La collaboration à distance et l’évolution du collectif de travail : le cas des enseignants d’EILE
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont de très près ou de plus loin, contribué à la réalisation de ce travail :
Nadia, mon épouse et Saad, mon fils pour leur patience, leur attention et leur compréhension de ma disparation pendant de longues heures.
Monsieur Alexandre BOOMS, mon directeur de mémoire, pour ses conseils constructifs qui ont su orienter et diriger ce travail de recherche.
Monsieur Fabien EMPRIN et toute l’équipe pédagogique du Master Ie FUN.
Mes collègues les étudiants pour la qualité des moments de travail en groupe, les discussions et les conseils.
Mes collègues les enseignants d’EILE pour leur participation à cette étude sans lesquelles cette étude n’aurait pu aboutir.
Table des matières
A. Contexte historique : Instauration et évolution du dispositif EILE
B. Statut et mission de l’enseignant d’EILE d’après « les textes officiels »
C. L’ELCO dans le rapport du HCI de 2010
D. Quelques données statistiques
1. Évolution des effectifs entre 2002 et 2009
2. L’EILE marocain (ELACM) entre 1990 et 2012
3. L’EILE de l’académie de Reims en septembre 2020
Chapitre 2 : Évolution de notre problématique de recherche
F. Évolution à partir d’une revue de littérature scientifique
G. Évolution à partir d’un travail de recherche précédent
I. Le genre et le style, deux instances du métier
N. La situation d’activité collective instrumentée SACI
5. L’activité collective médiatisée par les instruments
Chapitre 4 : Question de recherche
Q. D’une collaboration à distance à une activité collective ?
R. D’une collaboration à distance à des échanges entre le genre et le style ?
Chapitre 5 : Dispositif retenu pour l’étude
S. L’ECL : présentation et transposition
T. Environnement capacitant : conception et mise en œuvre
2. L’artéfact conçu en vue de l’analyse du corpus
Chapitre 7 : Présentation des résultats
Y. Les traces d’une activité collective des EILE lors de l’ECL à distance
1. La réélaboration des règles
2. Construction de compétences
Chapitre 8 : Discussion des résultats
Z. L’ECL était-elle un environnement capacitant ?
AA. L’ECL à distance et le développement du pouvoir d’agir
BB. Difficultés, limites et perspectives
Résumé ; ملخص ; Abstract :
En France, les enseignants intervenant dans le cadre du dispositif EILE, et notamment ceux de la langue arabe, exercent leur activité professionnelle dans des conditions ne permettant pas de constituer ou d’intégrer une équipe pédagogique. Ce travail de recherche, à visée compréhensive et transformatrice, propose et analyse une solution possible à cet isolement professionnel. Il s’agit de la collaboration à distance dans le cadre d’une situation d’activité collective instrumentée. L’objectif est d’observer l’émergence d’une activité collective comme signe de genèse du travail collectif et de développement du collectif de travail. Les éléments de réponse obtenus plaident en faveur de l’évolution de cette collaboration à distance en activité collective. Cependant, des applications et des analyses plus élargies dans le temps et sur le terrain sont encore requises pour aboutir à des conclusions générales.
أساتذة التدريس الدولي للغات األجنبية في فرنسا، وخاصة أساتذة اللغة العربية، يمارسون نشاطهم المهني في ظل ظروف ال تسمح لهم بتشكيل فريق تربوي أو االنضمام إلى الفرق التربوية الموجودة مسبقا في مقرات عملهم. هذا العمل البحثي الذي يتبنى ممكنا لهذه العزلة المهنية. ويتمثل ذلك في التعاون عن بعد في سياق وضعية نشاط جماعيمقاربة فهمية وتحولية، يقترح ويحلل حلا
معتمد على وسيلة. الهدف هو ملحظة ظهور نشاط جماعي كعلمة على نشأة العمل الجماعي وتطور مجموعة العمل. اإلجابات التي تم الحصول عليها دافعت لصالح تطور هذا التعاون عن بعد إلى عمل جماعي. ومع ذلك، ال تزال هناك حاجة لمزيد من التطبيقات والتحليلت المعمقة والموسعة في الوقت وفي الميدان للوصول إلى استنتاجات عامة.
In France, teachers working within the framework of the EILE system, and in particular those of the Arabic language, exercise their professional activity under conditions which do not allow the formation or integration of an educational team. This comprehensive and transformative research work proposes and analyses a possible solution to this professional isolation. It is remote collaboration in the context of an instrumented collective activity situation. The objective is to observe the emergence of collective activity as a sign of the genesis of collective work and the development of the working group. The answers obtained support the evolution of this remote collaboration into a collective activity. However, more extensive applications and analyses over time and in the field are still required to reach general conclusions .
Mots clés ; مفاتيح كلمات ; Keywords :
Collectif du travail, travail collectif, pouvoir d’agir, situation d’activité collective instrumentée. جماعة العمل، العمل الجماعي، القدرة على الفعل، وضعية نشاط جماعي معتمد على وسيلة. Collective of the work, collective work, power to act, situation of instrumented collective activity .
Liste des sigles et acronymes
CECRL
Cadre européen commun de reference pour les langues
ECL
Etude collective de la leçon
EILE
Enseignements internationaux des langues étrangère
Enseignant d'EILE
ELACM
Enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine
ELCO
Enseignement de langue et de colture d'origine
Ensegnant de lague et de culture d'origine
FOAD
Formation ouverte et à distance
IMAIP
Information, Motivation, Activités, Interaction et Productions
SACI
Situation d'activité collective intrumentée
Introduction
En février 2016, nous sommes arrivés en France dans le cadre d’une mission éducative pour intervenir comme enseignant de la langue arabe et de la culture marocaine au sein des établissements scolaires publics. Notre mission s’intégrait dans le cadre du dispositif : Enseignement de Langue et Culture d’Origine (ELCO).
Au cours de l’exercice de cette mission, nous avons rencontré plusieurs difficultés liées notamment à l’isolement professionnel. Et cela se manifestait par le sentiment d’agir en permanence dans l’urgence face aux exigences des situations totalement différentes de celles que nous avions l’habitude de rencontrer comme professeur de l’enseignement primaire au Maroc.
Par conséquent, nous avons décidé d’étudier cette activité professionnelle grâce à une reprise des études universitaires en 2017. Ainsi, nous avons réalisé un mémoire de recherche dans le cadre du master CIREF[1] que nous avons consacré à l’étude de « l’enseignement de la langue et de la culture d’origine » comme activité professionnelle, sans toutefois nous prendre comme propre objet de notre recherche.
Cette première étude nous a apporté des éléments de compréhension concernant la nature de notre activité professionnelle et les dysfonctionnements qui pourraient être source de difficultés dans la pratique du quotidien. Alors, nous souhaitons, par cette nouvelle aventure, approfondir cette analyse et réfléchir à des solutions afin de compenser l’isolement professionnel des enseignants d’ELCO.
Ce travail commence, dans le premier chapitre, par la présentation du contexte de l’activité professionnelle des ELCO depuis son instauration jusqu’à sa dernière évolution vers l’EILE en 2020. Ensuite, nous avons mis le point sur le statut et la mission de ces enseignants d’après les textes officiels. Et ce chapitre se termine par des données statistiques concernant les effectifs d’enseignants et d’élèves concernés par cet enseignement.
Dans le deuxième chapitre, nous avons relaté l’évolution de notre problématique de recherche à partir d’une revue de littérature scientifique consacrée à l’étude de cette activité professionnelle d’une part et à la suite de notre mémoire de recherche antérieur de l’autre part.
Ensuite, nous avons présenté, dans le troisième chapitre, le cadre conceptuel que nous avons mobilisé pour construire et analyser notre question de recherche que nous avons formulée dans le quatrième chapitre.
Le cinquième chapitre a été consacré à la présentation du dispositif que nous avons retenu afin de concevoir et de mettre en œuvre la situation que nous souhaitons d’étudier.
La méthodologie que nous avons mobilisée dans l’objectif de produire, de recueillir et de traiter les données susceptibles de nous apporter des éléments de réponses est développée dans le sixième chapitre.
Nous avons présenté, dans le septième chapitre, les résultats de cette étude. Et une discussion de ces derniers est présentée dans le huitième et dernier chapitre de ce travail.
Enfin, ce travail se termine par une conclusion proposant une réflexion autour des résultats obtenus et des perspectives et axes possibles de recherches et/ou de développement.
Chapitre 1 : les contextes
A. Contexte historique : Instauration et évolution du dispositif EILE
Dès l’entre-deux-guerres, des enseignements de langues vivantes ont été dispensés en France. En effet, ces cours sont donnés dans les écoles françaises par des moniteurs étrangers à des enfants de familles immigrées à partir de 1925. les cours ont lieu hors temps scolaire et concernaient aussi l’histoire et la géographie du pays d’origine jusqu’au 1970 (HCI, 2010, p. 23; IGEN & IGAENR, 2009, p. 92).
En 1975, à la fin des trente glorieuses et dans le cadre de la politique du regroupement familial, la France a instauré des enseignements de langue et culture d’origine ELCO (Circulaire du 9 avril 1975). Cette circulaire prévoyait l’intégration de ces cours dans le temps scolaire. Ainsi, des accords de coopération et des procès-verbaux de réunions bilatérales ont été signés avec : l’Italie et l’Espagne en 1973, le Portugal en 1977, la Yougoslavie en 1978, la Turquie en 1979, l’Algérie en 1981, le Maroc en 1983 et la Tunisie en 1986 (HCI, 2010, p. 24).
Ces accords étaient en réponse aux directives de Conseil des communautés européennes et notamment celle du 1977. Cette dernière préconisait dans son troisième article : « Les États membres prennent, conformément à leurs situations nationales et à leurs systèmes juridiques, et en coopération avec les États d’origine, les mesures appropriées en vue de promouvoir, en coordination avec l’enseignement normal, un enseignement de la langue maternelle et de la culture du pays d’origine en faveur des enfants visés à l’article 1er » (Directive 77/486/CEE du Conseil, du 25 juillet 1977, visant à la scolarisation des enfants des travailleurs migrants, 1977).
L’organisation de ce dispositif était due à la note de service du 13 avril 1983. Pour installer ou reconduire un cours ELCO, les autorités du pays d’origine affectent des enseignants et les autorités françaises les accueillent et les installent. Ensuite, les mairies fournissent des locaux adaptés à l’enseignement et des moyens matériels pour le dispenser. Enfin, les académies définissent les horaires des cours en fonction des groupes des élèves inscrits et le nombre des enseignants ELCO à sa disposition.
Les cours peuvent durer entre trois heures maximum et une heure et demie minimum par semaine. Mais à partir de l’année scolaire 2018/2019, plusieurs cours se déroulant en fin de journée
après la classe ne dureront qu’une heure à cause du changement des rythmes scolaires et le passage à la semaine de quatre jours dans plusieurs communes de l’académie de Reims selon la carte scolaire de l’organisation des cours de l’ELCO de 2018/2019.
Au début de l’instauration des ELCO, deux modes de cours coexistaient. On parlait de « cours intégrés » lorsqu’ils se déroulent pendent le temps scolaire et de « cours différés » lorsqu’ils ont lieu hors ce temps pédagogique. Les problèmes d’organisation qu’accompagnaient les cours intégrés ont amené à abandonner petit à petit cette forme jusqu’à sa disparition. Aujourd’hui, la totalité des cours est en différé.
En 2001, l’ELCO a subi une évolution importante. En effet, ces cours réservés initialement aux enfants ayant la nationalité du pays concerné, ils sont ouverts dorénavant à tout enfant dont la famille souhaite l’inscription, dans la limite des places disponibles.
Le deuxième aspect de cette évolution est l’introduction des langues vivantes dans l’enseignement élémentaire. L’italien et le portugais ont pris ce nouveau statut en quittant l’ELCO. Ils sont aujourd’hui dispensés comme langues vivantes 1, 2 ou 3.
Quant aux autres langues, notamment l’arabe et le turc, elles se sont rapprochées du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). La visée de ce rapprochement est de garantir une cohérence de l’ELCO avec les enseignements des langues vivantes. Les contenus d’histoire et de géographie du pays d’origine sont donc suspendus des ELCO. Pour l’arabe par exemple, une commission technique quadripartite (France, Algérie, Maroc, Tunisie) a élaboré un programme commun conforme aux programmes de langues de l’école française élémentaire. Il vise le niveau A1+ en fin de CM2 (IGEN & IGAENR, 2009).
En 2016, l’Éducation nationale française a annoncé une nouvelle stratégie concernant l’apprentissage des langues vivantes étrangères et régionales. On note parmi les mesures proposées, l’évolution des ELCO aux enseignements internationaux de langue étrangère EILE inspirés des sections internationales existantes dans le premier degré. Ces enseignements sont facultatifs et ouverts à tous les élèves volontaires des écoles les proposant à partir de la classe de CE1, à raison d’une heure 30 chaque semaine, en plus des 24 heures hebdomadaires. Les compétences acquises par les élèves seront systématiquement évaluées. L’enseignement est assuré, toujours, par des enseignants mis à disposition par les pays partenaires et parlant parfaitement le français. L’attention portée à la qualité des enseignements est renforcée. S’ils le souhaitent, les élèves ont la possibilité d’approfondir leur apprentissage de ces langues au collège dans le cadre des enseignements de langues vivantes de droit commun (MEN France, 2016).
La mise en place de cette stratégie a commencé par une phase d’expérimentation dans quelques académies, en vue d’une généralisation à l’horizon de la rentrée de 2017. Mais cette généralisation n’aura lieu effectivement qu’à la rentrée de septembre 2020. En conséquence, dans ce mémoire nous désignons par ELCO le dispositif avant septembre 2020, mais après cette date c’est plutôt EILE.
Pour conclure cette partie, nous retenons 4 dates importantes dans le processus de l’évolution de l’enseignement des langues d’origines en France. Il s’agit de 1925, 1975, 2001 et 2016. En effet, 1925 est la date de l’instauration des premiers cours des langues d’origines en France. Ensuite, 1975 l’année du début de l’officialisation du dispositif ELCO par la signature des accords de coopération et des procès-verbaux entre la France et les pays d’origine. Puis, 2001 qui a été marquée par l’ouverture de ces cours à tous les élèves sans condition d’origine. En plus, à partir de cette année
un autre dispositif d’enseignement de langues étrangères a été adopté dans l’enseignement primaire. En conséquence, plusieurs langues d’origine ont quitté l’ELCO pour être enseignées comme langues vivantes. En fin 2016 l’année de l’évolution de l’ELCO[2] vers l’EILE[3]. L’évolution qui a commencé par une phase d’expérimentation dans quelques académies avant la généralisation à la rentrée de 2020.
Dans la partie suivante, nous aborderons le statut de ces enseignants à partir des textes officiels. Nous cherchons à comprendre les procédures de leur recrutement et les caractéristiques des missions qu’ils assurent.
B. Statut et mission de l’enseignant d’EILE d’après « les textes officiels »
Les enseignants d’EILE sont des ressortissants des pays d’origine. Ils sont majoritairement recrutés dans leur pays par des concours et mis en détachement administratif auprès des académies dans les pays d’accueil. Ils sont placés sous l’autorité à la fois d’un côté des inspecteurs pédagogiques[4] détachés eux-mêmes aux ambassades des pays d’origine et de l’autre côté des inspecteurs de l’Éducation nationale adjoints à l’inspecteur d’académie (IENA) français. Mais ce sont leurs ambassades qui les rémunèrent. Leur formation initiale est assurée par les pays d’origine. Les ambassades de leur pays et les académies peuvent leur assurer des formations continues. Ces enseignants doivent être suivis et inspectés à la fois par des inspecteurs de l’Éducation nationale française et par les inspecteurs détachés par leur pays d’origine.
Les modalités et les conditions de recrutement des EILE diffèrent d’un pays à l’autre. Au Maroc par exemple, l’Éducation Nationale marocaine a publié le 13 mars 2018 la note n° 068-18 annonçant l’organisation d’un concours de recrutement d’EILE parmi les enseignants du primaire. 188 postes sont proposés dont 146 en France, 26 en Espagne et 16 en Belgique. Ces nouveaux enseignants remplaceront des anciens dont les missions ont pris fin après 5 ans d’exercice. Cette note ministérielle requiert aux candidats d’être des enseignants du primaire titulaires avec au moins 4 ans d’expérience professionnelle. Ils doivent avoir au moins la licence et le diplôme de formation des enseignants. La maîtrise de la langue du pays d’affectation est exigée sans qu’un niveau de certification précis soit requis. Contrairement aux concours précédents, les candidats ont passé cette année seulement une épreuve orale. Après la réussite du concours, ces enseignants ont été mises à la disposition de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger qui coordonne la gestion du dispositif EILE entre les autorités marocaines et celles des pays d’implantation (MEN Maroc, 2018).
Comme leurs collègues marocains, les enseignants d’EILE turc sont également des enseignants dans leur pays. L’EILE algérien recrute ses enseignants exclusivement en France. Les enseignants d’EILE tunisiens sont recrutés soit en France soit en Tunisie (Lanier, 2011, p. 160).
Les contrats de mission des EILE se diffèrent également selon le pays d’origine. Ceux recrutés dans leurs pays ont des contrats de 4 à 5 ans non renouvelables. Tandis que les enseignants recrutés en France peuvent avoir des contrats de durée indéterminée. Le volume horaire hebdomadaire exigé pour chaque EILE est différent également. Un EILE marocain travaille entre 15 et 20 heures par semaine. L’EILE turc fait entre 10 et 15 heures de cours par semaine (Ibid, p. 160).
En conclusion et d’après les textes officiels que nous avons réussi à consulter, les enseignants d’EILE ont un statut spécifique et la gestion administrative et éducative de leur mission est confiée à la fois aux autorités de leurs pays ainsi aux celles du pays où ils exercent leur mission.
Dans la partie suivante, nous y présenterons une synthèse d’un rapport du HCI[5] (2010) intitulé « Les ELCO : transmission d’un héritage ou frein à l’intégration ? »
C. L’ELCO dans le rapport du HCI de 2010
Le Haut Conseil de l’Intégration a été saisi, pour la première fois depuis sa création, par le Premier ministre pour donner son avis sur l’école. L’objectif était d’interroger la mission d’intégration sociale et culturelle de l’école auprès des publics immigrés et issus de l’immigration. Le HCI a livré en janvier 2011 son rapport intitulé « Les défis de l’intégration à l’école ».
Le HCI a choisi comme titre du chapitre consacré aux enseignements de langues et cultures d’origine « Les ELCO : transmission d’un héritage ou frein à l’intégration ? » (HCI, 2010, p. 23). Le rapport a rappelé les contextes de mise en place de ce dispositif. Il a présenté également des données illustratives des évolutions des effectifs d’élèves et d’enseignants d’ELCO. Il en a retenu la croissance de ces effectifs, mais de façon différenciée selon l’origine géographique.
Ensuite, il s’est interrogé sur les effets du changement d’enjeux politiques et sociaux sur les objectifs de ce dispositif. En effet « à l’origine, les cours d’ELCO avaient clairement pour objectif de permettre aux enfants une réinsertion aisée dans le pays d’origine puisque l’hypothèse était faite d’un possible “retour au pays” des immigrés » (Ibid, p. 26). Mais « aujourd’hui, les familles immigrées sont durablement installées en France, sans projet de retour définitif au pays » (Ibid, p. 26).
Le rapport a souligné également les difficultés du pilotage des ELCO. Bien que ces enseignements relèvent de l’autorité académique, ils sont peu contrôlés à cause de leur programmation en différé. Aussi, « les contenus et les objets d’enseignement sont trop rarement expertisés et validés » (Ibid, p. 27).
Cela amène le CHI à mettre en garde du risque d’un éloignement des valeurs républicaines. Et il conclut ce chapitre consacré à l’ELCO par cette recommandation : « Depuis son premier rapport de 1991, le HCI a toujours préconisé la suppression des enseignements des langues et cultures d’origines tant ils lui paraissent contraires à l’objectif d’intégration. Il renouvelle ici cette recommandation qu’il considère comme l’expression d’une volonté forte d’intégrer les populations immigrées à la société française et de développer l’enseignement de ces langues inscrites dans le cursus commun d’enseignement des langues vivantes, singulièrement en langue vivante 2 et langue vivante 3 ». Et il préconise la prise en charge totale par le ministère de l’Éducation nationale de ces enseignements en assurant des enseignants qui relèvent de la législation et de la réglementation française en matière de recrutement, de formation et d’évaluation (Ibid, p. 29).
D. Quelques données statistiques
Le dispositif EILE se caractérise par la multiplicité des intervenants. Ce qui ne facilite pas son étude. En effet, les pays d’origine gèrent le dispositif par des structures différentes au niveau national et aussi dans les pays d’implantation. Ces structures se composent de ministères, d’ambassades, de consulats, de fondations et d’associations. Elles recrutent et rémunèrent les enseignants, les inspecteurs pédagogiques et les personnels administratifs. Quant aux pays d’accueil, ils offrent les locaux et gèrent toutes les conditions nécessaires au travail de ces enseignants et gèrent l’inscription des élèves bénéficiaires.
Cette gestion multiple ne permet pas d’avoir une vision globale et claire du dispositif. Ce qui se manifeste par la difficulté de se procurer des statistiques officielles portant sur l’ensemble de cet enseignement.
En France par exemple, il n’est pas facile de connaitre l’effectif actuel des enseignants EILE ni celui des élèves bénéficiaires de cet enseignement pour l’ensemble des langues étrangères. Dans ce cadre, nous avons contacté la DEPP[6] en demandant des informations statistiques. Mais elle ne dispose que des données concernant le second degré — qu’elle nous a fournies — et n’a pas ces détails éventuellement pour le premier degré. Il faut noter que ces statistiques de la DEPP concernent l’enseignement des langues vivantes au second degré qui ne font plus partie de l’EILE, mais qui s’intègrent dans l’offre de l’enseignement français des langues régionales et internationales.
Nous avons contacté également la personne chargée de l’EILE au sein de l’éducation nationale française, l’ambassade du Maroc et l’ambassade de Turquie. Mais nous n’avons pas de réponses jusqu’à ce jour.
Les statistiques récentes dont nous disposons concernent l’EILE de l’académie de Reims (qui nous a fourni les détails de la carte scolaire de 2020/2021) et de l’EILE marocain pour l’année scolaire 2012/2013 figurant sur le site de la FH2MRE[7]. Au niveau français, les dernières statistiques officielles disponibles datent de 2010 et figurent dans le rapport du HCI[8].
1. Évolution des effectifs entre 2002 et 2009
Le rapport du HCI intitulé « Les défis de l’intégration à l’école » et livré au Premier ministre en 2011, présente en annexe ces données concernant les effectifs d’élèves et d’enseignants d’ELCO entre 2002 et 2009.
Tableau 1 : Évolution des effectifs d’élèves et d’enseignants d’ELCO entre 2002 et 2009 par langue (HCI, 2010, p. 137).
Ces données montrent que globalement les effectifs ne cessent de croitre. « Avec plus de 82 000 élèves concernés pour l’année scolaire 2008-2009, c’est une augmentation de près de 16 % qui a été enregistrée au cours des six années scolaires précédentes. Le premier degré alimente cette croissance puisque les élèves du second degré (collèges) sont de moins en moins nombreux à l’exception de la langue turque qui maintient ses effectifs » (HCI, 2010, p. 26).
Mais le rapport précise qu’il s’agit d’une évolution de façon différenciée selon l’origine géographique. « En six ans, les effectifs de l’ELCO algérienne ont pratiquement doublé alors qu’ils se stabilisent voire diminuent pour l’ELCO tunisien. […] À l’exception de l’ELCO portugais qui profite d’une forte pression, les langues européennes disparaissent progressivement du paysage » (Ibid, p. 26).
2. L’EILE marocain (ELACM) entre 1990 et 2012
L’enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine (ELACM) est une déclinaison du dispositif ELCO. Au niveau marocain, cet enseignement est géré depuis 1991 par « la Fondation Hassan II pour les Marocains résidants à l’étranger (FH2MRE) » en application d’un procès-verbal signé par les départements ministériels concernés.
Il faut noter que depuis 2001, la sélection des enseignants d’ELACM se base sur un concours composé d’épreuves écrites et orales ouvert aux enseignants titulaires répondants aux plusieurs conditions d’accessibilité comme : être enseignant du primaire ; être titulaire ; être bilingue ; avoir au moins 4 ans d’expérience d’enseignement effectif en classe... (MEN Maroc, 2018, p. 2)
Selon les données de 2012/2013 qui nous ont été communiquées par la FH2MRE, à l’époque l’ELCO marocain (ou l’ELACM) était implanté en France, en Belgique, en Espagne, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. Ces enseignements ont été assurés par 576 enseignants répartis à la façon suivante :
Figure 1 : Répartition géographique des enseignants d’ELACM à l’étranger en 2012/2013 (FH2MRE, 2012)
La grande partie des enseignants ELACM 60,92 % était donc installés en France. Ensuite en Belgique 17,43 % et en Espagne 10,22 %. Les autres pays accueillaient entre 1 % et 5 % des ELACM.
Les graphiques suivants présentent l’évolution des effectifs d’enseignants et d’élèves de l’ELACM en Europe de 1990/1991 à 2012/2013 :
Figure 2 : Évolution de l’effectif enseignant de l’ELACM entre 1990 et 2012 (FH2MRE, 2012)
Figure 3 : Évolution des bénéficiaires de l’ELACM entre 1990 et 2012 (FH2MRE, 2012)
Figure 4 : Évolutions de l’effectif enseignant et du nombre moyen d’élèves par enseignant de l’ELACM entre 1990 et 2012 (FH2MRE, 2012)
En adéquation avec la conclusion du rapport du HCI, ces graphiques montrent que les effectifs de l’ELACM ont connu une croissance continue entre 1990 et 2012 sur tous les niveaux : le nombre des enseignants est passé de 411 en 1990 à 576 en 2012 ; le nombre des bénéficiaires est passé de 34 482 en 1990 à 75 387 en 2012 ; la moyenne de bénéficiaires par enseignants est passée de 84 en 1990 à 130 élèves par enseignant en 2012.
3. L’EILE de l’académie de Reims en septembre 2020
À cause de la situation sanitaire et de l’évolution en cours du dispositif EILE, il n’est pas facile d’avoir des statistiques réelles en ce moment. Dans cette partie, nous nous baserons donc sur les prévisions de la carte scolaire arrêtée en fin de juin 2020 pour la rentrée de septembre 2020.
Dans le cadre du dispositif de l’EILE, les langues enseignées dans l’académie de Reims sont l’arabe et le turc. Les EILE existant selon la carte scolaire de l’année 2020/2021 sont les EILE algériens, marocains et turcs. Jusqu’à l’année scolaire 2019/2020, il y avait un ELCO algérien. Mais le renouvèlement de l’accord entre la France et l’Algérie pour abandonner l’ELCO et passer à l’EILE n’a pas encore abouti. En conséquence, les enseignants algériens n’ont pas encore repris leurs cours jusqu’aujourd’hui. Auparavant, il y avait aussi dans cette académie un ELCO portugais, mais il a été suspendu à cause d’un effectif insuffisant des élèves bénéficiaires.
Selon la carte scolaire prévue pour 2020/2021 et en comptant les enseignants algériens qui sont toujours en attente la nouvelle convention soit conclue entre la France et l’Algérie, il est prévu qu’il y aurait 7 enseignants d’EILE (5 hommes et 2 femmes) exerçant dans le département de la Marne, dont 4 Marocains, 2 Algériens et 1 Turc.
Ces 7 enseignants interviendraient dans 27 écoles primaires, dont 21 proposent la langue arabe et 6 proposent la langue turque. Le tableau suivant présente la distribution des cours selon la langue et le nombre de cours proposé par semaine :
Tableau 2 : Distribution prévue des EILE de l’académie de Reims pour 2020/2021
Au total, les 7 enseignants d’EILE affectés dans l’académie de Reims devraient assurer dans l’ensemble 54 cours par semaine dans 27 établissements, dont 9 séances de turc et 45 séances d’arabe.
Toujours selon la carte scolaire de l’EILE prévue en 2020/2021 dans l’académie de Reims, 739 élèves bénéficieraient de ces cours. Ils se distribuent comme suivant :
Tableau 3 : Les effectifs des bénéficiaires de l’EILE dans la Marne
À partir des tableaux 2 et 3, dans le département de la Marne au total 739 élèves répartis en 54 groupes suivront les cours d’EILE assurés par 7 enseignants dans 27 écoles primaires pendant l’année scolaire 2020/2021.
Sachant qu’une séance dure une heure et demie, les EILE de l’académie de Reims offrent pour les 54 groupes un total de 81 heures d’enseignement par semaine dont 67h30 de l’arabe (83,33 %) et 13 h 30 du turc (16,67 %). Toutes ces séances sont différées, c’est-à-dire qu’elles ont lieu après la fin des classes « ordinaires », le mercredi et le samedi.
Presque, les trois quarts des 54 cours d’EILE par semaine dans la Marne sont implantés à Reims. Le reste se distribue entre les villes de Châlons-en-Champagne, Épernay, Vitry-le-François et Sézanne.
Tableau 4 : Distributions des cours d’EILE de la Marne par villes d’implémentation (semaine)
Les 7 enseignants d’EILE devront donc assurer ces 54 cours par semaine dans 5 villes du département de la Marne. 5 d’entre eux travailleront sur la ville de Reims dont 4 enseignants d’arabe et un enseignant du turc. Un de ces enseignants d’arabe et l’enseignant du turc assurera aussi les cours sur la ville d’Épernay. En plus, l’enseignant du turc travaillera également sur Sézanne. À Châlons-en-Champagne, il y a un seul enseignant d’arabe qui assurera les 7 cours par semaine. C’est également le cas sur la ville de Vitry-le-François où un autre enseignant assurera les 3 cours d’arabe. Ce dernier interviendra également dans le département de l’Aube.
E. Bilan
L’enseignement des langues étrangères en France a évolué sous plusieurs formes. L’ELCO était un des dispositifs principaux. Ce dernier a connu plusieurs évolutions. Mais l’évolution la plus importante était l’enseignement de plusieurs langues d’origine comme l’italien et le portugais dans le cadre des langues vivantes dans le primaire laissant l’arabe et le turc les seules deux langues enseignées dans le cadre de l’ELCO. Ensuite la généralisation de l’évolution de l’ELCO vers l’EILE en 2020.
Malgré ces évolutions, les enseignants EILE sont toujours des ressortissants des pays d’origine mis en détachement administratif auprès des académies de l’éducation nationale française. Les données statistiques montrent que leurs effectifs ne cessent de croitre pour répondre à l’évolution haussière des élèves bénéficiaires.
Chapitre 2 : Évolution de notre problématique de recherche
Nous exerçons la fonction d’ELCO/EILE depuis l’année scolaire de 2015/2016. Pendant les premières années, nous faisions face d’une manière quasi quotidienne à des situations qui nous mettaient en difficulté. Par exemple, nous avions le sentiment d’agir dans l’urgence et de courir en permanence derrière les événements qui se succédaient. Cela nous a amenés à nous questionner sur la nature de cette fonction et comment serait-il possible de faire face à ces difficultés. En 2017, nous avons repris les études universitaires en parallèle. Ainsi, nous avons découvert plusieurs approches de l’analyse du travail. Par conséquent, nous avons pris notre métier comme sujet d’étude. Nous avons commencé par une lecture des écrits scientifiques consacrés à l’étude de l’ELCO. Ensuite, nous avons analysé ce métier dans le cadre d’un mémoire de recherche.
F. Évolution à partir d’une revue de littérature scientifique
Nous avons essayé, dans un premier temps, de trouver des éléments de réponses à nos questions dans la littérature scientifique. Pour ceci, nous avons repéré plusieurs articles à partir du catalogue de la bibliothèque universitaire et le moteur de recherches Google scholar. Alors, nous avons constaté que la plupart de ces articles mettent le point plus sur le fonctionnement du dispositif ELCO, sur l’adéquation de ses objectifs avec les nouveaux enjeux sociétaux et sur ses effets
et ses apports aux élèves en ce qui concerne l’étayage de l’apprentissage et la maîtrise du français. Ainsi, on trouve facilement des mots clés communs entre ces études comme plurilinguisme, intégration, interculturalité, immigration…
Dans ce cadre, nous citons à titre d’exemple, l’article de Bertucci (2007) qui présente une vue générale sur les différentes étapes du développement du dispositif ELCO depuis sa mise en place et les caractéristiques de chacune d’elles. Ensuite, il souligne de nombreux dysfonctionnements de ce dispositif en s’appuyant sur plusieurs rapports. Ainsi sont cités : les rapports du Haut Conseil à l’Intégration (HCI) en 1995 et 2000, le rapport de la commission Stasi en 2003 et le rapport de la Cour des comptes en 2004. Selon l’article, ces institutions ont souligné « la logique communautariste parfois, et inadaptation de l’enseignement aux enjeux de la politique d’intégration (…) la formation des maîtres et leur maîtrise plus ou moins satisfaisante du français (…) les difficultés d’organisation (…) et les entorses aux principes du système éducatif français et à la laïcité » (Bertucci, 2007, p. 33).
Dans une perspective anthropolinguistique cette fois, nous citons l’article de Tran-Minh (2009) qui a étudié la question de la reconnaissance des langues et culture d’origine à l’école française. Dans sa conclusion, l’auteur réclame une « ouverture vers le pluralisme » (Tran-Minh, 2009, p. 67) pour concilier les intérêts des enfants alloglottes[9] et ceux de l’école française. Cela n’est possible, toujours selon cet article, que par « un enseignement renouvelé qui lierait alors bel et bien la citoyenneté au pluralisme et tout en incluant les langues et cultures d’origine des enfants alloglottes, irait dans le sens de l’école républicaine et de la société française, en s’adressant à tous les élèves, sans viser les alloglottes en particulier. Ces derniers seraient alors considérés comme des élèves avant d’être des alloglottes nés en France, dont l’école prendrait en compte le particularisme, en le valorisant dans le cadre commun de la classe » (Ibid, p. 68).
Enfin, pour donner un exemple de recherches qui se sont intéressées aux effets du dispositif ELCO, nous citons la thèse de Rachidi (2011). Cette recherche s’inscrit dans une perspective psycholinguistique et a pour objectif d’analyser les effets de la valorisation du bilinguisme franco arabe sur les performances scolaires, les performances langagières et la perception de soi d’enfants bilingues issus de l’immigration maghrébine arabophone. Les résultats de cette étude n’ont permis de relever aucun effet négatif en lien avec l’apprentissage de la langue arabe à l’école sur les performances scolaires et langagières d’enfants issus de l’immigration maghrébine arabophone. Néanmoins, les résultats ont été encourageants et montraient l’existence d’effets positifs de l’apprentissage de la langue familiale à l’école sur les performances scolaires, dès la classe de CE1. Ainsi, même en situation de bilinguisme peu valorisé socialement, qui se caractérise par une faible maîtrise de la langue d’origine par rapport à celle du pays d’accueil, et avec un nombre limité d’heures d’enseignement de l’arabe, les résultats vont dans le sens d’une meilleure réussite scolaire (Rachidi, 2011, p. 210).
À la suite de cette revue de littérature scientifique, nous n’avons pas trouvé des travaux de recherche consacrés à l’activité professionnelle des enseignants d’ELCO au moins parmi ce que nous avons pu consulter. Ainsi, il nous semble que des questions importantes pourraient être analysées, comme :
- Comment ces enseignants, eux-mêmes, vivent-ils au quotidien leur travail dans ces conditions ?
- Arrivent-ils à faire ce qu’ils ont à faire ?
- Comment font-ils ou doivent-ils faire pour y arriver ?
- Quels sont les dilemmes et conflits imposés par le contexte de leur travail ? • Et comment font-ils pour les surmonter ?
G. Évolution à partir d’un travail de recherche précédent
Dans notre mémoire de recherche pour le master CIREF en 2019, nous avons analysé le travail d’ELCO en mobilisant une approche ergonomique (Amigues, 2002, 2003, 2009; Amigues & Lataillade, 2007; Saujat, 2002, 2004, 2011) et clinique (Clot, 1999, 2007, 2008; Clot & Faita, 2000) de l’activité professionnelle.
Notre objectif a été d’identifier « les instances de ce métier » (Clot, 2007, p. 86) et leur nature. Pour ce faire, nous nous sommes appliqués à étudier « le réel de l’activité » (Clot, 1999, p. 119) de l’ELCO. Pour cela, nous avons utilisé « l’instruction au sosie » (Saujat, 2010, p. 20) comme méthode indirecte de recueil de données afin d’obtenir des traces de « l’activité réelle » (Clot, 1999, p. 119)
de l’ELCO. Nous avons mobilisé la méthode de l’analyse de contenu de la communication (Bardin, 2013) afin de produire des données à partir de notre corpus constitué de la transcription de l’ensemble des entretiens d’instructions au sosie.
L’analyse de ce corpus, en s’appuyant sur les concepts de la clinique de l’activité, a révélé plusieurs éléments qui empêchent (Clot, 1999, 2008) l’ELCO de bien faire son travail. Ces empêchements peuvent se regroupes en cinq catégories : les empêchements liés aux conditions du travail, ceux qui sont provoqués par le lieu de l’exercice de l’activité, des empêchements relationnels, des empêchements matériels, et des empêchements du développement.
- Conditions du travail : la programmation des cours en dehors du temps scolaire et à la fin de la journée est un empêchement majeur qui impacte toute l’activité de l’ELCO. En effet, il doit prendre cet élément en considération tout au long de ses différentes tâches : pendant la préparation, en gérant la discipline des élèves et au cours du déroulement de la séance. Et cela influence également ses relations avec les équipes pédagogiques des écoles. En plus, les cours de l’ELCO sont facultatifs et souvent ce sont les parents qui obligent leurs enfants à y assister ce qui impacte leur motivation ;
- Le lieu de l’exercice de l’activité : L’ELCO exerce son activité soit dans une salle de classe d’un enseignant français. Dans ce cas, l’ELCO ne dispose pas de beaucoup de liberté concernant l’organisation de l’espace du travail. Et il y a une nouvelle préoccupation qui s’ajoute. Il s’agit de surveiller tout ce qui est en classe. Soit, il travaille dans une salle qui n’est pas destinée à l’enseignement.
- Relationnels : Comme nous l’avons évoqué plus haut, la programmation des cours ne permet pas à l’ELCO d’entrer en contact avec les équipes pédagogiques qui sont sur place. Le contact avec les autres ELCO se trouve également empêché parce que souvent il n’y a qu’un ELCO à l’école. Et même lorsqu’ils sont plusieurs dans la même école, ils n’interviennent pas en même temps ;
- Matériels : par exemple, ne pas dépasser un nombre limité de copies par élève
- Du développement : les instances marocaines chargées de ce dispositif proposent des formations seulement aux ELCO de paris. Du côté français, seulement certaines académies en proposent.
Cette étude clinique nous a permet d’accéder à l’activité réelle qui déborde non seulement la tâche prescrite, mais également l’activité réalisée elle-même pour atteindre la subjectivité du sujet (Clot, 2008). En effet, les conditions de l’exercice de l’activité de l’ELCO et son isolement sont des contraintes qui provoquent des activités empêchées chez ce dernier. En conséquence, l’absence des interactions professionnelles, que ce soit avec les enseignants français ou les autres ELCO, ne permet pas à l’enseignant d’ELCO de construire des références communes, ressources sur lesquelles son activité pourrait s’appuyer.
H. Bilan
Notre expérience dans l’ELCO/EILE, la revue de littérature et l’étude de cette activité professionnelle nous ont permet de constater l’isolement professionnel de ces enseignants.
Dans le cadre de ce mémoire, nous souhaitons continuer notre réflexion autour de cette activité professionnelle tout en restant cohérents avec les attendus du master IeFUN. Et nous nous demandons comment ces enseignants pourraient faire face à cet isolement professionnel. Comme ils ne peuvent pas se rencontrer physiquement, une collaboration à distance leur permettrait-elle de construire une équipe ?
Chapitre 3 : Cadre conceptuel
Pour pouvoir poursuivre notre travail sur la construction d’une équipe professionnelle à distance, par les enseignants d’EILE, il nous fallait un cadre conceptuel capable d’analyser d’une part l’activité collective et de l’autre part, l’apport de la mobilisation des instruments à cette activité collective. Les travaux de Clot (1999, 2007, 2008 ; Clot & Faïta, 2000), de Caroly (2010, 2016) et de Rabardel (Folcher & Rabardel, 2004; 1995) nous ont paru être adaptés à notre approche.
I. Le genre et le style, deux instances du métier
Dans l’approche clinique de l’activité, le métier ne se limite ni à la pratique ni à l’activité ou même à la profession. Mais, il est « une discordance entre quatre instances en conflit » (Clot, 2007, p. 86). Le métier est donc « à la fois irréductiblement personnel, interpersonnel, transpersonnel et impersonnel » (Clot, 2008, p. 258).
L’activité est toujours réalisée par un individu. C’est la dimension personnelle du métier. Elle est l’activité réelle de chaque professionnel et son interprétation personnelle des prescriptions.
Le destinataire de cette activité est l’instance interpersonnelle du métier. Ce destinataire peut être le monde physique, mais aussi il peut être l’activité d’autrui comme le cas des métiers de la formation et du soin. En effet, l’individu, dans son travail, est constamment impliqué dans les relations avec les autres, qu’il s’agisse de pairs, de supérieurs ou de membres du public.
Ensuite, l’instance transpersonnelle du métier est son histoire collective construite par chaque sujet d’une époque à autre. « Ce sont les attendus génériques de l’activité » (Clot, 2007, p. 86). L’histoire transpersonnelle du métier est un surdestinataire qui en construisant une mémoire collective, permet au professionnel de reprendre le travail sans qu’il soit toujours obligé de tout recommencer. Cette mémoire collective est désignée également par le concept de « genre professionnel » (Clot, 2015, p. 229).
Le genre social du métier ou le genre professionnel est « ce qui existe entre le prescrit et le réel » (Clot & Faïta, 2000, p. 9). « C’est un moyen qui sert aux hommes pour se mesurer au réel en s’assurant d’un rapport contrôlé avec lui » (Clot, 1999, p. 43).
Comme le genre du discours est un « troisième participant invisible. (...) C’est un surdestinataire qui se situe au-dessus de tous les participants du dialogue » (Bakhtine 1984, p.336 cité par Clot, 2008, p. 207). Il construit ainsi une mémoire sociale du discours permettant l’échange et la compréhension entre les individus sans qu’ils soient obligés de tout redire à chaque fois. De la même manière, le genre professionnel est « les obligations que partagent ceux qui travaillent pour arriver à travailler, souvent malgré tout, parfois malgré l’organisation prescrite du travail » (Clot & Faïta, 2000, p. 9). Il est « en quelque sorte la partie sous-entendue de l’activité, ce que les travailleurs d’un milieu donné connaissent et voient, attendent et reconnaissent, apprécient ou redoutent ; ce qui leur est commun et qui les réunit sous des conditions réelles de vie ; ce qu’ils savent devoir faire grâce à une communauté d’évaluations présupposées, sans qu’il soit nécessaire de respécifier la tâche chaque fois qu’elle se présente. C’est comme “un mot de passe” connu seulement de ceux qui appartiennent au même horizon social et professionnel » (ibid. 2000, p. 11).
Enfin, la composante impersonnelle du métier est la prescription qui définit la tâche ou la fonction à accomplir. Cette dimension est impersonnelle parce que la tâche prescrite est conçue sans égard à la personne qui l’exécutera ; elle attend d’être personnalisée. « Elle est ce qui tient le métier au-delà de chaque situation particulière, cristallisé dans l’organisation ou l’institution. C’est comme un modèle refroidi à décongeler par chacun et par tous, face au réel, à l’aide des attendus de l’histoire commune » (Clot, 2007, p. 86).
Quant au style individuel, il peut être défini comme « une métamorphose du genre en cours d’action » (Clot, 2008, p. 80; Clot & Faïta, 2000, p. 15). Il est « la transformation des genres par un sujet, en moyen d’agir dans ses activités réelles » (Clot, 1999, p. 43). Le style est donc la mobilisation individuelle des ressources fournies par le genre professionnel pour agir dans une situation d’activité professionnelle. Par cette mobilisation, le sujet retouche, transforme et enrichit son genre professionnel. Ce qui permet d’entretenir ce dernier et de le garder « vivant » pour reprendre l’expression de Clot (2008, p. 158).
Clot ajoute que le style n’est pas tourné uniquement vers le collectif. Mais il est tourné également vers le sujet lui-même. Il lui permet un développement psychologique et une évolution de son histoire personnelle par la suite. Cette histoire personnelle est qualifiée comme « un genre intérieur » ou « un stock de prêts à agir en fonction de l’évaluation de la situation » (2008, p. 111).
L’auteur illustre donc le style comme une unité à l’intersection de deux lignes de sens opposés :
- La première ligne est orientée du style vers le genre professionnel. Le style individuel enrichit et entretient le genre professionnel.
- La seconde ligne est orientée du style vers le genre intérieur du sujet. En s’appropriant les ressources fournies par le genre professionnel, le style participe à l’évolution du sujet lui-même par un développement au niveau psychologique comme au niveau des expériences acquises : « l’existence d’un style dans l’action signe les développements respectifs en cours de l’homme pensant et de l’être vivant, autrement dit, de la conscience et de l’expérience » (Clot, 2008, p. 113).
Afin d’illustrer les liaisons et transferts possibles entre les instances du métier à travers l’activité, nous reprenons le modèle suivant :
Figure 5: Les transferts possibles entre l'activité et les instances du métier d'après El Mechat (2019, p. 39)
D’après ce modèle et de ce qui a précédé, nous pouvons conclure qu’il y a un double mouvement entre le genre et le style. D’un côté, le genre professionnel, l’instance transpersonnelle
du métier, conserve des ressources pour le sujet afin de lui permettre de faire face aux différentes situations du travail. Il lui permet donc de développer son pouvoir d’agir. De l’autre côté, le style individuel permet d’enrichir le genre professionnel. C’est ce double mouvement entre le genre et le style, autrement dit entre le groupe et le sujet, qui transforme un groupe en collectif de travail (Clot, 2008, p. 81).
Avant d’aborder le concept du collectif de travail, nous avons besoin de présenter la notion du travail collectif.
J. Le travail collectif
Caroly définit le travail collectif comme « un processus de répartition des tâches, d’échanges de savoirs, d’élaborations de règles collectivement admises. […] Ces régulations collectives visent soit un but de gestion de la production, de fiabilité des systèmes, et/ou un but d’efficience, de construction des compétences et de maintien de la santé » (Caroly, 2010, p. 97). Pour l’auteur, le travail collectif ne se limite pas à un agrégat d’activités individuelles. Mais il est « la réalisation conjointe d’une même activité par plusieurs opérateurs, dans des lieux et des temps qui peuvent être communs ou différents ».
Selon l’auteur, le travail collectif peut être prescrit ou réel. Dans le premier cas, les sujets sont obligés à un moment donné de travailler ensemble « sans qu’ils aient eu le temps d’élaborer une représentation commune et des objectifs partagés du travail à faire, ni de pratiques communes sur la façon de s’y prendre dans les situations de travail ». Ce qui se réalise, en revanche, dans le cas du travail collectif réel. C’est-à-dire que les sujets « ont eu le temps de construire un référentiel opératif commun » (Caroly, 2010, p. 106).
Le travail collectif peut prendre plusieurs formes : la coaction, la collaboration, la coopération, l’aide et l’entraide. Et pour que ce travail collectif puisse avoir lieu, plusieurs conditions sont nécessaires : « la coopération nécessite de la coordination et de la concertation. Il est nécessaire aussi d’avoir de la stabilité de l’équipe, des outils cognitifs et des marges de manœuvre laissées par l’organisation » (Ibid, p. 96).
Selon l’auteur, le travail collectif correspond donc aux modes de coopération et de collaboration entre les membres d’une équipe. D’une part, il facilite dans certains cas la mise en œuvre de régulations individuelles et collectives pour gérer les situations de travail. De l’autre part, il donne des ressources à chacun pour ne pas être seul face à la diversité des prescriptions, notamment par des processus de réélaboration des règles.
K. Le collectif de travail
Caroly (2010) distingue dans ces travaux entre « le travail collectif » et « le collectif de travail ». En fait « tout travail collectif n’implique pas de collectif de travail » (Weill-Fassina, Benchekroun, 2000, p. 6 cité par Caroly, 2010, p. 99). En psychologie du travail, le collectif de travail ne se limite pas à un groupe d’individus ou à une équipe imposée par la prescription. « Le collectif de travail désigne un ensemble de personnes qui partage en commun des règles de métiers, qui respecte les façons de faire l’activité de chacun et qui participe à soutenir les stratégies de préservation de la santé de chacun » (Caroly, 2016, p. 101). Le collectif de travail donc se constitue et se développe dans un processus dynamique lorsque plusieurs personnes, agissant dans le cadre d’une œuvre commune, constituent des règles d’actions et des règles de métier. Autrement dit, en utilisant le vocabulaire de la clinique de l’activité, il y a collectif de travail lorsque les sujets participent à la construction d’un « genre professionnel » (Clot & Faïta, 2000). Ce qui implique un engagement et une mobilisation subjective du sujet dans le collectif.
Le collectif de travail assure plusieurs fonctions :
- Il « donne du pouvoir d’agir dans l’activité individuelle » parce qu’il fournit à chaque membre des ressources conçues et évaluées collectivement « en respectant le prescrit, mais aussi ce qu’il est possible de faire » (Caroly, 2016, p. 106);
- Il favorise la construction de la santé. En stylisant le genre professionnel fourni par le collectif de travail, le sujet construit le sens de son activité et vise l’efficacité et l’efficience. Ce qui lui permet de développer « des stratégies de préservation de sa santé » (Ibid, p. 106).
- Il « entretient la vitalité du collectif » en permettant « des régulations conjointes » de l’organisation du travail entre les sujets et le prescripteur (Ibid, p. 106).
L. L’activité collective
L’activité collective (Caroly, 2010) est un concept qui permet de rendre compte de l’articulation entre travail collectif et collectif de travail dans l’activité. En effet, l’activité collective « est à envisager comme une interface, un modérateur, un système de régulation entre travail collectif et collectif de travail, intégrant la dimension historique de l’activité et prenant en considération le corps et le rapport aux objets » (Ibid , p. 108). Pour l’auteur, l’activité collective nécessite à minima du travail collectif avec un collectif de travail plus ou moins élaboré. Ainsi, l’activité collective ne peut se construire uniquement à partir d’une somme des différentes activités individuelles, mais par des allers-retours permanents entre l’activité du sujet, la mise en œuvre d’un travail collectif et le fonctionnement du collectif de travail.
L’activité collective selon Caroly (2010, p. 109) assume deux fonctions. La première est la construction des compétences. D’une part, l’activité collective rend le travail collectif plus performant en permettant la réélaboration des règles et la mise en œuvre de régulations collectives. De l’autre part, elle favorise le développement des compétences individuelles par une meilleure répartition des tâches et un partage de connaissance sur les situations de travail. La deuxième fonction de l’activité collective est l’enrichissement de la vitalité du collectif en alimentant le genre et en entretenant aussi le style (Clot & Faïta, 2000) de chacun.
Cette conception de l’activité collective considère que celle-ci n’est pas donnée d’emblée à celui qui prend un poste de travail. Mais, plusieurs conditions sont requises pour qu’il y ait véritablement activité collective : « existence d’espaces de délibération des règles, une prise en compte des régulations opératives et collectives, un environnement capacitant[10] et une construction d’un genre professionnel » (Caroly, 2010, pp. 109‑111).
Nous avons vu que parmi les fonctions de l’activité collective est la construction des compétences par le pouvoir d’agir que donne le collectif à l’activité individuelle. Pour continuer notre réflexion, nous présentons très brièvement la conceptualisation du pouvoir d’agir en clinique de l’activité.
M. Le pouvoir d’agir
En clinique de l’activité, le pouvoir d’agir « mesure le rayon d’action effectif du sujet ou des sujets dans leur milieu professionnel habituel, ce qu’on peut aussi appeler le rayonnement de l’activité, son pouvoir de recréation » (Clot, 2008, p. 13). Il est ce qui permet à l’individu et à son collectif d’affronter efficacement la dimension réelle du travail en leur permettant la mobilisation des possibilités existantes ou la création des novelles à travers l’analyse de l’activité passée. Ainsi, le pouvoir d’agir relève de l’établissement ou non par les sujets « des relations nouvelles aux objets, à autrui ou à lui-même » (Clot, 2008, pp. 19, 20). C’est pour cela donc que l’auteur considère que le pouvoir d’agir « se développe ou s’atrophie dans la boite noire de l’activité » (Clot, 2008, p. 13). Le développement du pouvoir d’agir repose alors sur la perception qu’un tel pouvoir existe dans l’activité. Ce n’est que par la découverte de ce pouvoir que l’arc des possibles peut être déterminé (Scheller, 2014).
N. La situation d’activité collective instrumentée SACI
Nous envisageons de mettre les enseignants d’EILE dans une situation de travail collectif à distance. Pour traiter notre problématique, nous avons besoin donc de compléter notre cadre de référence par les concepts du cadre théorique des activités avec instrument développé par Rabardel (1995). Cette approche instrumentale s’appuie à la fois sur les théories de l’activité dont la clinique de l’activité et sur l’approche développementale et constructiviste de Piaget.
Dans cette partie, nous présentons les concepts de l’artefact, de l’instrument et des schèmes d’utilisation pour appréhender par la suite les principes du modèle SACI : situation d’activité collective instrumentée que nous mobiliserons afin de produire les données de notre corpus.
1. L’artefact
De façon générale, l’artefact « désigne en anthropologie toute chose ayant subi une transformation, même minime, d’origine humaine » (Rabardel, 1995, p. 49). Il est le résultat d’une activité finalisée pendant laquelle le concepteur s’est imaginé l’utilisation future de cet artefact. «C’est sa finalisation qui est à l’origine de son existence » (Rabardel, 1995, p. 49). L’artefact qu’il soit matériel ou non « concrétise une solution à un problème ou à une classe de problèmes socialement posés » (Rabardel, 1995, p. 49).
L’artefact peut être matériel ou cognitif. L’artefact matériel (physique) est artificiellement introduit dans l’activité du sujet. Il donne de nouveaux pouvoirs à ses utilisateurs. Quant à l’artefact cognitif (symbolique), il est le produit d’un couplage de fonctions matérielles et cognitives par exemple « la prise de décision cognitive » (Ibid, p. 72).
2. L’instrument
Selon l’approche instrumentale de Rabardel, un instrument désigne « l’artefact en situation, inscrit dans un usage, dans un rapport instrumental à l’action du sujet, en tant que moyen de celle-ci » (Rabardel, 1995, p. 49). De ce fait, l’instrument se constitue de trois dimensions caractéristiques.
Premièrement, l’instrument est considéré comme « une entité intermédiaire […] entre deux autres entités que sont le sujet, acteur, utilisateur de l’instrument et l’objet sur lequel porte l’action » (Rabardel, 1995, p. 72). Selon l’auteur, l’instrument est donc un « univers intermédiaire » (Ibid, p. 72) qui, pendant l’activité, permet des médiations entre le sujet et l’objet. Il s’agit d’un côté d’une médiation épistémique parce que l’instrument permet au sujet la connaissance de l’objet ; et de l’autre côté d’une médiation pragmatique, car l’instrument permet au sujet d’agir sur l’objet.
Ensuite, l’instrument est un artefact mobilisé par le sujet comme moyen de l’activité « il est opératif au sens où il prend en charge une partie de la tâche : il effectue un travail » (Rabardel, 1995, p. 73).
Enfin, « l’instrument est un moyen de capitalisation de l’expérience accumulée » (Rabardel, 1995, p. 73). Parce que l’instrument développé par le sujet dans une situation particulière est conservé pour être réutilisé ultérieurement dans des situations similaires ou appartenant à la même classe de situations. Rabardel ajoute donc qu’« en ce sens, tout instrument est connaissance » (Rabardel, 1995, p. 73). Ces connaissances capitalisées portent à la fois sur l’artefact et sur les usages et les modes d’emploi qui y sont associés.
En s’appuyant sur ce qui a précédé, Rabardel propose une définition de la notion d’instrument d’un point de vue psychologique. Il est « une entité mixte, qui tient à la fois du sujet et de l’objet […] L’instrument est une entité composite qui comprend une composante artefact (un artefact, une fraction d’artefact ou un ensemble d’artefacts) et une composante schème » (Rabardel, 1995, p. 95).
L’instrument se forme donc de deux composantes :
- Un artefact, matériel ou symbolique, produit par le sujet ou par d’autres ;
- Un ou des schèmes d’utilisation associés.
De ce fait et pour continuer la présentation du concept instrument, nous avons besoin de comprendre la notion des schèmes.
3. Les Schèmes d’utilisation
En partant de l’approche piagétienne, le schème pour Rabardel est un « ensemble structuré des caractéristiques généralisables de l’action qui permettent de répéter la même action ou de l’appliquer à de nouveaux contenus » (Rabardel, 1995, p. 74). Pour illustrer ce concept, l’auteur donne l’exemple de l’action du bras et de la main pour saisir un objet. En effet, quel que soit l’objet à saisir, on mobilise toujours le même mode opératoire pour réaliser cette action tout en adaptant
à chaque fois les gestes aux caractéristiques de cet objet. Les schèmes sont donc des structures et des organisations dont dispose le sujet. Ils lui permettent à la fois de guider son action actuelle, de la reproduire et de l’adapter aux classes de situations similaires.
Rabardel adopte la structuration du schème proposée par Vergnaud. Ainsi le schème se constitue de quatre entités (Rabardel, 1995, p. 88) :
- Un ou plusieurs buts, des sous-buts et des anticipations à atteindre ;
- Des règles d’action, du type « si X alors y » qui organisent la suite des actions du sujet ;
- Des invariants opératoires qui guident la prise d’informations sur la situation à traiter ;
- Des inférences produites à partir des informations qui sont prélevées et à partir des invariants opératoires.
Les schèmes se construisent et évoluent, selon cette approche, par deux processus complémentaires : l’assimilation et l’accommodation :
- L’assimilation consiste à généraliser l’application des schèmes à des artefacts pourtant différents. Ainsi, le schème, en permettant au sujet d’assimiler les éléments de la situation, il évolue lui-même. Il est donc moyen et produit de cette activité assimilatrice. « C’est l’assimilation reproductrice qui constitue les schèmes, ceux-ci acquérant leur existence dès qu’une conduite, si peu complexe soit-elle, donne lieu à un effort de répétition et se schématise ainsi » (Rabardel, 1995, p. 79).
- L’accommodation consiste à transformer, réorganiser et différencier les schèmes existants s’ils ne permettent pas de répondre aux exigences d’une nouvelle situation. Ces schèmes évoluent donc par le processus d’accommodation soit aux exigences extérieures ou aux autres schèmes existants.
L’approche instrumentale a approfondi en particulier le concept desschèmes d’utilisation. Ce sont « Les schèmes liés à l’utilisation d’un artefact » (Rabardel, 1995, p. 91). Ces schèmes s’élaborent en même temps individuellement et à travers les interactions sociales du sujet. C’est pour cela que Rabardel les a qualifiés de schèmes sociaux d’utilisation. Dans cette classe de schèmes, trois niveaux sont distingués (Folcher & Rabardel, 2004, pp. 259, 260; Rabardel, 1995, pp. 91‑93) :
- Les schèmes d’usage permettent de gérer essentiellement les interactions avec l’artefact. Ils sont les schèmes du premier niveau orientés vers les tâches secondes. Ces dernières concernent donc les actions liées à l’artefact et non pas à l’objet ou au but de l’activité.
- Les schèmes d’action instrumentée sont dirigés vers l’objet de l’activité. Ils incorporent les schèmes du premier niveau, c’est-à-dire les schèmes d’usage, pour atteindre le but principal de l’activité. Ils sont porteurs du sens de cette activité pour le sujet.
- Les schèmes d’activité collective instrumentée concernent la mobilisation de l’artefact dans le cadre d’une activité collective. D’un côté, ils spécifient les tâches et les résultats attendus. De l’autre côté, ils coordonnent les tâches individuelles et intègrent les réalisations pour contribuer à atteindre le but de l’activité.
4. La genèse instrumentale
Selon Rabardel, « la genèse instrumentale » (1995) est le processus d’appropriation de l’artefact par le sujet pour en faire un instrument. C’est un processus plus ou moins long et toujours en développement. Il se compose de deux mouvements :
- L’instrumentalisation est orientée du sujet vers la composante artefact de l’instrument. C’est le processus d’enrichissement des propriétés de l’artefact par le sujet lorsque celui-ci attribue des fonctions à l’artefact.
- L’instrumentation est tournée vers le sujet lui-même. Elle lui permet de développer des schèmes d’utilisations par assimilation ou/et accommodation. Autrement dit, c’est le sujet lui-même qui se développe par ce mouvement.
Afin d’illustrer ce processus, nous reprenons la modélisation proposée par Booms (2014, p. 52) :
Figure 6 : La genèse instrumentale
(D’après Rabardel, 1995 ; dans Booms, 2014, p. 52)
Pour conclure cette partie, nous retenons que l’instrument se constitue de l’artefact et des schèmes d’utilisation que le sujet lui associe. La genèse de l’instrument passe donc par le développement par le sujet de ces schèmes d’utilisation d’un côté et par l’évolution des propriétés de l’artefact de l’autre. Autrement dit, par les processus d’instrumentation et d’instrumentalisation.
5. L’activité collective médiatisée par les instruments
Rabardel propose une conceptualisation de la situation d’activité collective médiatisée par les instruments sous forme d’un « modèle quadripolaire » (1995, p. 62) SACI[11] où l’instrument médiatise les relations à la fois entre le sujet de l’activité, l’objet de son activité et les autres sujets :
Figure 7: Modèle SACI situations d’activité collectives instrumentées
(Rabardel, 1995, p. 62)
Folcher et Rabardel (2004) ont développé davantage ce modèle dans le cas de situation d’activité instrumentée (SAI) en distinguent « trois orientations principales de la médiation par les instruments : vers l’objet de l’activité, vers les autres sujets, et enfin vers soi-même » (Folcher & Rabardel, 2004, p. 256).
a) Les médiations principales :
L’activité du sujet est toujours orientée vers un objet, c’est pour cela que les auteurs considèrent comme médiations principales celles qui associent le sujet, l’instrument et l’objet d’activité. Ces médiations prennent deux formes :
- Médiations épistémiques à l’objet : orientées de l’objet vers le sujet, elles permettent d’informer le sujet sur les propriétés de son objet d’activité et sur les évolutions de celui-ci au cours de l’action.
- Médiations pragmatiques à l’objet : orientées du sujet vers l’objet, elles visent l’action sur l’objet, c’est-à-dire la réalisation de l’activité par le sujet.
b) Les médiations interpersonnelles :
L’activité du sujet est également orientée vers les autres. Dans ce cas, nous avons des médiations interpersonnelles. De même que les médiations principales, ces médiations interpersonnelles prennent deux formes également :
- Médiations épistémiques aux autres : orientées des autres vers le sujet, elles permettent au sujet de connaitre les autres en lui informant sur leurs activités et sur leurs façons d’agir par exemple.
- Médiations pragmatiques aux autres : orientées du sujet vers les autres, elles permettent au sujet d’agir sur les autres en infectant leurs propres actions.
En plus, les auteurs considèrent que les médiations interpersonnelles « peuvent aussi prendre d’autres valeurs selon la nature de l’activité : médiation collaborative dans le cadre du travail collectif, médiation intersubjective, médiation sociale, etc. » (2004, p. 257).
c) Les médiations réflexives :
Étant donné que l’activité du sujet est orientée à la fois vers l’objet, vers les autres et vers lui-même, le modèle de Folcher et Rabardel considère que l’instrument médiatise aussi le rapport du sujet à lui-même. Ce sont des médiations réflexives (en vert). Elles partent du sujet, traversent l’instrument pour revenir au sujet à nouveau. Elles permettent au sujet de se connaitre, de se gérer et de se transformer (2004, p. 257).
d) Les médiations autres sujets – objet de l’activité :
Le modèle de conceptualisation SACI représente bien les médiations orientées des autres sujets vers l’objet de l’activité. Cependant, leurs caractéristiques ne sont développées ni dans (Rabardel, 1995) ni dans (Folcher & Rabardel, 2004). Mais à partir de ce qui a précédé, nous déduisons que lors d’une activité collective instrumentée, ces médiations peuvent être de nature épistémique en informant le collectif sur les propriétés de l’objet de l’activité. En revanche, lorsqu’elles prennent la forme pragmatique, c’est-à-dire lorsque les autres agissent sur l’objet de l’activité, chaque membre du collectif devient lui-même sujet de l’activité. Autrement dit, pendant une activité collective instrumentée, chaque membre est à la fois sujet et destinataire des médiations par l’instrument. Ainsi se met en place un système continu de toutes les médiations : principales, interpersonnelles et réflexives.
Chapitre 4 : Question de recherche
Dans ce chapitre, nous reprenons le contexte de ce travail pour présenter par la suite questionne de recherche que nous souhaitons étudier.
O. Rappel du contexte
Le dispositif ELCO a été instauré en France à partir de 1975[12] dans le cadre de la politique du regroupement familial. Depuis, ce dispositif a connu plusieurs évolutions jusqu'à sa substitution par l’EILE[13] en 2020. En revanche, les modalités de recrutement de ses enseignants n’ont pas changé depuis lors. En effet, ces enseignants sont toujours des ressortissants des pays d’origine. Et ils sont majoritairement recrutés dans leur pays par des concours et mis en détachement administratif auprès de l’éducation nationale française.
Notre expérience comme enseignant d’ELCO depuis 2015 et d’EILE depuis 2020, nous a permet de vivre les situations de difficultés que rencontrent ces enseignants au quotidien. Ensuite, une revue de littérature nous a permet de remarquer le manque d’études traitant le réel de cette activité professionnelle (Clot, 1999, 2008). Et enfin, une étude clinique dans le cadre d’un mémoire de recherche nous a montré que l’isolement professionnel de ces enseignants pourrait être une des sources de plusieurs de ces difficultés.
P. Question de recherche
Par ce travail de recherche, nous souhaitons continuer notre réflexion sur l’activité professionnelle des enseignants d’EILE de langue arabe en particulier, en essayant d’étudier comment pourraient-ils faire face à cet isolement professionnel. Pour cela, nous partons de la question suivante :
Comme ces EILE ne peuvent pas se rencontrer physiquement, la collaboration à distance entre eux pourrait-elle évoluer en activité collective et leur permettrait-elle de se construire un collectif de travail en conséquence ?
Dans la suite de ce chapitre, nous analyserons cette question à l’aide de notre cadre conceptuel.
Q. D’une collaboration à distance à une activité collective ?
Dans le cas que nous étudions, c'est-à-dire celui des enseignants d’EILE langue arabe, le travail collectif prescrit comme réel (Caroly, 2010) est quasiment absent. Que ce soit entre ces EILE ou entre ceux-ci et les équipes pédagogiques existantes sur les lieux de leur travail. Cette absence peut s’expliquer par leur isolement professionnel dû aux conditions dont ils exercent leur activité. Les conditions que nous avons décrites plus haut.
Comme nous souhaitons étudier si des rencontres virtuelles entre ces EILE leur permettraient de faire face à cet isolement professionnel. Alors, nous envisageons de proposer à ces EILE une situation de collaboration à distance. Notre objectif est de voir par la suite, d’une part, si des régulations individuelles et collectives pour des réélaboration des règles du travail prescrit (Caroly, 2010) seront mises en œuvre par ces EILE afin de faire évoluer cette collaboration à distance en travail collectif (Ibid, 2010). Et de l’autre part, si ce travail collectif potentiel contribuerait à l’émergence d’un collectif de travail (Ibid, 2016) en leur offrant des ressources pour soutenir leur activité et faire face aux inattendus du réel (Clot, 1999, 2008). Autrement dit, nous souhaitons observer si une collaboration à distance est susceptible d’évoluer vers une activité collective comme signe de l’émergence d’un travail collectif et d’un collective de travail.
En revanche, nous sommes conscients que dans le cadre d’un mémoire de master, il nous serait impossible d’étudier l’émergence d’un collectif de travail à travers toutes ses trois fonctions : pouvoir d’agir, santé et vitalité du collectif (Caroly, 2016). En effet, le collectif de travail se constitue et se développe dans un processus dynamique qui nécessite du temps et des transferts entre les activités individuelles et collectives. C’est pour cela que nous faisons le choix de focaliser notre attention sur l’évolution du pouvoir d’agir individuel (Clot, 2008) et l’émergence possible d’éléments génériques (Clot & Faïta, 2000) comme signes d’une genèse ou d’une évolution susceptibles du collectif de travail des enseignants d’EILE.
R. D’une collaboration à distance à des échanges entre le genre et le style ?
L’ étude du réel de l’activité des enseignants d’EILE (El Mechat, 2019) nous a permet de comprendre que ces derniers mobilisent les ressources du grand genre professionnel (Clot & Faita, 2000) de l’enseignement pour agir. Et que chacun d’entre eux stylise ces éléments génériques. En revanche, nous n’avons pas pu repérer des signes d’un mouvement dans l’autre sens. C’est-à-dire la contribution de ces styles individuels à l’émergence et à l’enrichissement d’un genre professionnel propre à cette activité. Ce qui se traduit par la difficulté qu’éprouvent ce groupe d’enseignants à se transformer à un collectif de travail (Caroly, 2010).
Dans cette étude, nous souhaitons observer et analyser les interactions et les transferts qui pourraient avoir lieu entre le style et le genre (Clot & Faïta, 2000) pendant une situation d’activité collective instrumentée SACI (Rabardel, 1995).
La SACI que nous envisageons de proposer à ces EILE est la préparation collective à distance d’une leçon. Dans ce cas, le sujet est l’enseignant d’EILE, les autres sont ses collègues EILE, l’instrument est la collaboration à distance et l’objet de l’activité collective est la préparation de la leçon.
Figure 8: SACI pour les EILE
D’après (Folcher & Rabardel, 2004; Rabardel, 1995)
Nous supposons alors que la mobilisation de la collaboration à distance comme instrument de l’activité collective de ces EILE est susceptible d’engendrer selon (Folcher & Rabardel, 2004) :
1. Entre le sujet et l’objet de l’activité, des médiations principales :
- Épistémiques à l’objet ( orientés de l’objet vers le sujet) en informant chaque EILE sur les caractéristiques et l’évolution de l’objet de l’activité collective.
- Pragmatiques à l’objet (orientées du sujet vers l’objet) en permettant à chaque EILE d’agir sur l’objet de l’activité collective.
2. Entre l’EILE et ses collègues, des médiations interpersonnelles :
- Épistémiques aux autres (orientés des autres vers le sujet) en informant l’EILE sur ses collègues à travers leurs propres actions sur l’objet de l’activité collective.
- Pragmatiques aux autres (orientées du sujet vers ses collègues) en lui permettant d’impacter leurs actions et d’orienter leurs décisions et choix.
3. Entre l’EILE et lui-même, des médiations réflexives permettant à chaque EILE de se connaitre en déployant ses compétences et en même en les développant.
En proposant aux enseignants d’EILE une situation d’activité collective instrumentée, nous souhaitons analyser les apports de ces médiations aux pouvoirs d’agir individuels et à l’émergence des éléments génériques comme signes de constitution d’un genre professionnel et en conséquence d’un collectif de travail.
Chapitre 5 : Dispositif retenu pour l’étude
Nous avons vu précédemment que la réélaboration des règles est une trace de l’activité collective, qui contribue au développement des compétences, à la santé et à la vitalité du collectif de travail (Caroly, 2010). Nous envisageons de mettre en place les conditions nécessaires à cette réélaboration, notamment celle de création d’espaces de délibération sur les règles comme condition de l’activité collective. Autrement dit, nous visons la mise en place d’un environnement capacitant afin de produire les données nécessaires à l’étude de notre question de recherche. Et ce en mobilisant une facette de l’activité enseignante (Amigues, 2009; Tardif, Lessard, & Dubet, 1999). Il s’agit de la préparation des leçons. C’est un élément du grand genre professionnel de l’enseignement (Saujat, 2011) que les EILE stylisent au cours de leur activité (El Mechat, 2019). Pour cela, le dispositif « lesson study » (Miyakawa & Winsløw, 2009) ou en français « L’étude collective d’une leçon » nous a apparu le plus adapté à notre démarche.
S. L’ECL[14] : présentation et transposition
Lesson study, en anglais, ou l’étude collective de la leçon ECL est une pratique qui s'est développée en particulier au Japon (Miyakawa & Winsløw, 2009). C’est un dispositif de type collaboratif, dans lequel l’activité centrale consiste à faire travailler ensemble des enseignants sur un petit nombre de leçons. Ainsi, ils choisissent un sujet particulier à enseigner, préparent collectivement une leçon, l’enseignent, l’observent, l’analysent et la réenseignent éventuellement.
Figure 9 : Le processus de l'ECL (d’après Clivaz, Clerc-Georgy, & Batteau, 2016, p. 2)
L’ECL est un processus cyclique dont le but est d’améliorer la qualité de la leçon. Elle peut se dérouler sur deux, trois voir même quatre cycles jusqu’à la remédiation de toute difficulté constatée par le groupe des enseignants.
Plus concrètement, lors d’une ECL, un groupe d’enseignants :
- Choisit une thématique et définit des objectifs d'apprentissage ;
- Prépare et planifie la leçon ;
- Enseigne la leçon et observe cette mise en œuvre ;
- Analyse les observations et révise la leçon ;
- Ré-enseigne et réétudie la leçon ;
- Documente et diffuse le travail effectué collectivement.
Notons que l’ECL est mobilisée dans la formation initiale et le développement professionnel des enseignants (Clerc-Georgy & Clivaz, 2016; Clivaz et al., 2016; Hart, 2011) ainsi que dans la recherche comme c’est le cas des travaux du laboratoire lausannois 3LS[15] par exemple.
Dans notre cas, l’ECL se déroulera entièrement à distance. Alors, une transposition de ce dispositif s’impose. Les réunions de préparation, de discussion et d’amélioration se dérouleront en
visioconférence synchrone. Et chaque EILE réalisera la leçon en classe et notera les points à discuter avec le groupe. Le tableau suivant illustre notre transposition de l’ECL originale à une ECL à distance :
Tableau 5: Transposition de l'ECL en présentiel à l'ECL à distance.
Cette transposition de deux cycles de l’ECL se caractérise par la collaboration à distance entre les membres de l’équipe. Ce mode de travail permet la poursuite de la collaboration même après la fin des réunions synchrones. En revanche, il ne permet pas au groupe d’assister physiquement à la réalisation de la leçon en classe par un de ses membres. Pour dépasser cette limite, nous proposons que chaque enseignant réalise la leçon et note des observations pour une mise en commun avec ses collègues du groupe par la suite.
T. Environnement capacitant : conception et mise en œuvre
Nous avons vu que la conception d’un environnement capacitant est une condition pour le développement de l’activité collective (Caroly, 2010). Il s’agit d’une organisation du travail, qui favorise le travail collectif et l’émergence de collectifs de travail, c’est-à-dire la mise en place d’un environnement qui permet la réélaboration des règles et les discussions sur les critères de la qualité du travail.
Dans notre cas, nous avons pensé à mettre en place un environnement capacitant à l’aide d’un parcours de formation ouverte et à distance FOAD mobilisant le dispositif d’ECL. Nous faisons l’hypothèse que la collaboration et les discussions à distance lors de la préparation des leçons est une organisation capacitante. C'est-à-dire qu’elle est susceptible de favoriser le travail collectif et l’émergence du collectif de travail en conséquence.
Afin de concevoir cette FOAD, nous nous sommes appuyés sur le modèle IMAIP de Lebrun (2002). Très brièvement, ce modèle est une «approche caricaturale, mais pragmatique du processus d’apprentissage » (Lebrun, 2004, p. 14). Il se constitue de 5 composantes principales : information, motivation, activités, interaction et productions.
Figure 10 : Structure dynamique du modèle d’apprentissage IMAIP (D'après Lebrun, 2004, p. 14)
Le dispositif de formation basé sur ce modèle prend en compte également tout ce qui serait mis autour de l’apprenant pour qu’il puisse apprendre. Il s’agit des contextes, des ressources, des méthodes et des acteurs.
Ce modèle permet d’avoir un guide pour construire un dispositif d’apprentissage et de formation. Pour cela, il faut se poser les questions suivantes :
- Pour Informer : quels sont les ressources, les connaissances et les supports envisagés ? • Pour Motiver : que mettre en place pour donner du sens aux activités proposées et favoriser l’engagement ?
- Pour Activer : Quelles activités proposer ?
- Pour Interagir : comment passeront les interactions ?
- Pour Produire : que serait-il demander de produire individuellement et collectivement ?
1. Informer
La première étape est d’informer les participants sur la FOAD elle-même. Pour cela, nous avons réalisé une simulation de présentation sous VTS Editor.
Ensuite, les connaissances et les ressources qui seront présentées pendant cette FOAD, les participants les découvriront en suivant un parcours d’autoformation conçu sous Scenari Opale. Il se constitue :
- Du Cadre européen commun de référence pour les langues CECRL et ses différentes composantes.
- Du programme de la langue arabe décliné du niveau A1 du CECRL.
- De la présentation du dispositif ECL.
2. Motiver
Afin que les participants donnent du sens aux activités et aux connaissances proposées, nous avons choisi d’élucider le contexte général de la formation grâce à la simulation de la présentation sous VTS Editor. Notre objectif a été d’éviter une présentation linière avec un diaporama ou une vidéo. Nous avons visé de susciter l’interactivité entre le participant et la présentation afin de le motiver et d’obtenir son engagement dans la formation par la suite. La présentation se constitue de plusieurs éléments. Et le participant pourrait consulter la présentation dans un ordre de son choix.
Cette présentation décrit le contexte de la FOAD, précise les objectifs visés, présente l’organisation de la FOAD et la planification des activités, annonce les contenus, les ressources, les outils de positionnement/d’autopositionnaient et les modalités des échanges.
Figure 11 : Menu de la simulation de la présentation de la FOAD
Ensuite, nous avons proposé comme première activité, un recueil de représentations des participants avec la technique de la question contraposée (Emprin & Jourdain, 2010). La question contraposée choisie est « comment faire échouer le travail collectif d’une équipe pédagogique ? ».
L’objectif de cette activité est premièrement de contextualiser la formation, c’est-à-dire de la rendre davantage plus proche de la réalité de l’activité professionnelle des participants. Ensuite, nous avons voulu mettre les participants dans l’ambiance du travail collectif à distance. Parce qu’ils devront poster leurs réponses sous forme de post-it sur un tableau blanc collaboratif.
Nous avons choisi Scenari Opale pour présenter les informations, les connaissances et les ressources en vue de la motivation intrinsèque que permettent les modules d’autoformation créés sous cette chaine éditoriale. En effet, ce logiciel auteur permet de concevoir un parcours permettant une évolution progressive dans l’apprentissage. Les possibilités au niveau des activités à concevoir sont très riches en alternants des activités d’apprentissage, des activités d’autoévaluation et des activités de média enrichi. Ce qui permet également d’atteindre un niveau important d’interactivité. Par exemple, nous avons fait le choix d’utiliser l’activité de média enrichi d’Opale pour présenter une vidéo de l’ECL au lieu de donner directement le lien de cette vidéo aux participants dans l’objectif d’éviter une simple vision passive de cette vidéo. Les participants seront donc invités à interagir avec la vidéo en répondant aux questions proposées. Ce qui permettrait en même temps de bien identifier et de consolider les connaissances apportées par cette vidéo.
Figure 12 : Aperçu de l’activité média enrichi sous Scenari Opale
Les activités d’autoévaluation que nous proposons permettront également de créer une motivation intrinsèque en offrant aux participants la possibilité de s’autopositionner.
Figure 13 : Aperçu de l’activité autoévaluation sous Scenari Opale
Tous ces éléments permettront à notre avis de créer un fil conducteur et une mise en contexte de la formation tout au long de ses modules. Cela devrait donner du sens aux activités auxquelles les participants vont participer et de leur offrir un enivrement motivant et propice au bon déroulement de la FOAD.
3. Activer
Les activités que nous proposons aux participants à cette FOAD se basent sur la mobilisation et le traitement des ressources présentées plus haut dans la partie « information » du modèle IMAIP. En effet, en suivant le parcours d’autoformation asynchrone, ils auront accès aux référentiels institutionnels encadrants leur activité professionnelle. Ensuite, ils découvriront le dispositif ECL grâce à la lecture de l’article scientifique de Miyakawa (2009) et au visionnage d’une vidéo présentant un exemple concret du déroulement de l’ECL. Enfin, les participants seront invités à mettre en œuvre ce dispositif de travail collectif en s’appuyant sur les référentiels.
Concrètement, voici les activités envisagées :
- Recueil de représentations
- Présentation de la FOAD
- Parcours d’autoformations
- Étude collective d’une leçon :
o Préparer collectivement une leçon
o Mise en œuvre de cette leçon en classe
o Partage d’observations, discussions et amélioration de la leçon
o Seconde mise en œuvre de la leçon améliorée en classe
o Partage d’observations, discussions et amélioration de la leçon
o Partage du plan final de la leçon et des supports conçus collectivement
- Évaluation de la FOAD par les participants
La figure 6 ci-après illustre les quatre phases de la FOAD ainsi que les modalités de travail envisagé :
Figure 14 : Organisation de la FOAD et modalités de travail
4. Interagir
La FOAD se constitue de moments asynchrones et d’autres synchrones. Le travail à réaliser se varie également entre travail individuel, collectif et collaboratif en petit groupe. Ces modalités s’appuieront sur les différents types d’interaction.
Les interactions collectives asynchrones seront essentiellement à travers le forum de la plateforme de formation. Et les interactions individuelles asynchrones, qu’elles soient entre les participants ou entre le formateur et les participants, seront par mail.
Quant aux interactions synchrones, ils se réaliseront à travers des réunions virtuelles sous Zoom ou Microsoft Teams et aussi à l’aide du Chat synchrone.
Le travail collaboratif envisagé, à savoir concevoir collectivement une leçon, sera en petit groupe. Les interactions possibles seront là aussi synchrones et asynchrones. Un espace collaboratif sera créé pour chaque groupe sur Teams ainsi qu’un atelier d’évaluation entre les pairs où les participants pourront s’échanger des feedbacks. Les membres du groupe pourront donc interagir via des réunions virtuelles, en travaillant sur des documents collaboratifs, en utilisant le chat synchrone de leur groupe et en faisant des évaluations entre les pairs.
Afin d’atteindre l’objectif visé par cette FOAD, les participants seront explicitement invités à travailler en petits groupes. L’organisation du travail pendant cette étape de la formation serait flexible. Il reviendra aux membres du groupe de définir ensemble les modalités de leur travail collaboratif : les réunions synchrones et leur fréquence ; l’écriture collaborative du plan de la leçon, le choix de la leçon à préparer… Mais ils auront en même temps une contrainte de date de remise de leur production collective à respecter. Cette contrainte se matérialise par le devoir collectif à rendre où tous les membres du groupe doivent valider le rendu pour que ce dernier soit accepté. Cela est dans l’objectif à la fois de forcer le passage par l’écrit et de renforcer l’interdépendance entre les membres du groupe.
5. Produire
Cette FOAD vise plusieurs productions : des préparations de leçons pour les participants ; des activités pédagogiques, des supports d’apprentissage et des traces pour leurs élèves. Elle vise également, de produire un développement professionnel en mettant en œuvre de nouvelles pratiques de travail collaboratif essentiellement à distance et en s’interrogeant sur leurs apports au pouvoir d’agir de ces enseignants.
À partir ce tous ces éléments du modèle IMIAP , nous avons organisé La FOAD selon le schéma suivant :
Figure 15 : Schéma de la FOAD pour les EILE
Cette FOAD s’est déroulée selon le calendrier suivant :
Tableau 6 : Calendrier de la FOAD pour les EILL
Chapitre 6 : Méthodologie
Nous souhaitons étudier l’évolution d’une situation de collaboration à distance vers une situation d’activité collective (Caroly, 2010). Pour cela, il nous faut une approche méthodologique qui permet de donner des moyens du travail collectif. Nous adoptons donc le modèle de recherche action à visée compréhensive, transformatrice et participative qui considère qu’« il faut provoquer le développement pour pouvoir l’étudier » (Clot, 2008, p. 169).
Dans ce chapitre, nous présentons notre méthodologie pour produire nos données en provoquant un susceptible développement de l’activité collective chez les EILE. Ensuite, nous abordons le recueil est le traitement de ces données.
U. L’échantillon de l’étude
Après la conception de la FOAD, nous avons fait le choix de la déployer sur la plateforme Agora Learning Infinity[16] dont les droits d’accès nous ont été assurés par ce master IeFUN. Nous avons lancé une compagne d’inscription en diffusant l’information dans les groupes des EILE sur le réseau social Facebook et dans des groupes WhatsApp et Telegram. Il y a eu 41 inscriptions au total. Le tableau ci-après présente les profils des participants à notre FOAD.
Tableau 7 : Profils des 41 participants à la FOAD
La population étudiée se constitue de 41 EILE, dont 22% de femmes et 78% d’hommes. Tous les participants ont entre 30 et 40 ans. Trois participants sont des anciens EILE qui ont exercé cette mission pendant 5 ans entre 2013 et 2018 pour un d’entre eux et entre 2014 et 2019 pour les deux autres. 43,90 % des 41 EILE ont cinq ans d’expérience et les autres ont entre 2 et 4 ans d’expérience comme EILE.
Afin de faciliter les échanges entre les EILE participants à la FOAD, nous avons proposé une organisation de travail en 4 groupes. Le premier groupe se compose de 11 participants et les trois autres de 10 participants chacun.
V. Recueil des données
Nous souhaitons observer et analyser une situation de collaboration à distance et la possibilité du développement d’une situation d’activité collective instrumentée. Afin de recueillir des données susceptibles de nous aider à étudier cette problématique, nous avons besoin non seulement d’un outil de diagnostic, mais aussi d’un moyen d’action, permettant de transformer les pratiques et la nature des relations entre les EILE dans le travail. C’est pour cela que nous avons mobilisé le cadre méthodologique de l’autoconfrontation collective.
En clinique de l’activité, les entretiens d’autoconfrontation sont une méthode pour produire et analyser le changement (Clot, 2008). Il s’agit de provoquer le dialogue sur ses propres traces de l’activité dans le cas de l’autoconfrontation simple et sur les traces de l’activité d’un collègue dans le cas de l’autoconfrontation croisée.
Pour analyser l’activité collective des EILE nous suivons Caroly (2010) et mobilisons l’autoconfrontation collective. Cette méthode conjugue des observations de l’activité de plusieurs personnes et consiste à réunir ces personnes afin de récolter leurs commentaires sur l’activité réalisée à partir des séquences vidéo et/ou des traces de cette activité. Les débats lors de la confrontation collective ont pour finalité de mettre collectivement en discussion les difficultés rencontrées et les dysfonctionnements constatés par les EILE au cours de la préparation collective de la leçon. Cela permet d’ouvrir un espace de délibération entre les différents EILE et de pénétrer dans l’intimité de leurs pratiques.
Pour cela, nous avons observé et enregistré deux réunions à distance synchrones pendant lesquelles un groupe d’EILE a collaboré lors de l’ECL. Pendant la première réunion, le groupe a conçu un premier plan de leçon. Ensuite, chaque enseignant a testé la leçon dans sa classe. Cela étant, le groupe s’est réuni une deuxième fois pour discuter les observations et améliorer le plan de la leçon.
Ensuite, nous avons réalisé et enregistré une réunion d’autoconfrontation collective pour tous les participants à la FOAD afin de commenter l’activité collaborative de chaque groupe à partir des traces de cette collaboration : les deux plans de la leçon et les enregistrements des deux réunions de préparation collective.
Notre corpus se constitue donc de trois enregistrements de réunions synchrones sur Zoom.
Tableau 8 : Corpus
W. Traitement des données
Notre corpus se constitue essentiellement des échanges verbaux - en arabe marocain avec l’utilisation de quelques mots et expressions en français - enregistrés lors des trois réunions à distance. Par conséquent, nous avons fait le choix de transcrire ces échanges tout en restant fidèle aux matériaux originaux afin de procéder au traitement de ces données par la suite. Ainsi nous avons transcrit les échanges en arabe et en présenterons une traduction française lors de la présentation et l’interprétation des résultats.
Cette nature du corpus nous a amenés à mobiliser le cadre méthodologique de l’analyse de contenu (Bardin, 2013) afin de réaliser une analyse quantitative et qualitative. L’analyse de contenu en communication est « une technique de recherche pour la description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste des communications, ayant pour but de les interpréter» (Berelson cité par Bardin, 2013, p. 39,40). Cette approche quantitative catégorielle consiste donc à « délimiter des unités de codage ou d’enregistrement. Celles-ci peuvent être, selon le matériau ou le code : le mot, la phrase, la minute, le centimètre carré. » (Ibid. 2013, p. 40).
L’étape suivante est la catégorisation. « C’est une opération de classification d’éléments constitutifs d’un ensemble par différenciation puis regroupement par genre (analogie) d’après des critères préalablement définis » (Ibid. 2013, p. 150).
Afin que cette méthode permette la classification des éléments de significations constitutifs du message, les catégories mobilisées pour l’analyse doivent obéir, toujours selon Bardin (2013), à certaines règles. Celles-ci doivent être :
- Homogènes : on ne mélange pas les “torchons avec les serviettes” pourrait-on dire ;
- Exhaustives : épuiser la totalité du “texte” ;
- Exclusives : un même élément du contenu ne peut être classé dans deux catégories différentes de manière aléatoire ;
- Objectives : des codeurs différents doivent aboutir aux mêmes résultats ;
- Adéquates ou pertinentes : c’est-à-dire adaptées au contenu et à l’objectif.
L’analyse de contenu passe par 3 phases chronologiques (ibid. p. 125) :
1. La préanalyse ;
2. L’exploitation du matériel ;
3. Le traitement des résultats, l’inférence et l’interprétation.
1. Processus de préanalyse :
a) Première étape du pré-codage :
Dans un premier temps, notre démarche a consisté à concevoir des catégories à partir de notre problématique et de notre cadre conceptuel, pour entreprendre par la suite une première « lecture flottante » (Bardin, 2013, p. 126) de notre corpus dans l’objectif de vérifier la validité de ces catégories.
Nous cherchons à analyser si la SACI que nous avons proposée aux participants à la FOAD a permet la mise en place d’un environnement capacitant afin de favoriser l’activité collective. Pour cela, nous allons chercher à identifier les médiations engendrées lors de cette SACI. En effet, selon Rabardel (1995) lors d’une SACI, des médiations principales (entre le sujet et l’objet de l’activité), interpersonnelles (entre le sujet et les autres) et réflexives (entre le sujet et lui-même) sont mises en place à travers l’instrument. Et notre recherche vise à analyser les médiations que la collaboration à distance pourrait engendrer. Nous essayons d’identifier des médiations principales entre l’EILE et la préparation de la leçon, des médiations interpersonnelles entre l’EILE et ses collègues et des médiations réflexives entre chaque EILE et lui-même.
Figure 16 : SACI pour les EILE
Pour analyser notre corpus, nous avons une grille constituée de trois catégories principales. Le tableau suivant est une tentation de définition de ces dernières en précisant le contenu de chacune d’elles :
Tableau 9 : Premier essai de catégorisation
Au cours de notre lecture flottante, nous avons utilisé un code couleur afin de repérer « les unités de signification qui se dégage naturellement » (Bardin, 2013, p. 136) pour distinguer les thèmes présents selon nos trois catégories :
Cette première étape du précodage nous a permet également, tout en s’appuyant sur notre cadre théorique, de dégager des catégories secondaires se dérivant de nos catégories principales. Ainsi, nous avons repéré deux catégories secondaires pour chacune des catégories principales « médiations principales » et « médiations interpersonnelles ». En revanche, nous n’avons repéré aucune catégorie secondaire pour la catégorie principale « médiations réflexives ». Dans le tableau suivant, nous récapitulons ces catégories principales et secondaires ainsi que le contenu de chacune d’elles.
Tableau 10 : Première grille d’analyse
b) Deuxième étape du pré-codage :
Nous avons poursuivi l’analyse du corpus dans l’objectif cette fois-ci de repérer l’émergence des traces d’une activité collective qui est une interface entre le travail collectif et le collectif de travail. Nous avons réalisé donc une seconde lecture flottante toujours en nous appuyant sur le cadre conceptuel mobilisé. La finalité cette fois a été d’identifier des traces de réélaborations des règles et des montées en compétences comme signes d’une évolution du pouvoir d’agir soutenue par un susceptible collectif de travail (Caroly, 2010) des enseignants d’EILE.
Tableau 11 : Second essai de catégorisation
Cette deuxième lecture flottante du corpus nous a permet aussi de dégager deux noyaux de sens sous-jacents à chacune des deux catégories principales. Alors, nous avons eu quatre catégories secondaires : régulations individuelles, régulations collectives, répartition des tâches et partage de connaissances et d’expériences. Enfin, nous avons constaté que les éléments de la dernière catégorie secondaire (partage de connaissances et d’expériences) s’articulent en deux thèmes : éléments génériques partagés par tous et styles individuels. Par conséquent, nous les avons intégrés comme catégories tertiaires.
Ainsi, nous avons conçu une deuxième grille d’analyse. Elle comporte deux catégories principales, quatre catégories secondaires et deux catégories tertiaires. Le tableau suivant présente les éléments constitutifs de cette deuxième grille d’analyse.
Tableau 12 : Deuxième grille d’analyse
c) Troisième étape du pré-codage :
À ce stade, nous avons construit deux grilles d’analyse distinctes. Ainsi, nous avons contacté que plusieurs éléments de notre corpus appartiennent en même temps à deux catégories de ces grilles. Afin de respecter la règle de l’exclusivité stipulant qu’« un même élément du contenu ne peut être classé dans deux catégories différentes de manière aléatoire » (Bardin, 2013, p. 40), nous avons conçu une nouvelle grille d’analyse en fusionnant les deux grilles précédentes. Pour élaborer cette nouvelle grille, nous y avons placé en abscisses les catégories de la première grille, à savoir les trois médiations de la SACI : médiations principales, médiations interpersonnelles et médiations réflexives ; et en ordonnées les catégories de la deuxième grille : réélaborations des règles du travail prescrit et construction de compétences. Cette nouvelle grille nous a permet simultanément et conjointement une lecture horizontale, verticale et croisée des données extraites de notre corpus.
2. L’artéfact conçu en vue de l’analyse du corpus
Nous présentons par la suite notre grille d’analyse catégorielle que nous avons instrumentalisé dans l’objectif d’analyser notre corpus issu de la transcription des deux réunions de collaboration et de la réunion l’autoconfrontation collective.
Tableau 13 : Grille d’analyse catégorielle
3. Processus du codage
Pour coder l’ensemble de notre corpus, nous avons procédé premièrement au codage des unités de signification relevant des trois catégories principales : médiations principales, médiations interpersonnelles et médiations réflexives en utilisant le code couleur prédéfini plus haut.
Ensuite, nous avons finalisé ce processus par le codage des catégories principales : réélaborations des règles du travail prescrit, développement du pouvoir d’agir et évolutions du genre et des styles ainsi que leurs catégories secondaires sous-jacentes en utilisant cette fois le code alphanumérique mentionné dans la grille d’analyse.
Afin d’illustrer ces propos, nous proposons des exemples de fragments des propos de nos instructeurs codés :
Dans le chapitre suivant, nous procéderons au traitement et à l’interprétation des résultats obtenus à la suite de l’exploitation du matériel recueilli lors des observations et de l’autoconfrontation collective et au traitement de données que nous avons entrepris.
Chapitre 7 : Présentation des résultats
Afin d’apporter des éléments de réponses à notre question de recherche, qui visent à étudier l’émergence d’une activité collective lors d’une SACI comme signe de constitution d’un collectif de travail des enseignants EILE, nous avons procédé au traitement des résultats obtenus en deux temps.
Premièrement, en réalisant une lecture verticale de notre grille d’analyse catégorielle, nous avons effectué l’analyse quantitative des données obtenues à la suite du codage des transcriptions des échanges lors de la conception collective d’une leçon et de l’autoconfrontation collective. Pour cela, nous avons recensé toutes les occurrences par chaque catégorie principale : médiations principales, médiations interpersonnelles et médiations réflexives et ensuite par les catégories secondaires sous-jacentes : médiations épistémiques à l’objet, médiations pragmatiques à l’objet, médiations épistémiques aux autres et médiations pragmatiques aux autres. Nous avons obtenu des résultats chiffrés que nous avons convertis en pourcentage afin d’obtenir une vision relative par rapport à la présence de chaque catégorie dans le corpus.
Ensuite, en nous appuyant cette fois sur la lecture horizontale de notre grille d’analyse catégorielle, nous avons effectué l’analyse qualitative des données, en mettant la lumière sur la réélaboration des règles du travail prescrit, le développement du pouvoir d’agir et l’évolution du genre et des styles lors de cette collaboration à distance entre nos EILE participant à la FOAD.
Dans la partie suivante, nous présentons les résultats et poursuivrons par leur interprétation quantitative et qualitative.
X. Les médiations de la SACI
Nous présentons dans cette partie une vision globale de nombre d’occurrences appartenant à chaque catégorie principale et secondaire présente dans notre corpus :
Tableau 14 : Résultats de l'analyse catégorielle quantitative
Pour une visibilité plus claire et afin de faciliter l’interprétation et la comparaison des résultats, nous les avons transformés en graphique.
Figure 17 : Présence des médiations de la SACI dans le corpus
À la lumière de ce premier focus quantitatif sur les occurrences recensées pour chaque catégorie principale, nous observons que les médiations principales sont les plus présentes dans le corpus avec un pourcentage de 50,90 %. Ensuite, nous avons les médiations interpersonnelles qui représentent 32,54 % des occurrences transcrites. Et les médiations réflexives sont présentes avec un pourcentage de 16,56 %.
Maintenant, nous représentons les résultats des catégories secondaires sous-jacentes à la catégorie principale médiations principales à savoir : les médiations pragmatiques à l’objet et les médiations épistémiques à l’objet.
Figure 18 : Présence des catégories secondaires dans les médiations principales
Nous constatons que les médiations pragmatiques à l’objet représentent presque les deux tiers (67,85 %) des occurrences de la catégorie médiations principales. Tandis que les médiations épistémiques à l’objet représentent 32,15 % du total de ces occurrences.
Figure 19 : Présence des catégories secondaires des médiations interpersonnelles
Concernant la catégorie des médiations interpersonnelles, elle se constitue de 75,03 % d’occurrences appartenant aux médiations pragmatiques aux autres et de 24,97 % d’occurrences relevant des médiations épistémiques aux autres.
L’analyse quantitative des données du corpus réalisée à partir de la lecture verticale de notre grille d’analyse catégorielle nous montre que d’un côté les trois médiations : principales, interpersonnelles et réflexives ont été présentes au cours de l’étude collective à distance de la leçon ECL que nous avons mobilisée comme artefact pour une SACI destinée aux enseignants d’EILE. Et de l’autre côté, cette analyse quantitative a révélé l’abondance des occurrences faisant référence aux médiations principales dans le corpus par rapport à celles relevant des médiations interpersonnelles et réflexives successivement. En plus, nous avons observé que les médiations pragmatiques sont présentes davantage qu’aux médiations épistémiques que ce soit dans le cas des médiations principales ou celui des médiations interpersonnelles.
Précisons qu’à ce stade d’analyse, les résultats présentés montrent seulement la proportion d’existence de chacune des trois médiations engendrées par la mobilisation de l’ECL et de leurs composantes dans notre corpus sans préciser ni les caractéristiques ni les qualités de ces médiations. C’est pour cela que nous allons poursuivre notre étude par un traitement cette fois qualitatif des résultats du codage.
Y. Les traces d’une activité collective des EILE lors de l’ECL à distance
Dans cette partie, nous allons procéder à une analyse qualitative des données du corpus en réalisant cette fois-ci une lecture horizontale de notre grille d’analyse. Autrement dit, nous allons regarder de plus près le contenu des catégories élaborées afin de recueillir les traces de l’activité collective lors du codage du corpus. Il s’agit des indices du développement du pouvoir d’agir à travers la réélaboration des règles du travail prescrit et la construction des compétences.
1. La réélaboration des règles
La réélaboration des règles est un processus essentiel de développement de l’activité collective. Elle renvoie à deux aspects : c’est non seulement un résultat, une trace de l’activité collective, mais c’est aussi un moyen et un instrument du développement de l’activité collective (Caroly, 2010). La réélaboration des règles pendant l’action se manifeste par un processus de régulations individuelles et de régulations collectives dans l’activité réalisée.
a) Régulations individuelles :
Nous avons relevé dans le corpus des régulations individuelles mises en place notamment par les EILE les plus expérimentés. Par exemple, lors de la préparation collective de la leçon, le groupe a élaboré des activités pour une seule séance. Or, lors de la réalisation de la leçon en classe, plusieurs EILE ont réactualisé ces activités selon les exigences de leur classe. Un membre du groupe a choisi d’en faire deux séances. Et pendant l’autoconfrontation collective, il a déclaré :
− EILE 8 : [après la préparation de la leçon, parmi les problèmes ... la leçon a été la présentation des animaux ... le nombre des animaux à présenter était très élevé, environ 24 ... Et la présentation de tous ces animaux pendant une seule séance a été difficile. Parmi les solutions, il y avait la réalisation de la leçon pendant deux séances au lien d’une seul ][17].
Une autre enseignante a fait un choix différent. Elle a réalisé la leçon pendant une seule séance comme prévu. Mais, comme il y a plusieurs niveaux dans sa classe, elle a adapté ces activités pour chaque niveau en fixant un minimum de quatre nouveaux mots à travailler avec les élèves débutants et les élèves les plus avancés pourraient en travailler plus chacun selon son niveau.
b) Régulations collectives :
Quant aux régulations collectives, nous en avons repéré dans le corpus des traces également. Par exemple :
- EILE 3 : [ pour concevoir les leçons, nous nous sommes appuyés aussi sur le travail des enseignants qui nous ont précédés ... Eux aussi se basaient sur le CECRL pour concevoir les séquences. Et même dans le programme que nous avons reçu de l’ambassade, il y a 8 séquences. Les enseignants ont tenté d’en faire quatre seulement. Car souvent nous ne pouvons pas finir le programme ... ]
Dans ce passage, une enseignante explique comment les enseignants ont réélaboré le programme prescrit pour l’adapter à la réalité du terrain et surtout pour faire face à la difficulté de finir le programme prescrit.
Dans un autre passage, un enseignant EILE explique que le groupe a fait le choix d’éviter certains mots arabes pendant les cours :
- EILE 1 : [ ... Le deuxième problème qui avait également son poids est la présentation de quelques mots avec des références religieuses telles que «Louange à Dieu, que Dieu te bénisse…» Au cours de la discussion, les remarques des enseignants étaient précieuses et nous avons constaté que même le programme officiel approuvé par le ministère de l'Éducation nationale français comprend ces mots. Le débat a été ... entre utiliser ces mots ou les éviter. Et l'accord était de les éviter malgré leur inclusion dans le programme officiel, afin d'éviter les problèmes ... ]
Ce point a pris une partie importante des discussions pendant la réunion de préparation et aussi lors de l’autoconfrontation collective. Plusieurs enseignants ont partagé avec le groupe des expériences de situations critiques vécues. Ce qui les a amenés tous à privilégier l’évitement de ces expressions malgré qu’elles appartiennent au registre culturel de la langue enseignée et qu’elles figurent dans le programme officiel.
Nous continuons avec un exemple de régulation collective concernant cette fois-ci les devoirs hors classe.
- EILE 3 : [ même s’il est recommandé de ne pas donner des devoirs à la maison ... surtout écrits ... on peut pas ... le temps ne suffit pas ...]
- EILE 1 : [ franchement, c’est pareil pour moi aussi ... lorsqu’on ne termine pas un exercice en classe, je leur demande de le faire à la maison.]
- EILE 11 : [ même les profs français donnent des devoirs ... donc ... il faut juste faire attention de ne pas en donner trop ... et cela ne pose pas de problèmes pour les élèves. Ils ont l’habitude dans leurs classes ... et les parents aussi ...]
Ces discussions montrent donc que ces enseignants fournissent à leurs élèves du travail à réaliser à la maison bien que cela ne soit pas en adéquation avec la prescription. Et ce pour faire face au manque du temps, à la longueur du programme et à l’hétérogénéité des niveaux des élèves.
Nous finissons avec un dernier exemple de régulation partagée par les EILE. Pour l’enseignement primaire, le programme officiel vise l’acquisition du niveau A1 d’une langue étrangère. Or les EILE peuvent travailler avec certains élèves des activités relevant d’un niveau plus avancé :
- EILE 8 : Nous savons que pour le niveau A1 il faut travailler plus l’oral. Mais ... avec les élèves ... c’est-à-dire ... qui parlent déjà bien l’arabe, à l’oral, nous faisons de l’écrit. Surtout lorsque les parents le réclament ...
2. Construction de compétences
L’activité collective favorise le développement des compétences individuelles par une meilleure répartition des tâches et un partage de connaissances et d’expériences sur les situations de travail (Caroly, 2010). En analysant le corpus, nous avons identifié dans les échanges entre les EILE plusieurs éléments appartenant à ces deux catégories secondaires « répartition des tâches » et « partage de connaissances et d’expériences » dérivant de la catégorie principale « construction de compétences ».
a) Répartition des tâches
Concernant la répartition des tâches lors de la préparation collective de la leçon, nous présentons, comme exemples, les passages suivants :
- EILE 5 : [ vous m’avez demandé de préparer les cartes des animaux. Elles sont prêtes ... dans le groupe de Teams. ]
- EILE 8 :[ j’ai noté toutes les solutions que nous avons discutées. Je prends ça en photo et ... je vous envoie ... comment ? Par WhatsApp ? Et qui pourrait se charger de modifier dans la fiche de la leçon ?]
- EILE 3 : [ qui est sur ordinateur et pourrait écrire directement sur la fiche ? Moi, je suis sur téléphone ... je ne peux pas. ]
- EILE 1 : [ je vous envoie, les cartes du jeu que j’ai fabriqué ... vous pouvez les réutiliser. Les règles ... c’est facile. Vous allez voir. ]
Nous constatons donc que des répartitions de tâches ont eu lieu lors de cette collaboration à distance
b) Éléments génériques partagés par tous :
Le genre professionnel est les obligations que partagent ceux qui travaillent pour arriver à travailler (Clot & Faïta, 2000). Dans cette partie, nous présentons des extraits de discussions révélant des éléments génériques partagés par l’ensemble des EILE
- EILE 7 : [ pour préparer cette leçon, nous nous sommes appuyés sur le CECRL ... le programme officiel. ]
- EILE 3 : [ il faut situer la séance dans une séquence pour que ça soit cohérent ... ] - EILE 1 : [ il ne faut pas oublier une activité langagière ou donner plus de temps à ... c'est-à-dire négliger une des activités langagières ... il faut que les cinq soient présentes. ]
- EILE : [ la priorité ... comme vous le savez ... est à l’oral, surtout pour le niveau A1. ]
c) Styles individuels
Pour la clinique de l’activité, la transformation du genre par un sujet, en moyen d’agir dans ses activités réelles, relève du style (Clot, 1999). L’observation de la collaboration entre les EILE nous a permet d’identifier des moments de partage des pratiques et des façons de faire individuelles.
Par exemple, dans l’échange ci-après, des EILE partagent leurs façons de gérer l’enseignement à distance. Cette gestion varie entre un travail essentiellement par mail, un travail entièrement synchrone et une conjugaison entre ces deux modes de travail.
- EILE 4 : [je partage avec vous une séquence que j’ai préparée ... vous la voyez sur l’écran? Moi, j’essaye de conjuguer entre la visioconférence et le travail que je leur envoie par mail. ] - EILE 8 : [ Moi, je fais tous par mail ].
- EILE 1 : [ ici, on travaille en ligne. C'est-à-dire tu fais tout en ligne, l’expression orale, la lecture, tout ... parce que ce n’est pas possible de donner des devoirs ... les élèves ... la plupart ne sont pas autonomes. ]
Nous ajoutons l’exemple suivant afin d’illustrer des moments de partage des styles. Il s’agit des façons personnelles de la gestion du comportement des élèves en classe.
- EILE 9 : [ pour gérer le comportement des élèves, j’utilise des cartes couleur ... comme leurs maitresses ... donc il y a le vert, le jaune, l’orange et le rouge. Et si quelqu’un descend dans le rouge, il a un mot sur le cahier de liaison. ]
- EILE 1 : [ les problèmes de discipline, pour moi ça ne pose pas un grand problème. C’est rare qu’un élève ne respecte pas ... en fait, je leur explique dès la première séance ... et je leur pose la question pourquoi vous êtes là ? En on discute ... C'est-à-dire qu’ici c’est pareil que dans leur classe. Il y a des règles à respecter ... et comme ça. ]
- EILE 3 : [ pour moi, je leur donne un code. En fait, on se met d’accord ... c’est comme un mot de passe. Quand j’entends trop de bruit je prononce « je dis » (en arabe) et eux ... ils savent ... ils disent « j’écoute » (en arabe) ... donc ils comprennent ... ]
Chapitre 8 : Discussion des résultats
Par ce travail de recherche, nous avons essayé d’étudier les apports de la collaboration à distance comme une solution possible à l’isolement professionnel des EILE. Ainsi, nous avons proposé à un groupe d’EILE une situation d’activité collective instrumentée en mobilisant le dispositif Étude collective et à distance de la leçon comme instrument. Dans le chapitre précèdent, nous avons présenté les résultats issus de l’observation de cette SACI et de l’autoconfrontation collective par la suite. Et dans celui-ci, nous procèderons à une discussion de ces résultats.
Z. L’ECL était-elle un environnement capacitant ?
L’analyse catégorielle (Bardin, 2013) du corpus a révélé que l’ECL a permis l’émergence de toutes les médiations d’une SACI bien que les médiations principales soient les plus présentes (50,90 %).
Nous interprétons cette abondance des médiations principales par la nature de celles-ci. En effet, les médiations principales associent le sujet, l’instrument et l’objet de l’activité. Cela rend ces médiations plus détectables par rapport aux autres. Parce qu’il est possible de se rendre compte, à l’aide des méthodes plus directes, de l’action du sujet sur l’objet, par exemple en observant les transformations subies par celui-ci. Ce qui est probablement soutenu par l’abondance, au sein de ces médiations principales, des médiations pragmatiques à l’objet (67,85 %) par rapport aux médiations épistémiques à l’objet (32,15 %). Ces dernières, orientées de l’objet vers le sujet et permettent d’informer le sujet sur les propriétés de l’objet de son activité et sur les évolutions de celui-ci au cours de l’action (Folcher & Rabardel, 2004). Par conséquent, elles ne sont accessibles que par des méthodes indirectes, par exemple en provoquant un dialogue à postériori sur sa propre activité. D’où l’intérêt de notre recours à l’autoconfrontation collective.
Les traces verbales des médiations interpersonnelles, c’est-à-dire des relations entre les EILE médiatisées par l’ECL, constituent 32,54 % des occurrences recensées. Et celles des médiations réflexives en représentent 16,56 %.
L’identification de ces trois médiations lors de la mobilisation de l’ECL à distance nous a conduits à supposer que cette SACI produit un environnement capacitant. C'est-à-dire, qu’elle soutiendrait les conditions du développement de l’activité collective. Il s’agit de favoriser la reconnaissance des compétences et de la qualité du travail de l’autre et de construire des espaces de débat sur les critères du travail bien fait.
Pour vérifier la validité de cette hypothèse, nous continuons cette discussion en croisant les résultats des médiations instrumentées avec ceux relevant des traces du développement du pouvoir d’agir.
AA. L’ECL à distance et le développement du pouvoir d’agir
L’activité collective a été définie dans notre cadre théorique comme une combinaison entre le travail collectif et le collectif de travail. Elle a pour fonction (entre autres) de développer le pouvoir d’agir par la réélaboration des règles et la construction des compétences. Dans le sens inverse, la réélaboration des règles et la construction des compétences apparaissent comme un processus essentiel du développement de l’activité collective. Et ce en donnant accès à de nouvelles marges de manœuvre pour réaliser le travail prescrit (Caroly, 2010).
La réélaboration des règles pendant l’action se manifeste par un processus de régulations individuelles et de régulations collectives dans l’activité réalisée. Du côté des régulations individuelles, ce travail de recherche a pu montrer que les participants à l’ECL à distance, et notamment les plus expérimentés, ont fait des choix différents concernant la mise en œuvre en classe de la leçon préparée collectivement lors de l’ECL à distance. L’analyse de ce type de régulations permet de comprendre la façon dont ces EILE répondent aux exigences du réel de leur activité (Clot, 1999). Dans cet exemple, les EILE novices ont réalisé la leçon telle qu’elle a été conçue. Tandis que les plus expérimentés vont anticiper une réélaboration afin de faire face aux contraintes des situations d’apprentissage en classe dont ils ont l’habitude de rencontrer dans le réel : insuffisance du temps, hétérogénéité des niveaux des élèves ... En adoptant une approche constructiviste, nous supposant que cette capacité à mettre en place des régulations individuelles évolue au fils du temps professionnel. Et nous faisons l’hypothèse que les médiations interpersonnelles lors de la SACI pourraient alimenter ce développement.
Du côté des régulations collectives, cette recherche a mis le point sur différentes formes d’élaboration et de réélaboration de règles partagées par les EILE : la réactualisation, l’évitement et la transgression des règles prescrites. Nous avons vu comment les EILE ont réélaboré le programme en quatre séquences au lieu des huit séquences proposées par leur ambassade. Et ce afin de faire face au conflit de buts entre finir le programme et réaliser un travail bien fait. Concernant la stratégie d’évitement, les EILE ont fait le choix de ne pas véhiculer pendant les cours des expressions à connotation religieuse malgré leur présence dans le programme officiel. L’objectif des EILE dans ce cas est d’éviter d’éventuelles situations critiques. Enfin, les EILE ont choisi d’enfreindre ou au moins de ne pas respecter la prescription qui limite la recommandation des devoirs à la maison aux élèves afin de faire face à des contraintes temporelles vécues lors de la réalisation de leur activité.
Cette étude a permis également de faire le point sur un processus de construction et de développement de compétences grâce aux médiations interpersonnelles. « L’expérience s’élabore dans la confrontation à autrui » (Caroly, 2010, p. 163). En effet, la répartition des tâches entre les EILE permet une connaissance de l’autre et une reconnaissance de ses compétences. Ce qui favorise la construction d’une relation de confiance et le partage de connaissances et d’expériences. Cela se manifeste par « une synchronisation opératoire et cognitive » (Barcellini & Caroly, 2013, pp. 1‑2). La synchronisation opératoire permet la coordination entre les EILE engagés dans le travail collectif. Et elle garantit l’efficacité de celui-ci. El la synchronisation cognitive consiste à construire, à maintenir et à faire évoluer un ensemble de connaissance communes. Autrement dit, les médiations interpersonnelles ont permis des transferts entre le style individuel et le genre professionnel de l’activité des EILE.
A partir de tout ce qui a précédé, nous pensons que cette collaboration à distance entre les EILE pour préparer collectivement une leçon a fait émerger une activité collective. Et que cette activité collective renseigne sur une articulation entre le travail collectif et le collectif de travail. Nous concluons, avec prudence, qu’il serait possible de construire et de développer un collectif de travail des enseignants EILE à partir d’une activité collective à distance à condition que les prérequis de celle-ci soient mis en place.
BB. Difficultés, limites et perspectives
Au cours de ce travail, nous avons rencontré plusieurs difficultés notamment sur le niveau méthodologique. En effet, le nombre conséquent des participants à la FOAD, à savoir 41 EILE, nous a permet certes d’avoir une population importante pour notre étude. Mais, la gestion de cet effectif n’était pas facile. Par conséquent, nous avons constitué quatre groupes. Les réunions à distance de l’ECL déroulant en même temps pour tous les groupes, nous n’avons pas pu les observer ou les enregistrer toutes. Nous avons fait le choix de suivre le travail collectif d’un seul groupe pendant les deux premières réunions avant de rassembler tout le monde lors de l’autoconfrontation collective.
En plus, les interactions synchrones lors des réunions de collaboration à distance ont été essentiellement sous forme d’échanges verbaux. La plupart des participants ont fait le choix de ne pas allumer leur caméra. Ce qui a influencé, à notre avis, la qualité des médiations interpersonnelles.
Ajoutons à cela, la limite de l’étude dans le temps. Or, le collectif de travail se constitue et se développe dans un processus dynamique et entendu dans le temps. Nous pensons donc que ce travail pourrait être poursuivi et approfondi par exemple en réfléchissant sur l’équipement de cette activité collective dans l’objectif de l’amélioration de la qualité des médiations interpersonnelles.
La focalisation sur le développement de l’activité collective au détriment de l’analyse de l’activité individuelle est aussi une des limites de cette étude. Mais, en même temps, elle pourrait en être une perspective de recherche. Nous pensons donc que les médiations réflexives mériteraient d’être investiguées davantage afin d’étudier la genèse instrumentale à la suite de la mobilisation de l’ECL.
Enfin, au terme de la mission EILE après cinq ans d’expérience, ces enseignants rentrent au Maroc et reprennent leur poste de professeurs de l’enseignement primaire. Il nous semble qu’une réflexion sur l’apport de cette mission à la professionnalisation de ces enseignants pourrait être aussi une des perspectives de ce travail de recherche.
Conclusion
Les enseignants de la langue arabe, dans le cadre du dispositif EILE en France visés par ce travail de recherche, sont des professeurs marocains de l’enseignement primaire mis à la disposition de l’éducation nationale française. Ils arrivent en France pour une mission de cinq ans. Les conditions de l’exercice de cette mission ne leur permettent pas de se rencontrer pour pouvoir travailler ensemble. Ce qui n’est pas possible non plus avec les enseignants français. Par conséquent, ils exercent leur activité dans une situation d’isolement professionnel (El Mechat, 2019). Par ce travail de recherche, nous avons souhaité proposer une solution à cet isolement et en analyser les résultats. Pour cela, nous sommes partis de la question de recherche suivante : une collaboration à distance entre ces EILE, leur permettrait-elle de se construire un collectif de travail pour faire face aux difficultés quotidiennes de leur activité professionnelle ?
Afin d’étudier notre question de recherche, nous avons fait appel à un cadre conceptuel constitué des concepts ergonomiques et cliniques de l’activité (Caroly, 2010; Clot, 1999, 2008) en plus de l’approche instrumentale (Folcher & Rabardel, 2004; Rabardel, 1995). Selon ces approches, pour rendre compte de l’évolution d’une collaboration à distance vers un travail collectif et le développement d’un collectif de travail par la suite, il faut prendre l’activité collective comme unité d’analyse de fait qu’elle est conceptualisée comme une articulation entre le travail collectif et le collectif de travail.
Or, plusieurs conditions sont requises pour que l’activité collective se produise. Il s’agit tout d’abord de la mise en place d’un environnement capacitant qui favoriserait l’émergence de cette activité collective. Ce qui nous a amenés à adopter le modèle de recherche-action à visée compréhensive, et transformatrice qui considère qu’« il faut provoquer le développement pour pouvoir l’étudier » (Clot, 2008, p. 169). Pour cela, nous avons conçu un parcours de FOAD dans l’objectif de mettre des EILE dans une situation d’activité collective instrumentée SACI (Rabardel, 1995). Et nous avons pris l’étude collective de la leçon ECL (Miyakawa & Winsløw, 2009) comme artefact de cette SACI. Ainsi, nous avons observé la collaboration à distance des EILE lors de l’ECL à distance dans l’objectif de relever des traces d’une activité collective comme signes des allers-retours entre un travail collectif et un collectif de travail.
Ce travail a montré que la collaboration à distance a été un siège de médiations majoritairement principales (50,90%), ensuite interpersonnelles (32,54%) et enfin réflexives (16,56%). L’analyse du contenu de ces médiations avec le crible des composantes de l’activité collective a permis d’identifier des réélaborations des règles et des traces d’une montée en compétence. Le processus de la réélaboration des règles pendant la collaboration des EILE à distance a eu lieu à travers des régulations individuelles et collectives. Et la construction des compétences est passée par la répartition des tâches, le partage des styles et l’enrichissement du genre professionnel. Ceci nous a amenés à faire l’hypothèse que la SACI mobilisée a permis l’émergence de ces traces d’une activité collective.
D’une part, les médiations principales, reliant le sujet : l’EILE, l’instrument : l’ECL et l’objet de l’activité : le plan de la leçon ont permis des régulations individuelles de la leçon préparée collectivement. Les médiations principales épistémiques à cette préparation collective de la leçon, en informant l’EILE sur les propriétés de celle-ci, ont permis à l’EILE d’évaluer l’adéquation de cette préparation avec le réel de son activité. Ce qui a amené l’EILE à réadapter ce plan de la leçon à travers les médiations principales pragmatiques.
De l’autre part, les médiations interpersonnelles ont permis d’un côté des régulations collectives que ce soit de la leçon conçue collectivement ou d’autres pratiques. De l’autre côté, les médiations épistémiques aux autres et les médiations pragmatiques aux autres ont permis des transferts entre le style et le genre à travers la répartition des tâches et le partage de connaissances et d’expériences.
Ces résultats nous ont amenés à faire l’hypothèse que cette SACI a permis l’évolution du pouvoir d’agir de ces EILE à travers une activité collective. Cette activité collective qui n’est possible seulement s’il y a articulation entre travail collectif et collectif de travail.
Ce travail a donc essayé d’étudier la possibilité qu’a une activité professionnelle, dont les sujets ont une mission limitée dans le temps et séparée dans l’espace comme l’EILE, de se construire un collectif de travail à travers un travail collectif à distance. Mais en vue des limites de cette recherche, il serait imprudent d’en faire des conclusions généralisées. Autrement dit, il est inconcevable de penser que toute collaboration à distance entre les EILE permettrait l’évolution de leur collectif. Néanmoins, nous pensons que ce travail constitue une porte d’entrée à des perspectives d’études plus approfondies de cette activité professionnelle et aussi à une réflexion sur l’amélioration de son organisation que ce soit par les prescripteurs ou par les EILE eux-mêmes.
Glossaire
Cadre européen commun de référence pour les langues CECRL : un document publié par le Conseil de l’Europe en 2001, qui définit des niveaux de maîtrise d’une langue étrangère en fonction de savoir-faire dans différents domaines de compétence. Ces niveaux constituent désormais la référence dans le domaine de l’apprentissage et de l’enseignement des langues dans de nombreux pays. En France, ils sont repris dans le code de l’éducation comme niveaux de compétence en langues vivantes étrangères attendus des élèves des écoles, collèges et lycées.
Étude collective d’une leçon ECL : en anglais Lesson study, un dispositif d’origine japonaise dans lequel un ensemble d’enseignants collaborent pour préparer une leçon. Ils choisissent un sujet particulier à enseigner, préparent collectivement la leçon, l’enseignent, l’observent, l’analysent et la réenseignent éventuellement. C’est un processus cyclique dont le but est d’améliorer la qualité de la leçon. Elle peut se dérouler sur deux, trois voir même quatre cycles jusqu’à la remédiation de toute difficulté constatée par le groupe des enseignants.
Enseignements internationaux des langues étrangères EILE : Dispositif d’enseignement des langues étrangères dans le premier degré mis en place par l’éducation nationale française à partir de 2016 et généralisé en 2020 pour remplacer l’ELCO. Il concerne essentiellement les langues arabe et turque à raison d’une séance de 1h30 par semaine en plus des 24 heures d’enseignement obligatoire. L’inscription est ouverte à tout élève en CE1 jusqu’aux CM2 dont la famille en fait la demande.
Enseignement de la langue et de la culture d’origine ELCO : dispositif mis en place en France à partir de 1975 dans le cadre de la politique du regroupement familial. Il était destiné à des enfants de familles immigrées pour promouvoir la langue et la culture du pays d’origine dans l’objectif d’un retour susceptible. L’ELCO a connu plusieurs évolutions jusqu’à sa substitution totale par l’EILE en 2020.
Liste des figures
Figure 1 : Répartition géographique des enseignants d’ELACM à l’étranger en 2012/2013
Figure 2 : Évolution de l’effectif enseignant de l’ELACM entre 1990 et 2012
Figure 3 : Évolution des bénéficiaires de l’ELACM entre 1990 et 2012
Figure 4 : Évolutions de l’effectif enseignant et du nombre moyen d’élèves par enseignant de l’ELACM entre 1990 et 2012 (FH2MRE, 2012)
Figure 5: Les transferts possibles entre l'activité et les instances du métier d'après El Mechat (2019, p. 39)
Figure 6 : La genèse instrumentale
Figure 7: Modèle SACI situations d’activité collectives instrumentées
Figure 8: SACI pour les EILE
Figure 9 : Le processus de l'ECL (d’après Clivaz, Clerc-Georgy, & Batteau, 2016, p. 2)
Figure 10 : Structure dynamique du modèle d’apprentissage IMAIP (D'après Lebrun, 2004, p. 14)
Figure 12 : Menu de la simulation de la présentation de la FOAD
Figure 13 : Aperçu de l’activité média enrichi sous Scenari Opale
Figure 14 : Aperçu de l’activité autoévaluation sous Scenari Opale
Figure 15 : Organisation de la FOAD et modalités de travail
Figure 16 : Schéma de la FOAD pour les EILE
Figure 17 : SACI pour les EILE
Figure 18 : Présence des médiations de la SACI dans le corpus
Figure 19 : Présence des catégories secondaires dans les médiations principales
Figure 20 : Présence des catégories secondaires des médiations interpersonnelles
Liste des tableaux
Tableau 1 : Évolution des effectifs d’élèves et d’enseignants d’ELCO entre 2002 et 2009 par langue (HCI, 2010, p. 137).
Tableau 2 : Distribution prévue des EILE de l’académie de Reims pour 2020/2021
Tableau 3 : Les effectifs des bénéficiaires de l’EILE dans la Marne
Tableau 4 : Distributions des cours d’EILE de la Marne par villes d’implémentation (semaine)
Tableau 5: Transposition de l'ECL en présentiel à l'ECL à distance.
Tableau 6 : Calendrier de la FOAD pour les EILL
Tableau 7 : Profils des 41 participants à la FOAD
Tableau 8 : Corpus
Tableau 9 : Premier essai de catégorisation
Tableau 10 : Première grille d’analyse
Tableau 11 : Second essai de catégorisation
Tableau 12 : Deuxième grille d’analyse
Tableau 13 : Grille d’analyse catégorielle
Tableau 14 : Résultats de l'analyse catégorielle quantitative
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[1] Parcours : Conception, intervention et recherche dans l’éducation et la formation à l’INSPE de Reims
[2] Enseignement de Langue et culture d’origine.
[3] Enseignements Internationaux de Langues Etrangères.
[4] La nomination de ces inspecteurs diffère selon l’organisation du système éducatif de chaque pays. Au Maroc par exemple ils sont nommés des inspecteurs pédagogiques.
[5] Haut Conseil de l’Intégration (en France)
[6] Une direction appartenant à un département du ministère de l’Éducation nationale français et qui se charge de l’évaluation des politiques conduites par ce ministère
[7] FH2MRE : Fondation Hassan II pour les Marocains résidants à l’étranger.
[8] HCI : Haut Conseil à l’intégration
[9] Qui parlent une langue différente de celle du pays considéré (Larousse).
[10] La notion d’environnement capacitant vise à rendre compte des conditions d’une activité permettant le développement des individus.
[11] Situation d’activité collective instrumentée
[12] Enseignements de langues et cultures d’origines.
[13] Enseignements internationaux de langues étrangères.
[14] Le dispositif : Étude collective de la leçon
[15] Laboratoire Lausannois Lesson Study (3LS) www.hepl.ch/3LS/
[16] Le logiciel LMS de la suite Tree-Learning www.tree-learning.fr/agora-learning.php
[17] [...] C’est notre traduction des propos initialement en arabe marocain recueillis lors de l’observation ou de l’autoconfrontation collective.
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