » que d’appartenances sociales et ethniques distinctes par exemple. (Le Prévost, 2010, p. 57)
Przesmycki (2004, p. 76-83) cherche à rendre compte de « la pluralité des profils d’élèves ». Selon elle, ils sont dus à la multiplicité des cadres de référence des élèves, qui ne sont d’ailleurs pas sans conséquence sur les niveaux scolaires : elle énonce ainsi l’hétérogénéité socio-économique, la diversité de l’origine socioculturelle[14], la disparité des cadres psychofamiliaux et des stratégies familiales ainsi que celle des cadres scolaires. Przesmycki (2004, p. 84-96) rend compte également de la diversité des processus d’apprentissage des élèves : pluralité de la motivation des élèves, des âges, des rythmes, des stades de développement opératoire, des prérequis…. Selon Galand (2017), « chaque élève se distingue […] sur une multitude de dimensions : démographique, sociale, relationnelle, cognitive, affective, etc. » (p. 178). Quant à Meirieu (2020, p. 8-9), il distingue 5 types de différences : économiques et matérielles, culturelles, socioaffectives, de niveaux scolaires ainsi que de stratégies cognitives. Tous ces critères pour caractériser l’hétérogénéité sont très nombreux et ne sont finalement jamais hiérarchisés (Le Prévost, 2010, p. 57).
Pour Forget (2017a), ce sont les 7 postulats de Robert Burns (1971) qui ont « l’avantage de proposer une définition opérationnelle et résolument pédagogique de la notion très vaste d’hétérogénéité » (p. 12) :
- il n’y a pas deux élèves qui progressent à la même vitesse ;
- il n’y a pas deux élèves qui soient prêts à apprendre en même temps ;
- il n’y a pas deux élèves qui utilisent les mêmes techniques d’étude ;
- il n’y a pas deux élèves qui résolvent les problèmes de la même manière ;
- il n’y a pas deux élèves qui possèdent le même répertoire de comportements ;
- il n’y a pas deux élèves qui possèdent le même profil d’intérêt ;
- il n’y a pas deux élèves qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts. (Burns, cité dans Forget, 2017a, p. 11)
1.2.2 « Classes homogènes versus classes hétérogènes ».
Cette hétérogénéité des élèves constitue « un problème pour les enseignants, mais pas pour les élèves » (Bucheton, 2017, p. 120). En effet, dans le corps enseignant, et pas seulement, des voix s’élèvent pour mettre en place des classes regroupant « des élèves de niveau scolaire proche […]. L’homogénéité du groupe d’élèves composant la classe favoriserait un traitement pédagogique approprié » (Dupriez & Draelents, 2004, p. 2). Cependant, après une vaste revue de littérature, Dupriez et Draelents (2004, p. 157) concluent que le regroupement des élèves en classe de niveau n’apporte pas de plus-value en matière d’efficacité moyenne des apprentissages. Crahay dresse le même constat :
La constitution de classes homogènes, dans lesquelles les élèves sont rassemblés en fonction de leurs aptitudes ou de leurs niveaux d’excellence scolaire, n’apporte rien, et ceci est vrai au niveau primaire comme au niveau secondaire. Au contraire, on peut redouter que […] cette pratique n’aboutisse à ce que les élèves réputés forts bénéficient d’un enseignement qualitativement et quantitativement supérieur à celui des élèves qualifiés de faibles. On se trouve alors en présence d’une stratégie d’amplification des différences individuelles. (cité dans Dupriez & Draelents, 2004, p. 157)
Ils sont rejoints par Zakhartchouk (2021), pour qui, « l’hétérogénéité globale du système éducatif ne nuit pas au niveau moyen des élèves et […] permet de réduire l’impact de l’origine sociale sur les acquisitions scolaires » (p. 18). Enfin, selon Duru-Bellat et Mingat « la constitution de classes hétérogènes est sans doute la meilleure façon d’élever le niveau moyen de l’ensemble des élèves, au bénéfice des plus faibles et sans pénalisation notable des plus brillants » (1997, p. 191).
Toutefois, la constitution de groupes homogènes dans des classes hétérogènes peut s’avérer opportune et avoir des effets positifs. Cette organisation peut se décliner de deux façons : soit les élèves membres d’une classe hétérogène la quittent provisoirement pour rejoindre un groupe de niveau pour certains apprentissages, soit les élèves sont, au sein même de la classe, momentanément regroupés par niveau. Mais pour que cette organisation se révèle efficace, il faut veiller à ne constituer les groupes qu’en prolongement des apprentissages de base. De plus, leur composition ne doit pas être immuable et le regroupement des élèves doit être momentané. Enfin, la collaboration entre pairs issus de groupes de niveaux différents est prônée (Dupriez & Draelents, 2004, p. 158).
1.2.3 Une question d’ordre éthique et politique.
Il ne faut pas négliger le fait que cette opposition entre classes homogènes et classes hétérogènes s’inscrit autant dans l’analyse des recherches scientifiques que dans un projet de société. Elle relève donc aussi d’un positionnement éthique qui pourrait se poser en ces termes : « considère-t-on, par exemple, que l’école est un lieu de brassage et de vie en société, […] ou l’école est-elle envisagée comme un lieu de vie en communauté où des semblables se retrouvent pour apprendre et vivre ensemble ? » (Dupriez & Draelents, 2004, p. 160). Les défenseurs du regroupement des élèves en classe de niveau prônent alors un enseignement efficace, quoique inéquitable, tandis que ceux favorables au regroupement hétérogène recherchent un enseignement équitable. Il apparait alors clairement que le champ des valeurs est convoqué :
Souhaite-t-on une école qui fait émerger une élite, en mesure de pouvoir tirer vers le haut le restant d’une population ou préfère-t-on plutôt parier sur l’élévation des masses par les progrès de chacun ? En d’autres termes, enseigner consiste-t-il à tendre vers de l’élitisme (pour les meilleurs) ou de l’excellence (pour tous). (Connac, 2021, p. 12)
La différenciation pédagogique convoque, elle aussi, le champ des valeurs, car c’est l’hétérogénéité des classes qui justifie sa mise en œuvre. Chaque enseignant est alors invité à se positionner sur le plan idéologique par rapport à cette diversité, ce qui peut aller de sa simple reconnaissance à sa mise en valeur (Forget, 2017a, p. 12). En effet, la pratiquer nécessite comme préalable d’adhérer à une certaine éthique philosophique synthétisée par Meirieu sous l’expression « postulat d’éducabilité » c’est-à-dire « l’égalité du droit à l’éducation pour tous » (2013, p. 15), qu’il explique ainsi : « il ne peut jamais être question de faire comme si les obstacles n’existaient pas, mais toujours comme s’ils étaient dépassables » (Meirieu, cité dans Astolfi, 2019a, p. 50)[15]. De ce fait, la difficulté ne serait plus vue comme un état qui soumet l’élève et l’enferme dans une situation immuable mais comme un élément à dépasser, un défi à surmonter au sein de la classe. Ainsi, l’élève peut passer alternativement de la position d’individu qui a besoin d’aide à celle de personne ressource. Il apparait donc que mettre en œuvre la différenciation pédagogique relève d’un projet éducatif résolument tourné « vers les finalités de progrès et d’excellence » (Connac, 2021, p. 12). Il nous faut, désormais, essayer de définir ce concept, ce qui est loin d’aller de soi.
1.3 Comment définir la différenciation pédagogique malgré ses contours flous ?
1.3.1 Une difficile mais nécessaire délimitation du champ.
C’est au début des années 1970[16] que Legrand crée le syntagme « pédagogie différenciée », qu’il définit comme « un effort de diversification méthodologique susceptible de répondre à la diversité des élèves » (cité dans Connac, 2021, p. 4). Plus qu’une méthode d’enseignement, la pédagogie différenciée est une :
Démarche qui cherche à mettre en œuvre un ensemble diversifié de moyens et de procédures d’enseignement et d’apprentissage, afin de permettre à des élèves d’âges, d’aptitudes, de comportements, de savoir-faire hétérogènes, mais regroupés dans une même division, d’atteindre par des voies différentes des objectifs communs. (IGEN, 1980, cité dans Feyfant, 1996, pp. 8-9)
Meirieu préfère parler de « différenciation pédagogique » plutôt que de « pédagogie différenciée » dans la mesure où il ne s’agit pas d’« une nouvelle méthode pédagogique, mais bien [d’]une autre manière de concevoir l’organisation de l’enseignement : affirmer des objectifs communs et en multiplier les voies d’accès, tant en diversifiant sa panoplie méthodologique qu’en utilisant les interactions entre les élèves » (cité dans Connac, 2021, p. 3). Cependant il est à noter que, tant dans la littérature du champ que sur le terrain, la différenciation apparait comme un concept très polysémique, qui renvoie à une multitude d’approches et de pratiques, ce qui ne facilite ni sa délimitation opérationnelle précise, ni son évaluation (Forget, 2017b, p. 17)[17]. Malgré tout, des définitions générales du concept de différenciation font consensus, comme celle de Przesmycki (2004) :
La pédagogie différenciée est une pédagogie des processus : elle met en œuvre un cadre souple où les apprentissages sont suffisamment explicités et diversifiés pour que les élèves puissent travailler selon leurs propres itinéraires d’appropriation tout en restant dans une démarche collective d’enseignement des savoirs et savoir-faire communs exigés. (p. 10)
Enfin, partant du constat que le concept de différenciation pédagogique ne constitue pas un objet scientifique, le comité d’organisation de la conférence de consensus du Cnesco[18] a, en 2017, décidé de le définir de cette façon :
La différenciation est la prise en compte par les acteurs du système éducatif des caractéristiques individuelles (besoins, intérêts et motivations) ; acquis, non acquis et difficultés ; modes d’apprentissage (style, rythme, pouvoir de concentration, engagement…) ; potentialités à exploiter… de chaque élève en vue de permettre à chacun d’eux de maîtriser les objectifs fondamentaux prescrits et de développer au mieux leurs potentialités, et de permettre au système éducatif d’être à la fois plus pertinent, efficace et équitable. (Cnesco, 2017a, p. 22)
En classe, il est possible de différencier :
Les contenus d’apprentissage (notamment la nature, le degré de difficulté, le nombre des tâches) et leurs produits (à travers divers modes de manifestation des performances), les processus d’apprentissage (à savoir l’attention portée aux différentes manières de s’approprier les contenus) ainsi que les structures de travail (en proposant divers dispositifs ou modalités d’organisation, notamment via la « table d’appui »)[19]. (Forget & Lehraus, 2015, p. 71)
Il est important également de comprendre que l’objectif de la différenciation pédagogique est moins de réduire ou faire disparaitre les différences entre les élèves que de mettre en œuvre des démarches et des dispositifs permettant à chacun de progresser et donc de rester motivé sans cesser d’apprendre : « l’idée consiste […] à éviter l’amplification de ces différences (discrimination négative) et, dans le meilleur des cas, à compenser/corriger ces différences, à les réduire (discrimination positive) » (Forget, 2017a, p. 30).
Il convient, enfin, de lever une confusion en précisant que différencier ne se résume pas à varier son enseignement : « varier la pédagogie, c’est admettre qu’aucune méthode employée de manière exclusive n’a la vertu, à elle seule, de faire réussir tous les élèves. C’est se rendre compte que toute méthode dominante en appelle d’autres complémentaires qui seront employées de façon plus légère » (Astolfi, 2019c, p. 46)[20]. S’il s’agit, bel et bien, d’une condition nécessaire à la pratique de la différenciation pédagogique, elle se révèle insuffisante : en effet, « faire varier ces modalités tous azimuts peut laisser penser qu’on différencie son enseignement alors qu’on le diversifie simplement » (Forget, 2017a, p. 23). Différencier « dépasse l’idée d’offrir des conditions d’apprentissage variées puisque ces mêmes conditions ne sont pas déployées par hasard mais bien en réponse à des besoins préalablement identifiés chez les élèves » (Forget, 2017b, p. 17). Pour rendre la différenciation pédagogique effective et efficace, il est donc nécessaire de savoir où en sont les élèves. C’est alors que l’évaluation entre en jeu.
1.3.2 La place centrale de l’évaluation.
Si l’on part du postulat que « différencier exige d’identifier des besoins précis chez les élèves, de définir des intentions précises et conscientes à leur égard et de maintenir sous un contrôle vigilant les effets des moyens déployés sur la maîtrise d’objectifs spécifiques chez les élèves » (Forget, 2017a, p. 16), il est indéniable que l’évaluation occupe une place centrale dans la mise en œuvre de la différenciation. Les évaluations diagnostique, formative, voire formatrice, et sommative sont donc essentielles. Utilisée au début d’une séquence, l’évaluation « diagnostique va permettre de collecter des informations sur les connaissances antérieures de l’élève, ses attentes quant aux connaissances et habiletés à acquérir, de planifier une différenciation appropriée (par rapport aux objectifs) de l’enseignement, de l’apprentissage et de l’évaluation » (Rey & Feyfant, 2014, p. 22). Elle est complétée par l’évaluation formative qui, pratiquée de façon continue pendant la séquence, « va permettre de suivre les progrès de l’élève, de communiquer et décrire cette progression à l’élève et d’envisager avec lui les stratégies à adopter » (Rey & Feyfant, 2014, p. 22). « Son but n’est pas d’enfermer l’élève dans ses acquis, mais de l’aider à progresser vers ses objectifs » (Perrenoud, 2012, p. 32). De ce fait, trois éléments sont indispensables à l’efficacité de l’évaluation formative : les objectifs d’apprentissage doivent être fixés, les apprentissages doivent être contrôlés et un feedback circonstancié sur les performances de l’élève doit être énoncé afin qu’il comprenne comment franchir une étape ou surmonter un obstacle. L’évaluation formative est si centrale dans la différenciation pédagogique qu’elle est omniprésente dans l’ensemble des recommandations issues de la conférence de consensus du Cnesco car elle « assure la régulation des activités d’enseignement et d’apprentissage » (Allal, 2017, p. 169). Elle peut être complétée par l’évaluation formatrice[21]. Au cours de celle-ci, des critères d’évaluation sont élaborés en commun, par exemple en groupe classe, ce qui permet à chaque élève de s’auto-évaluer, s’auto-réguler et prendre conscience de ce qu’il sait déjà et des mesures à appliquer pour atteindre les objectifs. Les évaluations diagnostique, formative et formatrice ont donc comme intention l’évaluation au service de l’apprentissage. Celle de l’évaluation sommative est différente car il s’agit de l’évaluation de l’apprentissage. Elle intervient généralement à la fin d’une séquence et est :
Accompagnée de commentaires "précis et opportuns" de l’enseignant. […] Pour être pertinente (ou efficace), elle doit être accompagnée d’un échange avec l’élève quant aux résultats d’apprentissage, aux modalités pour atteindre ces résultats et aux objectifs pour réutiliser ces connaissances dans les prochains cours. (Rey & Feyfant, 2014, p. 22)
De plus, il est important que « l’évaluation [soit] critériée, parce qu’elle doit constamment permettre de situer chaque élève par rapport aux objectifs de fin de cycle. Il importe donc que ces objectifs soient travaillés, associés à des niveaux progressifs de maîtrise, assortis d’indicateurs fiables » (Perrenoud, 2012, p. 33). Les échelles descriptives sont, par conséquent, des outils indissociables de la différenciation pédagogique car elles permettent d’identifier les niveaux d’acquisition des compétences des élèves. L’auto-évaluation doit aussi être valorisée parce qu'elle responsabilise les élèves (Cnesco, 2017b, p. 15) : il s’agit, en effet, d’une activité métacognitive efficace qui donne l’occasion à l’élève de recueillir des données (sur sa production, ses acquis, ses lacunes, ses progrès…) dans le but de réfléchir à son apprentissage et de progresser. Maintenant que le concept de différenciation pédagogique est clarifié et que l’évaluation est reconnue comme centrale, il nous reste à prendre conscience de ses écueils pour l’appliquer au mieux.
1.3.3 Les controverses de la différenciation pédagogique.
La différenciation pédagogique est parfois accusée de revoir les contenus à la baisse. Pour éviter cela, Astolfi (2019b)[22] énonce qu’il est impératif et fondamental de « demeurer à objectif constant. […] Différencier, c’est alors, sans transiger sur la nature de l’objectif à atteindre, s’efforcer de trouver des dispositifs efficaces, rechercher des modes d’organisation du travail didactique qui jouent sur des registres variés » (p. 55). Pour y parvenir, il propose d’articuler les concepts d’« objectif obstacle » (Martinand), de « condition de possibilité » (Canguilhem) et de « postulat d’éducabilité » (Meirieu) de cette façon :
Dès lors que l’on identifie le progrès intellectuel correspondant à l’apprentissage en cours (l’objectif obstacle) et que l’on a raisonné la plausibilité d’y parvenir (condition de possibilité), le postulat d’éducabilité conduit alors à tout mettre en œuvre, à rechercher tous les moyens didactiques pour que ce progrès assigné, jugé atteignable, se réalise pour tous les élèves. (Astolfi, 2019a, p. 50)
Il s’agit donc de proposer des situations didactiques réfléchies, pour lesquelles la tâche des élèves ne doit pas être hors de portée mais réalisable, sans être simpliste, et pour lesquelles l’effort doit être réel, mais payant. Pour éviter le nivellement par le bas des contenus disciplinaires, des chercheurs, comme Descampe, ont « défini un curriculum par couches divisant le programme d’études selon la profondeur avec laquelle l’élève va étudier une matière, l’une des couches étant la partie commune et la plus importante » (Feyfant, 2016, p. 10). Autrement dit, « il y aurait […] des compétences premières […] à maîtriser à un niveau élevé par tous. D’autres compétences, secondaires, n’impliqueraient pas le même niveau d’exigence pour tous » (Crahay, cité dans Forget, 2017a, p. 29), ce que Crahay convoque sous le principe d’égalité des acquis. Ce programme-noyau ou programme-cadre commun à tous est donc complété par des compétences et des connaissances qui peuvent être différentes d’un élève à l’autre. Enfin, Tricot (2017), dans le cadre de la théorie de la charge cognitive, présente un ensemble de pistes concrètes[23] pour mettre en œuvre la différenciation « à objectif d’apprentissage égal et problème identique, au sein d’une différenciation parcimonieuse » (p. 161).
Le second écueil à prendre en considération est celui des conduites différenciatrices. Il s’avère en effet que deux types de différenciation sont productrices d’inégalités alors même que l’ambition affichée par la différenciation pédagogique est de réduire les inégalités d’apprentissage. La première, qualifiée de différenciation passive[24], est « observable quand les situations et pratiques mises en œuvre présupposent des élèves qu’ils puissent tous effectuer un certain nombre d’activités sans que celles-ci leur aient été enseignées, ou sans que l’on ait attiré explicitement leur attention sur la nécessité de les mettre en œuvre » (Rochex, 2013, p. 37). Dans ce cas, les élèves se retrouvent face à des exigences implicites qu’ils ne sont pas tous capables de décrypter, si bien qu’« on se retrouve […] avec, d’un côté, certains enfants dont on attend des choses qui ne leur sont finalement guère enseignées et, de l’autre, des enseignants qui ne sont pas forcément conscients qu’il soit nécessaire de le faire » (Rochex, 2013, p. 38). La seconde est qualifiée de différenciation active[25], même si elle se produit à l’insu de l’enseignant. Elle intervient lorsque les tâches sont adaptées en fonction des difficultés pressenties des élèves au lieu de s’appuyer sur une analyse fine de ce qui fait obstacle à l’apprentissage des plus en difficulté. Les tâches sont alors restreintes et morcelées et ne permettent « pas de réel apprentissage et de réelle construction de savoir » (Rochex, 2013, p. 38). La réussite, rapide, d’une tâche est alors privilégiée au détriment d’une logique d’apprentissage, plus longue et fastidieuse. Forget (2017a) abonde dans ce sens en stipulant qu’il existe une « différence entre faire réussir et faire apprendre. Les moyens de faire réussir sont généralement nombreux et peu coûteux » (p. 23). Pour faire face à ces écueils, un levier serait à chercher dans « l’analyse des pratiques et contenus de savoir et des obstacles sociocognitifs sur lesquels achoppe [l’] appropriation » des élèves (Rochex, 2013, p. 38). Des dispositifs comme la table d’appui ou l’apprentissage coopératif en petits groupes sont aussi des leviers permettant l’explicitation par les élèves des procédures mises en place mais ils ne sauront être efficaces sans un accompagnement de l’enseignant (Cnesco, 2017b, p. 15). Il reste un dernier point à approfondir : différenciation et planification sont indissociables.
1.3.4 Une nécessaire planification.
Il est essentiel d’avoir à l’esprit que différencier ne revient pas à « atomiser » le groupe-classe. Son organisation doit alterner temps collectif, en groupe et individuel, ce qui permet à l’enseignant de moduler son positionnement vis-à-vis des élèves tandis que ces derniers ont des degrés de responsabilité qui varient selon les moments. Les travaux de groupes et/ou individuels libèrent, pour un temps, le professeur de la gestion collective de la classe ce qui facilite l’accompagnement d’un ou plusieurs élèves. Travailler à plusieurs enseignants est également possible mais le Cnesco privilégie le co-enseignement, qui consiste à « partager, à deux enseignants au moins, un même espace-temps » (2017b, p. 17), à la co-intervention, qui mobilise deux enseignants dans des lieux différents avec des objectifs parfois différents. Or, pour que le co-enseignement soit efficace, il doit être pratiqué régulièrement, ce qui est loin d’être simple à organiser (Cnesco, 2017b, pp. 17-18).
Comme tout cela ne saurait être improvisé, Abernot (cité dans Connac, 2021, p. 4) propose une planification de séquence d’enseignement et d’apprentissage[26] qui débute par une évaluation diagnostique. Ensuite, un temps dédié à l’étude de notions relevant d’objectifs fondamentaux est mis en œuvre en groupe-classe. Une évaluation formative clôt cette phase et permet l’organisation, en aval, d’un temps de différenciation : les élèves les plus fragiles prennent ainsi part à une ou plusieurs phases de reprises tandis que les autres approfondissent leur travail. Quant à Meirieu (cité dans Robbes, 2009, p. 18-19), il ébauche un modèle divisé en quatre temps : la découverte, l’intégration, l’évaluation et la remédiation. Le premier temps, collectif, est propice à une différenciation successive qui consiste à alterner, dans le déroulement même du cours, des situations d’apprentissage, des outils, des supports suffisamment variés pour que chaque élève ait le maximum de chances de trouver une méthode qui lui convienne : sa motivation s’en trouve renforcée et son engagement facilité. Lors des phases d’intégration et de remédiation, qui peuvent avoir lieu en groupes, c’est une différenciation simultanée qui est mise en place : tous les élèves ne font plus la même chose en même temps. « Il est [alors] fondamental de planifier la séquence en scandant son déroulement de manière parfaitement lisible, avec des consignes suffisamment claires et précises pour éviter toute ambigüité » (Meirieu, 2020, p. 11-12).
Forget et Lehraus (2015, p. 75) établissent un modèle[27] qui repose sur le découpage de l’enseignement d’une notion en trois temps (avant, pendant, après). Pour chacun, trois objectifs sont explicités. Cette modélisation a l’intérêt de proposer un langage commun et d’élargir les formes de différenciation pédagogique pratiquées :
Tableau 1 - Modélisation des trois temps de la différenciation pédagogique (Forget et Lehraus)
Nous venons de voir que pour, au mieux, compenser les inégalités entre les élèves et, au pire, ne pas les augmenter, et ainsi, faire face à l’hétérogénéité grandissante des classes, un des leviers est de mettre en œuvre la différenciation pédagogique qui rompt avec la tradition d’égalité de traitement. Maintenant que nous sommes parvenus à cerner ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas, à comprendre que l’évaluation lui est indissociable, que des écueils existent (mais qu’ils sont surmontables) et que sa planification est primordiale, il s’agit désormais de nous intéresser aux obstacles qui gênent, voire empêchent, sa mise en pratique.
2 Quels sont les obstacles à la mise en œuvre de la différenciation pédagogique par les enseignants ? Comment favoriser le changement ?
2.1 Quel bilan de la pratique de la différenciation pédagogique dressent les enquêtes TALIS et EPODE ?
2.1.1 TALIS : une faible pratique de la différenciation pédagogique en France.
La France participe, pour la première fois, à l’enquête TALIS niveau collège en 2013. En 2018 et 2024, elle y inclut l’élémentaire. Les résultats des éditions 2013 et 2018 ont donné lieu à des publications sous des formats longs ou courts, comme les Notes d’information de la DEPP, ainsi que sous la forme d’articles parus dans la revue scientifique Éducation et formations. Ces écrits peuvent servir de documents de réflexion aux formateurs.
Les résultats de l’enquête TALIS 2013 montrent que les enseignants français du collège sont moins nombreux à déclarer différencier : en effet, alors qu’en moyenne 44 % des enseignants des pays participant à l’enquête déclarent pratiquer un enseignement différencié, ils sont à peine 22 % en France à indiquer donner « des travaux différents aux élèves qui ont des difficultés d’apprentissage et/ou à ceux qui peuvent progresser plus vite, fréquemment ou presque tous les jours ».
Figure 1 - Part des enseignants de collège (en %) déclarant donner des travaux différents aux élèves qui ont des difficultés d'apprentissage et/ou à ceux qui peuvent progresser plus vite "fréquemment" ou "à presque tous les cours".
De plus, en 2013, 55 % des professeurs français du second degré déclaraient « donner des exercices similaires jusqu’à ce que tous les élèves aient compris ». (Bocognano, 2021, p. 16). En 2018, ce pourcentage reste inchangé.
2.1.2 EPODE : les enseignants français préoccupés par la réussite de tous les élèves.
L’enquête EPODE (Enquête PériODique sur l’Enseignement), créée par la DEPP en 2018[28], complète les enseignements tirés des enquêtes TALIS. En effet, EPODE interroge les enseignants du premier et du second degrés (classes élémentaires et collèges) sur leurs pratiques d’enseignement afin d’enrichir les connaissances sur les pratiques professionnelles mises en œuvre. Les résultats[29] de cette enquête permettent alors « de dessiner des pistes de réflexion pour l’ensemble des acteurs (corps d’inspection, conseillers pédagogiques, formateurs, etc.). [Ils] peuvent aussi être directement utilisés par les enseignants comme un outil de réflexion et de mise à distance de leurs pratiques » (Éducation.gouv.fr, 2022). Pour cela, elle a donné lieu à la publication de deux Notes d’information de la DEPP. Cette enquête a vocation à être reproduite tous les 3 ans mais celle menée en 2022 (prévue initialement en 2021) n’a pas encore livré de résultats. Ils permettront, non seulement de fournir une nouvelle photographie des pratiques enseignantes, mais aussi de décrire leur évolution.
Les dimensions interrogées dans cette enquête ont été déterminées à partir du référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation, paru au BO n° 30 du 25 juillet 2013. Pour chaque dimension, les enseignants « devaient renseigner la fréquence avec laquelle ils l’adoptent, la faisabilité qu’ils lui accordent dans leur contexte d’enseignement et le caractère prioritaire qu’ils lui attribuent en général dans leur métier » (Benhaïm-Grosse et al., 2020, p. 1) (voir Annexe F). Il convient donc de nous intéresser plus particulièrement aux dimensions mobilisées dans le cadre de la différenciation pédagogique. Ainsi, la dimension « évaluation formative », qui correspond à la compétence 3 du référentiel « connaître les élèves et les processus d’apprentissage », fait partie, dans le cadre de cette enquête, de la catégorie « stratégie d’enseignement » aux côtés de la pédagogie active et de l’explicitation de l’enseignement. Après analyse des résultats, il s’avère que l’enseignement explicite est plébiscité par les enseignants alors que l’évaluation formative et la pédagogie active sont non seulement moins fréquemment pratiquées, mais qu’elles sont également considérées comme moins faisables et moins prioritaires. De même, seuls 33 % des enseignants proposent fréquemment des outils d’auto-évaluation aux élèves. Quant à la dimension « différenciation pédagogique », elle fait partie, dans le cadre de cette enquête, des pratiques :
Liées à la prise en charge de l’hétérogénéité des élèves |…] : bien que considérées comme fréquemment prioritaires, […] elles sont mises en œuvre de façon bien moins répandue, étant jugées difficilement réalisables. Ainsi, 76 % des professeurs considèrent qu’il est prioritaire de prendre en charge (hors accompagnement personnalisé) des élèves pour répondre à des besoins repérés, mais seuls 22 % déclarent le faire fréquemment. (Benhaïm-Grosse et al., 2020, p. 3)
Les dimensions liées à la différenciation semblent donc relativement peu pratiquées.
Pour préciser l’analyse, Benhaïm-Grosse et al. (2020, p. 3) ont identifié quatre groupes homogènes de professeurs en se basant sur la fréquence des pratiques professionnelles déclarées dans le cadre de l’enquête EPODE : le groupe 1 correspond au groupe des enseignants « les plus déclarants » tandis que le groupe 4 réunit « les moins déclarants ». Le graphique ainsi obtenu (voir Annexe G) permet de constater que « les enseignants ne se différencient pas par la nature de leurs pratiques mais par la fréquence de réalisation de celles-ci » (Bocognano, 2021, p. 16). Pour expliquer ces différences de fréquence, il faut prendre en considération les caractéristiques des professeurs ainsi que le profil de la classe décrit par chaque enseignant. Il s’avère alors que les professeurs ayant le plus d’ancienneté sont, à la fois, ceux qui enseignent le plus dans des classes présentant un profil favorable aux apprentissages, ceux qui déclarent le plus que les dimensions évaluées dans cette enquête sont faisables et ceux qui sont le plus à l’aise dans la prise en charge de l’hétérogénéité des élèves. « L’enquête EPODE suggère [alors] que dans les classes présentant un profil peu favorable aux apprentissages, les pratiques d’enseignement sont moins variées, risquant ainsi d’accroître encore les inégalités scolaires » (Benhaïm-Grosse et al., 2020, p. 4).
Il apparait donc que les pratiques de la différenciation pédagogique sont non seulement assez peu mises en œuvre, mais encore que leur fréquence varie selon les enseignants et le profil des classes. Il nous faut maintenant nous intéresser à la façon dont un formateur peut accompagner le changement de pratiques professionnelles en essayant de limiter la résistance au changement.
2.2 Comment accompagner le changement de pratiques professionnelles ?
Très souvent les professionnels résistent au changement, tous les professionnels, et à n’importe quel changement. Et c’est parfaitement normal. Un professionnel, ce qui le définit, c’est qu’à un moment donné, il a réussi à mettre en place des activités qui fonctionnent avec ces cohérences et que tout nouvel élément est porteur d’un trouble, d’une menace, d’un désordre, d’un déséquilibre. (Rey, 2018, février)
2.2.1 De la résistance au changement à un continuum de comportements face au changement.
La résistance[30] au changement est un concept reconnu dans les langages scientifique et populaire, qui remonte à Coch et French (1947)[31]. Il s’agit de « l’expression implicite ou explicite de réactions de défense à l’endroit de l’intention de changement » (Collerette et al., 1997, p. 94). Après avoir analysé le terme « résistance », Bareil constate que, dans sa conception traditionnelle, il se colore négativement lorsqu’il est tourné vers l’action humaine ou les sciences humaines et qu’associé au changement, il est présenté comme « une réaction foncièrement négative à l’égard du changement » (2004, p. 4). La résistance au changement peut se manifester individuellement ou collectivement, de façon active et explicite (refus, critiques, plaintes…) ou bien passive et implicite (statu quo, lenteur, ralentissement…). Les causes de cette résistance peuvent être individuelles (crainte de l’inconnu, peur de ne pas être capable de s’adapter, préférence pour la stabilité, anxiété…), organisationnelles (historique négatif des changements passés, leadership ambivalent ou déficient…) ou se référer aux dimensions sociales, culturelles, politiques (perte de droits acquis par exemple). Plusieurs causes renvoient à la qualité de la mise en œuvre du changement (déficiences dans les communications, la formation, succession rapide et inconséquente de plusieurs changements comme le syndrome du changement répétitif…) (Bareil, 2008, p. 91).
Néanmoins, Bareil souhaite « mettre fin au mythe tenace selon lequel tous les individus résisteraient toujours au changement » (2008, p. 103). Elle abonde dans le sens de Soparnot pour qui cette position « est critiquable car elle suggère qu’il s’agit là d’un invariant anthropologique. Or [ajoute-t-il], certains individus ont une surprenante propension aux réformes et les réclament parfois activement » (cité dans Bareil, 2008, p. 92). Dans la réalité, il existe un panel de réactions face au changement, qui peuvent évoluer et se modifier au fil du temps. Rien n’est figé. Par exemple, Herscovitch et Meyer dressent un continuum de comportements face au changement : il « passe de la résistance active (opposition explicite), à la résistance passive (opposition indirecte, de conformité), puis au soutien passif (soutien modeste avec légers sacrifices) et finalement au soutien actif (championing ou enthousiasme élevé envers le changement, dépassant les attentes) » (cité dans Bareil, 2008, p. 92)[32]. Il est également important que chaque réponse au changement soit évaluée en fonction du changement ainsi qu’en prenant en compte les promoteurs de ce changement. Ainsi apparait possible « une nouvelle conceptualisation de la notion de résistance au changement comme un ensemble de pratiques individuelles et évolutives d’appropriation, dont certaines sont potentiellement porteuses de possibilités pour l’organisation » (Boffo, cité dans Bareil, 2008, p. 93).
2.2.2 Le processus du changement : en connaitre les phases et les étapes pour mieux l’appréhender.
Pour permettre le changement organisationnel, il est nécessaire que « les individus ou les groupes de personnes en faisant partie […] acceptent […] de se l’approprier » (Schein, cité dans Bareil, 2008, p. 93). Mais pour l’accompagner en tant que formateur, il est nécessaire d’en comprendre le processus. Le modèle de Lewin (1952) le décompose en trois phases : dégel ou décristallisation, transition, regel ou recristallisation. Il est complété par celui de Collerette et al. (1997, p. 55) :
Figure 2. Les phases et les étapes du changement.
Ce modèle est composé de quatre phases (éveil, désintégration, reconstruction et intégration) qui rejoignent celles de Lewin, malgré une modification des temporalités : « la majeure partie de la désintégration et toute la reconstruction se déroulent pendant la transition. Et finalement, l'intégration engloberait toutes les activités de recristallisation » (Collerette et al. 1997, p. 25). Ainsi, l’éveil est l’activité mentale qui consiste à s’interroger sur l’utilité d’entamer ou non un changement : il s’agit d’une opération de triage qui mène à la décision d’accepter ou non « d’être ébranlé par les pressions de son environnement, […] [c’est-à-dire] les déclencheurs du changement » (Collerette et al., 1997, p. 25). La désintégration, qui intervient ensuite, ne mène pas forcément au changement. En effet, il peut très bien arriver « que le bilan que fait son système ne soit pas suffisamment négatif pour mobiliser des énergies en vue d’un changement » (Collerette et al., 1997, p. 25). C’est donc au cours des phases d’éveil et d’amorce de la désintégration que les individus choisissent d’être réceptifs ou non au changement. Des alliances se nouent alors. Insécurité et anxiété prédominent, l’enthousiasme se mêle à l’exaspération, l’espoir à la méfiance, les questions sont plus nombreuses que les réponses. Par conséquent, c’est durant la phase de transition que le destinataire s’inscrit dans un processus de changement : elle correspond à la partie finale de la désintégration et à la majeure partie de l’étape de reconstruction. La transition est souvent difficile à vivre (sentiments de fatigue, de confusion inhabituelle, d’incompétence). Enfin vient l’étape d’intégration, qui coïncide presque totalement avec la phase de recristallisation (ou regel) de Lewin, au cours de laquelle, « les nouvelles pratiques deviennent plus naturelles, elles s'harmonisent avec les autres dimensions du quotidien et font désormais de plus en plus partie des habitudes » (Collerette et al., 1997, p. 36).
À ces quatre phases correspondent quatre étapes de la démarche du changement autour desquelles l’agent de changement organise ses actions. Il doit, dans un premier temps, établir le diagnostic de la situation insatisfaisante puis concevoir une planification au cours de laquelle « il choisit et élabore les moyens appropriés pour agir sur la situation qu’il veut changer » (Collerette et al., 1997, p. 48). Ensuite, le plan d’action qui a été tracé est mis en œuvre. Enfin, les résultats obtenus sont évalués ce qui permet de les décrire et de mesurer l’écart entre la situation initiale et celle désirée.
2.2.3 La gestion de l’inconfort du destinataire durant le processus du changement : en permettre une meilleure prise en charge par le formateur.
Le modèle de Collerette et al. (1997) nous fournit un cadre conceptuel très utile pour étudier les phases et les étapes du changement mais il traite assez superficiellement des réponses émotionnelles ressenties par les destinataires du changement durant le processus. Il est alors opportun de lui adjoindre le modèle des phases de préoccupations[33] qui :
Considère que chaque destinataire est appelé à vivre des inquiétudes normales et légitimes envers un changement. Il existe effectivement une tension chez l’humain entre le désir de changer et son besoin de sécurité. Par conséquent, la nouveauté inspirerait moins une opposition en règle, mais davantage de préoccupations. (Bareil, 2008, p. 94)
Le destinataire, c’est-à-dire la personne touchée par le changement, suivrait ainsi une chronologie de sept phases de préoccupations (Annexe I). Durant la première, il ne ressent « aucune préoccupation ». Lors des phases 2 à 4, les préoccupations sont d’abord « centrées sur le destinataire », puis « sur l’organisation » et enfin sur « le changement ». Il est alors important que l’individu trouve des réponses satisfaisantes à ses inquiétudes pour qu’il avance, car ce n’est qu’arrivé à l’étape 5 (« préoccupations centrées sur l’expérimentation ») qu’il entre dans une démarche de changement et est ouvert à l’apprentissage et à la formation. Il est essentiel de comprendre que les préoccupations du destinataire évoluent avec le temps, avec les efforts qu’il consent à faire pour s’approprier le changement et au gré des réponses satisfaisantes qu’il reçoit pour surmonter ses inquiétudes.
L’agent de changement ou le formateur doit établir un diagnostic afin de savoir dans quelle phase se situe le destinataire. Le but étant d’intervenir de façon adaptée à l’inquiétude ressentie. Ce diagnostic peut être obtenu « à l’aide d’une question gagnante : "Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus, actuellement, par rapport au changement (nommer le changement)" ? Elle peut être posée verbalement ou par écrit, à un individu ou à un groupe » (Bareil, 2008, p. 96). Le destinataire ressent alors de l’empathie à son égard, ce qui facilite son implication. Deux dimensions doivent ressortir : situer la phase dans laquelle se trouve chaque destinataire, afin de voir s’il est prêt au changement et mesurer le degré d’intensité qu’occupe la préoccupation chez chacun. De ce diagnostic découle une planification permettant de mettre en place des interventions adaptées dans un scénario de formation. Une action proactive est donc indispensable pour gérer un changement.
Enfin, il faut savoir que, pour environ 75 % des destinataires du changement, l’inconfort est causé par un pattern[34] situationnel, c’est-à-dire que « l’intensité de leur niveau d’inconfort varie en fonction du type de changement » (Bareil, 2008, p. 100). D’ailleurs, ce sont les changements stratégiques à court terme qui sont les plus inconfortables. Par conséquent, pour un peu moins d’un quart des destinataires du changement, le niveau d’inconfort varie très peu d’un changement à l’autre : parmi eux, 6,2 % sont toujours très peu préoccupés quel que soit le changement, 5,3 % le sont faiblement, 5,3 % le sont modérément, 4,4 % sont plutôt inconfortables et un peu plus de 2 % sont toujours très inconfortables face au changement. Il vaut donc mieux contextualiser le changement pour mieux le gérer que de partir du postulat du pattern dispositionnel d’inconfort face au changement puisqu’il ne concerne, finalement, qu’une minorité des destinataires du changement (Bareil, 2008, p. 101).
Nous venons de voir qu’il est opportun de compléter le modèle du processus du changement avec celui des phases de préoccupations afin de mieux prendre en considération les inquiétudes des destinataires du changement et ainsi les accompagner au mieux. Il nous reste maintenant à analyser le recueil de données que j’ai réalisé afin de connaitre les représentations qu’ont les enseignants de la différenciation pédagogique pour, ensuite, réfléchir à l’organisation d’une formation sur cette thématique.
2.3 Un recueil de données pour cerner les pratiques de la différenciation pédagogique : quels enseignements peut-on en tirer ?
2.3.1 Présentation du recueil de données.
J’ai décidé de réaliser un recueil de données par le biais d’un questionnaire[35] créé sur Framaforms.org car ce site internet répond aux conditions préconisées dans le cadre du RGPD, garantit l’anonymat, est gratuit et sans publicité. J’aurais aimé pouvoir en concevoir un sur le site apps.education.fr mais les services numériques collaboratifs qu’il propose ne permettent pas de le faire. Il est vrai, cependant, que dans le cadre d’une formation, l’application SOFIA-FMO offre la possibilité d’élaborer des questionnaires à destination des formés. Or ce n’était pas mon cas ici puisque ma démarche s’inscrit hors du cadre d’une formation. Ce questionnaire repose sur plusieurs interrogations :
-est-il possible de dégager un ou plusieurs profils types d’enseignants qui pratiquent (ou ne pratiquent pas) la différenciation ?
-les contours flous du concept de différenciation pédagogique n’amènent-ils pas les enseignants à en avoir une représentation peu précise qui gênerait sa mise en application ?
-quels sont les obstacles à sa mise en œuvre ?
J’ai, dans un premier temps, adressé cette enquête aux personnels de direction de collèges dans lesquels j’avais effectué des compléments de service. Ensuite, j’ai contacté les chefs d’établissement où j’étais intervenue en formation, notamment dans le cadre du Plan laïcité. Puis, afin d’essayer d’avoir une vision plus représentative, j’ai envoyé un courriel à quelques chefs d’établissement de lycée et d’éducation prioritaire, que je ne connaissais pas, en précisant ma requête. Parmi ces derniers, quelques-uns ont souhaité mieux connaitre ma démarche lors d’un échange téléphonique avant de diffuser le questionnaire, certains l’ont relayé auprès de collègues, tous m’ont répondu l’avoir transmis à leurs équipes enseignantes.
Afin de préciser les caractéristiques des répondants, j’ai souhaité qu’apparaissent les champs disciplinaires, l’ancienneté dans le métier, le niveau d’enseignement (collège, lycée, les deux) et le type d’établissement (éducation prioritaire ou non). Je n’ai pas fait de distinction entre les établissements ruraux et urbains car « on n’observe pas d’écarts significatifs importants dans les pratiques professionnelles des enseignants [selon la localisation de l’établissement d’exercice], notamment en ce qui concerne la pédagogie » (Bocognano, 2021, p. 14). J’ai également fait le choix de ne poser ni questions intrusives ni stigmatisantes. Je souhaitais que les enseignants ne se sentent pas jugés et répondent le plus honnêtement possible aux questions afin de faire émerger le réel tel qu’il existe en classe, même si le biais du déclaratif existe malgré ces précautions. J’ai obtenu 189 réponses, entre le 11 et le 25 mars 2024. J’aurais aimé avoir le temps de le compléter avec deux ou trois entretiens semi-directifs, ce qui m’aurait permis d’avoir accès à une pratique déclarée plus détaillée.
2.3.2 Une inégale pratique de la différenciation pédagogique.
Sur les 189 enseignants qui ont répondu au questionnaire :
- 17 déclarent ne jamais pratiquer la différenciation pédagogique,
- 120 enseignants, soit environ 63 %, disent la pratiquer parfois,
- 52 soit 27,5 % déclarent souvent la mettre en œuvre.
Il s’agit désormais d’affiner ce premier constat très général en essayant de dégager des profils d’enseignants qui pratiqueraient plus, ou au contraire moins, la différenciation pédagogique et d’émettre des hypothèses pour tenter d’expliquer ces inégalités de pratique. Sur tous ces aspects, des entretiens m’auraient permis de confirmer ou d’infirmer ces hypothèses.
2.3.3 Les freins à sa pratique : une définition assez sibylline et des obstacles variés.
Les réponses recueillies à la question « qu’est-ce que la différenciation pédagogique, selon vous ? » montre que la définition du concept de différenciation pédagogique n’est pas toujours claire. Plusieurs éléments semblent aller dans ce sens :
- Ce flou se manifeste, tout d’abord, par le pourcentage de réponses, parfois élevé, d’enseignants qui disent être « ni d’accord, ni pas d’accord » avec chaque proposition. Ils ne se positionnent pas faute d’avoir un avis précis sur la question.
- De plus, si pour trois quarts des sondés, il s’agit (plutôt) d’une « démarche d’enseignement permettant de s’adresser à tous les élèves de la classe », ils ne sont plus que 62 % à estimer que c’est (plutôt) « un moyen de faire avancer les bons élèves » contre 85 % à dire que c’est (plutôt) « un moyen d’aider les élèves en difficulté scolaire ». Il me semble que les réponses manquent ici de cohérence.
- Pour presque trois quarts des répondants, il s’agit (plutôt) d’une « individualisation de l’enseignement permettant de s’adapter à tous les élèves ». Je pense que le concept d’« individualisation » est compris comme la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers. En tout cas, la différenciation n’est pas de l’individualisation[42].
Cette idée d’une définition peu claire, voire polysémique, de la différenciation pédagogique est confirmée par les réponses à la question concernant ses destinataires. Ainsi, elle s’adresse :
- pour 85 % des enseignants aux élèves à besoins éducatifs particuliers,
- pour quasiment 95 % des répondants aux élèves en difficulté scolaire,
- et pour seulement 67 % aux bons élèves.
Alors même que la différenciation pédagogique est destinée à tous les élèves, cela ne transparait pas dans ce recueil puisque les bons élèves ne sont pas toujours pris en compte.
Enfin, la temporalité de la pratique de la différenciation montre sa mise en œuvre partielle. En effet, alors que quasiment tous les enseignants la pratiquant, le font pendant la séquence,
- ils sont seulement 28 % à la mettre en œuvre avant l’enseignement de la notion,
- plus d’un tiers le fait après (peut-être, pour certains, au moment de l’évaluation),
- seuls 16 % des enseignants la pratiquent avant, pendant et après la séquence.
Deux obstacles majeurs à la mise en œuvre de la différenciation pédagogique émergent après analyse du questionnaire :
- La gestion du groupe classe (nombre d’élèves) est un obstacle cité par 90 % des enseignants ayant répondu au recueil,
- Environ deux tiers dénoncent son caractère chronophage tant au moment de la préparation des cours qu’au moment de son application en classe.
20 % seulement des professeurs estiment qu’ils manquent de connaissances et/ou de formation sur la différenciation pédagogique alors même que les constats effectués ci-dessus permettent de considérer que ce concept est assez mal maîtrisé.
Une liste de modalités ou de dispositifs de mise en œuvre de la différenciation[43] a été proposée, afin de percevoir le ressenti des enseignants et de mesurer :
- si la mise en œuvre de certaines modalités apparait comme facile ou, au contraire comme difficile voire impossible,
- s’il y a consensus entre les enseignants sur la mise en place de certaines modalités, ou au contraire dissensus.
L’intérêt de cette question est de pouvoir s’appuyer, en premier lieu, en formation, sur les dispositifs (plutôt) faciles à mettre en œuvre, afin de rester dans la zone proximale de développement[44] des formés, ne pas les heurter et donc limiter les résistances pour, ensuite, s’attacher à la présentation de dispositifs jugés plus difficiles à pratiquer et ainsi engager le changement.
Nous venons de voir que, même si la différenciation pédagogique est peu pratiquée en France, les enseignants sont préoccupés par la réussite de tous les élèves. Nous avons également appris que le processus du changement doit être accompagné du modèle des phases de préoccupations pour mieux prendre en compte les destinataires du changement. Enfin, l’analyse du recueil de données a fait émerger l’idée que les enseignants ont une idée assez floue du concept de différenciation pédagogique et que de nombreux obstacles freinent sa mise en œuvre. Reste à réfléchir à quelle formation organiser pour mener au changement.
3 Quelle formation mettre en œuvre sur la différenciation pédagogique, afin de favoriser le changement ?
3.1 Quels sont mes principaux points d’appui ?
3.1.1 Des documents cadres.
Le premier document cadre est le référentiel de compétences du formateur de personnels enseignants et éducatifs, paru au BO n°30 du 23 juillet 2015, qui détaille, notamment, les quatre domaines de compétences du formateur (penser-concevoir-élaborer, mettre en œuvre-animer, accompagner l’individu et le collectif, observer-analyser-évaluer).
De plus, les formations doivent faire partie du PrAF (Programme Académique de Formation) mis en œuvre par l’EAFC (École Académique de la Formation Continue) [45], qui propose des formations aux agents de l’Académie. Celles-ci doivent s’inscrire à la fois :
- dans le schéma directeur de la formation continue des personnels du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports - 2022-2025 (circulaire du 11-2-2022) qui s’articule autour de six axes. Le second axe s’intitule : « Accompagner et former les équipes pédagogiques et éducatives afin de perfectionner les pratiques professionnelles et de favoriser la réussite scolaire de tous ainsi que l'éducation tout au long de la vie ». La priorité II.2, qui s’y réfère, « développer des pratiques pédagogiques au service des apprentissages de tous les élèves », comprend « la différenciation pédagogique », ce qui rend ma proposition de formation opportune,
- dans le projet académique 2022-2026 dont l’ambition 2 « des parcours d’apprentissage continus et progressifs de l’école maternelle jusqu’à la fin du lycée » comprend comme « objectif 4 – Accompagner le parcours scolaire en encourageant l’excellence de chacun et en portant une attention particulière aux élèves les plus fragiles ». La différenciation pédagogique s’inscrit donc dans cet objectif.
Il existe d’autres documents comme le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation ou encore le référentiel pour l’éducation prioritaire.
3.1.2 Des outils incontournables.
Le centre Alain Savary (2017) propose une étoile[46] indiquant « cinq directions [à suivre] pour la formation et l’accompagnement des équipes : [il s’agit de] faire connaitre le prescrit, lire ensemble le réel, partager les références, oser les outils et accompagner dans la durée ». Il fait également un « tour d’horizon des points de vigilance pour le formateur ».
Les outils d’analyse de la pratique enseignante sont également des supports incontournables. Ainsi le modèle du multi-agenda de Bucheton et Soulé (2009) est un outil qui permet d’appréhender le travail enseignant dans sa complexité : ce dernier est composé de cinq grandes préoccupations (le pilotage, l’atmosphère, le tissage, l’étayage et le savoir) enchâssées et orientées vers ce que l’enseignant doit faire[47]. Ces cinq invariants constituent le substrat des gestes professionnels enseignants. Ces postures enseignantes favorisent la mise en œuvre de postures variées chez les élèves. Goigoux (2021) propose d’analyser la pratique enseignante selon cinq focales : la planification de l’enseignement qui est centrale, la régulation des interactions en classe, la motivation, l’explicitation et la différenciation.
Les recommandations du jury de la conférence de consensus du Cnesco (2017b, p. 22) sont également utiles. Y sont énoncés trois conseils permettant de rendre efficace la formation des enseignants dans le domaine de la différenciation pédagogique :
- « Développer localement, par la formation, une culture professionnelle collective » : cette formation doit, de préférence, se dérouler en équipe, se tenir, en priorité, sur le lieu d’exercice des enseignants et être mise en œuvre sur un temps long. La différenciation doit être intégrée de façon transversale aux contenus de formation.
- « Former efficacement les enseignants, dès la formation initiale […], à ce qui peut faire obstacle aux apprentissages des élèves » : il est donc conseillé d’observer des élèves au travail, de s’entretenir avec eux et d’étudier leurs productions.
- « Concevoir une formation fondée sur des expériences vécues par les enseignants » leur permettant de comprendre les intérêts et limites des pédagogies mises en œuvre en classe, de profiter de la richesse des préparations communes de séances d’enseignement et de revenir sur leurs expériences.
3.1.3 Deux expériences significatives et échanges entre pairs.
Formations DJ 1 dans le cadre du Plan laïcité[48] à destination d’un public désigné et mises en œuvre dans plusieurs collèges.
Cette demi-journée s’inscrivait dans le plan national de formation des personnels à la laïcité et aux valeurs de la République. Le process de formation a été réalisé par l’Équipe Académique Valeurs de la République (EAVR), livré « clé en main » et présenté lors d’une journée de formation. Cela ne signifie pas pour autant que l’animer allait de soi car le travail d’appropriation fut assez long. Je l’ai co-animée à plusieurs reprises avec un infirmier scolaire et nous avons dû porter une attention particulière au contexte propre à chaque établissement, car la conseillère territoriale en ingénierie de formation avait évoqué des tensions dans certains établissements ainsi qu’une possible résistance voire de l’opposition. Pour les limiter, nous avons discuté, en amont, avec les personnels de direction pour choisir les techniques d’animation et d’organisation les plus opportunes. Nous avons également veillé à installer un environnement bienveillant favorisant échanges et questionnements tout au long de la formation et ce, dès l’accueil des formés : nous les avons observés et avons échangé avec eux pour déceler leur potentielle résistance et leurs attentes. C’est l’ouverture de la formation par une explicitation claire de ses enjeux ainsi que la mise en œuvre d’une activité introductive qui ont facilité l’enrôlement de la quasi-totalité des formés. Nous aurions pu mettre en place une évaluation à chaud des formés afin de réajuster la formation en vue des suivantes.
Formation Maitrise de la Langue à destination des Professeurs Fonctionnaires Stagiaires (PFS) d’histoire-géographie de l’académie.
J’ai co-conçu le process de cette formation ex nihilo avec une formatrice académique, à la demande des IA-IPR d’histoire-géographie. Nous l’avons élaboré pendant une journée en présentiel puis nous l’avons affiné en distanciel, en « visio », en utilisant l’espace collaboratif Tribu et en nous répartissant les tâches.
Cette formation a été déployée en deux temps : ma collègue a animé une première journée à destination des PFS du nord de l’académie, puis j’ai animé la journée à destination des PFS du sud de l’académie, la semaine suivante. Cela nous a permis de réajuster le process d’une journée à l’autre, notamment une activité d’accroche trop chronophage en début d’après-midi. S’agissant d’une journée de formation initiale à destination d’un public de jeunes enseignants débutants, il a fallu prendre le temps, notamment en début de formation, d’échanger avec eux pour mieux les connaitre et essayer de lever leurs freins (peur de mal faire, peur du jugement, fatigue due à une année charnière…) pour qu’ils puissent s’investir, faire part de leurs questions et de leurs doutes, échanger sur leurs pratiques…
3.2 Ébauche d’un process.
3.2.1 Fiche préparatoire.
L’intitulé de la formation serait : « Faire progresser tous les élèves en tenant compte de leur diversité : l’exemple de la maitrise de la langue ».
Le public concerné pourrait être les personnels enseignants volontaires d’un ou plusieurs établissements dans le cadre d’une Formation d’Initiative Locale (FIL). S’il s’agit d’un public désigné, la résistance risque d’être plus prégnante et sera à bien considérer.
Les constats motivant la mise en œuvre de cette formation concernant le volet « l’exemple de la maitrise de la langue » seraient les suivants :
- Les résultats de l’enquête PISA 2022 ont montré que les résultats de la France en compréhension de l’écrit ont subi une baisse importante par rapport à 2018 (19 points). Cette baisse est plus importante en France qu’en moyenne dans l’OCDE (11 points). De plus, depuis 2000, le nombre d’élèves dans les niveaux bas a augmenté tandis que le nombre d’élèves dans les niveaux hauts a diminué (Bret et al., 2023, pp. 3-4). Il est tout à fait possible de s’appuyer également sur les résultats des évaluations nationales de français en classes de sixième et de quatrième afin d’être au plus proche de la réalité, sans pour autant être dans le jugement si les résultats sont inférieurs à la moyenne académique.
- La maitrise de la langue est omniprésente dans le socle commun de connaissances, compétences et de culture et concerne toutes les matières. Il est à noter qu’une refonte du socle est prévue pour la rentrée 2025. Il sera resserré autour de quatre grandes familles de compétences dont « les compétences en français travaillées dans toutes les disciplines » (Éducation.gouv.fr, 2023). La maitrise de la langue est, de toute façon, travaillée tout au long de la scolarité de l’élève.
- Il s’agit d’un thème transversal qui favorise la mise en œuvre de la différenciation pédagogique et l’engagement de chaque enseignant.
Les constats motivant la mise en œuvre de cette formation concernant le volet « faire progresser tous les élèves en tenant compte de leur diversité » seraient les suivants :
- Les classes sont hétérogènes et les élèves en difficulté d’apprentissage sont souvent démobilisés : leur engagement dans les taches proposées est souvent superficiel. Les bons ou très bons élèves peuvent, au contraire, s’ennuyer.
- Les enseignants ressentent les classes comme de plus en plus hétérogènes, notamment par le fait que l’école accueille de plus en plus d’élèves à besoins éducatifs particuliers. De plus, le fossé entre bons, très bons élèves et les élèves en difficulté semble se creuser.
- Les effectifs chargés des classes constituent, pour les enseignants, une difficulté supplémentaire dans la prise en charge de l’hétérogénéité.
Les compétences professionnelles visées d’après le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation seraient les suivantes :
- C 3 : connaitre les élèves et les processus d’apprentissage
- C 4 : prendre en compte la diversité des élèves
- C 5 : accompagner les élèves dans leur parcours de formation (maitrise du socle commun de connaissances, compétences et de culture)
- C 6 : agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques.
- C 10 : coopérer au sein d’une équipe.
Objectifs visés :
- Faire prendre conscience que la maitrise de la langue est mise en œuvre, travaillée et évaluée dans toutes les disciplines.
- Faire prendre conscience que la différenciation pédagogique est un moyen de prendre en compte l’hétérogénéité des élèves.
- Faire prendre conscience de la nécessité d’un travail collectif pour travailler la maitrise de la langue et mettre en œuvre la différenciation pédagogique.
Intervenants pressentis : formateurs de plusieurs champs disciplinaires.
3.2.2 Déroulement de la formation.
Comme il s’agirait d’une FIL, cette formation se déroulerait sur deux journées. Il s’agit d’une ébauche de process qu’il faudra préciser et adapter, notamment en fonction du contexte de l’établissement et du nombre de stagiaires. Deux Digipad, murs participatifs conformes au RGPD, seraient réalisés pour accompagner les formés. Le thème de la première journée serait « Mettre en œuvre la maitrise de la langue au sein de l’établissement »[49].
En amont, une évaluation diagnostique serait réalisée par le biais d’un questionnaire en ligne portant sur la maitrise de la langue : les formés auraient, par exemple, à choisir une définition de la « maitrise de la langue » parmi plusieurs propositions et à décrire brièvement un (ou deux) exemple(s) de sa mise en œuvre en classe, dans une question ouverte.
Une seconde journée aurait pour thème « la différenciation pédagogique : pour une meilleure prise en charge de l’hétérogénéité des élèves dans le cadre de la maitrise de la langue ».
Entre les deux journées de formation, les enseignants auraient mis en place des activités pour travailler plus spécifiquement la maitrise de la langue en classe. L’objectif serait donc que ces activités et les productions des élèves servent de support à cette seconde journée. Le travail de la seconde journée privilégierait le travail en équipe disciplinaire, plus opportun.
En amont, une évaluation diagnostique serait réalisée par le biais d’un questionnaire en ligne dans le but de mieux connaitre ce que chaque formé entend par « hétérogénéité ». Des questions à choix multiples permettraient aussi d’évaluer la connaissance qu’ont les formés de la différenciation pédagogique (définition, but, destinataire, temporalité) et d’identifier les obstacles à sa mise en place. Des questions porteraient aussi sur l’évaluation (choix, parmi une liste de mots, de ceux qui correspondent le mieux à évaluation…).
Organiser cette FIL sur deux journées permettrait donc de créer une dynamique d’équipe autour de la maitrise de la langue et favoriserait ensuite un travail autour de la différenciation pédagogique. Comme le travail réalisé entre les deux formations servirait de support à la seconde journée, cela favoriserait un accompagnement individuel et collectif sur le long terme. Cela pourrait se poursuivre avec une formation portant sur les travaux en groupes des élèves.
Ces deux journées pourraient également être à destination des PFS, dans le cadre de la formation initiale, ou des NT, dans le cadre de la formation continuée, conformément aux recommandations de la conférence de consensus du Cnesco (2017b, p. 22).
Conclusion et perspectives.
Si l’on considère les résultats des enquêtes internationales, il apparait que la différenciation pédagogique est peu mise en œuvre en France par les enseignants du second degré. Cependant, il existe un point d’appui laissant entrevoir une évolution possible : la réussite de tous les élèves constitue une préoccupation majeure des enseignants, même si - et cela doit être pris en compte lors d’une formation - la mise en œuvre de pratiques permettant la prise en charge de l’hétérogénéité des élèves est plutôt considérée comme difficilement faisable. Là encore, il s’agit de nuancer le propos puisque ce n’est pas la nature des pratiques professionnelles qui différencie les enseignants mais la fréquence de leur réalisation : elles varient en fonction du profil de la classe et de l’enseignant.
Ce qui rend difficile la mise en œuvre de la différenciation pédagogique, c’est tout d’abord son contour flou et ce, même si le Cnesco a joué un rôle important dans sa délimitation. Les réponses au recueil de données ont montré que le concept n’est pas précisément maitrisé. Une fois ce premier obstacle identifié, il est indispensable de comprendre que différencier sous-tend l’adhésion à une certaine éthique philosophique puisqu’il faut souscrire au « postulat d’éducabilité », considérer l’hétérogénéité comme une plus-value et viser l’excellence plutôt que l’élitisme, ce qui peut aussi constituer un frein. Enfin, sa mise en œuvre ne se fait pas sans effort : il s’agit de la planifier, d’être conscient de ses controverses ainsi que de mettre en place des modalités et des dispositifs qui peuvent éloigner les enseignants de leur ZPD et nécessiter des postures, comme le lâcher-prise, parfois difficiles à mobiliser. En tout cas, l’analyse du recueil montre que certaines modalités ne vont pas de soi.
Au début de ma réflexion, je suis partie du postulat que tous ces obstacles pouvaient mener à de la résistance au changement, qui peut s’exprimer pendant une formation et aboutir à un refus de modifier les pratiques. C’est donc ce concept que j’ai aussi voulu interroger dans ce mémoire. Mon idée initiale était de savoir comment y faire face. Puis, je me suis rendue compte qu’il existait, en réalité, un panel de réactions face au changement et surtout que ces réactions n’étaient pas figées. J’ai alors pris conscience qu’il était important de connaitre les étapes du processus du changement, les phases de préoccupations traversées par le destinataire afin de l’accompagner au mieux. Les travaux de Paul sur l’accompagnement pourraient compléter cette réflexion.
La formation que j’ai imaginée n’a jamais été mise en œuvre. Je me suis, entre autres, appuyée sur mes expériences passées et le référentiel de compétences professionnelles du formateur pour en concevoir une ébauche. L’idéal serait de pouvoir la mettre en œuvre au cours d’une FIL sur deux journées (s’en tenir à la seconde journée est néanmoins possible). Des modifications sont nécessaires pour adapter la formation au contexte du lieu de formation et aux formés. Il me parait aussi opportun de favoriser des échanges de pratiques avec des enseignants du premier degré qui mettent plus en œuvre la différenciation pédagogique dans le cadre quotidien de la classe mais aussi, pour certains, à l’occasion des constellations.
Enfin, des questions restent en suspens et mériteraient d’être approfondies, notamment en ce qui concerne les travaux en groupes. Comment le travail coopératif peut-il renforcer l’efficacité de l’apprentissage des élèves ? Comment faciliter la mobilisation des postures enseignantes afférentes ? Comment aménager la classe ? Les travaux de Buchs pourraient servir de support. De ces interrogations émerge également un questionnement sur les classes flexibles dont beaucoup d’aménagements ont été financés lors de projets NEFLE (Notre école, faisons-la ensemble) et qui ont été au cœur d’un des axes thématiques (« inventer une nouvelle forme scolaire ») de la journée de l’innovation 2023.
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Zakhartchouk, J.-M. (2021). Enseigner en classes hétérogènes (4e éd.). ESF Sciences humaines.
Liste des annexes
Annexe A. Évolution des taux de redoublement en France depuis 1970. I
Annexe B. L’enseignement à des élèves ayant des niveaux et des besoins éducatifs différents. II
Annexe C. Les trois dimensions de la différenciation pédagogique. III
Annexe E. Évaluation formative et différenciation pédagogique. V
Annexe H. Les comportements face au changement VIII
Annexe J. Questionnaire préalable au recueil de données. X
Annexe N. Les postures d’étayage : une organisation modulaire de gestes et leurs visées. XVI
Annexe O. Hypothèse de l’ajustement réciproque des postures des enseignants et des élèves. XVII
Annexe R. Cinq directions pour la formation et l’accompagnement des équipes. XX
Annexe S. Un multi-agenda de préoccupations enchâssées. XXI
Annexe A. Évolution des taux de redoublement en France depuis 1970.
Source : Cnesco, 2014, p. 8.
Annexe B. L’enseignement à des élèves ayant des niveaux et des besoins éducatifs différents.
Résultats provenant des réponses des enseignants et des chefs d’établissement du premier cycle secondaire.
Source : OCDE, 2019, p. 6.
Annexe C. Les trois dimensions de la différenciation pédagogique.
Le schéma de Oaksford et Jones présente les trois dimensions de la différenciation pédagogique : content, process et product. On peut, en suivant Tomlinson, ajouter une quatrième dimension : différencier les environnements affectifs et physiques, qui consiste, par exemple, à jouer sur l’aménagement de la classe.
Annexe D. Des pistes de différenciation en fonction du profil des élèves pour le même apprentissage visé proposé par André Tricot.
Source : Tricot, 2017, p. 162.
Annexe E. Évaluation formative et différenciation pédagogique.
Annexe F. Comparaison des scores de fréquence, de faisabilité et de priorité relatifs à chaque dimension évaluée par l’enquête EPODE (2018).
Source : Benhaïm-Grosse et al., 2020, p. 2.
Annexe G. Le score de fréquence relatif à chaque dimension selon le groupe d’enseignants (EPODE, 2018)
Annexe H. Les comportements face au changement.
Annexe I. Pour progresser dans le changement : les phases de préoccupations, les expressions courantes, les priorités de gestion et les actions adaptatives.
Annexe J. Questionnaire préalable au recueil de données.
Annexe K. La pratique de la différenciation pédagogique par les enseignants d’éducation prioritaire et hors éducation prioritaire, d’après le recueil de données.
Annexe L. La pratique de la différenciation pédagogique selon le niveau d’enseignement, d’après le recueil de données.
Annexe M. La pratique de la différenciation pédagogique selon l’ancienneté des enseignants, d’après le recueil de données.
Annexe N. Les postures d’étayage : une organisation modulaire de gestes et leurs visées.
Annexe O. Hypothèse de l’ajustement réciproque des postures des enseignants et des élèves.
Annexe P. La pratique de la différenciation pédagogique selon le champ disciplinaire, d’après le recueil de données.
Annexe Q. La mise en œuvre des modalités de la différenciation pédagogique, selon le recueil de données.
Annexe R. Cinq directions pour la formation et l’accompagnement des équipes.
Annexe S. Un multi-agenda de préoccupations enchâssées.
[1] Qu’il s’agisse d’ailleurs des collègues de mon établissement de rattachement ou de ceux où j’effectue des compléments de service.
[2] Cette formation continuée renforcée pour les néo-titulaires est présentée comme un projet innovant qui a « pour objectif le développement et l’épanouissement professionnel des enseignants durant les trois premières années de leur entrée dans le métier. Elle vise à renforcer les liens entre la formation initiale et continue en adoptant des principes mis en œuvre depuis septembre 2019 pour mieux tenir compte des besoins spécifiques des enseignants ayant moins de trois ans d’ancienneté » (Cnesco, 2021, p. 35).
[3] Depuis l'ordonnance n°59-45 du 6 janvier 1959 (réforme Berthoin), la scolarité obligatoire est prolongée jusqu'à l'âge de 16 ans révolus. Cette mesure prend effet à partir de 1967.
[4] En plus de prolonger l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans, la réforme Berthoin (1959) généralise l’entrée en sixième. Le décret Capelle (1963) institue les collèges d’enseignement secondaire.
[6] Loi d'orientation sur l'éducation (n°89-486 du 10 juillet 1989).
[7] Pour l’OCDE, « l’équité en éducation signifie que le système éducatif fournit les mêmes chances d’apprendre à tous les élèves. Par équité, on n’entend pas l’obtention des mêmes résultats éducatifs par tous les élèves, mais plutôt l’absence de lien entre les différences de résultats entre les élèves et le milieu dont ils sont issus ou les facteurs économiques et sociaux sur lesquels ils ne peuvent exercer aucun contrôle. En éducation, l’équité signifie que des élèves issus de milieux socio-économiques différents atteignent des niveaux similaires de performance scolaire et de bien-être social et affectif, et ont la même probabilité d’obtenir un diplôme de l’enseignement post-secondaire » (2018, p. 1).
[8] Sont considérés comme élèves à besoins éducatifs particuliers (EBEP) les élèves pour lesquels une adaptation de la scolarité est nécessaire. Il s’agit des élèves en situation de handicap, les élèves allophones nouvellement arrivés (EANA), les élèves issus de familles itinérantes ou de voyageurs (EFIV), les élèves à haut potentiel (EHP), les élèves atteints de troubles de la santé évoluant sur une longue période…
[9] C’est en 2013 que « la DEPP [la France] participe pour la première fois à l’enquête TALIS (Teaching and Learning International Survey) menée par l’OCDE, dans le second degré. Cette enquête a pour objectif de recueillir les données sur l’environnement pédagogique et les conditions de travail des enseignants dans les collèges de nombreux pays » (Bocognano, 2021, p. 13). Elle a été créée en 2008.
[11] Charpentier et Solnon (2019) précisent qu’il est important de croiser les déclarations des enseignants avec celles des chefs d’établissement car les données TALIS impliquent une part de subjectivité. Ainsi, comme « 63 % des principaux interrogés en France soulignent également le manque d’enseignants compétents dans la prise en charge d’élèves ayant des besoins particuliers dus à des difficultés socio-économiques, contre seulement 24 % pour la moyenne européenne » (p. 3), cela conforterait l’idée d’une formation incomplète des enseignants dans ce domaine.
[12] L’hétérogénéité est ce « qui est hétérogène, hétéroclite, composite » (Larousse en ligne, s.d.). Est hétérogène ce « qui manque d’unité, qui est composé d’éléments de nature différente » (Larousse en ligne, s.d.).
[13] Dans ce cas, il s’agit de différenciation structurelle : celle-ci est mise en place par les autorités éducatives et consiste à regrouper les élèves, de manière pérenne, en fonction de leurs aptitudes. Elle peut être verticale (redoublement, saut de classe) ou horizontale (filières, enseignement spécialisé). Trop rigide, cette différenciation apparait également stigmatisante et désocialisante, selon Lafontaine (2017, pp. 14-15). Ce n’est pas cette forme de différenciation qui nous intéresse ici.
[14] L’hétérogénéité socio-culturelle peut induire un fossé entre le langage de l’école et celui des élèves ainsi que des conflits entre les valeurs transmises par l’école et celles de la maison (Przesmycki, 2004, p. 77-78). On peut rapprocher cela d’une conception qualitative des différences (Campanale, 2005, p. 2).
[15] Il s’agit d’un article publié initialement dans Astolfi, J.-P. (1989, octobre). Pédagogie différenciée. Cahiers pédagogiques, 277, pp. 24-26.
[16] Nous n’évoquerons pas ici la « préhistoire de la différenciation » (Meirieu, 1996, p. 6) qui remonte au début du XXè siècle et recouvre de multiples tentatives tant dans le monde francophone qu’outre-Atlantique.
[17] Forget (2017a) note que « sans une définition précise et partagée (par la communauté scientifique) des différentes formes de différenciation pédagogique mobilisables en classe, il s’avère difficile de rassembler des éléments scientifiques utiles pour en documenter la mise en œuvre concrète et en tester l’efficacité effective » (p. 8).
[18] « Le Cnesco analyse et accompagne des politiques et pratiques éducatives. Il vise à améliorer la connaissance des systèmes scolaires français et étrangers afin de créer des dynamiques de changement dans l’école, au profit de la réussite de tous les élèves ». En 2017, il a organisé une conférence de consensus sur la différenciation pédagogique, qui a donné lieu à plusieurs publications (ressources scientifiques, recommandations…).
[19] Pour voir le schéma des trois dimensions de la différenciation pédagogique : voir Annexe C.
[20] Il s’agit d’un article publié initialement dans Astolfi, J.-P. (1997, octobre-novembre). Retour sur la pédagogie différenciée. Cahiers pédagogiques, supplément n° 3, pp. 3-4.
[21] Les travaux de Nunziati (1990) apportent une contribution très importante au concept d’évaluation formatrice.
[22] Il s’agit d’un article publié initialement dans Astolfi, J.-P. (1991, septembre). Raisonner. Cahiers pédagogiques, 296, pp. 58-60.
[23] Pour voir les propositions concrètes de Tricot (2017), voir Annexe D.
[24] Rochex (2013) précise qu’elle était appelée par Bourdieu et Passeron « pédagogie de l’abstention pédagogique (ou "pédagogie invisible" selon le terme utilisé par Basil Bernstein) » (p. 37).
[25] Baluteau (2014, pp. 55-56) étudie la différenciation pédagogique du point de vue du curriculum. Il montre que l’adaptation de ce dernier par les enseignants en fonction du public d’élèves entraine une différenciation active : les « bons élèves » issus d’un milieu favorisé sont préparés à la réussite scolaire et aux études supérieures contrairement aux élèves défavorisés socialement pour qui les ambitions cognitives sont réduites.
[26] Pour voir un exemple de planification d’une séquence d’enseignement : voir Annexe E.
[27] Pour réaliser cette modélisation, Forget et Lehraus (2015) se sont basées sur une large revue de littérature du champ et ont procédé, en 2012, à un recueil de données auprès d’enseignants vaudois du primaire et du secondaire d’un même établissement. Après traitement des données du recueil, elles ont conclu qu’aucun témoignage issu du secondaire ne mentionnait de pratiques de différenciation en amont de l’enseignement d’une notion. En effet, 61,5% des enseignants différencient pendant l’enseignement de la notion, les autres le font après.
[28] Bocognano (2021, p. 16) précise que, dans la mesure où l’enquête TALIS repose sur un questionnaire de 45 minutes couvrant de nombreuses thématiques dépassant les seules pratiques de classe puisqu’elles sont liées à l’exercice du métier en général, la DEPP a jugé opportun de créer deux enquêtes centrées sur les pratiques des enseignants français : EPODE et PRAESCO (PRAtiques d’Enseignement Spécifiques aux Contenus). Cette dernière concerne les pratiques des professeurs de CM2 et de 3e en mathématiques et en français.
[29] « Les taux de participation à l’enquête EPODE 2018 ont été de 77 % à l’école et 69 % au collège. Ces taux ont permis d’obtenir des données de qualité et des résultats robustes » (Éducation.gouv.fr, 2022).
[30] Ce terme « résistance » est préféré au terme « réticence ». Bien qu’utilisé couramment, il « n’est pas reconnu dans la documentation scientifique » (Bareil, 2004, p. 4).
[31] Il s’agit d’un article de Coch et French, paru dans la revue Human Relations, qui s’intitulait « Overcoming resistance to change » (Bareil, 2004, p. 2).
[32] Soparnot (2013, p. 26-27) reprend un tableau de Bareil qui confirme la multiplicité des comportements face au changement : voir Annexe H.
[33] « Le concept de préoccupation (ou d’inquiétude) réfère à un construit cognitivo-affectif qui exprime une réalité émotionnelle vécue et un état inassouvi de l’esprit qui est orienté vers un objet » (Bareil, 2008, p. 92).
[34] Un pattern est un « modèle spécifique représentant d’une façon schématique la structure d’un comportement individuel ou collectif (Larousse en ligne, s.d.). Ici, on parlera d’inconfort causé par un pattern situationnel si cet inconfort est attribuable au type de changement alors qu’on parlera d’inconfort causé par un pattern dispositionnel s’il est imputable à l’individu ou au groupe.
[35] Lien vers le recueil de données en ligne ou voir Annexe J.
[36]36 % des enseignants en éducation prioritaire déclarent la pratiquer souvent contre 25 % hors éducation prioritaire : voir Annexe K.
[37] 18 % des enseignants de lycée déclarent ne jamais mettre en place la différenciation pédagogique contre 5 % des professeurs de collège. Un tiers de ces derniers déclarent la pratiquer souvent contre 16 % des professeurs de lycée. Voir Annexe L.
[39] Bucheton et Soulé (2009, p. 40) dressent un inventaire des postures d’étayage adoptées par les enseignants. Voir Annexe N.
[40] Bucheton et Soulé (2009, p. 39) ont identifié un jeu possible de 6 postures chez les élèves : réflexive, première, ludique/créative, scolaire, de refus, dogmatique. Voir Annexe O.
[41] N’ont été pris en compte que les champs disciplinaires ayant reçu moins de 10 réponses (arts, documentation-EMI, EPS, SES), trop peu représentatifs. Chaque autre champ (histoire-géographie, langues vivantes, lettres et philosophie, mathématiques, sciences et technologie) a reçu entre 28 et 42 contributions. Voir Annexe P.
[42] « Même s’il n’y a pas de différenciation sans gestion plus individualisée des processus d’apprentissage, cela ne signifie pas que les élèves travaillent seuls ou face au maître seulement » (Perrenoud, cité dans Connac, 2021, pp. 8-9).
[43] Les dispositifs choisis reprennent, en grande partie, ceux énoncés par le Cnesco (2017a, pp. 10-11), Annexe Q.
[44] Concept issu du travail de Vygotski, la Zone Proximale de Développement (ZPD) se situe entre la zone d’autonomie et la zone de rupture. Elle se définit comme la zone où une personne est capable d’exécuter une tâche à l’aide de ressources comme ses connaissances antérieures, l’interaction avec ses pairs et le soutien du formateur.
[45] L’EAFC de l’académie de Reims a été inaugurée par le Recteur Olivier Brandouy le 14 octobre 2022. Elle a pour rôle de faciliter l’accès à la formation continue des agents de l’Académie de Reims comme les professeurs (1er et 2nd degrés, néo-titulaires, contractuels) et les autres personnels d’éducation (CPE, AED, AESH).
[46] L’étoile des cinq directions, voir Annexe R.
[47] Pour voir le multi-agenda de préoccupations enchâssées, voir Annexe S.
[48] Le Plan laïcité se décline sur trois années, à raison d’une demi-journée par an, à destination des différents personnels de chaque établissement scolaire. La DJ 1 (demi-journée 1) avait pour thème « formation au principe de laïcité et aux valeurs de la République ». Elle a eu lieu en 2022-2023.
[49] L’ébauche de process de la première journée s’inspire d’une formation co-conçue avec Fabienne Dherse, formatrice académique, dont le thème était la maitrise de la langue en histoire-géographie.
[50] Kervyn, maitresse de conférences en didactique du français, a animé une conférence sur le thème « former à l’enseignement de l’écriture » qui pourrait servir de support (Centre Alain Savary, 2019, février).
[51] Plane, professeure émérite de Sciences du langage, a présenté l’oral comme « un objet multidimensionnel » lors d’une conférence qui pourrait aussi servir de support (Centre Alain Savary, 2019, juillet).
[52] Il est alors possible de s’appuyer sur les travaux de Jorro (2000, p. 67).
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