Le développement des formations en ligne favorise-t-il l’autoformation des apprenants ?
Remerciements :
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Je tiens particulièrement à remercier M.Perlot, mon tuteur de Mémoire, pour tout le soutien apporté tout au long de ce travail: de la recherche de la problématique jusqu'à l'analyse des réponses. Son expertise m'aura permis de développer une analyse plus fine, d'élargir mes connaissances et mes compétences pour mener un travail de recherche. J'ai beaucoup appris à ses côtés, et les échanges que nous avons eus au cours de cette année ont été très riches d'enseignement.
Je remercie également les collègues stagiaires qui ont pris du temps pour répondre au questionnaire, mais aussi pour s'être montrés disponibles au cours des entretiens semi-directifs.
Enfin, je n'oublie pas ma famille, qui au quotidien, m'aura beaucoup soutenue, et sans qui, il m'aurait été impossible de finaliser ce travail.
A. Définition du contexte professionnel, questionnement professionnel
A. Formation continue, tout au long de sa vie, autoformation.
2. La formation tout au long de la vie
B. La formation à distance, et la formation en ligne
3. le développement des formations en ligne
D. Les motifs d'engagement en formation.
E. Hypothèses et objectifs de recherche
2. contexte des formations questionnées.
5. Evaluer les motifs d'engagement
6. Evaluer les intentions de poursuite en autoformation.
1. Caractéristiques des répondants
3. Intentions de continuer à se former sur le sujet
4. Au sujet des formations en ligne
H. Analyse des résultats bruts
1. Caractéristiques des répondants
3. Intentions de continuer à se former sur le sujet
4. Lien entre le motif d'engagement et la poursuite en autoformation.
III. Références bibliographiques
Annexe 2 : réponses au questionnaire
Annexe 3 : réponses au questionnaire
Annexe 4: analyse des motifs d'engagement en formation dans le cadran de Carré
Annexe 5 : GRILLE d'entretien semi directif
Annexe 6 : GRILLE d'entretien semi directif – Récoltes des réponses.
Résumé
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Dès les années 1990, " l'avènement des technologies de l'information et de la communication a bouleversé le monde de la formation à distance " écrivent Jacquot et Hoffmann (2021). Au cours de la période de crise Covid 19 (à partir de 2020) et le confinement qu'elle a généré, les acteurs de la formation professionnelle ont développé des offres de formation en ligne, et leur nombre s'est multiplié. Comme le souligne Bourdenet et al. (2019), ce développement s'est parfois fait de manière désordonnée, mais " leur intérêt est manifeste : accessibilité, mise à disposition de dispositifs variés."
Ainsi, dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes demandés dans quelle mesure le développement des formations en ligne favorisait l'autoformation des apprenants.
Nous avons restreint notre étude aux enseignants déjà inscrits en formation et avons questionné leurs intentions de poursuivre en autoformation.
Nous avons commencé par identifier les motifs d'engagement en formation tels que définis par Carré (1999) pour les mettre en relation avec les intentions de poursuite en autoformation. Nous avons ensuite cherché à comprendre dans quelle mesure la multiplication des formations en ligne pouvait favoriser ces intentions.
Mots clés : formation en ligne, motifs d’engagement, formation tout au long de sa vie, autoformation, autorégulation.
I. Introduction
La formation à distance n'est pas un concept nouveau et a beaucoup évolué au cours du temps. Les supports se sont transformés : du papier, vers les cassettes, la radio, en passant par l'ordinateur et le développement des technologies de l'information et de la communication, d'internet …. Les dispositifs définis par Linard
(1998) comme " une construction cognitive fonctionnelle, pratique et incarnée" ont beaucoup évolué : de la simple projection d'un dispositif présentiel, vers des dispositifs cherchant à exploiter pleinement les possibilités offertes par le numérique.
"L’enseignement à distance, enrichi par l’émergence des MOOC (Massive Online Open Course) et des SPOOC (Self-Paced Open Online Course), s’est accompagné d’un développement et d’une mise à disposition accrue de contenus et ressources numériques allant des manuels numériques aux scénarios pédagogiques hybrides en passant par les exercices autocorrectifs, les capsules vidéos et les encyclopédies participatives" expliquent Bourdenet et al. (2019).
La crise Covid 19, à partir de 2020, a accéléré le développement des formations à distance comme le montre le résultat d'une enquête publiée par le C2RP Carif-Oref[1].
Cette enquête, "menée auprès des établissements de formation et des CFA recensés par les Carif-Oref ou proposant des formations sur l’application "Mon compte formation" a été administrée entre le 7 avril et le 6 mai 2020" . "14 279 organismes de formation et CFA ont répondu (soit près de 2 organismes sur 5)".
Elle montre ainsi, qu'avant le 16 mars 2020, "51% des structures ne réalisaient aucune formation à distance". Alors qu'après le 16 mars 2020, le nombre de structure ayant basculé leur formation à moins de 25 % de formation à distance. (en partie ou en intégralité) tombent à 18%, toutes les autres ayant basculé vers les formations à distance à plus de 25%.
Tiré de : RCO_TDB Enquête FOAD by Réseau des Carif-Oref (RCO) – Région
Nous nous demandons finalement si cette multiplication de formations en ligne peut favoriser l'autoformation des apprenants, et dans quelles conditions.
Dans le cadre de ce mémoire, compte tenu du contexte, nous avons restreint cette problématique aux intentions de poursuivre en autoformation des enseignants.
Il s'agira dans un premier temps de définir différents concepts en lien avec la formation, et les formations en ligne.
Puis, d'étudier les motifs d'engagement dans une formation qui poussent un individu à se former pour analyser ensuite ses intentions de poursuite en autoformation.
Munis de ces réponses, nous pourrons questionner dans quelles mesures le développement de la multiplication de dispositifs en ligne pourrait encourager le développement de l'autoformation des apprenants.
I. Définition du contexte professionnel, questionnement professionnel
Après des études dans le domaine des sciences physiques à l'université, je me suis très rapidement tournée vers l'enseignement avec une profonde motivation. Accompagner les élèves, partager mes connaissances, les faire expérimenter, découvrir, se questionner, acquérir des compétences, leur donner le goût des sciences, m'intéressaient particulièrement. Ma formation initiale a été purement disciplinaire, et je dirais aujourd'hui que, depuis cette date-là (CAPES obtenu en 1997) je n'ai jamais cessé de me former professionnellement de manière ou d'une autre, variant les dispositifs, variant les publics, et prenant de plus en plus plaisir à former, à me former.
Petit à petit, en commençant par l'accompagnement de stagiaires à l'IUFM en tant que tutrice, j'ai basculé dans la formation et l'accompagnement d'enseignants. Mes premières animations de formation datent d'il y a une dizaine années, et je suis entrée dans ces nouvelles fonctions, finalement, de par mon expérience et mon investissement… en ayant développé bien d'autres compétences que celles issues de ma discipline d'origine. A partir de stages réalisés, je me suis toujours attachée à poursuivre les apprentissages, approfondir les contenus pour développer des compétences.
L'autoformation est un concept qui me semble fondamental, et sur lequel je m'interroge au cours des formations que j'anime maintenant, puisque, en fait, c'est grâce à cette autoformation que je me suis construite et que j'ai évolué professionnellement.
Les programmes scolaires sont souvent modifiés, les approches, les dispositifs évoluent rapidement (même parfois brutalement avec la fermeture des classes et le passage à l'enseignement à distance) et l'autoformation peut sembler fondamentale. Un stage de 12h, ou même de 18h permet-il aux collègues de faire évoluer leurs pratiques ?
La mise en ligne très nombreuse de formation pourrait-elle permettre à un enseignant de développer des compétences, être capable de s'adapter à des situations changeantes, de faire évoluer profondément ses pratiques ?
Le fait de pouvoir accéder facilement à ces formations en ligne suffit-il à ce que l'enseignant s'y engage, s'y investisse et développe des compétences ?
Ainsi, semble-t-il donc intéressant d'étudier le processus d'autoformation, en lien avec le développement du numérique.
Mais commençons tout d'abord par définir quelques termes, puis délimitons les attributs et les contours de l'autoformation.
II. Formation continue, tout au long de sa vie, autoformation.
Formation continue, formation tout au long de la vie, autoformation. Et si nous commencions par définir ces termes afin de bien délimiter notre sujet ?
Il semblerait dans un premier temps que ces différents concepts ne soient pas aussi simples à définir qu'il n'y paraît.
A. La formation continue
Perrenoud (1994) indique que " la formation continue est une auberge espagnole, une notion floue qu’on peut définir de mille façons et nommer aussi : formation continuée, formation permanente, recyclage, perfectionnement, développement professionnel, …, autant d’expressions dont le sens et les connotations diffèrent d’une organisation, d’une société, d’une aire linguistique, d’une époque à une autre."
Par cette définition, on comprend bien que le concept de formation continue n'est pas standardisé, et que chaque organisation pourra y projeter des finalités et des enjeux différents.
Pour la formation continue des enseignants, Tardy et al. (2018) la définissent comme " un ensemble de moyens, d’actions, de ressources à la disposition des enseignants". Elle leur permet d'enrichir leurs connaissances, d'acquérir de nouvelles compétences, jugées nécessaires à l’exercice du métier et destinées à répondre aux priorités fixées par l’institution, ou pouvant servir des objectifs personnels.
Cette définition me parait très importante dans la mesure où il apparaît clairement deux finalités : répondre aux priorités de l'institution, mais également servir des objectifs personnels.
De son côté, en 2018, l'Organisation de Coopération et de Développement Economique renvoie aussi bien vers une perspective de développement de connaissances et/ou des qualifications nouvelles dans le cadre d'un emploi à un instant donnée mais également dans celui d’un emploi futur. On ne parle plus de l'institution, ni d'objectifs personnels, la formation est plutôt centrée sur le cadre de l'emploi présent, ou futur.
Pour les enseignants, la formation continue y est présentée comme faisant partie intégrante de la professionnalisation du corps, car elle offre aux enseignants des possibilités de perfectionnement et d’amélioration tout au long de leur carrière (Guerriero, (2017)).
Par cette dernière définition, nous voyons apparaître en plus de la notion d'emploi et de développement personnel, la notion de durée.
Interrogeons-nous donc maintenant sur la formation au cours du temps, et voyons cette notion de "formation tout au long de la vie".
B. La formation tout au long de la vie
Selon l'article L. 6111-1 du code du travail en 2019, "la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d'acquérir et d'actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle."
D'une façon plus large, la Commission européenne du 21 novembre 2001 a défini pour notion d’éducation et de formation tout au long de la vie, "toute activité d’apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d’améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à l’emploi ".
Le Douaron (2002) précise "L’éducation et la formation tout au long de la vie reposent sur trois principes qui doivent guider l’amélioration des systèmes nationaux d’éducation et de formation : place centrale de l’apprenant, égalité des chances, pertinence et qualité de l’offre de formation."
Ainsi, que ce soit le concept de formation continue de Tardy (2018), de Guerriero (2017), ou de formation tout au long de la vie défini par le code du travail, on y retrouve des développements de connaissances et de compétences liées aussi bien à l'emploi qu'à la vie personnelle.
Ces concepts dessinent un continuum entre la formation initiale, générale ou professionnelle, et l’ensemble des situations où s’acquièrent des compétences, incluant toutes les démarches d'orientation, de bilan, de validation des acquis de l’expérience.
C. L'autoformation
En 1967, Tough publie une thèse intitulée" Learning without a teacher" et parle d'autoformation mettant en avant la notion de projet dans les apprentissages. Tremblay (2003) considère que cette thèse constitue le coup d'envoi de "l’étude systématique du domaine. " .
Depuis, différents courants se sont succédés sur le plan international, en particulier aux Etats Unis où le terme self-directed learning (apprentissage autodirigé) de Knowles désigne un mouvement d’études et de pratiques qui met l’accent sur la volonté d'un individu (le self) à assumer la responsabilité de ses apprentissages. Le concept d’apprentissage autodirigé est reconnu à la fois par la science et la pédagogie.
A partir des années 1980, les deux termes autoformation (en France) et apprentissage autodirigé (aux Etats Unis) s'imposent alors.
Selon Carré (1992) l'autoformation se définit « comme pratique autodidactique comme pédagogie individualisée, comme formation métacognitive, comme formation par l'expérience, comme organisation auto formatrice du travail, comme apprentissage autodirigé et comme auto-éducation permanente »
Selon Bonvalot, (1995) « s'autoformer, c'est se former soi-même, à partir de ses expériences appréhendées de manière critique. Ceci signifie d'abord qu'une telle formation n'est pas dirigée par un autre que le sujet qui se forme ; ensuite que la formation n'est pas laissée au hasard : c'est le sujet lui-même qui se forme. En ce sens, l'autoformation est l'inverse de l'hétéroformation. Dans un processus d'hétéroformation, l'élève n'est censé se former que dans la mesure où il se conforme aux intentions du maître. Il vise une forme, un modèle qui lui est prescrit de l'extérieur. L'autoformation, au contraire, est un processus finalisé, contrôlé, régulé par celui-là même qui se forme. »
A l'aide de ses deux propositions, nous pouvons voir que l'autoformation se distingue par le contrôle de celui qui se forme, par l'autonomie qu'il a à gérer ses formations, et à évoluer.
Pour aller plus loin, Carré (1992) cernent 5 grands courants dans une proposition qu’il nomme " La galaxie de l’autoformation". Les courants qu’il distingue sont :
1- L’autoformation intégrale (ou autodidaxie) : apprendre hors des systèmes d’éducation institués
2- L’autoformation existentielle : apprendre à être
3- L’autoformation sociale : apprendre dans et par le groupe social
4- L’autoformation éducative : apprendre dans des dispositifs ouverts de formation — incluant la formation en ligne — dans le cadre d’institutions éducatives
5- L’autoformation cognitive : « apprendre à apprendre »
Carré explique alors que : « D’un point de vue psychologique, l’apprentissage autodirigé demande, par-delà l’intention d’apprendre, l’exercice d’un contrôle proactif et métacognitif du processus d’apprentissage. La seule présence d’une intention est une condition nécessaire de l’apprentissage autodirigé, mais elle est loin d’être suffisante. »
Selon Jézégou (2008), " En Amérique du Nord, la théorie de l’apprentissage autodirigé et les travaux sur la formation à distance se sont développés en parallèle. Elle indique également que les "deux courants ont souvent fait référence l’un à l’autre sans vraiment s’articuler", car explique-t-elle, les travaux sur les formations à distance se sont centrés sur les "dispositifs (aspects organisationnels, pédagogiques ou encore technologiques) mettant ainsi en retrait d’autres travaux abordant les dimensions psychologiques de l’apprentissage autodirigé à distance"
Voyons ce que l'on entend maintenant par les formations à distance, en particulier les formations en ligne
III. La formation à distance, et la formation en ligne
A. Un ensemble de définition
Selon la circulaire DGEFP[2] n° 2001-22 du 20 juillet 2001, une “formation ouverte et/ou à distance” appelé également FOAD est un dispositif souple de formation organisé en fonction de besoins individuels ou collectifs (individus, entreprises, territoires). Elle comporte des apprentissages individualisés et l’accès à des ressources et compétences locales ou à distance. Elle n’est pas exécutée nécessairement sous le contrôle permanent d’un formateur."
Toujours selon cette circulaire, elle "concerne aussi bien l’enseignement par correspondance, les cours en ligne et plus récemment les MOOC (massive open online course), que ce soit de manière individuelle ou collective, sans faire de
distinction entre la formation initiale destinée aux étudiants traditionnels et la formation continue destinée à des « auditeurs » en activité professionnelle."
La formation par correspondance se distingue par le fait de recevoir des documents, sous différents supports.
Alors que selon la commission européenne (2001): "La formation « en ligne » dite « e-learning » est " l’utilisation des nouvelles technologies multimédias de l’Internet pour améliorer la qualité de l’apprentissage en facilitant d’une part l’accès à des ressources et à des services, d’autre part les échanges et la collaboration à distance".
Ainsi, la formation en ligne ou "e-learning», s’appuie sur "l'exploitation de beaucoup plus de ressources", disponibles "à l'aide des outils technologiques: sites web dédiés, les forums, les chats ou les visioconférences".
B. La formation en ligne
La formation en ligne, selon Baujard (2005), " se caractérise par un réseau qui met à jour, stocke, recherche, distribue et partage des informations, les rend accessibles aux salariés à partir de leur ordinateur ou en centre de ressources selon des technologies interactives (supports multimédia, cédéroms, DVD, groupware, intranet, vidéoconférences)."
Elle "dépasse les paradigmes traditionnels de l’apprentissage, par la disparition des unités de temps, de lieu et d’action entre les apprenants et les enseignants" (Favier, Kalika, Trahand, 2004), sans faire de distinction entre la formation initiale et la formation continue. Elle contribue ainsi à la formation tout au long de sa vie.
Comme le soulignent Jacquot et Hoffmann (2021), de part sa modalité, elle s'adresse à un grand nombre de personnes, quel que soit sa position géographique, sa position sociale, en activité ou pas, souffrant d'un handicap ou pas.
D'autre part, " l’utilisation qui en est faite devient de plus en plus user friendly et garantit la possibilité à tout un chacun, même non expert en informatique, d’utiliser ces ressources."
C. le développement des formations en ligne
D'après Bourdenet et al. (2019) : "L’enseignement à distance, enrichi par l’émergence des MOOC (Massive Online Open Course) et des SPOOC (Self-Paced Open Online Course), s’est accompagné d’un développement et d’une mise à disposition accrue de contenus et ressources numériques allant des manuels numériques aux scénarios pédagogiques hybrides en passant par les exercices autocorrectifs, les capsules vidéo et les encyclopédies participatives"
La période de crise Covid 19 à partir de 2020 et le confinement qu'elle a généré a accéléré le développement des formations en ligne, et l'on a ainsi vu se multiplier un certain nombre de plateforme numérique.
Des organismes comme le CNED (Centre National d'Enseignement à distance, depuis 2005 : organisme public d'enseignement à distance), des plateformes comme France Université Numérique (créé en 2013), le site de la FIED (Fédération Interuniversitaire de l'enseignement à distance, créée en 1987), celui de Campus France ("Se former en ligne ou à distance) existent déjà depuis de nombreuses années, et contribuent au développement de la formation en ligne. Aujourd'hui, nous trouvons une multitude d'offres de formation certifiante ou non, diplômante ou non qui participent à l'offre de formation tout au long de sa vie.
Jacquot et Hoffmann (2021) indiquent que "les méthodes d’enseigner, la manière d’apprendre, et de manière générale, l’offre et la demande de formation" ont été impactées.
La plateforme FUN MOOC annonce "en mars 2021, plus de 2,5 millions de personnes ont suscité près de 11 millions d'inscriptions à plus de 1800 sessions de cours en ligne diffusés !"
Ainsi, l'offre de formation en ligne est bien présente, mais est-elle suffisante pour conduire un individu vers l'autoformation ?
Si une intention de poursuite en autoformation est présente, cette multiplication de formation en ligne suffit-elle pour passer à l’action ?
Les attributs et les contours de l'autoformation et de la formation en ligne ayant été délimités, étudions maintenant les raisons pour lesquelles, comme le précise Philippe Carré, si l'intention est bien présente, elle peut ne pas être suffisante pour conduire un individu vers l'autoformation.
IV. L'autonomie.
La question de l'autonomie des apprenants est au cœur des dispositifs d'autoformation. Mais qu'entend-on alors par "autonomie" ?
D'après Rivens Mompean (2022), " L’autonomie n’est pas un « état » mais bien un « processus » dynamique non linéaire.". " les composantes clés sont à la fois psychologique, sociologique, cognitive et culturelle".
Ainsi l'autonomie d'un apprenant peut-il se développer, évoluer au cours du temps. Touré (2014) précise que pour "être autonome, un apprenant devrait savoir non seulement apprendre (Quintin, 2013), mais prendre en main progressivement son processus d’apprentissage (Blin, 2010; Deschênes, 1991) de la préparation à l’évaluation en passant par l’exécution (Țurloiu et Stefansdottir, 2011)." Face à ses contours théoriques, nous voyons bien que l'autonomie constitue un élément important lorsque l'on parle d'autoformation dans la mesure où d'après Bonvalot (1995) " s'autoformer, c'est se former soi-même, à partir de ses expériences appréhendées de manière critique".
V. Les motifs d'engagement en formation.
Nous nous proposons ici d'étudier les motifs qui poussent un individu à se former pour comprendre comment le processus d'autoformation pourrait se déclencher.
Selon Carré et Fenouillet (2011), les motifs d’engagement en formation sont divers : un apprenant ne s'engageant dans une formation que pour plusieurs motifs. Ils précisent également que ces motifs sont contingents (ils dépendent du rapport de l'apprenant à son projet de formation, dans une certaine situation, à un moment donné) et sont évolutifs.
Carré (1999) relève alors quatre orientations motivationnelles : une orientation intrinsèque, extrinsèque, vers l’apprentissage et vers la participation. Ces quatre orientations forment un cadran dans lequel il y place des motifs.
Dans la théorie de l'autodétermination de Deci Ryan (2000), les motifs intrinsèques renvoient à la satisfaction par le simple fait d'être en formation, pour l'intérêt de l'activité, sans récompense, alors que les motifs extrinsèques renvoient à des objectifs extérieurs à la formation mais que celle-ci permettra d'atteindre.
Vous trouverez dans l'illustration ci-dessous une représentation des 4 cadrans, ainsi que les motifs d'engagement en formation selon Carré (1999).
Figure adaptée de Philippe CARRE, Cours d'Ingénierie Pédagogique, Université de Nanterre - Paris X_session 2012-2013
Au niveau des motifs "intrinsèques", Carré (1999) identifie les motifs " épistémiques (pour le savoir en lui-même), socio-affectifs (pour rencontrer d’autres personnes), hédoniques (pour participer à l’ambiance)" (Vertongen et al., 2009)
Les motifs extrinsèques regroupent, eux, les motifs " économiques (pour un bénéfice économique direct ou indirect), prescrits (par obligation ou contrainte), dérivatifs (pour échapper à autre chose), opératoires professionnels (oper.pro dans le diagramme) (pour acquérir des compétences dans le cadre de son emploi), opératoires personnels (oper.perso dans le diagramme) (pour développer des compétences utiles à un projet personnel), identitaires (pour l’image de soi) et vocationnels (pour répondre à un projet de mobilité professionnelle)." (Vertongen et al., 2009)
VI. Hypothèses et objectifs de recherche
Nous vous proposons dans ce mémoire dans un premier temps de questionner les apprenants, sur le lien entre les motifs d'engagement à une formation, et les poursuites envisagées en autoformation.
Pour cela, nous nous appuierons donc sur les motifs d'engagement dans une formation selon Philippe Carré.
Nous étudierons ensuite dans quelle mesure les motifs d’engagement initiaux ont une influence sur la projection d’un enseignant à enclencher une autoformation par la suite ?
Pour ce dernier point, le questionnement s'appuiera sur la théorie d'autorégulation des apprentissages de Zimmerman (2012)
Les réponses apportées, ainsi que l'explicitation de certaines par un entretien semi directif, permettront d’étayer la problématique : la multiplication des formations en ligne pourrait-elle encourager la poursuite de la formation vers l'autoformation des apprenants quel que soit leur motif d’engagement initial ?
Nous nous proposons ainsi de questionner les liens entre les motifs d'engagement, les capacités d'un individu à s'autoréguler, et la multiplication des dispositifs en ligne.
Voici un schéma de l'articulation de la méthode :
Schéma de la méthode suivie pour effectuer cette recherche
VII. Méthode
A. Population
La population questionnée est composée de vingt-trois enseignants du second degré en activité dans des établissements en gestion directe, conventionnés ou partenaires de l'Agence de l'Enseignement Français à l'Etranger dans la zone Asie Pacifique. Certains sont titulaires du CAPES de l'éducation nationale française, et dans ce cadre, ont bénéficié d'une formation initiale au sein d'une université en France. D'autres ne sont pas titulaires et ont été recrutés par leur établissement selon leurs diplômes initiaux, leurs expériences professionnelles. Leur curriculum est très divers, mais ils sont tous actuellement enseignants en sciences.
B. contexte des formations questionnées.
Compte tenu de la période de l'année (mars 2022) et de mes activités, deux formations sont ciblées pour le questionnement : "Oral et pédagogies actives en sciences" avec 11 stagiaires, et "Python au lycée" avec 12 stagiaires actifs.
Ces deux formations concernent les enseignants intervenants tous dans le domaine des sciences comme les mathématiques, la physique/chimie, les SVT, la technologie, les enseignements scientifiques et numériques (SNT et NSI).
Les déplacements n'étant pas encore autorisés, ou trop difficiles en Asie, ces deux formations se présentent sur un format à distance de 12 ou 18h, avec des périodes asynchrones (en autonomie, sans décharge de temps) et des périodes synchrones (dont le format classique est 2 visios de 3h pendant lesquels les enseignants sont déchargés de cours).
La formation "Python au lycée" est particulièrement adaptée à une formation à distance de par son scénario. En autonomie, les enseignants testent des programmes, des procédures, des instructions et les réinvestissent dans des petits programmes qu'ils doivent écrire dans le cadre d'une situation de classe. Elle se prête ainsi plutôt mieux à une formation à distance que la formation "Oral et pédagogies actives en sciences"
Les modalités de travail de ces deux formations étaient connues des stagiaires en amont, nous pouvons donc supposer que les enseignant étaient déjà dans une démarche de formation à distance, avec un effort de travail à faire en autonomie, en dehors de leur temps de travail. C'est un paramètre important à connaître pour
analyser les réponses sur l'influence de la multiplication des contenus numériques en ligne et le développement de l'autoformation.
Etant donné les contraintes de temps et de réalisation des formations, ces questionnaires n'ont pu être envoyés qu'au début de la formation (pour "Python au lycée"), voire même à l'issue de la formation (pour " Oral et pédagogies actives en sciences"). Je suis tout à fait consciente qu'il aurait été préférable de questionner les stagiaires en amont de ces formations afin d'éviter les biais, mais malheureusement, cela n'a pas été possible.
C. matériel
Dans le contexte des formations, les entretiens individuels étaient difficilement réalisables, cette modalité a été rapidement écartée.
Les questions ont, ainsi, été développées de façon à ce qu'elles puissent être diffusées à distance, tout en permettant l'analyse par la suite.
Pour des contraintes d'organisation, c'est l'outil "googleForm" qui a été choisi. Bien que sanctionné par la CNIL en janvier 2022 pour manquement à la loi informatique et liberté, les questions ont été déposées sur cet outil pour des raisons pratiques d'interface, d'affichage des questions (notamment avec des images) et de récolte simplifiée des données. Afin de limiter les effets, une attention particulière a été portée sur les données personnelles pouvant être recueillies au cours de la diffusion. L'outil Framaform respectant la RGPD aurait été préférable.
Cependant, à l'issue de l'analyse de ce questionnaire, il nous a paru intéressant de questionner certains collègues afin de leur faire préciser certaines réponses : en effet, des motifs d'insatisfaction pouvant expliquer une volonté de ne pas poursuivre en "autoformation" ont été écrits dans les espaces de commentaires. Des entretiens semi-directifs ont ainsi été conduits pour essayer de déterminer quels sont les freins réels à cette poursuite.
D. Protocole
Le questionnaire a été distribué le plus tôt possible aux stagiaires au départ de la formation.
Un mail à l'adresse professionnelle des stagiaires a donc été envoyé au début du mois de mars 2022 indiquant l'objet de ce questionnaire. Aucune date limite de retour n'a été fixée, aucune obligation de réponse n'a été donnée. Une relance par mail a été faite environ une semaine après le premier envoi.
Les résultats ont été récoltés deux semaines plus tard. Dix réponses ont été reçues pour un total de 23 stagiaires.
L'analyse de ces questionnaires réalisée, les entretiens semi-directifs ont débuté dès le 18 avril 2022, et se sont terminés le 16 mai 2022
E. Evaluer les motifs d'engagement
Nous nous proposons d’évaluer les motifs d’engagement des enseignants à une formation selon un modèle très simplifié de l’outil développé par Coen et Schumacher (2006).
Cet outil, appelé "Visi-TIC" consiste à présenter des vignettes de situation selon quatre panels permettant d'évaluer " aussi précisément que possible le niveau de pénétration de l’innovation pédagogique dans les pratiques". Il répond à plusieurs exigences : "être suffisamment sensible aux aspects liés aux dimensions innovatrices de l’intégration des TIC ; être capable de tenir compte des spécificités des différents contextes où il allait être utilisé ; enfin, être susceptible de satisfaire aux exigences de validité élevées."
Cet outil est donc très évolué : la construction des situations est extrêmement réfléchie, et les vignettes de situation sont parfaitement organisées. Elles ont été validées en deux étapes par un ensemble de spécialistes de Suisse Romande et du Tessin. Le premier temps consistait à tester les situations par les spécialistes afin de
ne retenir que les plus significatives, alors qu'au cours du second temps, l'outil a "été administré" à un échantillon d'enseignants représentatif.
Les vignettes de situation sont ainsi parfaitement organisées et permettent d'estimer le niveau d'intégration des TIC sur des échelles assez fines.
Ainsi, dans le cadre de ce mémoire, il nous a semblé pertinent de retenir le fonctionnement de ses vignettes et les mises en situation. Bien qu'un enseignant puisse donner une réponse correspondant à celle attendue par l'institution, constituant ainsi un biais, l'outil proposé reste intéressant. En effet, un de ses intérêt est de permettre aux enseignants de se situer dans des affirmations possibles, tout en ayant la possibilité d'ajuster, de modifier l'affirmation afin d'affiner la réponse. Il permettra donc une analyse plus fine.
D'autre part, comme l'indiquent Cohen et Schumacher, le fait que " les répondants avaient soulignés qu'ils avaient apprécié cet outil de par son caractère peu commun" m'a plu.
Il s'agit cependant ici simplement de s'inspirer de cette méthode et non de la reproduire compte tenu de l'élaboration très complexe et validée par des spécialistes.
Nous nous proposons ainsi, dans le cadre de ce mémoire, d’utiliser des vignettes de situation concernant les motifs d'engagement dans une formation selon Carré. L'enseignant devra alors indiquer la situation dans laquelle il se trouve le plus proche, avec des échelons intermédiaires.
Une question ouverte lui permettra de préciser, d'ajouter des éléments afin d'affiner son choix.
Compte tenu du profil des enseignants, et du type de formation, afin de faciliter l'analyse, j'ai choisi de questionner cinq motifs d'engagement :
- vignette A: motif proche épistémique: " Je me suis inscrit à cette formation pour apprendre, me cultiver. Suivre cette formation est source de plaisir en elle-même"
- vignette B: motif proche opératoire professionnel/vocationnel: " Je me suis inscrit à cette formation pour acquérir des savoirs qui me permettront de développer des compétences professionnelles afin d'adapter mes pratiques, de les faire évoluer, et pourquoi pas, d'envisager de faire évoluer ma carrière"
- vignette C: motif proche opératoire/personnel:" Je me suis inscrit à cette formation pour acquérir des savoirs qui me permettront de développer des compétences en dehors de mon champ de travail. J'aimerais faire évoluer ma carrière"
- vignette D: motif proche dérivatif/prescrit: " Je me suis inscrit à cette formation pour éviter des situations désagréables en classe, ou sortir des taches routinières. Cette formation me permettra par ailleurs de mieux répondre aux attentes de mon supérieur hiérarchique. "
- vignette E: motif proche hédonique/socioaffectif: " Je me suis inscrit à cette formation pour bénéficier de contacts sociaux. Cette formation me permettra d'intégrer un groupe de travail, et ou de communiquer avec mes pairs et me sentir appartenant à une communauté"
Fig. Choix de motifs d'engagement en formation, d'après P.Carré
J'ai bien conscience qu'il s'agit là d'une simplification du diagramme de Carré, mais, compte tenu des objectifs de formation dans laquelle les collègues se sont inscrits, et afin de rendre le diagramme le plus lisible possible, le choix a été fait de réaliser certains regroupements, et de ne pas questionner le motif économique.
F. Evaluer les intentions de poursuite en autoformation.
Dans un premier temps, les apprenants sont questionnés sur leur intention de continuer à se former. Différentes propositions leur sont faites : il s'agit ici de les interroger sur leur poursuite dans le cadre d'une formation proposée au plan de formation continue, d'effectuer une veille, de regarder des tutoriels, de suivre des conférences en ligne, de s'inscrire à des formations de quelques heures en ligne. Une proposition plus ouverte leur est proposée, ainsi qu'un "pas du tout", ou "je ne sais
pas" afin de les guider au cas où ils n'aient pas d'idée de ce que l'on entend par "poursuivre sa formation",
Cette intention étant maintenant exprimée, il s'agit ensuite de questionner les raisons pour lesquelles une intention de poursuivre une formation est présente. En effet, afin d'éclairer si la multiplication de contenus numériques en ligne encourage le développement de l'autoformation des apprenants, il pourrait être intéressant de questionner les raisons d'une intention de poursuite identifiées par l'apprenant.
Les objectifs de poursuite vers une autoformation seront questionnés selon le tableau de Vernet (2003), d'après les cycles de phases d'autorégulation de Zimmerman (2002).
Vernet (2003) explique que " un des apports le plus fondamental de la théorie de Zimmerman (2002) est de permettre d’analyser l’autorégulation des apprentissages en trois phases successives reliant les aspects cognitifs et conatifs de l’apprentissage : l’anticipation, l’action et l’autoréflexion"
Julien Vernet s'appuie sur les théories sociocognitives de Bandura (1997), puis de Zimmerman (2002) pour proposer un tableau permettant d'analyser l'autorégulation des apprentissages.
Pour Cosnefroy (2014), "les recherches sur l’apprentissage autorégulé se donnent pour objectif d’expliquer comment l’apprenant réussit à se mettre au travail, à faire preuve de persévérance et à atteindre les buts fixés en contrôlant lui-même ses processus d’apprentissage et sa motivation". Bien qu'il ne s'agisse pas ici d'étudier l'apprentissage autorégulé, mais bien les poursuites d'un apprenant vers l'autoformation, le tableau de Vernet nous a paru très intéressant dans la mesure où il interroge les modalités d'autorégulation, et ainsi permet de clarifier les intentions de poursuite en autoformation.
Ainsi, dans le cadre de ce travail, en lien avec les objectifs, seuls quelques processus ont été questionnées.
La question initiale porte sur : "l'intention de poursuivre votre formation dans le cadre d'une autoformation "
Voici les propositions choisies pour questionner les processus
- analyse de la tache dans la phase d'anticipation :
"pour poursuivre l'acquisition de connaissances/compétences pour continuer de faire évoluer mes pratiques professionnelles
"parce que j'ai plus de liberté sur les contenus et je peux les choisir."
- l'automotivation dans la phase d'anticipation :
"parce que je prends plaisir à me former, et je dégage du temps pour cela."
- les usages de stratégies dans la phase de l'action :
"pour poursuivre ma formation en toute autonomie, avec l'organisation qui me convient compte tenu de mes contraintes. Je pourrai m'organiser plus facilement."
- dans la phase d'autoréflexion :
"parce qu'il existe de nombreux dispositifs en ligne facilement accessibles et gratuits."
Ainsi, pour analyser ensuite les résultats en lien avec la problématique posée concernant l'influence de la multiplication de contenus numériques, nous pourrons nous concentrer notamment sur les trois propositions suivantes : "parce que j'ai plus de liberté sur les contenus et je peux les choisir." ou "pour poursuivre ma formation en toute autonomie, avec l'organisation qui me convient compte tenu de mes contraintes. Je pourrai m'organiser plus facilement." Ou encore "parce qu'il existe de nombreux dispositifs en ligne facilement accessibles et gratuits."
De façon plus large, nous analyserons les réponses à travers la théorie de l'Autorégulation de l'Apprentissage", car, comme le dit Marceau (2021): "l'anticipation influence l'action et le contrôle d’exécution qui, à son tour, influence l’autoréflexion". Ainsi ce sont dans l'articulation des trois phases que l'autorégulation sera complète et favorisera une poursuite vers l'autoformation. Nous verrons cela plus en détail dans l'analyse.
VIII. Résultats bruts
A. Caractéristiques des répondants
B. Les motifs d'engagement
La question concernant les motifs d'engagement était : "Voici quelques exemples de situations qui peuvent correspondre plus ou moins à vos motifs d'engagement dans cette formation. Cochez la case qui vous correspond le plus, puis précisez si vous le souhaitez dans le cadre dessous. "
C. Intentions de continuer à se former sur le sujet
Les stagiaires ont la possibilité de cocher différentes réponses
D. Au sujet des formations en ligne
Réponses au questionnaire
IX. Analyse des résultats bruts
A. Caractéristiques des répondants
70 % des répondants sont masculins, ce qui en fait une incroyable majorité. Cependant, ce chiffre est à replacer dans le contexte : en effet, sur un total de 23 stagiaires, le pourcentage d'homme est également de 70 % (environ 75% pour la formation "Python lycée", et environ 63 % pour l'oral). Cette valeur est donc représentative des stagiaires ayant suivi ces formations.
D'après un rapport de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, en 2018-2019, 58,6% des enseignants du second degré intervenants dans le secteur public (France métropolitaine + DOM) était des femmes. La population questionnée et ayant répondu n'est donc pas représentative des enseignants dans le second degré français de par son genre.
50% des répondants ont entre 36 et 50 ans. Cette donnée est intéressante dans la mesure où cela correspond à des collègues qui peuvent être déjà expérimentés tout en ayant encore une période professionnelle importante. Cette dernière donnée leur permet donc d'envisager des perspectives de formation dans le futur. Cette information est particulièrement importante dans le contexte de la problématique.
Tiré de Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, en 2018-2019
Toujours d'après le rapport de la DEPP en 2018, en accord avec la pyramide des âges, le public ayant répondu pourrait être assez représentatif du public des enseignants du second degré français.
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B. Les motifs d'engagement
Il apparait ainsi que 66 % des répondants se situent uniquement dans une orientation motivationnelle extrinsèque vers l'apprentissage concernant la formation pour laquelle ils se sont engagés. (52% + 14 % en tenant compte des réponses multiples)
Cherchons maintenant une meilleure représentation du positionnement de la motivation des stagiaires dans le diagramme de Carré afin de mieux prendre en compte toutes réponses, intégrant ainsi les réponses multiples.
Positionnons chaque motif dans le diagramme sur 4 axes. Les représentations en pourcentage ont été donnés sans tenir compte des réponses multiples.
Attribuons arbitrairement une échelle de 0 à 3 sur chaque axe. Cette échelle nous parait suffisante en précision compte tenu du caractère assez large des questions.
L'axe des abscisses représentera l'axe [extrinsèque (-3), intrinsèque (+3)]. L'axe des ordonnées celui de la [participation (-3), apprentissage (+3)].
Dans ce repère, voici les coordonnées attribuées aux différents motifs :
Motif A : proche épistémique ("apprendre pour le plaisir d'apprendre") sera situé à +3 sur l'axe des abscisses (valeur maximum en motif intrinsèque), et à +3 sur l'axe des ordonnées (valeur maximum d'un motif vers l'apprentissage). Soit, pour le motif A, coordonnées : (3,3).
Motif B : proche opératoire professionnel, vocationnel (" développer des compétences professionnelles, adapter mes pratiques, les faire évoluer, et pourquoi
pas, d'envisager de faire évoluer la carrière") sera situé à -1 sur l'axe des abscisses (vers légèrement "extrinsèque") et à +2 sur l'axe des ordonnées (valeur forte d'un motif vers l'apprentissage). Soit, pour le motif B, coordonnées : (-1,+2).
- Motif C : proche opératoire personnel (" acquérir des savoirs pour développer des compétences en dehors du champ de travail.") sera situé à -3 sur l'axe des abscisses (valeur maximum en motif extrinsèque) et à +1 sur l'axe des ordonnées (valeur légèrement vers l'apprentissage). Soit, pour le motif C, coordonnées : (-3,+1)
- le motif D : proche dérivatif, prescrit n'a été choisi par aucun apprenant ("éviter des situations désagréables, répondre aux attentes de mon supérieur hiérarchique"). Il aurait été situé sur l'axe des abscisses à -3 (valeur maximum motif extrinsèque), et 0 en ordonnée (ni pour apprendre, ni pour participer).
- le Motif E : proche hédonique, socioaffectif (" bénéficier de contacts sociaux, d'intégrer un groupe de travail, appartenant à une communauté ") sera situé à +3 sur l'axe des abscisses (valeur maximum en motif intrinsèque), et à -2 sur l'axe des ordonnées (valeur forte d'un motif vers la participation). Soit, pour le motif E, coordonnées : (3,-2).
Ces positionnements, ainsi que le choix de la précision, semblent être pertinents en lien avec les objectifs qui sont de questionner les motifs d'engagement en formation, pour étudier ensuite dans quelle mesure, la mise à disposition de contenus numériques pourrait encourager le développement de l'autoformation des apprenants.
Un enseignant se déclarant entre B et E se verra attribuer une position moyenne entre B et E par soucis de simplicité (le questionnaire leur permettait en effet d'indiquer plusieurs possibilités, mais ne les amenait pas à apporter plus de précision sur leur positionnement).
Ainsi, les coordonnées de la position de cet enseignant entre B et E sera sur les abscisses de (-1+3)/2= 1 et sur l'axe des ordonnées de (2-2)/2 =0. Les coordonnées seront donc (1, 0).
Les coordonnées des autres enseignants se situant entre plusieurs motifs seront calculées de la même façon.
La taille des cercles bleus est proportionnelle au nombre de réponses données (généralement 1, sauf pour le motif B (en position (-1, 2)) qui a été donné 4 fois).
Cherchons maintenant à placer le barycentre des positions des motifs des stagiaires
En abscisse : (3+3+1 +1 -0,5 + 4×(-1) -3)/10=0
En ordonnée : (3+4×2+2+2+1-2)/10 = 1,4
Cette position a été matérialisée par une étoile à quatre branches.
fig. Répartition des choix dans les motifs d'engagement en formation, diagramme d'après P.Carré
On voit ainsi beaucoup plus nettement que les motifs ne sont pas orientés vers la participation. Compte tenu des difficultés existantes encore dans la zone Asie Pacifique, les enseignants savaient que cette formation aurait lieu à distance. Ainsi ce résultat n'a rien d'étonnant et montre que les stagiaires ne se sont pas inscrits pour bénéficier de contact social, ou d'un environnement plaisant considérant probablement qu'une formation à distance ne permet ces relations que dans un mode dégradé.
Ce sont donc bien les apprentissages qui sont recherchés au cours de cette formation.
Nous pouvons également noter que, en abscisse, les motifs ne sont ni extrinsèques, ni intrinsèques. La position du barycentre se situant à 0. Bien que le choix des coordonnées soit arbitraire, cette donnée est intéressante dans ce modèle.
Il permet en effet de mieux prendre conscience que la situation s'équilibre entre le plaisir d'apprendre, et le besoin de se former. Nous sommes ainsi en présence d'apprenants venant chercher une montée en connaissances/compétences, mais également un plaisir de réaliser cela.
C. Intentions de continuer à se former sur le sujet
Les intentions de continuer à se former sur ce sujet sont essentiellement liées à la poursuite de l'acquisition de connaissances. Ce résultat est en accord avec ce que l'on retrouve dans les motifs de formation. Nous avons donc un profil d'enseignants en recherche de connaissances, qui, poursuivraient leur formation pour les mêmes motifs.
A noter qu'aucune personne n'envisage une poursuite de formation parce qu'il existe de nombreux dispositifs en ligne. Nous avons bien ici une indication forte que la multiplication des dispositifs ne favorisera pas leur autoformation. Les réponses suivantes vont nous permettre de préciser cela.
D. Lien entre le motif d'engagement et la poursuite en autoformation.
Nous allons analyser le lien entre le motif d'engagement et les intentions de poursuite en autoformation en croisant les motifs dans le cadran de Carré (1999), avec leur intention de continuer à se former.
Le tableau ci-dessous reprend les motifs d'engagement exprimés avec les raisons qui pousseraient les apprenants à poursuivre leur formation. Il s'appuie sur les phases d'autorégulation de Zimmerman (2002) qui sont un écosystème de l'autoformation.
Replaçons maintenant ces réponses dans le tableau ci-dessous. Il se donne pour objectif d’expliquer "comment l’apprenant réussit à se mettre au travail, à faire preuve de persévérance et à atteindre les buts fixés en contrôlant lui-même ses processus d’apprentissage et sa motivation" comme le précise Cosnefroy (2010)
Ainsi, par exemple, le seul répondant dont le motif est proche "épistémique intrinsèque" (motif A) déclare avoir l'intention de se former, et ses intentions se situent dans la phase "d'anticipation" de l'autorégulation. (analyse de la tâche et auto motivation)
Notons que les apprenants, avec le motif d'engagement E, ainsi que (B + E) ne déclarent aucune intention de se former. Nous ne les retrouvons donc pas dans ce tableau.
Ainsi, en prenant en compte les résultats du questionnaire :
- lorsque les motifs d'engagement sont extrinsèques, et tournés vers l'apprentissage professionnel, (motif B), ou intrinsèques (motif A), les intentions existent et sont dans "l'anticipation".
- lorsque les motifs d'engagement sont extrinsèques et tournés vers des activités non professionnelles, (motif C) les intentions existent et sont dans "l'actions". - lorsque le motif d'engagement se situe dans le cadran de Carré vers une raison intrinsèque et socioaffective, (motif E), le collègue n'indique aucune intention de poursuivre en autoformation.
Les répondants les plus nombreux ayant des intentions de se former se situent dans un motif d'engagement "proche vocationnel" (motif B), et se trouvent tous dans la phase "d'anticipation " de l'autorégulation. Dans les intentions de continuer à se former, aucun ne se situe dans la phase d'action et d'autoréflexion. Cette répartition entre l'anticipation, l'action et l'autoréflexion est très déséquilibrée.
Or, les propositions théoriques de l'Autorégulation de l'Apprentissage de Zimmerman et Labuhn (2012) indiquent que les trois phases forment un cycle, que chaque phase en influence une autre. D'après Marceau (2021), "la planification influence le contrôle d’exécution qui, à son tour, influence l’autoréflexion. Un cycle est complété quand l’autoréflexion a un impact sur la phase de planification des apprentissages ultérieurs."
Phases et processus de l’ARA (d’après Zimmerman et Labuhn, 2012)
Plus largement, dans ce tableau, il apparait également que, quel que soit le motif d'engagement, aucun apprenant ne se situe dans un cycle complet. On voit même que, aucun ne remplit ne serait-ce que deux conditions sur les trois.
L'autorégulation des apprentissages n'est donc complète pour aucun apprenant.
Or, Comme le rappelle Cosnefroy (2010), "s’autoréguler est un processus qui exige des efforts et dans lequel la personne ne s’engagera que si elle peut maintenir un niveau de motivation suffisant par rapport à la tâche ce qui implique qu’elle y attache suffisamment de valeur et qu’elle se perçoit suffisamment efficace pour la mener à son terme."
Dans ce cadre, compte tenu du fait que le cycle n'est complet pour aucun apprenant, la poursuite et l'engagement dans une formation en ligne semble bien difficile pour les apprenants questionnés.
Multiplication des formations en ligne ou pas, ces personnes ne disposent pas des outils d'autorégulation qui pourraient leur permettre de poursuivre et de s'engager efficacement dans une formation en ligne.
A noter qu'ils se déclarent 60% à s'être inscrit à une formation en ligne à distance au cours de ces deux dernières années.
L'espace de commentaires a permis à quelques collègues d'indiquer leur degré d'insatisfaction face aux formations à distance, en ligne. Ainsi, de façon indirecte, ces 4 collègues (sur 10 répondants) indiquent leur difficulté à suivre et à s'investir au cours d'une formation à distance, évoquant des raisons intrinsèques et participatives, ou de surcharge de travail. Cela confirme que la multiplication de formation en ligne aura du départ, peu d'incidence sur leur intention d'engagement dans le cadre d'une autoformation, puisque les difficultés identifiées ne relèvent pas du manque de formation dont ils ont accès.
E. Pour aller plus loin.
Ainsi, la multiplication de contenus en ligne pourrait peut-être encourager le développement de l'autoformation des apprenants lorsque les motifs d'engagement à une formation sont intrinsèques, extrinsèques et tournés vers des activités non professionnelles ou vers l'apprentissage. Nous avons alors identifié que les intentions se situaient dans la phase d'anticipation.
Même si le cycle d'autorégulation n'est pas complet, essayons de mieux comprendre les freins
Il apparaît qu’un apprenant investi dans une formation à distance peut ne pas avoir envie de poursuivre en autoformation par la suite.
Dans les espaces de réponses où des commentaires pouvaient être laissés, il apparaît quelques motifs d'insatisfaction qui pourraient expliquer une volonté de ne pas poursuivre. Par exemple, trois enseignants déclarent qu'il s'agit d'un problème de temps. Un enseignant déclare qu'il apprécie la possibilité de s'organiser comme il le souhaite, de pouvoir choisir son rythme, mais déplore l'absence d'échange.
Face au type de questionnement posé, nous nous proposons ainsi d'aller un peu plus loin dans l'analyse, de mieux qualifier ces motifs d'insatisfaction et les freins. Pour cela, réalisons quelques entretiens semi-directifs.
X. Entretien semi-directif
Au cours de ces entretiens semi-directifs, pour mieux qualifier les motifs d'insatisfaction, nous pourrions alors interroger les points suivants au sujet des "freins à poursuivre en autoformation" :
- sont-ils liés au fait que les répondants n'en comprennent pas l'intérêt ? Cela questionne alors l'intérêt de "se former tout au long de sa vie".
- sont-ils liés à une méconnaissance des dispositifs d'autoformation ?
- sont-ils liés à des difficultés dans le processus d'autorégulation ? Et dans ce cas cherchons à identifier plus précisément les difficultés dans ce processus.
- sont-ils liés au format de la formation à distance ? Et dans ce cas, essayons d'analyser les points de blocage réels. L'organisation, le temps a été identifié, est-ce le seul paramètre ? Par exemple, pourraient-ils être liés aux contenus qui ne répondent pas à des attentes ?
A. Méthode
Pour obtenir quelques réponses, nous proposons donc des entretiens semi directifs.
D'après Lincoln (1995), " L’entretien semi-directif est une technique de collecte de données qui contribue au développement de connaissances favorisant des approches qualitatives et interprétatives relevant en particulier des paradigmes constructiviste. "
Ainsi, nous pourrons récolter des données par des questions ouvertes, que l'on pourra faire préciser au cours des échanges.
L'enseignant pourra ainsi répondre librement, exprimer son point de vue. Nous pourrons alors demander des précisions, relancer l'enseignant. Cela nous permettra d'approfondir le sujet, de poser de nouvelles questions permettant à la réponse d'être de plus en plus précise.
L'avantage recherché ici est de pouvoir cadrer le "sujet" tout en posant des questions libres.
Pour conduire l'entretien, nous allons nous replacer dans les propositions théoriques de Zimmerman, et Labhun (2012) de l'autorégulation des apprentissages. Les difficultés ont été relevées dans ce processus, il nous parait intéressant d'aller les questionner.
Le problème de temps et d'organisation cité par les enseignants est une des phases décrites dans ces propositions : Il s'agit de la planification des activités dans la phase d'anticipation. Nous nous proposons donc d'orienter les premières questions vers un questionnement ouvert permettant d'analyser des difficultés probables dans le
processus d'autorégulation des apprentissages. Cela nous permettra d'analyser le problème dans le cycle décrit par Zimmerman, et de questionner les compétences des enseignants dans ce processus d'autorégulation.
Nous proposerons ensuite un questionnement sur l'autoformation.
B. Le guide d’entretien
Il nous permettra, à partir de questions ouvertes d'être en capacité de poser de nouvelles questions pour demander des précisions, approfondir, relancer les échanges. Nous pourrons ainsi clarifier certaines réponses qui n'apporteraient pas suffisamment de renseignements.
Il contient :
- une première question dont l'objectif est de mettre en confiance, et d'identifier le profil de motivation d'engagement dans la formation dans le cadre des motifs de Carré (1999). Le questionnaire ayant été anonyme, il s'agit ainsi par des questions ouvertes de situer le répondant dans le cadran de Carré.
- une deuxième question porte sur l'intérêt de se former tout au long de sa vie et ainsi l'identification des raisons évoquées.
- la troisième questionne l'apprenant sur ses connaissances de dispositifs d'autoformation afin de mieux comprendre les leviers de la poursuite ou non. Il permettra également de citer quelques exemples de dispositifs qui permettront de mieux argumenter les réponses des questions suivantes.
- la quatrième question cherche à identifier les phases d'autorégulation qui pourraient poser problème, et de les qualifier.
- enfin, la dernière question consiste à expliciter les freins à la poursuite en autoformation, en dehors des compétences d'autorégulation.
Vous trouverez le guide d'entretien en annexe.
C. Le choix des personnes
Le questionnaire était anonyme, et il n'est donc pas possible de remonter à l'identité des répondants. Cependant, à l'issue des temps synchrones, j'ai pu identifier quelques enseignants qui ont exprimé leur difficulté à suivre un enseignement à distance.
Nous nous proposons donc d'essayer de réaliser ces entretiens avec ces personnes qui pourraient avoir déclaré une l'intention de poursuivre en autoformation, mais qui évoquent des freins à s'engager.
D. Réponse et analyse
Il s'avère que le choix des personnes s'est avéré très intéressant car, effectivement elles ont bien manifesté de l'intérêt à poursuivre en autoformation, mais sans s'y être engagés, ou en ayant abandonné. Nous allons ainsi pouvoir bien questionner les freins.
Vous trouverez en annexe les réponses aux questions posées.
Analysons les ci-dessous.
Les motifs d'engagement en formation pour les deux répondants sont différents. Le premier a un profil motivationnel proche d'un motif épistémique et opératoire professionnel, (motif A,B dans le questionnaire) : il s'est inscrit pour monter en compétences dans son activité professionnel et se sentir mieux dans les activités avec les élèves. Globalement, il aime se former et progresser. Le second, quant à lui, est venu chercher des connaissances et compétences pour faire évoluer sa carrière et l'aider à préparer l'agrégation de mathématiques. Il est donc dans un motif C : opératoire personnel.
Tous les deux sont tout à fait conscients de l'importance de se former tout au long de sa vie, même si le deuxième ne l'exprime pas clairement. En effet, il indique ne pas avoir suivi beaucoup de formations proposées par l'institution dans le cadre de la formation continue : il déclare que cela ne "sert pas à grand-chose et que l'on peut se débrouiller sans". S’il indique "refuser" cette formation, il apparait cependant qu'il continue à se former, mais par d'autres moyens. Il continue donc bien à se former, à
faire évoluer ses pratiques, mais pour faire évoluer sa carrière. Prend il conscience qu'il poursuit pourtant, tout de même sa formation, même si il refuse les formations continues proposées par l'institution ?
Les deux apprenants connaissent bien des dispositifs d'autoformation et y ont recours.
Mais ils relèvent tous les deux certaines difficultés, des freins que l'on peut analyser dans le cadre de la théorie d'autorégulation des apprentissages de Zimmerman (2002). Appuyons-nous pour cela sur les trois phases décrites par Cosnefroy : la phase d'anticipation, d'action, et d'autoréflexion.
Le premier, finalement, déclare ne plus être capable de s'investir si il est "seul" : il répète de nombreuses fois qu'il a besoin d'être guidé, accompagné. Il enclenche quelques petites actions, courtes, établit des veilles, s'appuit sur les mises à jour de ressources académiques, mais ne s'investit pas dans des dispositifs plus lourds : il butine.
Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ses réponses, la phase d'anticipation est bien présente : l'analyse de la tâche est décrite, il y voit bien un intérêt intrinsèque. La phase d'autoréflexion est également bien décrite (l'auto-évaluation, ainsi que l'auto réaction sont bien développées). C'est bien la phase d'action qui le met en "difficultés" : avec principalement la recherche d'aides.
Pour le deuxième, l'analyse est plus difficile car un certain nombre de contradictions est présent : on pourrait penser qu'il est rentré dans l'action, puisque déclarant s'être inscrit dans quelques dispositifs : environ 5 ou 6 MOOC, sur la plateforme FUN MOOC, une inscription à une licence, à distance. Et puis, en avançant dans les questions, il avoue finalement qu'il n'en a jamais fini aucun, et qu'il est difficile pour lui de finaliser. Il avance un problème de reconnaissance, il parle de recherche de "preuve de l'efficacité du MOOC" qui n'existe pas. Il s'est découragé en cours de route, et indique que la quantité de travail ne correspondait pas à celle qui était annoncée, et que ces formations étaient trop longues. La phase d'anticipation est bien présente, il en a conscience, mais elle n'est pas adaptée : il sait ce qu'il recherche dans la formation, pense qu'il serait capable de réussir, et pourtant, abandonne à chaque fois, déçu. De la même manière, la phase d'autoréflexion est existante : ce collègue s'auto-
évalue, avec un degré d'autosatisfaction très élevée. Mais de la même façon, abandonne à chaque fois, déçu.
Ainsi, pour ce collègue, les 3 phases issues des travaux de Zimmerman (2002) que sont l'anticipation, l'action et l'autoréflexion seraient présentes, mais, à chaque fois, avec des difficultés dans les descriptions.
Au final, au vu de l'ensemble des réponses récoltées au cours de ces entretiens semi-directifs, il s'avère que les difficultés rencontrées ici en ce qui concerne la réussite dans des dispositifs d'autoformation sont : le besoin d'être guidé, le besoin d'une reconnaissance d'acquisition de connaissances/compétences, la gestion du temps et la planification des activités. Le manque de proposition de formation
n'apparaît jamais.
Ainsi la multiplication en ligne des dispositifs, en l'état actuel, ne permettrait pas un meilleur investissement dans des dispositifs en autoformation puisque cette multiplication ne permettrait pas de lever ses difficultés.
XI. Conclusion
Nous venons de questionner si la multiplication de formations en ligne pouvait favoriser l'autoformation des apprenants.
Dans le contexte de ce mémoire, nous avons choisi un public enseignant, s'étant inscrit à des formations dans le cadre du plan de formation continue, et avons questionné leur intention de continuer à se former, en fonction de leur motif d'engagement défini par Carré (1999).
Ce mémoire de recherche, bien que n'impliquant malheureusement pas un grand nombre d'apprenants a permis de montrer que la multiplication de formations en ligne pourrait peut-être encourager le développement de l'autoformation lorsque les motifs d'engagement à une formation sont extrinsèques et tournés vers des activités non professionnelles ou vers l'apprentissage. J'aurais vraiment souhaité effectuer un plus grand nombre d'entretiens semi-directifs afin d'obtenir des réponses plus
représentatives, mais le temps et la disponibilité des collègues a malheureusement manqué.
Mais, s'intention de poursuite est bien là pour les deux formations, l'analyse des réponses a également montré que, dans le processus d'autorégulation, les trois phases n'étaient pas présentes. Le cycle n'est alors pas complet et des difficultés pour poursuivre en autoformation risquent d'exister. A noter cependant que les deux formations interrogées ne sont pas équivalentes. En effet, "Python" au lycée se prête mieux à la poursuite en autoformation compte tenu du scénario initial et du développement de compétences qu'elle encourage par la suite sur le plan de la programmation.
Des questions ouvertes ont également montré que, bien que ses intentions existent, elles ne se traduisent pas forcément vers un passage à l'action, et qu'un certain nombre de freins sont présents. Ces freins sont-ils liés au processus d'autorégulation, à la motivation initiale, à l'autonomie ?
Les entretiens semi-directifs ont montré que des freins pouvaient se situer dans certaines phases d'autorégulation, freins qui ne seraient pas levés par la multiplication des formations en ligne.
Dans ce sens, Jacquot et Hoffmann (2021) indiquent : "si les apports des formations en ligne pour l'organisme de formation apparaissent évidents en termes de démarche innovante, d'accroissement de compétences …. les avantages et limites pour les apprenants sont de nature différente". On pourrait par exemple retrouver ici un apport dans l'autonomie de l'étudiant qui pourrait se transformer en limite par la perte de contact humain conduisant à l'abandon. Ou bien encore un apport vers l’augmentation de qualification trouvant une limite par le fait que le dispositif en ligne propose de simple contenu.
Jacquot et Hoffmann précisent alors que le "rôle du formateur/animateur et son implication sont fondamentaux pour la qualité et l'efficacité de l'apprentissage, davantage peut être que dans la formation en présentiel, plus formatée et plus "autorégulatrice" ".
Ainsi, pourrait-il alors être intéressant que le formateur s'interroge sur le dispositif de formation afin de soutenir le processus d'autorégulation, de développer l'autonomie des apprenants et ainsi favoriser leur réussite. Lebrun (2005) a présenté un modèle dit "IMAIP" (Information, Motivation, Action, Interaction, Production) permettant de construire et d'interroger le dispositif pédagogique . Peut-être serait-il intéressant de s'appuyer sur ce modèle et de le compléter par un autre facteur comme par exemple l'autonomie. Cela pourrait alors devenir une approche "IMAIPA"
XII. Références bibliographiques
___________________________________________________________________________
Article L6111-1 du code du travail, Version en vigueur depuis le 29 décembre 2019. Modifié par LOI n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 - art. 110.
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Annexe 1 : questionnaire
Annexe 2 : réponses au questionnaire
Annexe 3 : réponses au questionnaire
Annexe 4: analyse des motifs d'engagement en formation dans le cadran de Carré
Annexe 5 : GRILLE d'entretien semi directif
Présentation rapide de l’enquête et son contexte
Merci d’avoir accepté de répondre à un entretien complémentaire à l’enquête précédente qui consistait à répondre à un questionnaire. Celui-ci portait sur vos motivations initiales à suivre la formation "programmer en Python pour le lycée". Je souhaiterais approfondir avec vous ce sujet.
Nous allons discuter pendant quelques minutes (environ 15 min) de différents thèmes. Ce qui m’importe, c’est de bien comprendre votre point de vue, comment vous voyez les choses. Dites-moi les choses le plus librement possible.
Je tiens à vous rappeler que cet entretien est anonyme : vos réponses seront utilisées uniquement à des fins d’analyse et ne seront jamais reliées à vos nom et prénom. (Comme c'était le cas lors du questionnaire en ligne)
Annexe 6 : GRILLE d'entretien semi directif – Récoltes des réponses.
[1] "créé en 1997, le C2RP CARIF-OREF, Centre d'Animation de Ressources et d'Information sur la Formation (CARIF) et Observatoire Régional Emploi Formation (OREF) est un groupement d’Intérêt Public (GIP) à durée indéterminée."
[2] DGEFP: Délégation Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle.
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