L’influence de l’usage d’un simulateur (plateau technique) dans les pratiques de formateurs d’adultes.
Mémoire de Master 2 Mention Pratiques et Ingénierie de Formation
Conception, Interventions et Recherche en Education et Formation (CIREF)
Soutenu par
Stéphanie VRIET
L’influence de l’usage d’un simulateur (plateau technique) dans les pratiques de formateurs d’adultes.
Mémoire dirigé par
Monsieur Fabien EMPRIN
Date de soutenance :
29 août 2018
Résumé
La formation professionnelle continue des adultes, devenue levier de croissance et outil de lutte contre le chômage au fil du temps, s’inscrit dans un contexte fortement réglementé par le législateur et dans une logique de marchés publics favorisant la mise en concurrence des organismes de formation.
Les formateurs exerçant leurs activités dans ces perspectives doivent adapter leurs pratiques professionnelles aux outils qui leurs sont mis à disposition afin de permettre l’acquisition de blocs de compétences.
Cette étude s’intéresse aux pratiques de formateurs d’adultes dans l’usage d’un simulateur, intervenants dans les dispositifs des programmes régionaux de formation diplômants, auprès de publics demandeurs d’emploi.
Les déterminants des pratiques observés avec le cadre de la double approche associés à l’analyse des genèses instrumentales qui se manifestent dans l’usage du simulateur permettent d’appréhender des influences différentes chez les formateurs liées.
Mots clés : Pratiques, double approche, genèses instrumentales, simulateur
Table des matières
1. LE CONTEXTE
1.1 LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE DES ADULTES
1.2 LES APPRENANTS EN FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE : DES ADULTES
1.3 LE METIER OU LA FONCTION DE FORMATEUR
1.4 METHODE MOBILISEE PAR LES FORMATEURS : LA SIMULATION
1.5 LES CERTIFICATIONS VISEES
2. LE CADRE DE REFERENCE
2.1 LES PRATIQUES DES FORMATEURS
2.2 LA DOUBLE APPROCHE : UNE DEMARCHE POUR OBSERVER LES PRATIQUES INDIVIDUELLES
2.3 LES GENESES INSTRUMENTALES
3. QUESTION DE RECHERCHE
3.1 RETOUR SUR LE CONTEXTE
3.2 APPORTS DU CADRE DE REFERENCE
3.3 PROBLEMATIQUE
4. METHODOLOGIE DE RECHERCHE
4.1 METHODE POUR ACCEDER AUX PRATIQUES
4.2 METHODE POUR ACCEDER AUX GENESES INSTRUMENTALES
5. TRAITEMENT DES DONNEES
5.1 TERRAIN D’ETUDE
5.2 PARTICIPANTS A L’ETUDE
5.3 RECUEIL DES DONNEES
5.4 ANALYSE DES DONNEES
6. RESULTATS
6.1 REPARTITION DU DISCOURS DES FORMATEURS ET DES STAGIAIRES
6.2 ANALYSE TEXTUELLE DU DISCOURS DES FORMATEURS
6.3 ANALYSE MANUELLE DU DISCOURS DES FORMATEURS
6.4 ANALYSE DE L’USAGE DU SIMULATEUR DANS LA MEDIATION DES SAVOIRS
7. DISCUSSION DES RESULTATS
7.1 DETERMINANTS DES PRATIQUES DES FORMATEURS
7.2 VARIABILITE DES PRATIQUES DANS L’USAGE DE L’ARTEFACT
7.3 INFLUENCES DE L’ARTEFACT DANS LES PRATIQUES DES FORMATEURS
8. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLES DES FIGURES ET DES TABLEAUX
ANNEXES
REMERCIEMENTS
Mes premiers remerciements s’adressent à mon directeur de mémoire, Fabien Emprin, pour ses conseils avisés, sa disponibilité et sa patience.
Je remercie également tous les intervenant du Master CIREF pour leurs précieux apports méthodologiques et théoriques qui m’ont permis de rentrer dans cette démarche de recherche.
Je remercie également les formateurs et les stagiaires sans qui cette étude n’aurait pu être menée s’ils ne m’avaient pas ouvert leur salle de cours et s’ils ne m’avaient pas accordé le temps nécessaire lors des entretiens.
Je remercie également Isabelle pour ses relectures.
Ce mémoire n’aurait pas pu être mené non plus sans les encouragements et le soutien de mes proches, famille et amis. Je leur en suis très reconnaissante.
Enfin mes derniers remerciements s’adressent à ma fille de 15 ans qui a su m’encourager et me rassurer dans les moments de doutes, et qui a su également faire preuve d’une grande patience et maturité pour me laisser des temps propices et nécessaires aux lectures et à la réflexion.
INTRODUCTION
Les pratiques enseignantes des personnels appartenant à un corps d’enseignants sont largement étayées par de nombreuses recherches et publications. De plus, leur métier accessible par voie de concours associé à des formations spécifiques de premier ou de second degré telles que les Masters Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation permettent une professionnalisation certaine, d’acquérir les compétences communes nécessaires à l’exercice des métiers du professorat et de l’éducation et légitimise totalement leur statut d’enseignant.
Nous nous intéressons dans cette étude aux formateurs, qui contrairement aux enseignants, ne bénéficient pas obligatoirement d’une formation ni d’un concours pour exercer leur métier. Par ces faits, les formateurs ne sont pas reconnus comme de véritables enseignants et développent des pratiques professionnelles très diversifiées selon leur champ d’action. Les publications et les recherches sont beaucoup moins nombreuses concernant les pratiques des formateurs ce qui nous motive davantage à poursuivre une recherche dans ce domaine.
Mais d’autres motifs explicitent notre démarche et les orientations de notre recherche.
Depuis la loi sur la réforme de la formation professionnelle de 2014, la notion de « blocs de compétences » est apparue dans l’organisation des apprentissages. Ce nouveau cadre législatif impose aux organismes de formation de penser autrement les dispositifs de formation et modulariser les parcours. La visée est désormais focalisée sur les compétences et non plus sur les savoirs et les connaissances directement, car seules les compétences professionnelles sont amenées à être évaluées en vue d’obtenir une certification partielle ou totale.
De plus, les formateurs de notre étude interviennent dans des dispositifs de formation conventionnés et financés par la Région Grand Est, et qui dans sa nouvelle configuration, propose une nouvelle offre de formation à destination des demandeurs d’emploi dans le cadre de son Plan régional de Formation. L’offre proposée présente toutes les caractéristiques de la réforme 2014 en matière de blocs de compétences et se veut dans l’attente de démarche innovante en termes de formation.
Localement, ces changements estimés de grandes ampleurs, impactent les équipes de formateurs qui doivent non seulement s’adapter à des nouvelles organisations internes mais également faire évoluer leurs pratiques professionnelles dans la construction des apprentissages afin de répondre à ces nouvelles contraintes institutionnelles.
Les formateurs doivent inscrire leurs pratiques professionnelles dans une démarche qui répondent aux critères et aux attentes à la fois des acheteurs de formation, des politiques de l’emploi et des demandeurs d’emploi tout en se conformant à la législation en vigueur.
Formatrice depuis 19 ans, ces bouleversements professionnels me font m’interroger sur nos pratiques professionnelles et surtout dans quelles mesures nous allons pouvoir les adaptées aux nouvelles exigences.
L’adaptation est en marche depuis un an maintenant, avec notamment la création d’un magasin fictif. L’objectif est d’intégrer dans les pratiques des formateurs, des simulations de situations professionnelles afin de construire, à partir des savoirs et connaissances, les compétences attendues par les référentiels de certifications et s’éloigner du modèle traditionnel de formation qui domine à savoir les méthodes classiques de types affirmatives et expositives.
L’ensemble de ces éléments évoqués nous oriente vers une réflexion première sur les pratiques des formateurs en nous posant une première question naïve : Quelles sont les pratiques des formateurs ? Les formateurs ont des profils très différents tant sur leurs niveaux de qualification que sur leurs années d’expériences dans les domaines d’expertise différents, ce qui nous questionne également sur les caractéristiques des pratiques selon les formateurs, : sont-elles homogènes ? Les pratiques sont-elles stables d’un formateur à l’autre ou au contraire sont-elles différentes ?
Enfin l’usage d’un simulateur dans les actions de formation a-t-il un impact sur les pratiques ? Sont-elles transformées dans l’activité de formation ?
Notre travail porte donc sur l’observation des pratiques des formateurs en situation de formation avec et sans simulateur.
Après avoir détaillé le contexte de l’étude, nous présentons le cadre de référence. Nous mobilisons un premier cadre théorique, celui de la double approche, afin de regarder les pratiques des formateurs dans leur globalité. Puis nous utilisons un deuxième cadre, celui des genèses instrumentales, afin d’observer les pratiques dans l’usage d’un simulateur qu’est le magasin fictif.
En troisième partie nous présentons notre question de recherche puis la méthodologie retenue. Une cinquième partie est consacrée au traitement des données et une sixième sur les résultats pour finir sur leur discussion.
Cette partie a pour objectif de situer le champ de l’étude. Les pratiques des formateurs s’inscrivent aujourd’hui nécessairement dans un cadre réglementaire et législatif porté par les pouvoirs publics.
A la fin du XIXème siècle, la formation professionnelle visait la question éducative et idéologique à travers la question sociale et la moralisation :
À la fin du XIXe siècle, l’éducation du peuple est perçue comme une solution de la question sociale, notamment sous la plume de Léon Bourgeois, le grand penseur du Solidarisme, et celle des adultes sera encore très souvent conçue comme une socialisation, elle-même liée à la moralisation. Dans cet ordre d’idées, la lutte contre l’intempérance prend une grande importance. La fréquentation du cabaret, lieu de tous les dangers, est signalée dans de très nombreux textes comme le principal fléau à endiguer. (F. Laot, 2014)
Puis progressivement, elle est devenue un enjeu économique et de paix sociale pour ensuite être valoriser comme levier de lutte contre le chômage.
La formation professionnelle des adultes s’est construite à travers le temps avec l’idée d’éducation permanente, puis de la formation tout au long de la vie.
Ici nous entendons le concept d’éducation permanente au sens d’éducation professionnelle permanente :
Il faut que l’éducation soit permanente pour que ceux à qui on la donnera pendant tout le cours de leur vie, non seulement soient informés des connaissances nouvelles qui continuellement viennent bouleverser chaque discipline, mais pour que restent vivants, dans l’esprit de chacun, le désir d’inventer et la possibilité de découvrir. (Berger, 1962, p. 144).
Une nouvelle appellation apparait : l’éducation et la formation tout au long de la vie ou lifelong learning, et est définit comme suit par le Conseil Européen (2002) « toute activité d’apprentissage, entreprise à tout moment de la vie, dans le but d’améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à l’emploi ».
1.1 La formation professionnelle continue des adultes
1.1.1 Origines historiques
Penser qu’éducation et formation ne sont pas uniquement réservés aux enfants et adolescents et que les adultes ont la possibilité de « retourner à l’école » remonte au XVIIIème siècle lorsque Condorcet déclarait « que l’instruction devait embrasser tous les âges » (Forestier, 2005, in Bournazel, 2005, p.5). Puis, la création du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) par l’abbé Grégoire suivi des lois Astier de 1919, ont permis de bâtir les premiers fondements de la formation des adultes sur la base du volontariat pour ceux qui souhaitaient suivre des cours de perfectionnement à vocation professionnelle. Rappelons qu’à l’époque, pas plus de trois français sur quatre en situation de travail avaient obtenu au mieux le certificat d’étude et que seulement un quart des travailleurs était titulaire d’une qualification de niveau CAP à doctorat.
La formation des adultes devient une préoccupation de l’Etat avec le décret de 1935 pour la « rééducation professionnelle des chômeurs » issus de la crise économique. Puis une première prise de conscience, liée à l’importance de la formation professionnelle dans le cadre de la reconstruction suite à la seconde guerre mondiale, apparait dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. 3 ans plus tard L’Association Nationale Interprofessionnelle pour la Formation Rationnelle de la Main d’Œuvre (ANIFRMO) qui deviendra l’AFPA en 1966 (Association pour la Formation Professionnelle des Adultes) est créée afin de prendre en charge les besoins de qualification des adultes.
C’est au début des années 60 que la formation professionnelle devient un instrument de la politique d’emploi face aux restructurations industrielles avec la création du Fond National de l’Emploi (FNE) et de l’Institut National pour la Formation des Adultes (INFA).
Pendant plus d’un siècle et demi, la formation professionnelle a été une affaire individuelle et volontaire pour ensuite glisser vers des orientations davantage économique et politique.
Les évolutions technologiques et ses conséquences industrielles vont imposer le changement. En effet, les seuls acquis de la formation initiale ne vont plus suffire à accomplir une vie professionnelle : l’accès à plus de qualification devient une nécessité collective.
Les accords interprofessionnels du 9 juillet 1970 et lois du 16 juillet 1971, dites « Lois Delors » sont fondatrices de l’éducation permanente et de la formation continue. La formation professionnelle devient alors une obligation nationale. Elle comporte la formation initiale et des parcours de formation ultérieurs pour les adultes qui constituent la formation professionnelle continue. Mais la raison majeure qui animait Jacques Delors était la suivante : « L’impérieuse nécessité d’améliorer l’efficacité économique, car la prospérité économique d’une économie et la réussite des entreprises dépendent des qualifications et des compétences de la main d’œuvre ». (Delors, 2003)
De ce fait, obligation légale depuis 1971, la formation professionnelle continue permet d’assurer aux salariés, employés et aux demandeurs d’emploi la possibilité de se développer grâce à l’accès à des apprentissages dans le but de conforter, d’améliorer ou de construire de nouvelles connaissances. Les dépenses de formation sont alors à la charge des entreprises et pose le principe d’un financement privé de la formation et la création d’un marché de la formation reposant sur le principe de l’offre et de la demande.
Pendant les trente années qui vont suivre, les lois en matière de formation professionnelle vont se succéder avec notamment le premier décret en 1985 sur la Validation des acquis
professionnels, 1990 (loi du 4 juillet) sur le contrôle et la qualité de la formation, pour ne citer qu’elles.
Ce bref rappel historique permet d’éclairer comment la formation professionnelle des adultes s’est construite au fil du temps pour ensuite devenir un levier de croissance et de lutte contre le chômage à travers la professionnalisation et la qualification des demandeurs d’emploi. Prendre en considération que les objectifs en matière de formation professionnelle ont évolué parait nécessaire afin de comprendre leurs impacts sur le métier des formateurs.
1.1.2 La formation professionnelle des demandeurs d’emploi
C’est au début des années 80 que les objectifs en matière de formation professionnelle sont recentrés sur l’emploi et la sécurisation des parcours professionnels compte tenue des effets de la crise économique et des difficultés du marché de l’emploi à lutter contre la montée du chômage.
La loi de 1971 imposant une contribution aux entreprises en matière de formation et créant un marché public de la formation rend nécessaire la mise en place de dispositifs et de plan de formation. Le concept d’ingénierie prend place dans les pratiques professionnelles et est définit comme, Le Boterf (1985) « l’ensemble coordonné des activités de conception d’un dispositif de formation (cursus ou cycle de formation, centre de formation, plan de formation, centre de ressources éducatives, session ou stage, …) en vue d’optimiser l’investissement qu’il constitue et d’assurer les conditions de sa viabilité ».
La formation professionnelle et l’apprentissage deviennent une compétence de droit commun des régions sous contrôle de l’Etat qui conserve les actions de portées nationales et le développement des dispositifs de formation à destination des demandeurs d’emploi . Cependant sans réelle concertation « Un hiatus [s’est dessiné] entre la compétence nominale des régions en matière de formation continue et le contrôle par l’Etat des principaux dispositifs de formation, sans qu’une réelle concertation se mette en place »
La formation professionnelle des 16-25 ans relève alors de la compétence des Régions et celle des adultes de plus de 26 ans de la Direction Départementale du Travail et de l’Emploi soit des Conseils généraux de chaque département . Le premier Plan Régional de Développement des Formations Professionnelles des Jeunes (PRDFPJ) est alors instauré en concertation avec l’Etat et les partenaires économiques et sociaux.
La loi de décentralisation de 2004 vient proposer un objectif plus large au rôle de la formation professionnelle, elle a désormais « pour objet de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l’emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel et à leur promotion sociale » . Les régions se voit confier l’entière responsabilité de la formation des jeunes et des adultes demandeurs d’emploi ainsi que les formations paramédicales et celles des travailleurs sociaux.
Selon l’article L611-1 du code du travail « La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d'acquérir et d'actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Elle constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés. Une stratégie nationale coordonnée est définie et mise en œuvre par l'Etat, les régions et les partenaires sociaux, dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 6123-1. Cette stratégie est déclinée dans chaque région dans le cadre du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.
Le contexte de l’étude s’inscrit dans ce cadre à travers les dispositifs de formation mis en place dans le cadre du Programme Régional de Formation de la région Grand Est. Celui-ci s’est ancré, depuis la loi de décentralisation de 2004, dans une stratégie de développement de l’emploi pour les jeunes 16-25 ans et les adultes de plus de 26 ans. Les objectifs sont de donner aux demandeurs d’emploi les moyens de s’insérer ou de se réinsérer socialement et professionnellement grâce à l’acquisition d’une qualification professionnelle. La formation professionnelle est devenue au fil des années un levier exerçant des effets sur la croissance et l’emploi et est donc de ce fait fortement soutenue par les régions. Afin d’optimiser les résultats et d’obtenir des taux de qualification et d’insertion satisfaisants, les régions organisent l’offre de formation sur le principe des marchés publics et mettent en concurrence les organismes de formation lors des réponses aux appels d’offres. Cette procédure permet de sélectionner ceux qui répondront aux critères financiers, pédagogiques et qui présentent les performances attendues en matière de résultat. Ces règles imposent aux organismes de formation (OF) de développer une ingénierie de formation adaptée et correspondant aux besoins territoriaux afin de faire face à une concurrence accrue.
Récemment, la loi sur la réforme de la formation professionnelle de 2014 oriente la formation vers une organisation des apprentissages en « Blocs de compétences ». C’est la première fois qu’un tel concept est mentionné dans un texte législatif. A l’origine le terme de compétence relève du langage juridique (notion de droit et de légitimité), aujourd’hui il est couramment utilisé dans le champ de la formation pour désigner des savoirs en actes se référant à des capacités et des aptitudes. L’idée première de la réforme, était de permettre de valider une partie identifiée d’une certification soit un bloc de compétences dans le cadre du Compte Personnel de Formation afin de sécuriser les parcours et de permettre l’acquisition partielle de qualification. Puis dans un second temps, en 2016, le concept de Bloc de compétences est étendu au plan de formation ainsi qu’à la période de professionnalisation . Il est entendu qu’un Bloc de compétences ne doit pas être confondu avec un module de formation. Le Bloc de compétence permet l’acquisition d’un savoir agir et réagir dans une situation donnée en lien avec un référentiel.
Afin d’être en conformité avec la réglementation sur ce nouveau concept, les organismes de formation doivent l’inclure dans l’ingénierie de formation ainsi que dans la démarche pédagogique en fonction des certifications visées et selon le registre définit par le RNCP. Dresser encore une fois un historique synthétique ciblé sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi nous sensibilise à l’importance du rôle des régions et surtout au contexte de travail des formateurs qui s’inscrit dans le cadre des marchés publics ouverts à la concurrence et dans une réglementation précise sur l’organisation des formations en blocs de compétences désignant des savoirs en actes. L’ensemble est orienté vers un public spécifique mais très hétérogène : les adultes en recherche d’emploi.
1.2 Les apprenants en formation professionnelle continue : des adultes
Selon Mucchielli, (1998) l’adulte n’est pas « un enfant plus âgé », il le définit comme suit :
Nous appelons « adultes » les hommes et les femmes […] (qui sont entrés dans la vie professionnelle), assumant des rôles sociaux actifs et des responsabilités familiales, ayant déjà une expérience directe de l’existence. […] Nous considérons qu’ils sont sortis du type de relations de dépendance et de « mentalité » caractéristiques de l’enfance et de l’adolescence, qu’ils ont accédé à un autre type de relations sociales d’interdépendance, qu’ils se sont pris en charge eux-mêmes dans l’organisation de leur vie et de leur « horizon temporel » (de leurs projets personnels et sociaux) et qu’ils ont, avec un réalisme et un pragmatisme efficients, une conscience suffisante de leur insertion sociale, de leur situation, de leurs potentialités et de leurs aspirations.
Ainsi le public accueilli en formation professionnelle est obligatoirement déscolarisé, il s’agit d’hommes ou de femmes n’ayant pas les qualifications requises pour s’insérer durablement sur le marché du travail, en reconversion professionnelle, profitant d’une période d’indemnisation du chômage pour accéder à une qualification supérieure ou plus simplement en quête d’un premier diplôme afin d’accéder à un premier emploi.
En formation professionnelle, les apprenants sont appelés « stagiaires de la formation professionnelle ». Il s’agit de demandeurs d’emploi qui peuvent être indemnisés par l’assurance chômage ou non, dans ce cas les pouvoirs publics accordent, selon condition, une rémunération et une couverture sociale pendant la durée de la formation. Leur statut et les conditions de stage sont spécifiquement légiférés dans la sixième partie, livre III et titre IV du code du travail.
Le public visé par la région Grand Est, dans le cadre du programme régional de formation professionnelle continue, doit obligatoirement relever de critères précis . Il s’agit de demandeurs d’emploi pouvant exercer une activité en milieu ordinaire de travail, inscrits à Pôle Emploi et/ou à la Mission Locale. Les adultes bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active sont éligibles sous condition d’inscription de Pôle Emploi. Les jeunes demandeurs d’emploi de 16 à 25 ans, qualifiés ou non, sortis du système scolaire depuis moins d’un an peuvent également être éligibles à la formation professionnelle en l’absence de solution proposée par la Maison de Lutte Contre le Décrochage Scolaire (MLDS).
Les stagiaires doivent obligatoirement avoir validé un projet professionnel avec leur conseiller Pôle Emploi ou Mission Locale puis sont recrutés par l’organisme de formation qui vérifiera que, les candidats à un stage du programme de la région, ont les prérequis nécessaires pour suivre la formation qualifiante visée.
Les stagiaires de la formation professionnelle ont une obligation d’assiduité, de ponctualité, d’investissement au regard de la région Grand Est qui prend en charge les frais de formation et qui délivre une rémunération ainsi qu’une couverture sociale.
1.3 Le métier ou la fonction de formateur
1.3.1 Qu’est-ce qu’un formateur ?
Pour définir un formateur au sens entendu dans notre étude, il est nécessaire de faire un retour sur les fondements historiques avec notamment la loi de 1971 faisant de la formation professionnelle une obligation légale et nationale.
Bien que le mot « formateur » commence à se répandre dans les années 1950 pour désigner la formation des adultes, ce n’est que 10 ans plus tard que le terme va s’avérer à travers la création de nouvelles institutions telles que l’INFA en 1963 puis l’AFPA en 1966.
1.3.2 Premières définitions
Schwartz (1969) propose la définition suivante : « Personne qui forme, éduque, instruit. Ces actions peuvent aller du simple conseil pédagogique à la formation de formateurs, en passant par l’apport d’outils et de documents pédagogiques » (Schwartz, 1969, cité par F. Laot et De Lescure, 2006, p.85).
Scheffknecht (1971) en propose une définition plus large : « Nous avons adopté le terme de formateur pour désigner toute personne accomplissant un travail de formation s’adressant à des adultes » (Scheffknecht, 1971, cité par F. Laot et De Lescure, 2006, p.85).
Les définitions restent larges. De plus aucun texte législatif ne vient préciser le métier, les compétences professionnelles et le niveau de qualification du formateur. La loi de 1971 a créé le métier de formateur sans pour autant en définir le statut juridique ni les caractéristiques en termes de compétences, formation ou qualification. Ce n’est qu’en 1988 que la création de la Convention Collective Nationale vient spécifier la formation et les qualifications des formateurs.
L’unique terme de formateur renvoie alors à une diversité d’appellations en fonction du public visé et du milieu dans lequel le formateur exerce. Le Boterf et Viallet (1974) en recensent une centaine pour désigner le formateur.
Donner une définition universelle du métier de formateur est complexe car l’exercice du métier est fortement lié à la manière de penser la formation de formateur. On distingue à titre d’exemple :
- les formateurs de l’AFPA (anciennement appelés moniteurs d’apprentissage) dont la priorité en termes de formation est l’expertise du métier de base,
- les formateurs d’entreprise qui sont issus de l’entreprise elles-mêmes (ingénieurs-formateurs) que le Centre Universitaire de Coopération Economique et Sociale (CUCES) prépare à la pédagogie des adultes et à l’animation,
- les formateurs de l’Education Nationale (anciennement appelés animateurs de formation continue)
Selon Malglaive (2005),
sans autres bagages que leur expérience d’éducateurs et d’éduqués, des milliers de formateurs ont, bien ou mal, avec succès ou non, transmis et continuent, aujourd’hui peut-être plus que jamais, de transmettre des savoirs, des idées, des préceptes, des recommandations de toute nature, scientifiques, pratiques, idéologiques, des messages comme on dit dans les entreprises, à des adultes qui en attendent les bénéfices variés mais le plus souvent bien concrets, et qui les reçoivent avec enthousiasme, intérêt ou résignation mais le plus souvent avec difficulté. Bref, d’innombrables formateurs enseignent à des adultes qui tentent d’apprendre ce que l’on cherche à leur transmettre.
Non reconnu comme appartenant à un corps d’enseignement, les formateurs qui n’ont pas passé les concours officiels et ne pouvant donc être reconnu comme enseignants, sont sollicités dans leurs missions pour transmettre des éléments de savoir souvent technique et professionnel dans le but de permettre à des apprenants le plus souvent faiblement qualifiés de s’adapter aux évolutions des métiers.
Le formateur évolue dans un environnement spécifique qui nécessite de sa part, une perpétuelle adaptation que ce soit au niveau des publics, des besoins, des évolutions économiques, politiques et professionnelles car comme le disent F. Laot et Malglaive (2006) « la formation des adultes est liée aux problèmes tels qu’ils se posent à un moment donné, dans un contexte donné. Ses modes d’intervention changent lorsque les problématiques changent ».
1.3.3 La professionnalisation des formateurs
Après la seconde guerre mondiale, le besoin de formation est important, la spécificité du public « adulte » nécessite alors d’adapter les pratiques, la formation professionnelle des formateurs devient une condition sine qua non du développement économique et social (F. Laot et De Lescure, 2006).
La professionnalisation des formateurs s’est imposée au fil du temps, au fur et à mesure que la formation professionnelle elle-même se mettait en place à travers les dates clés de son histoire.
Mais qu’en est-il en XXIème siècle ?
L’enquête « le métier de formateur fait-il encore rêver » lancée par le réseau Ttnet (Training of Trainers Network) en 2011 révèle que seulement 13 % des formateurs ont suivi une formation directement liée aux métiers de la formation. A contrario, 87 % d’entre eux ont suivi un cursus d’expertise métier et 65 % d’entre-eux ont ensuite suivi un cursus lié aux métiers de la formation. Ceci nous laisse entendre qu’ils ont dans un premier temps, exercer le métier dans lequel ils ont été qualifiés pour ensuite s’orienter dans les métiers de la formation.
Les formations suivies pour se professionnaliser dans le métier de formateur sont principalement de niveau II et I : Licence en sciences de l’éducation, master II Conseil et ingénierie de la formation, mais aussi Titre professionnel AFPA « Formateur Professionnel d’Adultes ou encore Licence GRH spécialisation métiers de la formation, de l’insertion et de l’accompagnement.
La professionnalisation des formateurs s’est imposée au fil du temps, au fur et à mesure que la formation professionnelle elle-même se mettait en place à travers les dates clés de son histoire.
Un autre résultat de l’enquête précitée ci-dessus conforte le besoin de professionnalisation : 67 % des personnes interrogées déclarent avoir choisit ce métier pour transmettre des savoirs mais également parce qu’ils ont un attrait pour l’ingénierie, la pédagogie et la didactique, d’ailleurs 25 % d’entre-eux cumulent plusieurs fonctions telles que chargés de mission, responsable de formation, accompagnateur VAE etc…. Cette donnée nous permet de penser que ce besoin de polyvalence associée à la nécessité d’adaptation constante dans un environnement concurrentielle élevé du fait des marchés publics justifie largement le besoin de professionnaliser les formateurs.
Pour autant, c’est la réglementation en vigueur qui vient désormais imposer la professionnalisation des formateurs à travers non seulement les exigences des Régions mais également en matière de qualité. Les financeurs des dispositifs de formation se voient confier le suivi et le contrôle de la qualité des organismes de formation par la loi du 5 mars 2014. Le décret qualité 2015-790 du 30/06/2015 impose aux organismes de formation (OF) le respect de 6 critères qualité évalués à travers 21 indicateurs communs accompagnés d’éléments de preuves. Le quatrième critère nous intéresse particulièrement, car il concerne la crédibilité de l’organisme de formation quant à la qualification et professionnalisation de son personnel en charge des formations, soit les formateurs.
Tableau 1 : Extrait Datadock : les indicateurs et les modes de preuves
La réglementation impose désormais la qualification professionnelle et la formation continue des formateurs afin d’assurer la capacité de l’organisme à dispenser des actions de qualités. Désormais pour être référencés et financés les organismes de formations doivent attester de leur capacité à répondre aux indicateurs. Le respect des critères de qualité est un gage de crédibilité aussi bien pour les entreprises que pour les bénéficiaires de formation.
Les organismes de formation doivent donc attester de la qualité de leur personnel en étant en capacité de prouver les qualifications des formateurs et leur parcours de professionnalisation en présentant par exemple, des attestations de formations suivies.
Par ce décret, le législateur évoque la nécessité de qualification spécifique et de formation continue en fonction des dispositifs de formation pris en charge par les formateurs.
1.3.4 De quels formateurs parlons-nous ?
Les formateurs qui nous intéressent dans notre étude sont des agents contractuels de droit public qui peuvent être régis par :
- Un quasi statut (agents des établissements publics)
- Des décisions particulières (statut unique issu de la décision du 24 avril 1991)
- Les textes généraux (loi n°84-16 du 11 janvier 1984-décret 86683 du 17 janvier 1986)
Précisément, ces formateurs sont agents contractuels des Ministères, sous contrat à durée déterminée ou indéterminée lorsqu’il sont recrutés pour un besoin dit permanent de la structure. Ils exercent leur fonction dans le cadre du concept de la « formation tout au long de la vie » dont la finalité est professionnelle (contrairement au concept d’éducation permanente qui renvoie à une finalité plus large dans une démarche de socialisation, la transmission culturelle et le développement personnel selon (F. Laot 2014).
Nous parlons des formateurs d’adultes assurant une fonction didactique (enseignement disciplinaire général, technique, pratique),
La didactique est une science qui s’intéresse au contenu d’une discipline ainsi qu’aux méthodes, elle étudie comment les contenus d’une discipline scolaire sont transmis et comment les élèves apprenants se les approprient. Tasra (2017) :
dans didactique, l’accent est plutôt porté sur la relation au savoir à transmettre. Contrairement à la pédagogie qui est davantage centrée sur la relation maître-élève en vue de l’éducation, la didactique est davantage centrée sur le savoir à transmettre en vue de l’instruction ».
On distingue les didactiques disciplinaires comme la didactique des mathématiques, de la géographie etc… et la didactique professionnelle.
La didactique professionnelle est née dans l’analyse du travail pour la formation dans les années 1990 avec pour point d’appui central la théorie de la conceptualisation dans l’action de Vergnaud. Les principaux acteurs sont issus de l’ingénierie de formation, P. Pastré en est le fondateur à travers l’analyse des besoins traduit en objectifs pour la construction de formation.
La didactique professionnelle mobilise différents courants théoriques tels que l’ergonomie cognitive, la psychologie du développement et la didactique des disciplines.
Les formateurs, que nous observons, sont des didacticiens pratiquant le face à face pédagogique et l’individualisation des parcours auprès d’un public initialement demandeur d’emploi et plus ou moins éloigné de l’emploi. Les formateurs interviennent dans le cadre d’actions de formation diplômante proposées par les Plans Régionaux de Formation répondant au concept de formation tout au long de la vie et sanctionnées par un diplôme. Les besoins des apprenants sont placés aux cœurs de leurs pratiques professionnelles.
Directement sous la responsabilité hiérarchique du directeur de centre dans lequel ils assurent leurs fonctions, les formateurs prennent en charge la formation des stagiaires de la formation professionnelle et participent aux activités périphériques telles que l’accueil, le recrutement, l’analyse des besoins, l’accompagnement .
Les formateurs peuvent également prendre en charge des missions de coordination des actions de formation et animer les équipes pédagogiques.
Dans notre étude, c’est la fonction didactique qui nous intéresse particulièrement et notamment les pratiques des formateurs dans les situations de face à face pédagogique dans le cadre de formation diplômantes. Les formateurs enseignent, non pas dans une discipline scolaire, mais professionnelle auprès d’un public adulte en quête d’un emploi nécessitant pour ce faire une qualification dans les métiers ciblés. Leur expérience professionnelle, dans les métiers dans lesquels ils forment, associée à une qualification située entre le niveau III et I leur confère leur légitimité auprès de leur institution et de leur public.
Néanmoins le législateur contraint de plus en plus l’activité de formation et demande donc aux organismes de légitimiser la qualité de leurs intervenants à travers les CV détaillés de chacun ainsi que l’accès au plan de formation interne permettant de valoriser la professionnalisation de ces derniers.
1.4 Méthode mobilisée par les formateurs : la simulation
Les formateurs sont confrontés au choix de leurs méthodes pédagogiques et des modes de médiatisation qu’ils vont utiliser pour donner un cours en face à face pédagogique.
Les séances de formation ne sont pas abordées sous forme de discipline scolaire mais professionnelle avec l’idée d’apprendre par la réalisation d’une tâche.
Le cadre réglementaire contraint désormais les organismes de formation à penser leurs actions de formation en « blocs compétences », à modulariser les parcours afin de permettre aux apprenants de valider tout ou partie d’une certification. Ils doivent s’adapter aux réformes successives et aux exigences des financeurs dont le maître mot est l’acquisition de compétences et non plus la transmission de savoirs.
Nous nous intéressons particulièrement à la simulation dans les méthodes de formation utilisées par les formateurs car elle permet de mettre en œuvre les savoirs et donc le savoir-faire dans des situations proches du réel et semble pour Audran (2016) « être une réponse à la demande croissante d’opérationnalité, voire d’employabilité, des personnes en sortie de formation » (p.9).
1.4.1 Simulation
La simulation est entendue au sens de donnée matérielle ou situationnelle analogique ou isomorphe par rapport à une situation réelle permettant d’étudier plus facilement les variables mises en jeu.
En formation, la simulation est dans un premier temps, utilisée pour mettre en scène des situations sous forme de jeux de rôle qui permettent d’aborder globalement des situations professionnelles. Dans un deuxième temps la simulation tend également vers des mises en œuvre de situations de plus en plus fidèle à la réalité du terrain professionnel selon Audran (2016) :
« En formation, la simulation a d’abord été de l’ordre de la reconstitution hic et nunc de situations, au travers de jeux de rôles, de saynètes, qui permettent avec peu de moyens de restituer, même de manière imparfaite, par représentation symbolique, des actions menées dans des situations spécifiques (simulation d’interactions à des fins d’analyse de pratiques, simulation d’entretiens, etc.). (…) Plus récemment la simulation en formation semble renvoyer, de manière presque généralisée, à des dispositifs dont l’objectif est de former en « pleine échelle » ou en « haute-fidélité », c’est-à-dire dans des situations les plus proches possible de contextes authentiques » (p 11)
Dans le champ de la recherche en didactique professionnelle, on peut citer les apports de Pastré (2005) dans ses travaux de résolution de problèmes par la simulation sur le réglage de presse à injecter. Le recours à un simulateur informatique créé à partir de l’analyse de la tâche et des variables observées, est programmé de façon à prendre les paramètres de réglage d’une presse. Il propose une liste de problèmes que les régleurs doivent traiter. Pastré a convoqué Vergnaud (1991) et sa théorie des champs conceptuels afin de construire les situations problèmes du simulateur :
« Un champ conceptuel est à la fois un ensemble de situations et un ensemble de concepts. L’ensemble des situations dont la maîtrise progressive appelle à une variété de concepts, de schèmes et de représentations symboliques en étroite connexion. L’ensemble des concepts qui contribuent à la maîtrise de ces situations ».
Ces recherches ont servi pour la construction du cadre théorique de la didactique professionnelle. L’apprentissage de la conduite de centrales nucléaires est également un des exemples les plus riches de simulation d’un apprentissage en deux temps : théorie puis pratique soit la construction d’un modèle opératif à partir d’un modèle cognitif nécessitant le recours à un simulateur pour les raisons de sécurité qui s’imposent dans les centrales nucléaires.
Pour Pastré, la simulation relève de la création de la structure conceptuelle d’une situation dans laquelle un objet pragmatique est mis en scène et permet de diagnostiquer un problème pour agir de façon opportune.
Convoquer Pastré dans notre étude, nous permet de mieux comprendre l’usage de la simulation et des simulateurs même si ce dernier a en particulier axé ses travaux sur des simulateurs de résolutions de problèmes soit à échelle partielle (part scale) et non pas de « pleine échelle » (full scale) comme il est question pour nous.
1.4.2 Simulateur
Deux types de simulateurs sont distingués, le simulateur dit de « pleine échelle » et le simulateur dit « échelle partielle ».
Un simulateur « pleine échelle » est un instrument qui cherche à reproduire de la façon la plus fidèle possible la situation de travail afin de permettre la reproduction de l’activité professionnelle dans toute sa complexité, Pastré et Rabardel (2005) « le simulateur pleine échelle est conçu pour pouvoir servir à de multiples usages (…) instrument qui va permettre de reproduire l’activité des opérateurs dans toute sa complexité » (p.37)
Le simulateur de pleine échelle permet donc de reproduire l’activité dans ses dimensions cognitive, procédurale et gestuelle (habileté), mais également dans une dimension collective avec des sujets multiples. Il peut être utilisé dans des apprentissages diversifiés en fonction des buts fixés et ce, de différentes manières car il est porteur de nombreuses possibilités. Utilisé en temps réaliste et à échelle réaliste, il est approprié pour l’entrainement et l’apprentissage à la réaction d’imprévus. Son utilisation nécessite a posteriori un travail d’analyse de ce qui s’est déroulé dans la simulation en termes de geste et de réaction dans une démarche réflexive portée sur l’action (Schön, 1994).
Le simulateur à échelle partielle permet de focaliser sur un élément de formation spécifique comme la résolution d’un problème et d’être dans une posture réflexive dans l’action. Sa construction et sa mise en place nécessite de passer par une analyse précise de la situation de travail.
L’usage du simulateur en situation d formation permet aux formateurs d’introduire au fur et à mesure des variables avec un niveau de difficultés croissant et des paramètres supplémentaires permettant ainsi de se rapprocher le plus possible des situations réelles de travail et de permettre au formé de construire ses connaissances selon ses aptitudes personnelles et d’augmenter sa capacité à prendre des responsabilités et des décisions.
1.4.3 Avantages et limites
La simulation a l’avantage de permettre de répéter autant de fois que nécessaire les processus, de s’entrainer et de découvrir de nombreuses applications professionnelles qu’elles relèvent des gestes et postures, de la communication, de l’organisation ou encore du travail d’équipe. Les tentatives peuvent être infinies et aucun risque majeur n’est encouru.
Certaines limites sont toutefois admises notamment celles que simuler une activité professionnelle en situation de formation, ne permet pas au formé de maîtriser une situation réelle car la situation simulée est adaptée pour être pédagogique et ne peut inclure tous les aléas, contraintes et difficultés d’une expérience réelle.
Ces apports étant fait, il apparait que la simulation ne peut être réalisée sans un objet support, soit un instrument de médiation des contenus prescrits par les référentiels de certification.
Le Programme Régional de Formation de la Région Grand Est identifie sous le terme de « formation diplômante (FD) » les dispositifs de formations long de plus de 6 mois et sanctionné par la validation d’une qualification. Cette qualification est reconnue et signifiée par l’obtention d’un diplôme classé par niveau de qualification, qui peut relever du Ministère de l’Education Nationale, de l’Agriculture, ou encore de l’Emploi sans oublier celui de la Jeunesse et des Sports et de la Santé.
Ces diplômes, dont la valeur est nationale, sont légiférés et réglementés dans le code de l’éducation. L’ensemble des programmes à enseigner et les modalités d’évaluation sont fixés par arrêté et publiés au Bulletin Officiel.
Les référentiels de certification du Ministère de l’Education Nationale font usage d’un vocabulaire pédagogique défini comme suit :
- Savoir associé : connaissances théoriques en lien avec une activité professionnelle
- Savoir-être : comportements et attitudes attendus dans une situation professionnelle donnée
- Savoir-faire : ensemble des gestes et des méthodes appliqués à des activités professionnelles
- Connaissance : le savoir qu’il est nécessaire de maîtriser pour pouvoir les combiner et les mobiliser dans une compétence
- Capacité : ensemble des aptitudes que l’individu met en œuvre dans des différentes situations. Elle s’exprime par un verbe (ex : s’informer – réaliser – communiquer). Elle n’est pas directement observable, ni évaluable.
- Compétence : ce que l’apprenant sait faire dans une situation plus ou moins complexe en mobilisant des savoirs ou des connaissances, des savoir-être ou des attitudes, des savoir-faire ou des capacités, et des ressources de l’environnement.
La structure d’un référentiel de diplôme se structure de la manière suivante :
Figure 1 : la structure d’un référentiel de diplôme
L’accès à ces diplômes, prévue par l’article D.337-55 sous-section 2 – modalités de préparation des textes relatifs à la rénovation de la voie professionnelle, peut se faire par la voie de la formation professionnelle telle qu’elle est définie dans le livre III de la sixième partir du Code du travail.
Les stagiaires sont préparés pour passer l’ensemble de l’examen lors d’épreuves terminales dans les organismes de formation hors contrat avec l’Education Nationale.
Les formateurs doivent donc s’appuyer sur les textes et circulaires de l’académie de référence afin de préparer leurs apprenants. Ils utilisent les mêmes sources de travail que les enseignants de l’Education Nationale telle que l’architecture référentiel présentée cidessus. Cette grille, destinée aux enseignants, est également utilisé par les formateurs car elle leur permet de donner du sens à leur travail et les guider dans l’acte de formation.
Afin de clarifier la notion de compétences, l’Education Nationale définie la compétence comme l’association des savoirs, savoir-faire et savoir-être, mobilisés dans un environnement contextualisé par un situation professionnelle mise en application.
Figure 2 : la compétence selon l’Education Nationale
Ce schéma qui nous donne une vision globale de la compétence du point de vue de l’Education nationale est probablement celle que les formateurs empruntent afin d’influencer leurs pratiques professionnelles et définir finement les contenus des dispositifs de formation.
Le contexte qui vient d’être exposé nous permet de comprendre plus précisément le cadre de travail des formateurs faisant l’objet de notre étude.
Le métier de formateur dont les origines remontent au XIXème siècle a évolué au fil du temps au rythme des réformes successives de la formation professionnelle en lui conférant une place significative depuis 1971 dans la professionnalisation des travailleurs mais également et surtout, comme acteur majeur dans la qualification des demandeurs d’emploi dans le cadre de dispositifs dédiés à la lutte contre le chômage.
Aujourd’hui les formateurs exercent toujours leurs activités auprès de demandeurs d’emploi adultes mais sans pour autant avoir une reconnaissance d’enseignant. Cependant même si leur approche n’est pas disciplinaire, ils forment avec des contenus issus des mêmes références réglementaires que les enseignants lorsqu’il s’agit de certifications inscrites au RNCP. La dimension cognitive dans leur activité est indéniablement présente.
Les formateurs exercent actuellement dans un contexte institutionnel de plus en plus contraint et concurrencé par un marché basé sur le principe classique de l’offre et de la demande. La réforme de la formation professionnelle de 2014 visant la modularisation des contenus de formation en blocs de compétences et une immersion totale dans la démarche qualité demande une forte adaptation des formateurs, comme le recours aux simulations plutôt qu’aux cours magistraux dans les situations d’apprentissage. Ces derniers doivent développer de nouvelles stratégies dans leurs fonctions afin de pouvoir satisfaire à l’ensemble des exigences et permettre la construction des compétences de manière efficace et efficiente.
Afin de mener ce travail, un cadre théorique est nécessaire pour éclairer la question posée quant à l’usage de la simulation dans les pratiques professionnelles des formateurs d’adultes, cerner ce qui se joue lorsque ceux-ci utilisent un artefact à l’intérieur d’un cadre spécifique liée à l’institution.
Dans un premier temps, définir les pratiques des formateurs est incontournable, dans un deuxième temps un cadre théorique doit nous permettre d’accéder aux pratiques et de prendre en compte la dimension du simulateur.
Deux cadres vont permettre de formuler la méthodologie de recherche :
- celui de la double approche pour regarder, observer les pratiques d’enseignants particuliers : les formateurs
- celui des genèses instrumentales pour observer et comprendre comment le savoir est médié par le formateur dans l’usage d’un simulateur.
2.1 Les pratiques des formateurs
Définition
Les formateurs ont une activité qui vise à travers des situations dites de face à face pédagogique de transmettre des savoirs, des savoir-faire et des connaissances dans le but de permettre la construction de compétences chez l’apprenant. Vu sous cet angle, son activité est proche de celle de l’enseignant au détail près qu’elle est réalisée dans une perspective de développement professionnel.
Robert et Rogalsky (2002) p. 507) définissent les pratiques et les activités ainsi :
« pratiques pour désigner tout ce que l’enseignant ou l’enseignante met en œuvre avant, pendant et après la classe (conceptions activées au moment de la préparation des séances, connaissances diverses, discours mathématique et non mathématique pendant la classe, gestes spécifiques, corrections de productions d’élèves…) »… « le mot activité est attaché à des actions, en général repérables, spontanées ou provoquées par une tâche, mais il désigne aussi bien ce que fait l’élève (ou le professeur d’ailleurs) que ce qu’il pense, va penser après l’action (éventuellement) ou a pensé pour le faire. Il ne s’agit donc pas seulement de l’action mais aussi de ce qui génère, accompagne et contrôle l’action et qui est en partie invisible. ».
Les pratiques des formateurs sont certes observables avant, pendant et après l’action (contenu transmis et médié durant la classe ou la séance de formation) mais elles sont inéluctablement liées à une situation de formation spécifique définie par des programmes, orientée par des réglementations, des conventions d’usage, et surtout par l’interaction spontanée des apprenants à laquelle les formateurs doivent s’adapter compte tenue de la spécificité du public.
Rappelons que le stagiaire de la formation professionnelle est un adulte dont le fonctionnement en termes d’apprentissage diffère de celle de l’élève dans la mesure où l’adulte n’a pas les mêmes motivations : demandeur d’emploi il recherche à travers la formation un moyen de développement professionnel en vue de retrouver un emploi ou de poursuivre une carrière.
Les formateurs doivent donc intégrer la dimension de la spécificité du public dans leurs pratiques, à savoir des formés en quête d’une construction de compétences professionnelles solides afin de trouver ou retrouver un emploi ou dans une visée de montée en compétence et d’ascension professionnelle. La formation est un enjeu majeur dans le projet de vie des apprenants qui de ce fait, peuvent être très exigeants dans les apports de la formation comme ils peuvent être également difficile à gérer collectivement du fait d’une certaine frustration liée à l’échec professionnel récemment vécu.
Les pratiques des formateurs sont donc multidimensionnelles comme celles des enseignants et consiste davantage à montrer comment le savoir s’investit dans la pratique. Elles doivent s’adapter à la spécificité du public et ses besoins tout en faisant face à des réticences de ce même public en difficulté.
2.2 La double approche : une démarche pour observer les pratiques individuelles
Forme spécifique de la didactique professionnelle, la démarche de la double approche permet d’observer le travail d’un enseignant dans sa dimension réelle. Elle s’intéresse à ce qui se passe dans une classe et s’attache à observer aussi bien le discours de l’enseignant donnant son cours qu’aux activités des élèves. Elle prend également en compte la dimension globale du métier d’enseignant.
2.1.1 L’observation des pratiques
L’observation de l’enseignant consiste à repérer les éléments du discours, ce qu’il fait des contenus et comment il réalise l’interaction entre les contenus qu’il a défini et son discours. On cherche à observer les modifications en cours de séance en fonction des activités menées par les apprenants.
La double approche imbrique à la fois des analyses d’apprentissages provoqués et des pratiques observées dans l’exercice du métier de formateur. La démarche est appelée « double » par Robert et Rogalsky (2002) car elle mobilise une approche didactique et une approche ergonomique.
Robert, Roditi et Grungeon (2007) la décrive ainsi :
Nous avons mis au point, pour tenir compte de la complexité des pratiques, des analyses qui puissent rendre compte à la fois de ce qui peut être observé en classe, qui résulte des préparations et des déroulements, et de facteurs extérieurs à la classe mais qui pèsent sur les pratiques, y compris en classe et contribuent finalement au choix des enseignants avant et pendant la classe.
En effet les pratiques en classe sont contraintes, par delà même les objectifs d’apprentissage des élèves, par des déterminants liés à l’exercice même du métier d’enseignant : institutionnels, sociaux… Citons les programmes, les horaires, les établissements, les collèges, les classes et leur composition. De plus, les pratiques ont un ancrage personnel qui réfère à l’enseignant comme personne singulière, en termes de connaissances, représentations, expériences, conception du métier et conditionne aussi ses choix. (Robert, Roditi et Grungeon, 2007, cité par Emprin, 2007, p. 22)
Masselot et Robert (2007) définissent les pratiques pour
qualifier tout ce qui se rapporte à ce que l’enseignant pense, dit ou ne dit pas, fait ou ne fait pas, sur un temps long, que ce soit avant, pendant ou après les séances de classe. Le mot « activité » est réservé à des moments précis de ces pratiques, référés à des situations spécifiques de travail de l’enseignant : activités en classe, activités de préparation, voire élaboration de contrôles pour les élèves, activités de concertation… (p.11)
Les pratiques des formateurs ne diffèrent pas de cette définition dans la mesure où selon les prescriptions qui leurs sont faites, ils mènent des activités en amont afin de déterminer les apports didactiques, définissent des itinéraires cognitifs en fonction du temps de formation qui leur est accordé et choisissent les supports et méthodes pédagogiques qui leurs semblent les mieux adaptés et permettant le meilleur compromis entre les objectifs d’apprentissage et leurs obligation de service au regard de leur employeur.
Les activités vont être inspirées par la didactique professionnelle. En effet le formateur cherche à mettre en place des « activités productives » dirigées vers l’atteinte des objectifs et des « activités constructives » dirigées vers de pouvoir agir du sujet (Folcher et Rabardel, 2004).
L’objectif est d’agir sur le réel en contribuant à l’activité des élèves, mais aussi se transformer soi-même.
Le principe de la double approche postule d’une part, que le regard sur les pratiques doit être porté en prenant en compte les visées en termes d’apprentissage des élèves, observer la place que prennent la construction des savoirs non seulement au vu des prescriptions mais de ce que cela apporte professionnellement aux apprenants pour leur développement futur dans l’emploi.
D’autres part, le regard est également porté sur les contraintes incontournables et irréductibles du métier d’enseignant, ces contraintes pouvant trouver leurs origines dans la dimension externe de l’environnement professionnel (moyens financiers, matériels, organisationnels, temporels) et dans la dimension interne à la classe, soit le groupe de stagiaires (capacités cognitives, capacités d’adaptation, capacité d’appropriation, motivation, attentes des apprenants).
Robert et Rogalsky (2002) partent de l’hypothèse que les pratiques des enseignants « sont complexes, stables et cohérentes, et qu’elles résultent de recompositions singulières (personnelles) à partir des connaissances, représentations, expériences, et de l’histoire individuelle en fonction de l’appartenance à une profession » (p.508).
Considérant l’activité de l’enseignant, soit du formateur, dans le délais court d’une séance de formation sur un module de programme, Rogalsky (2012) stipule que « la démarche de la double approche articule la perspective « cognitive » de l’activité de l’enseignant et « médiative » de son action sur le rapport « élèves/savoir » », tout en étudiants les déterminants des pratiques liées à une dimension institutionnelle et sociale de l’environnement et personnelle de l’enseignant.
2.1.2 Les composante de la théorie de la double approche
La démarche consiste à regarder les pratiques des enseignants sous cinq dimensions appelées composantes. Deux composantes visibles et trois composantes invisibles sont distinguées :
La composante cognitive :
Il s’agit de l’analyse des choix de l’enseignant en termes de contenu. Les contenus sont les savoirs qui sont transmis, qui sont travaillés mais aussi les connaissances qui sont mises en jeu. La Composante médiative :
Il s’agit de l’analyse modes d’interactions entre les élèves et l’enseignant mais également entre élève-élève : le discours, les aides, le moment où elles interviennent
Ces deux composantes sont visibles et observables en regardant l’activité du formateur. La combinaison de ces deux composantes va permettre de révéler les logiques d’action liées à l’activité de l’enseignant : quels savoirs et connaissances sont transmis et avec quel scénario pour emmener les apprenants « d’un endroit à un autre ».
Selon Robert et Rogalsky (2002,) « ces composantes permettent d’enrichir et de nuancer les indications obtenues à partir du seul point de vue des apprentissages potentiels, et amènent à des recompositions plus complètes, plus cohérentes. » (p 514).
La composante institutionnelle :
Face cachée, invisible et opaque, elle représente une influence qui peut être plus ou moins importante et intégrée dans les pratiques des formateurs. Elle conditionne des marges de manœuvre dans l’exercice du métier et détermine l’espace de liberté de l’enseignant. On parle de dimension institutionnelle car elle est liée à des contraintes externes telles que la réglementation législative, les programmes des référentiels nationaux de certifications, les modalités académiques de passage des examens. Mais l’influence de l’institution peut également relever de contraintes spécifiques comme les cahiers des charges des financeurs de la formation professionnelles continue, et la réglementation interne de l’établissement qui fixe l’exercice du métier à travers les fiches de poste actées et votées en Conseil d’Administration de l’établissement.
La composante sociale :
Elle représente également une face cachée et invisible dans les pratiques observables du formateur ou de l’enseignant. Elle est liée aux habitudes d’une profession « habitus » ou de l’établissement. Elle peut apparaitre comme une contrainte interne dans l’exercice du métier par le besoin de se conformer aux « us et coutumes » de la structure, mais aussi à celles des collaborateurs afin d’obtenir une légitimité et une crédibilité au regard de ses pairs mais également auprès des apprenants. Elle est plus ou moins contraignante selon les personnalités en présence.
La composante personnelle :
Il s’agit des conceptions personnelles des enseignants quant aux savoirs et aux connaissances à transmettre d’une part mais aussi de leur propre conception du métier. Cette composante est intimement liée aux valeurs et à l’expérience de l’enseignant. Elle permet également d’accéder à des éléments encore plus personnels comme le risque que l’enseignant est prêt à courir et au degré de confort qu’il recherche dans l’exercice de ses fonctions.
L’analyse doit prendre en compte l’ensemble de ces composantes afin de percevoir les pratiques dans leurs faces visibles et cachées pour deviner et comprendre ce qui se joue.
2.1.3 Utilisation de la démarche dans la recherche
La double approche est un concept prenant en compte l’observation des activités des apprenants telles que le formateur les organise, la lecture de ces observations est orientée vers la reconstitution des choix de l’enseignant pour concilier les objectifs d’apprentissage et les impératifs professionnels.
Dans un premier temps, la démarche de double approche va nous permettre d’observer les pratiques des formateurs pendant l’exercice de leur métier. L’analyse des transcriptions des vidéos préalablement réalisées, va nous donner une lecture des composantes cognitives et médiatives.
Dans un second temps l’analyse des transcriptions des entretiens d’auto confrontation et des traces telles que les programmes, référentiels et fiches de postes vont nous permettre d’accéder à la dimension institutionnelles, sociales et personnelles des pratiques des formateurs et entrevoir les marges de manœuvre et la liberté d’action dans les pratiques
Un regard croisé sur les composantes devrait nous permettre de percevoir ce qui se joue dans les pratiques des formateurs définies hypothétiquement comme complexe et cohérentes, en termes de régularité et de variations.
2.2 Les genèses instrumentales
Pour observer et comprendre comment le savoir et les connaissances sont médiées par le formateur qui utilise un objet neutre dans ses pratiques, comment l’être humain construit sa relation avec ce même objet neutre, les travaux de Rabardel (1995) nous semblent appropriés.
2.2.1 Les genèses instrumentales
Les genèses instrumentales permettent de regarder la construction de la relation entre un Homme et un instrument, un objet neutre appelé artefact.
Ce cadre théorique d’ergonomie cognitive va nous permettre d’observer la simulation, mise en place par les formateurs, comme un artefact. Ce cadre théorique permet en particulier d’analyser le processus de genèse instrumentale c’est-à-dire le processus de construction de schèmes
Pour Rabardel (1995) « Il est nécessaire d’analyser et de comprendre les activités d’usage et d’utilisation du point de vue des utilisateurs eux-mêmes, leurs modalités et leurs significations qui s’inscrivent dans des situations sociales et des contextes dont il faut respecter la singularité et la complexité » (p.41). Ce postulat concorde avec ce que nous avons précédemment défini dans les caractéristiques des pratiques des formateurs comme complexes et singulières et l’observation globale du métier que permet la double approche.
Les genèses instrumentales reposent sur 3 concepts fondamentaux :
La distinction entre artefact et instrument : l’artefact en tant qu’objet matériel ou symbolique est construit par une ou plusieurs personnes qui ont une visée précise. L’instrument quant à lui se définit par la construction du sujet lui-même qui fait usage de l’artefact lors d’une activité.
C’est sur cette idée qu’est fondé le concept des genèses instrumentales : construction d’un instrument à partir d’un artefact par l’utilisateur en cours d’activité.
2.2.2 Evolution de l’artefact à l’instrument
Rabardel (1995) définit la notion d’instrument comme objet technique et d’orientation technocentrique. De ce fait, la place de l’homme dans la relation à l’objet n’est plus prioritaire, il ne fait que le mettre en œuvre.
Il utilise le terme « artefact » pour désigner tout objet ayant subi une transformation à l’initiative de l’humain, quelle qu’elle soit. L’artefact peut être matériel comme une machine, mais il peut être aussi symbolique comme l’écriture.
Nous pourrions penser que les formateurs utilisent régulièrement des artefacts dans leurs pratiques telles que le tableau, l’écriture, le recours aux technologies de l’information et de la communication, ici ce qui nous intéresse c’est l’utilisation d’un artefact spécifique.
Pour Bannon et Bodker (1991) « les artefacts existent dans l’activité et sont constamment transformés par l’activité » « les artefacts ne doivent pas être analysés en tant que chose mais dans la façon dont ils médiatisent l’usage » « Ils ont une signification incorporée dans une pratique sociale » (Bannon et Bodker, 1991, cité par Rabardel, 1995, p. 42). Il est donc fortement mis en évidence que l’artefact en lui-même n’apporte pas de pertinence aux pratiques des formateurs, c’est l’observation de ce qu’ils en font et de comment ils s’en servent, de comment ils le transforment pour atteindre leur but, que réside tout l’intérêt de notre étude.
Pour Rabardel (1995)
« chaque artefact a été conçu pour produire une classe d’effets, et sa mise en œuvre, dans les conditions prévues par les concepteurs, permet d’actualiser ces effets. Autrement dit, à chaque artefact correspondent des possibilités de transformations des objets de l’activité, qui ont été anticipées, délibérément recherchées et qui sont susceptibles de s’actualiser dans l’usage. ».
L’artefact n’a pas pour vocation d’être figé, il subit des transformations, des évolutions, il est mis en situation, inscrit dans un usage dans un rapport instrumental à l’action du sujet en tant que moyen de celle-ci.
L’artefact est au cœur d’une action finalisée et devient moyen d’action pour le sujet qui doit suivre des consignes de travail, c’est l’activité et l’utilisation qui organise le rapport instrumental de l’homme à l’artefact.
L’utilisation de l’artefact mobilise 3 pôles développés dans un modèle de situations d’activités instrumentées :
- L’instrument qui est la somme de l’artefact et des schèmes d’usages qui y sont associés par le formateur et les formés. Dans le cadre de l’étude nous focaliserons notre observation sur les schèmes d’usages d’un plateau technique par le formateur, sujet de notre recherche.
- Le sujet de l’activité (le formateur) qui réalisera l’activité grâce à l’instrument dans le but de réaliser son activité de formation et de permettre aux formés d’apprendre et de développer des compétences (ici les formateurs des enseignements professionnels des formations commerce) ;
- L’objet en tant qu’objectif à atteindre dans la réalisation de l’activité (dans le cas ici présent, permettre la construction des compétences des référentiels de formation Education Nationale)
Figure 3 : Modèles S.A.I. : :la triade caractéristique des Situations d’Activités Instrumentées (d’après Rabardel et Vérillon, 1985)
La triade caractéristique des Situations d’Activités Instrumentées permet de se rendre compte qu’il y a une multitude de relations et d’interactions entre les différents pôles et qu’elles sont complexes. Ce modèle est un outil qui permet d’analyser la tâche et l’activité. Il faut observer les relations et les interactions entre les couples Sujet-Instrument ; Instrument -Objet ; SujetObjet.
Mounoud (1970) caractérise l’instrument comme
« un univers intermédiaire entre sujet et objet (les trois pôles), par le fait qu’il s’associe aux actions du sujet (interaction sujet-objet) ; actions qu’il transmet à d’autres objets (interaction sujet-objet médiatisée par l’instrument) ; parce qu’il entretient avec les objets (et le contexte de la tâche) auxquels il s’applique des rapports de complémentarité (interaction instrument-objet) » (Mounoud, 1970, cité par Rabardel, 1995, p. 58)
L’utilisation de la triade, modèle SAI permet des interprétations très différentes. On peut aborder le sujet « le formateur » qui est porteur de significations pour les stagiaires dans son rôle d’enseignant identifié, cela est significatif pour les apprenants, il évolue et agit avec des attentions précises et dans un environnement socialement finalisé.
L’approche instrumentale va permettre d’identifier le rôle que le formateur joue dans l’usage des instruments, en l’occurrence un plateau technique de formation en regardant du côté de l’objet, en distinguant ce qui a statut d’objet de l’activité ou de l’action, ce vers quoi elle est tournée pour ensuite cerner les rapports possibles à l’objet : rapports de connaissance, rapports de transformation et rapports de communication. Le sujet peut devenir les trois : objet et instrument.
2.2.3 Un modèle pour l’activité médiatisée
Le modèle S.A.I. nous permet une première approche instrumentale dans la médiation du formateur à travers un artefact. Cependant il n’inclue pas la dynamique de groupe.
D’après Rabardel, l’instrument influence la construction des savoirs chez les apprenants et les processus de conceptualisation. Pour les formateurs enseignants, il s’agit de variables sur lesquelles on agit pour la conception et le contrôle des situations pédagogiques.
Dans le contexte professionnel, les artefacts sont pour Folcher et Rabardel (2004) « médiateurs d’action et de l’activité finalisée des opérateurs qui transforment les tâches et les activités. Ils font l’objet de transformation, d’appropriation et de développement au sein des communautés ».
Figure 4 : schéma simplifié de l’approche de l’activité médiatisée
L’artefact influence la réalisation de la tâche par le sujet, l’utilisation et agit sur l’Homme qui l’utilise.
Selon Hutchins (1990 a)
les caractéristiques des artefacts ont un impact important sur les modalités de l’activité collective. Leur degré d’ouverture et leur implantation sont, en particulier, des points essentiels : les artefacts dont l’utilisation est publique et observable en détail par les autres membres du collectif créent de bonnes conditions pour l’acquisition des compétences, mais aussi pour les prises de décisions fiables car contrôlables par une multiplicité d’acteurs (Hutchins, 1990 a, cité par Rabardel, 1995, p. 137).
L’instrument permet l’acquisition de schémas qui peuvent être stockés en mémoire de l’individu. Les individus conservent les schémas et peuvent les transférer et les réutiliser même si les situations de travail changent. Le modèle S.A.I. pose la limite de la triade formateur/plateau technique/formation du stagiaire. Pour autant l’activité de formation se réalise en groupe et les autres stagiaires, eux-mêmes acteurs de la formation peuvent également influencer l’utilisation de l’instrument.
Figure 5 : modèle S.A.C.I. d’après Folcher et Rabardel (2004)
Le modèle des Situations d’Activités Collectives Instrumentées permet d’observer les relations directes entre le formateur, les stagiaires et le plateau technique. Les flèches en pointillées représentent les relations médiées par l’instrument, et les flèches pleines les relations non médiatisées. Placé au centre du schéma, l’instrument médie le savoir transmis par le formateur.
2.2.4 L’instrument : outil de médiation
Rabardel et Folcher (2004) propose un modèle intégrant d’autres sujets autour d’un instrument et propose une classification des médiations afin d’en clarifier la compréhension : les médiations principales, les médiations interpersonnelles et les médiations réflexives.
Les médiations principales sont orientées vers l’objet de l’activité et sont distinguées sous deux formes, d’une part les médiations épistémiques et d’autre part les médiations pragmatiques.
Figure 6 : Médiations principales, d’après Folcher et Rabardel (2004)
Les médiations épistémiques représentées sur le schéma par la flèche bleue en pointillés nous montre que la médiation porte sur la connaissance de l’objet, elles sont orientées de l’objet vers le sujet et donne l’information au sujet de l’état, des caractéristiques de l’objet.
Les médiations pragmatiques représentées sur le schéma par la flèche verte en pointillés nous montre que la médiation vise l’action sur l’objet, elles sont orientées du sujet vers l’objet.
Pour clarifier ces formes de médiations nous pouvons reprendre l’exemple de Booms (2014) :
« Le cahier de l’élève constitue un bon exemple d’instrument permettant cette double médiation. L’enseignant-sujet peut le mobiliser afin de proposer des exercices voués à faire évoluer les représentations des élèves-objets (médiation pragmatique), et si un élève est en difficulté pour réaliser l’exercice, le cahier permet à l’enseignant de prendre connaissance de ces difficultés (médiation épistémique) pour proposer éventuellement un autre type d’exercice (médiation pragmatique d’une autre nature). »
Les médiations interpersonnelles vont être observées dans le collectif, dans l’interaction entre plusieurs sujets. Au même titre que les médiations principales, nous trouvons des formes de médiations épistémiques et pragmatiques.
Figure 7 : Médiations interpersonnelles, d’après Folcher et Rabardel (2004)
Les médiations interpersonnelles désignent l’orientation de l’activité du sujet vers les autres. Selon l’activité réalisée, elles peuvent être de différentes natures comme par exemple la médiation collaborative dans le cadre d’un travail de groupe. La médiation épistémique sera dirigée des autres sujets vers le sujet afin que ce dernier puisse accéder à la connaissance tandis que dirigée du sujet vers les autres, elle produit une action sur les autres.
Les médiations réflexives représentent le sujet dans son activité en rapport avec lui-même. Le sujet se connait, se gère et est en capacité de transformer son activité via le rapport à l’instrument.
Figure 8 : Médiations réflexives, d’après Folcher et Rabardel (2004)
La médiation passe par l’instrument et fais des vas et viens, elle part du sujet pour y revenir.
Dans le cadre de l’activité instrumentée, le sujet agit sur lui-même et sur ce qui l’entoure. L’instrument permet l’évolution, la transformation de la façon d’agir soit potentiellement des pratiques professionnelles.
2.2.5 Schèmes d’utilisation
L’artefact en tant qu’objet matériel ou symbolique est construit par une ou plusieurs personnes qui ont une visée précise. L’instrument quant à lui se définit par la construction du sujet luimême qui fait usage de l’artefact lors d’une activité.
C’est sur cette idée qu’est fondé le concept des genèses instrumentales : construction d’un instrument à partir d’un artefact par l’utilisateur en cours d’activité. Cependant un seul artefact peut générer divers instruments pour un même utilisateur. Un des exemples les plus explicites est celui de l’outil tournevis. Le tournevis en tant qu’artefact matériel va permettre de serrer une vis mais aussi de la desserrer, l’utilisateur peut également s’en servir pour ouvrir un pot de peinture et parfois même mélanger ladite peinture. Le sujet a construit dans cet exemple quatre instruments à partir du même artefact.
L’artefact en lui-même n’est pas l’instrument, pour le devenir il doit d’une part, être mobilisé dans une action, et d’autre part le sujet doit s’approprier l’artefact dans l’action. En d’autres termes, l’artefact doit être associé à des schèmes afin de devenir un instrument et de permettre la médiation dans les pratiques professionnelles observées.
Les schèmes sont des ensembles structurés ou des organisations mentales qui permettent au sujet d’orienter une action, de la répéter et de la transformer pour l’adapter à de nouveaux contenus. Les schèmes servent d’instruments, ils assignent des buts aux actions, ils en sont le moyen. Ils s’accommodent à la réalité extérieure et aussi aux autres schèmes. Moyens d’assimilation, ces ensembles structurés ont une histoire et se transforment et s’adaptent au fur et à mesure des situations.
Les auteurs définissent différemment le concept de schème, c’est pourquoi nous nous limiterons à celui développé par Rabardel s’appuyant sur des concepts-clés empruntés à plusieurs auteurs. Un schème se définit par les caractéristiques suivantes :
La reproductibilité/assimilation : Pour Rabardel (1995), « Le schème est reproductible, assimilateur car il s’applique à des situations nouvelles et il a un caractère téléologique ce qui le dote d’un système de contrôle et lui permet d’assigner des significations fonctionnelles » (p. 78). Le schème mémorise les situations déjà rencontrées et les conditions de réalisation par étape ce qui lui permet de se répéter autant de fois que nécessaire.
Ce premier concept-clé est emprunté à Piaget
Le schème d’une action est l’ensemble structuré des caractères généralisables de l’action qui permettent de répéter la même action ou de l’appliquer à de nouveaux contenus… c’est une structure qui a une histoire et qui se transforme au fur et à mesure qu’elle s’adapte à des situations et des données plus variées (Piaget cité par Rabardel, 1995, p. 74)
L’accommodation/restructuration : le schème a les propriétés de s’adapter à la situation qu’elle soit réussite ou échec. De nouveaux schèmes peuvent évoluer à partir des anciens par des principes d’ajustements, de réagencement, de modifications.
La dépendance mutuelle/imbrication : des actions élémentaires associées entre-elles peuvent donner naissance à une action plus complexe, de ce fait un seul schème peut être finalement l’association de plusieurs autres schèmes.
L’interaction/modularité : ce concept-clé est emprunté à Cellerier,
Un schème est un modèle interne regroupant une structure de contrôle assemblant, au cours de la production de conduites adaptées à un milieu externe, des structures procédurales à partir de connaissances formant un espace de problème épistémique interne. Le schème est conçu comme un système subdivisé en modules plus spécialisés dont les procédures sont les macro-opérateurs de l’espace problème qu’ils factorisent en sous- espaces indépendants. La structure est considérée comme hétérarchique : les divers modules spécialisés, bien que subordonnés à l’exécution d’un plan défini au niveau du schème, interagissent en se subordonnant les uns aux autres lorsqu’ils rencontrent, au cours de leur tâche propre, un sous -problème pour lequel ils ne sont pas compétents » (Cellerier cité par Rabardel, 1995, p. 82)
Pour l’auteur, un schème se découpe en modules ayant la capacité de se réorganiser pour interagir entre eux et subordonner les uns aux autres. Ce système favorise des stratégies efficientes et évite les aléas d’un tâtonnement hasardeux.
Le caractère implicite : l’idée est qu’un sujet rencontre toujours des difficultés à expliciter et détailler précisément comment il réalise son action étape par étape ce qui freine une lecture visible totale de l’instrument. Le sujet n’a pas forcément une conscience avérée de ce qu’il fait.
La structuration logique : Rabardel reprend la proposition de Vergnaud (1990a, 1990b) quant à la structuration logique du schème. « Le schème est une représentation implicite ou explicite du réel fait partie intégrante du schème, analysable en termes d’objets, de catégories en acte (propriétés et relations) et de théorèmes en acte…un schème comporte :
- des anticipations de but à atteindre, des effets à attendre et des étapes intermédiaires éventuelles
- des règles d’action de type « si-alors » qui permettent de générer la suite des actions du sujet
- des inférences (raisonnements) qui permettent de calculer les règles et les anticipations à partir des informations et du système d’invariants opératoires dont dispose le sujet
- des invariants opératoires qui pilotent la reconnaissance par le sujet des éléments pertinents de la situation, et la prise d’informations sur la situation à traiter ».
(Vergnaud, 1990a, 1990b, cité par Rabardel, 1995, p. 88)
Pour Vergnaud et Rabardel, le schème n’est pas un simple stéréotype. Il a pour vocation à s’auto-gérer en fonction de la situation dans laquelle il est associé à l’artefact, il n’est pas figé pour s’adapter au contexte et au sujet qui permettra à ce dernier de développer ou de modifier des actions en fonction des variables rencontrées dans les situations instrumentées.
Dans la notion de schèmes retenue pour nos travaux, celle des schèmes d’utilisation mérite d’être spécifiée. Les schèmes d’utilisation supposent deux statuts : les schèmes d’usage et les schèmes d’action instrumentée.
Les schèmes d’usage s’orientent vers la gestion des caractéristiques et propriétés spécifiques de l’artefact. Ils concernent les tâches secondes, les tâches fonctionnelles qui peuvent comprendre leur propre but comme la manière, la façon d’utiliser telle ou telle fonction de l’artefact.
Les schèmes d’activités instrumentées s’orientent directement vers les objectifs de l’activité (l’objet). Ce sont les tâches premières pour lesquelles l’artefact est un moyen de réalisation.
Dans leur utilisation, les schèmes contiennent deux dimensions, une privée car ils relèvent d’une appropriation personnelle par le sujet et l’autre sociale car le sujet construit les schèmes dans un environnement collectif.
D’ailleurs Rabardel introduit également la notion de schèmes d’action collective résultant d’un travail collectif et collaboratif autour de l’instrument.
2.2.6 Instrumentation et instrumentalisation
Nous avons déterminé précédemment que l’artefact seul ne suffit pas, des schèmes d’utilisation doivent être associés. Le sujet utilise en premier lieu des schèmes d’usage qui consistent en une simple interaction du sujet avec l’artefact. Au fur et à mesure de l’activité ces schèmes d’usage vont évoluer et se transformer pour créer de nouveaux schèmes : les schèmes d’action instrumentée. Ces derniers vont s’intégrer aux premiers et permettre aux formés d’apprendre et d’évoluer. C’est ce que Rabardel (1995) appelle le processus d’instrumentation qui permet la conceptualisation et postule que « l’instrumentation est relative à l’émergence et à l’évolution des schèmes d’utilisation et d’action instrumentée : leur constitution, leur fonctionnement, leur évolution par accommodation, coordination combinaison, inclusion et assimilation réciproque, l’assimilation d’artefacts nouveaux à des schèmes déjà constitués, etc. » (p. 111).
L’instrument est également caractérisé par une deuxième face : l’instrumentalisation. Il s’agit des actions instrumentales des utilisateurs dirigées vers l’artefact.
Pour Rabardel (1999) « L’instrumentalisation concerne l’émergence et l’évolution de la composante artefact de l’instrument : sélection, regroupement, production et institution de fonctions, transformation de l’artefact (structure, fonctionnement…) qui prolongent la conception initiale des artefacts ». Le sujet s’approprie et enrichi les propriétés de l’artefact pour le transformer en moyen d’action afin d’atteindre ses buts. (Rabardel, 1999, cité par Emprin, 2007, p. 71)
Figure 9 : Instrumentation et instrumentalisation dans la genèse d’un instrument, d’après Rabardel (1995) et Gueudet et Trouche (2008)
Le processus de genèse instrumentale peut révéler un usage de l’artefact dans une perspective différente de celle qui avait été envisagé initialement lors de sa conception.
2.2.7 Utilisation des genèses instrumentales
Les genèses instrumentales permettent d’observer et d’analyser les instruments professionnels de l’enseignant, ici du formateur dans notre étude. L’approche instrumentale permet de voir comment l’usage de l’artefact associé aux schèmes d’utilisation du sujet va permettre la médiation entre le savoir et les élèves.
L’introduction d’un artefact par un concepteur autre que le sujet dans les pratiques professionnelles va permettre de regarder ce qui se joue dans les pratiques des formateurs. Quels processus d’instrumentation (utilisation et développement des schèmes d’utilisation) et d’instrumentalisation (fonctions de l’artefact).
Ce cadre théorique va permettre de révéler à travers l’observation des vidéos et l’analyse des transcriptions comment les formateurs instrumentalisent l’artefact. La visée étant de comprendre quelles sont les genèses instrumentales des formateurs, comment ils s’approprient l’artefact pour produire le dispositif de formation.
Dans un contexte professionnel en pleine adaptation de la réforme de la formation professionnelle visant à organiser les dispositifs en blocs de compétences et fortement concurrencé par le système des appels d’offres, les organismes de formation doivent s’inscrire dans une démarche qui répondent aux critères et aux attentes à la fois des acheteurs de formation, des politiques de l’emploi et des demandeurs d’emploi.
Dans l’objet d’études les formateurs ont la charge de développer des stratégies de formation répondant aux contraintes du contexte. Les équipes ont décidé de changer leurs pratiques professionnelles jusqu’à présent majoritairement basées sur des méthodes classiques de type affirmatives et expositives.
Afin de mettre l’apprenant au cœur de la formation et revenir aux principes fondamentaux de l’apprentissage et donner une place différente aux savoirs, les formateurs ont décidé de transformer une salle de cours banalisée en magasin fictif qui servira à présent de lieu de formation et de support dans la construction des savoirs. Les apprenants seront mis en situation de travail avec une finalité productive, un résultat à atteindre dans le souci de permettre la construction, la conceptualisation par l’apprenant afin qu’il développe ses compétences à travers l’action et qu’il ne soit plus consommateur passif de cours magistral.
3.2 Apports du cadre de référence
3.2.1 La double approche :
La démarche de la double approche développée à l’origine dans l’observations des pratiques d’enseignants du second degré m’invite à me questionner sur les démarches de formation mobilisées par les formateurs dans le cadre d’actions de formation diplômante dont la certification visée relève des diplômes de l’Education Nationale dont l’architecture des référentiels a été conçue en premier lieu pour la formation initiale.
Les formateurs transmettent des savoirs et des connaissances sans y avoir été formé au préalable, ils ne sont pas enseignants mais interagissent dans une dimension cognitive et médiative.
L’étude portera sur l’observation croisée des pratiques des formateurs dans les différentes pratiques professionnelles afin d’identifier ce qui diffère d’une méthode à l’autre et des activités réalisées par les stagiaires. Il est ici envisagé d’observer les séances de cours des formateurs avec et sans simulateur pour analyser puis comprendre ce qui se transforme dans les pratiques des formateurs du point de vue cognitif et médiatif et d’accéder aux parties non visibles des pratiques que sont les dimensions institutionnelles, sociales et personnelles.
3.2.2 Les genèses instrumentales :
L’utilisation d’un simulateur par les formateurs renvoi à l’artefact et aux schèmes d’utilisation des sujets. Ce cadre théorique permet d’accéder aux genèses instrumentales développées par les formateurs en termes d’instrumentation et d’instrumentalisation.
Dans notre étude, le magasin fictif en tant que simulateur sera l’artefact, associé à des schèmes d’usage pour ensemble former l’instrument de formation.
Le simulateur en tant qu’instrument est désigné comme un médiateur entre le sujet et le savoir ou les connaissances en tant qu’objet. Observer l’usage du simulateur dans les pratiques nous permettra d’accéder aux genèses instrumentales, observer comment le savoir est médié, comment les formateurs instrumentalisent le magasin fictif.
Nous cherchons donc à observer les pratiques de formateurs d’adultes avec des adultes en recherche d’emploi dans le cadre spécifique de formation diplômantes dont le support est les référentiels de l’Education Nationale, autour d’un artefact (simulateur magasin fictif) en mobilisant la définition des pratiques du point de vue de la double approche et la définition d’artefact des genèses instrumentales.
Nous avions posé en introduction des questions naïves autour de la notion de pratiques : Quelles sont les pratiques des formateurs ? Sont-elles homogènes ? Les pratiques sont-elles stables d’un formateur à l’autre ou au contraire sont-elles différentes ?
Enfin l’usage d’un simulateur dans les actions de formation a-t-il un impact sur les pratiques ? Sont-elles transformées dans l’activité de formation ?
Ses questions formalisées, grâce aux cadres théoriques définis précédemment, nous permettent de construire notre problématique :
Quelle est l’influence de l’usage d’un simulateur (plateau technique) dans les pratiques de formateurs d’adultes ?
Notre recherche porte sur un échantillon de convenance : deux formateurs sont observés en situation de formation dans deux niveaux de qualification différents, niveau V et niveau IV. L’observation se déroule en deux temps : pour chacun d’entre eux une séance avec simulateur et une séance sans simulateur.
L’ensemble des données qui constituent le corpus sont les transcriptions de 4 vidéos et 2 entretiens d’auto-confrontation.
4.1 Méthode pour accéder aux pratiques
4.1.1 Recueil de données
Pour accéder aux pratiques professionnelles des formateurs nous mobilisons le cadre de la double approche qui va permettre d’accéder directement, par l’observation du déroulement de plusieurs séances de formation, aux composantes cognitives et médiatives du discours des formateurs. Puis dans un deuxième temps, nous accèderons aux composantes invisibles, institutionnelles, sociales et personnelles par le biais d’un entretien avec les formateurs et des traces écrites. Pour cerner les pratiques des formateurs nous avons besoin des cinq composantes, Emprin (2007) « Dans la double approche c’est la recomposition de ces cinq composantes qui permet d’accéder aux pratiques de l’enseignant » (p. 70).
L’observation et l’analyse des pratiques dans les deux premières composantes sont réalisées à partir de vidéos transcrites car nous souhaitons pouvoir conserver les éléments verbaux et non verbaux inhérents aux pratiques, le discours, les déplacements et réactions des formateurs.
Afin de mieux cerner les pratiques et d’accéder à la face cachée, nous menons un entretien d’auto-confrontation avec chaque formateur. Le temps d’entretien étant inférieur au temps des vidéos, nous préparons les passages que nous estimons nécessiter une confrontation avec le formateur. Nous laissons également le formateur libre d’arrêter la vidéo ou d’en voir plus. Nous avons décidé de sélectionner les passages qui semblent particulièrement pertinents dans les pratiques dans un soucis de respecter le timing disponible pour réaliser ces entretiens.
L’entretien d’auto-confrontation fait l’objet d’un enregistrement audio également transcrit afin d’accéder aux éléments cachés des pratiques.
4.1.2 Traitement des données
Les vidéos font l’objet d’une transcription verbatim du discours des formateurs et des stagiaires dans sa stricte réalité sans modification.
Les transcriptions des vidéos permettent une catégorisation à partir des composantes de la double approche afin de définir des catégories, des indicateurs pour ensuite construire une grille. Le traitement du discours du formateur est réalisé à partir d’une grille construite à partir des composantes cognitives et médiatives du cadre théorique et décliné en catégories et sous catégories. Cela nous permet de réaliser une analyse qualitative. Dans un second temps l’analyse porte sur les données quantitatives relevées dans la grille.
Les transcriptions des entretiens d’auto-confrontation sont analysées en repérant les composantes institutionnelles, sociales et personnelles dans le discours des formateurs. Elles sont également traitées de façon quantitative et qualitative.
Nous utilisons également en parallèle une analyse lexicologique automatisée grâce au logiciel IRaMuTeQ à partir d’un corpus qui est retravaillé avec uniquement le discours du formateur, le discours des stagiaires étant trop faible en volume.
4.2 Méthode pour accéder aux genèses instrumentales
4.2.1 Recueil de données
Pour accéder aux genèses instrumentales, nous utiliserons le même matériau pour l’analyse des pratiques soit les mêmes transcriptions de vidéos et les mêmes transcriptions des entretiens d’auto-confrontation.
Les formateurs sont filmés pendant un peu moins de 2 heures sur chacune des deux séances de formation afin d’avoir un temps similaire pour comparer les pratiques avec et sans usage du simulateur.
4.2.3 Traitement des données
Nous repérons les faisceaux d’indices de l’utilisation de l’artefact par les formateurs soit dans le discours soit dans le non verbal. Puis nous les classons en fonction du processus d’instrumentation et d’instrumentalisation. L’analyse porte également sur les données quantitatives et qualitatives.
5.1.1 L’organisme de formation
Le Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole (CFPPA) de Rethel, où sont réalisées les observations, a diversifié son offre de formation depuis les années 1980 afin de s’adapter aux besoins du territoire et répondre à la demande croissante de la région en matière de qualification des demandeurs d’emploi dans les métiers du commerce. Depuis 10 ans, l’offre de formation est stabilisée et propose des dispositifs de formation permettant d’acquérir des qualifications de niveau V (CAP), IV (Baccalauréat Professionnel) et III (Brevet de Technicien Supérieur) dans les métiers du commerce.
Chaque année, les dispositifs de formation proposés dans les appels d’offre donnent satisfaction et permettent au CFPPA d’être le premier acteur permettant aux demandeurs d’emploi de se qualifier dans les métiers du commerce sur le bassin Sud-Ardenne. Cet organisme de formation se classe premier de son réseau national avec plus de 400 000 heures stagiaires effectuées en 2017. Le pilotage d’un tel volume d’activité a conduit le centre à développer une démarche de management de et par la qualité. Le travail des formateurs est organisé et managé à partir d’outils comme la fiche de poste et la fiche de service ce qui laisse entrevoir une forte institutionnalisation des pratiques professionnelles.
Le centre de formation met à disposition des salles de cours traditionnelles équipées de tables disposées en « U », d’un tableau et d’un bureau pour le formateur. Les salles de cours ne sont pas équipées d’ordinateur ni de vidéoprojecteur mais en cas de besoin les formateurs peuvent faire une demande pour accéder aux salles informatiques si celles-ci sont disponibles. Les formateurs doivent tenir compte des équipements mis à leur disposition pour préparer les séances de face à face pédagogique.
5.1.2 Le simulateur
Le simulateur que les formateurs utilisent est un magasin fictif créé, par une collaboratrice dans une salle de cours communicant avec un espace plus réduit qui faisait auparavant office de bureau. Au sein de la structure, il est appelé plateau technique et a été également baptisé « Cense Market 08 », un clin d’œil au lieu dit de « La Cense » sur lequel est construit l’établissement, « Market » pour conserver les anglicismes couramment utilisés en commerce et « 08 » pour le département de localisation du centre de formation.
La salle de cours est transformée en magasin et est découpée en trois zones :
- Une zone vente conseil équipée de mobiliers professionnels permettant la présentation de produits non alimentaires tels que prêt à porter, produits de beauté, puériculture… et des mannequins pour permettre aux stagiaires de s’entraîner à la manipulation et à la mise en valeur des produits.
- Une zone libre–service équipée d’une gondole double face et d’une tête de gondole permettant de présenter principalement des produits alimentaires sur des rayonnages. Les produits sont ficitfs, seuls les emballages sont utilisés dans le cadre du plateau technique afin de respecter les règles d’hygiène et de sécurité.
- Une zone d’observation pour les stagiaires équipées de deux tables et de 10 chaises. Un paper board est également à disposition du formateur au sein du magasin afin de préciser des éléments écrits ou visuels si besoin.
La deuxième partie du simulateur est le bureau aménagé en réserve. Des tables, des étagères et une armoire permettent de stocker les marchandises en réserve et d’avoir un espace confortable pour simuler des réceptions de marchandises ou la préapration des produits avant approvisionnemen en surface de vente.
Dans cette réserve, un bureau équipé de petites fournitures et d’un ordinateur permet aux stagiaires de piloter les activités et réaliser la gestion administrative inhérente aux opérations de vente.
Afin de former les stagiaires au plus près de la réalité, le simulateur est donc équipé de mobilier professionnel comme dans les points de vente et également d’équipements courants tels que swifteuse et étiqueteuse pour étiqueter les produits. Le simulateur est également doté d’équipement spécifique permettant aux formateurs de préparer leur situations de formation en fonction des simulations visées comme des cartons, du ruban adhésif professionnel et du film pour préparer des livraisons à déballer et contrôler.
Le plan qui suit permet de visualiser concrètement comment est organisé le simulateur utilisé par les formateurs, ainsi que quelques photographies en annexe.
Figure 10 : Plan du plateau technique : magasin fictif
5.2.1 Les stagiaires
L’étude portera sur un public de stagiaires de la formation professionnelle, demandeurs d’emploi, formé dans les métiers du commerce sur des formations de niveau V et IV conduisant à une certification diplôme Education Nationale. L’échantillon est constitué de deux groupes :
Tableau 2 : Profil des stagiaires de la formation professionnelle
Tous les stagiaires sont sortants scolaires depuis au minimum un an. Les groupes disposent d’un effectif faible ce qui nous laisse penser que c’est un contexte de travail très confortable pour les formateurs. Cependant, le profil mis en avant démontre une forte hétérogénéité du point de vue de l’âge dans les deux groupes. Pour le groupe CAP Vente, on constate 3 niveaux d’entrée en formation différents alors que sur l’expérience professionnelle on peut s’apercevoir que le groupe est plutôt homogène. Les constats sont inversés sur le groupe Bac Pro Commerce avec une assez grande disparité dans l’expérience et des niveaux de qualification avant entrée en formation plutôt analogues.
5.2.2 Profil des formateurs
Deux formateurs constituent notre échantillon pour observer leurs pratiques professionnelles.
Il s’agit d’un échantillonnage de convenance.
Tableau 3 : Profil des formateurs
Les formateurs sont considérés comme expert du point de vue de leurs années d’ancienneté dans la formation professionnelle.
Les données recueillies permettent de constituer un corpus de taille plutôt importante à partir de quatre vidéos réalisées et deux entretiens d’auto-confrontation.
Tous les participants ont signé une autorisation d’enregistrement de l’image et de la voix pour permettre au chercheur d’utiliser ce matériau dans le cadre de cette recherche.
Les vidéos sont enregistrées avec un camescope et les entretiens d’auto-confrontation sont enregistrés avec un dictaphone.
5.3.1 Transcription des vidéos
Deux vidéos avec chaque formateur sont réalisées. Les dates sont fixées en fonction de l’emploi du temps des formateurs. Les emplois du temps conçus par la direction du centre ne sont pas fixes et les interventions n’ont pas de fréquence régulière dans le calendrier. La plupart du temps les interventions sont fixées à la demie journée ou sur un créneau de deux heures minimum de cours.
Tableau 4 : Programmation des enregistrements vidéo des séances de formation
Chaque vidéo a fait l’objet d’une transcription intégral en traitement de texte. Pour garder un discours le plus fidèle possible, tous les mots audibles du discours qui ont été prononcés ont été transcrits. L’écriture de la transcription intégrale et littérale a été réalisée au sens de Descamps (2001) :
Nous préconisons [...] de transcrire intégralement et littéralement les enregistrements. "Littéralement" signifie mot à mot, avec les interjections, les tics de langage, les fautes de syntaxe et de concordance des temps, les subordonnées hachées ou bouleversées, les redites, les répétitions, les impropriétés de langage, les mots d’argot ou familiers, les mots de liaison ou de ponctuation du discours, les mots destinés à entretenir la communication ou l’attention de l’interlocuteur... » (Descamps F., 2001, cité par Rioufreyt, 2016, p. 17).
Les règles adoptées sont les suivantes :
• Les énonciateurs sont identifiés de la manière suivante et un espace double est utilisé pour les différencier et aérer le corpus :
Formateur : Chantal (F) Formateur : Albert (F)
Stagiaire Noémie S1 Stagiaire Caroline S1
Stagiaire Alison S2 Stagiaire Mylène S2
Stagiaire Louise S3 Stagiaire George S3
Stagiaire DamienS4 Stagiaire Mélissa S4
Stagiaire Nathan S5 Stagiaire Sonia S5
Stagiaire Benoit S6 Stagiaire Linda S6
Stagiaire Vincent S7 Stagiaire Charlotte S7
Stagiaire Emilie S8 Stagiaire Vanessa S8
Stagiaire Manon S9 Stagiaire Jenny S9
Stagiaire Amélie S10 Stagiaire Eugénie S10
• Les hésitations, les mots ébauchés sont directement intégrés dans le corps du texte
• Les morphèmes non verbalisés ne sont pas ajoutés
• Les élisions non réalisées ne sont pas rétablies
• Les règles d’accord sont respectées
• Les liaisons sont indiquées telles qu’elles sont prononcées
• L’écriture des nombres a été conservée
• Le texte est ponctué
• Les commentaires para-textuels sont rédigés entre parenthèses
• Les guillemets indiquent les citations ou lorsque le formateur réalise des imitations
• Les silences, les hésitations, les interruptions de phrases seront rendues par les points de suspension...
• Les passages inaudibles ou peu audibles sont placés entre crochets carrés
5.3.2 Transcriptions des entretiens d’auto-confrontation
Un entretien d’auto-confrontation est réalisé avec chaque formateur. La durée des entretiens ne permet pas de visualiser l’intégralité des vidéos.
Plusieurs visionnages des vidéos permettent de réaliser un synopsis (intégré aux transcriptions des entretiens) afin de cibler les moments pertinents des pratiques des formateurs.
Tableau 5 : Programmation des enregistrements audio des entretiens d’auto-confrontation
Les règles de transcriptions utilisées pour les vidéos sont reprises pour transcrire les enregistrements audios. La transcription est également réalisée sur un support traitement de texte en faisant apparaître en face du discours des formateurs les durées de visionnage des vidéos.
Lors de l’entretien, les formateurs peuvent arrêter l’extrait de vidéo proposé par le chercheur ou le prolonger.
5.3.3 Traces écrites
Afin d’étayer le matériau de cette recherche et accéder plus finement aux composantes sociales et institutionnelles, des traces écrites ont été rassemblées et sont présentées en annexe de niveau I :
• La fiche de poste des formateurs
• Les extraits des référentiels des deux diplômes portant sur l’objet de la séance de formation
• Les supports utilisés par les stagiaires pendant les séances de formation
Une première analyse quantitative permet de repérer quantitativement la part du discours prononcé par les formateurs et les stagiaires et de repérer les quantités d’interaction formateurs/stagiaires.
Pour chaque formateur nous avons opté pour une analyse comparative de situations de formation différentes : sans simulateur comme ils ont l’habitude de faire et avec simulateur sur des temps de formation pratiquement égaux et portant sur le même module professionnel dans deux niveaux de qualification.
Utilisation de la double approche comme grille de lecture et d’analyse :
Chaque transcription de vidéo est analysée dans un tableau. Seul le discours des formateurs est analysé. Nous utilisons les composantes visibles de la double approche afin de déterminer les catégories et les sous catégories. Les traces repérées dans le discours sont ainsi classées par composante cognitive et médiative.
Construction de la grille :
Chaque composante est déterminée en catégorie et sous-catégorie. Pour la composante cognitive on distingue les éléments de savoirs et de connaissances. Nous parlons de savoirs au sens savoirs professionnels composés de savoirs pratiques, techniques et scientifiques :
le rapport au savoir renvoie spécifiquement à l’action cognitive d’accession au savoir, c’est-à-dire un processus de conceptualisation de la part du sujet en tant que mise à distance de ses connaissances de sens commun et production médiatisée-en recourant au langage et à des processus scientifiques-et en tant que rupture avec le réel et avec ses acquis antérieurs (Habboub, Lenoir, Tardif, 2008, in Lenoir et Pastré 2008, p. 41).
Les savoirs professionnels sont des éléments cognitifs formalisés, partagés et reconnus par l’institution à laquelle ils font référence. Les connaissances quant à elles relèvent d’éléments appartenant à l’individu, au sujet et sont issues d’expériences professionnelles, d’appropriations subjectives des savoirs dans un contexte local et singulier (Habboub, Lenoir, Tardif, 2008, in Lenoir et Pastré 2008, p. 40).
Nous savons que le cours de Chantal porte sur des enseignements professionnels de gestion commerciale. Nous faisons donc l’hypothèse qu’il y aura des savoirs de gestion, de mathématiques et des savoirs langagiers, axés sur un vocabulaire technique liée au domaine du commerce ainsi que des connaissances telles qu’elles sont définies ci-dessus.
Lors des transcriptions des vidéos, nous avons relevé des contenus attribués aux savoirs que nous avions préalablement déterminé et que nous avons complété par des savoirs réglementaires. Par ailleurs, nous avons également observé des informations d’une dimension plutôt locale dans les pratiques du formateur que nous avons classées en trois sous-catégories de connaissances : gestion des stocks, marchandisage et hygiène et sécurité qui sont abordés dans des contextes spécifiques.
Nous avons également déterminé une catégorie feed-back dans cette composante cognitive. Le formateur réalise une forme d’évaluation part le questionnement du stagiaire la plupart du temps faisant appel à des savoirs et des connaissances déjà transmises ou dans la recherche d’une démarche déductive. Ici le feed-back est entendu comme un retour chargé de savoir sur la réponse des stagiaires. Nous avons déterminé trois sous-catégories partant de l’hypothèse que le formateur est porteur des questions, les stagiaires eux-mêmes dans le cadre d’une autoévaluation et qu’ils peuvent également s’évaluer entre eux.
Tableau 6 : Catégories et sous catégories de la composante cognitive
Nous utilisons la même grille pour les deux formateurs, seules les sous-catégories sont modifiées en fonction de la nature des savoirs et des connaissances transmis. De ce fait dans la grille d’Albert, nous avons ajusté les savoirs avec des savoirs en communication-vente et des connaissances comportementales.
Pour la composante médiative on identifie les différentes façons que les formateurs mobilisent pour médier la composante cognitive.
Nous avons déterminé sept catégories. Une première que nous avons nommé connaissances techniques et qui présente la dévolution du formateur et les éléments de type organisationnel qu’il transmet pendant sa séance de cours. La dévolution nous permet d’observer les contextes dans lesquels le formateur rend les stagiaires responsables de leurs tâches et dans quel milieu le savoir est médié. Les connaissances organisationnelles sont les éléments de discours du formateur qui permettent de donner du sens aux activités des stagiaires.
Ces deux sous-catégories nous paraissent légitimes dans la mesure où les formateurs utilisent un simulateur en mettant en scène les stagiaires dans des scénarii, issus d’activités professionnelles qu’ils ont créé à partir de leurs connaissances personnelles. La monstration devrait pouvoir être particulièrement observée lors des séances avec le simulateur du point de vue des manipulations de l’artefact. La sous-catégorie imitation a été introduite lors des transcriptions des vidéos.
Nous avons choisi d’intégrer une catégorie questionnement car nous partons de l’hypothèse que les questions renvoyées aux stagiaires font partie des pratiques des formateurs afin de créer des interactions formateur/stagiaires. Les sous-catégories ont été définies par les transcriptions qui ont permis d’identifier la nature des questions. Nous supposons que dans la création d’interactivité dans le groupe, le formateur peut renvoyer une question posée par un stagiaire à l’ensemble du groupe, demander un avis au groupe sur la réponse d’un stagiaire pour récupérer une adhésion collective, ce qui constitue un effet miroir que nous avons également intégré dans cette catégorie. Nous supposons également et notamment dans le cadre des séances avec simulateur que le formateur va produire des effets de loupe en focalisant l’attention des stagiaires sur un point.
Dans la médiation, les formateurs accompagnent de collectif de formés c’est pourquoi nous en avons déterminé une catégorie. Naturellement, nous avons affiné sur l’individualisation qui doit être omniprésente dans les pratiques de formateurs et ciblés également les marques d’encouragement et de mise en garde que nous avons observées dans les vidéos.
Nous présentons la catégorie enrôlement qui nous permet d’observer les relations humaines qui se jouent dans les séances de formation, nous nous intéressons à comment le formateur tisse des liens avec ses stagiaires et comment il motive et maintient l’intérêt. Nous avons découpé quatre sous-catégories à partir des transcriptions : l’humour et l’ironie qui motivent les stagiaires dans une atmosphère détendue et qui les focalisent dans l’action, la légitimisation et la mise en garde pour recadrer les savoirs et connaissances médiées.
Nous pensons également que les activités du formateur peuvent être contrariées par diverses attitudes des stagiaires dans les interactions. Nous pensons que les formateurs peuvent être amenés à hésiter dans la médiation des contenus car ils sont en face à face avec un public adulte qui a déjà une expérience professionnelle. Grâce aux transcriptions nous avons pu affiner cette catégorie et y inclure de la méconnaissance quand le formateur n’a pas la réponse à la question d’un stagiaire, les refus du formateur face aux réponses non adaptées des stagiaires et enfin les silences auxquels le formateur doit faire face quand l’interaction peine à se révéler en cours.
Pour finir, nous incluons une dernière catégorie que nous avons désignée sous le terme évaluation au sens de la validation de ce qui est attendu ou non dans les activités des stagiaires.
Nous partons de l’hypothèse que, quelle que soit la situation de formation, les formateurs renvoient aux stagiaires leur progression et leur performance au cours de la séance par le biais de questionnement, en leur demandant de s’auto-évaluer ou en le demandant aux autres stagiaires, et par simple retour d’information du formateur, ce qui constituent nos quatre dernières sous-catégories : questionnement oral, auto-évaluation, évaluation par les pairs, feedback.
Tableau 7 : Catégories et sous catégories de la composante médiative
L’analyse de la grille permet d’observer les éléments d’ordre quantitatif de la composante cognitive et médiative qui sont importante dans la double approche. Les éléments qualitatifs sont analysés en fonctions des catégories et sous-catégories de chaque composante et ce pour les quatre situations de formation afin de déterminer les invariants et les variations lorsque les formateurs utilisent le simulateur dans leurs pratiques professionnelles.
Les composantes non visibles, institutionnelles, sociales et personnelles sont repérées dans les traces de la grille d’analyse des composantes cognitive et médiative et dans les transcriptions des entretiens d’auto-confrontation. Les éléments identifiés sont ensuite croisés avec les traces écrites afin de mettre en lumière ce qui se joue dans les pratiques des formateurs.
Utilisation des genèses instrumentales :
La grille d’analyse et les transcriptions des entretiens d’auto-confrontation ont permis dans un premier temps de cerner les pratiques des formateurs selon les cinq composantes de la double approche.
Dans un deuxième temps, les deux matériaux sont repris pour analyser du point de vue des genèses instrumentales. Une seconde lecture des données permet de repérer les indices d’instrumentation et d’instrumentalisation. Les éléments sont identifiés afin d’observer quels aspects du simulateur sont instrumentés et regarder ce qui se joue en termes de variations et d’invariants dans les pratiques des formateurs.
L’analyse visent à identifier les invariants et les variations dans les pratiques des formateurs lorsqu’ils utilisent un simulateur dans le cadre de cours portants sur des enseignements professionnels dans le cadre de formations certifiées par un diplôme de l’Education Nationale. Dans un premier temps nous allons mesurer la part du discours des formateurs selon les situations de formation qu’elles se déroulent en salle banalisée comme c’est le cas habituellement et quand ils utilisent le simulateur, qui rappelons-le, est un magasin fictif aménagé dans une salle de cours. Ensuite, dans un deuxième temps, nous réaliserons une analyse textuelle du discours des formateurs grâce au logiciel IRaMuTeQ afin de dégager les caractéristiques du discours des formateurs. Dans un troisième temps nous procéderons à une analyse des contenus du discours des formateurs en nous appuyant sur la grille que nous avons construite à partir des composantes de la double approche et enfin dans un quatrième temps nous analyserons l’utilisation du simulateur par les formateurs à travers les indices d’instrumentation et d’instrumentalisation pour identifier les genèses instrumentales.
6.1 Répartition du discours des formateurs et des stagiaires
A partir des transcriptions, nous avons compté le nombre de mots prononcés par les stagiaires et les formateurs. La répartition est présentée en tableau pour chaque séance de formation :
nombre de mots comptés et pourcentage.
La première séance observée avec Chantal se déroule sur simulateur avec le groupe CAP Vente.
La formation porte sur un cours de gestion commerciale.
Tableau 8 : Nombre de mots prononcés par les stagiaires CAP Vente séance sur simulateur
Le nombre de mots prononcés par les stagiaires sont en interaction directe avec le formateur dans les échanges individuels. Seul un stagiaire se démarque des autres avec 32 % de mots prononcés parmi les stagiaires (7 % sur tous les mots prononcés de la séance de formation). Les interactions formateur/stagiaire sont principalement limitées à 4 stagiaires soit la moitié du groupe (il faut préciser que le groupe n’était pas complet lors de la séance).
Tableau 9 : Répartition du discours stagiaires / formateur
Ces premiers éléments quantifiés nous indiquent que le formateur occupe un temps de parole très important avec 82 % des mots prononcés soit plus de quatre cinquièmes du dialogue sur cette séance de formation.
La deuxième séance de formation avec Chantal se déroule en salle de cours banalisée toujours sur un cours de gestion commerciale et portant sur la même thématique que le cours qui s’était déroulé sur simulateur.
Tableau 10 : Nombre de mots prononcés par les stagiaires CAP Vente séance en salle de cours
Le groupe est au complet et compte 10 stagiaires. Le nombre de mots prononcés est de l’ordre du double par rapport à la précédente séance. Nous observons à nouveau une interaction spécifique avec la moitié du groupe et une stabilité dans les échanges avec 3 stagiaires. S1, S2 et S3 sont en interactivité avec le formateur quelque soit le lieu de formation et l’activité de formation. Par contre S7 qui était le plus actif lors du cours sur simulateur est quasiment absent pendant le cours en salle.
Tableau 11 : Répartition du discours stagiaires / formateur
Le formateur occupe encore une part importante du discours avec 72 % des mots prononcés.
La première séance observée avec Albert se déroule en salle banalisée avec le groupe Bac Pro Commerce. La formation porte sur un cours de communication vente.
Tableau 12 : Nombre de mots prononcés par les stagiaires Bac Pro Commerce séance en salle de cours
Dans cette séance de formation, le nombre de mots prononcés par les stagiaires sont en interaction directe avec le formateur dans les échanges collectifs et individuels. Ces données sont traitées différemment que précédemment car ce cours présente deux séquences bien distinctes : dans un premier temps le formateur a donné un cours magistral puis a organisé des improvisations d’entretien de vente dans la salle. Deux stagiaires se démarquent des autres avec respectivement 43 % et 29% de mots prononcés pendant le cours magistral.
Les interactions formateur/stagiaire sont principalement limitées à 2 stagiaires, S1 et S5, soit à peine un quart des stagiaires présents (il faut préciser que le groupe n’était pas complet lors de la séance).
On retrouve une similitude des données quantitatives pour la deuxième partie du cours, le stagiaire S1 reste actif dans les mots prononcés et un deuxième S4 également. Il s’agit des deux stagiaires qui ont participé aux improvisations d’entretien de vente et qui jouaient le rôle de vendeuses.
Tableau 13 : Répartition du discours stagiaires / formateur
Sur cette séance de formation le formateur occupe un temps de parole très important plus de quatre cinquièmes avec 86% des mots prononcés.
La deuxième séance de formation avec Albert se déroule sur le simulateur avec un groupe complet. La thématique traitée est exactement la même que lors de la précédente séance et en est la continuité.
Tableau 14 : Nombre de mots prononcés par les stagiaires Bac Pro Commerce séance sur simulateur
La répartition des mots prononcés par les stagiaires est un peu plus équitable que lors de la séance en salle banalisée. Chacun participe aux simulations de vente. On constate que S1 est un peu moins actif et que tous les stagiaires se sont exprimés dont six d’entre-eux avec plus de 10 % des mots prononcés.
Tableau 15 : Répartition du discours stagiaires / formateur
Sur cette séance le formateur garde un taux encore très important au niveau de la prise de parole avec 79 % des mots prononcés sur l’ensemble de la séance.
Ces premiers résultats nous révèlent que les pratiques des formateurs sont stables en termes de prise de parole que le cours se déroule en salle de cours banalisée ou sur simulateur. Le mode transmissif est très présent dans les pratiques des formateurs et laisse peu de place à l’expression orale des stagiaires.
6.2 Analyse textuelle du discours des formateurs
Nous avons choisi de réaliser une analyse textuelle avec IRaMuTeQ qui signifie « Interface de R pour les Analyses Multidimensionnelles de Textes et de Questionnaires » . Nous avons besoin de réaliser une analyse statistique sur le corpus de texte constitué du discours des formateurs. Nous cherchons à identifier les spécificités et les similitudes sur les formes de ce corpus.
4 textes sont analysés par le logiciel. L’analyse distingue 3257 formes parmi 47423 occurrences dont 2213 lemmes.
Figure 11 : Dendrogramme discours des formateurs par IRaMuTeQ
La classification présentée par ce dendrogramme distingue six classes de formes sur les 48,23 % de segments classés ce qui signifie que le logiciel n’a pu traiter qu’à peine la moitié du discours des formateurs. Les six classes sont réparties en deux blocs.
Les classes 1, 2 et 4 constituent le premier bloc et regroupent respectivement 10,7 %, 15,8 % et 27,3 % des formes.
Les classes 3, 5 et 6 constituent le deuxième bloc et regroupent respectivement 14,2 %, 13,3 % et 18,8 % des formes.
Nous constatons au travers de ces résultats que chaque bloc correspond à un formateur. Le premier bloc caractérise le formateur désigné par « F1 » soit Chantal et le deuxième bloc caractérise le formateur désigné par « F2 » soit Albert.
Pour au moins la moitié du discours traité par IRaMuTeQ, les formateurs ont un discours qui relève de mondes lexicaux bien distincts.
Figure 12 : Dendrogramme champs lexicaux des formateurs par IRaMuTeQ
En ce qui concerne Albert, les deux cours donnés portent sur la compétence vendre et les savoirs associés en communication vente du référentiel du Bac Pro Commerce. On retrouve dans la classe 3 une sémantique très proche de ce qui est décliné dans la compétence C3.2 « Réaliser la vente de produits » et dans la partie savoirs associés S3.6 « La communication appliquée à la vente ». Pour la classe 5 l’analyse lexicologique nous montre que les mots principaux appartiennent en priorité au vocabulaire technique utilisé dans la compétence C3.2 et les savoirs associés S3.6 mais également étendu à une autre partie du référentiel concernant la gestion commerciale et les objectifs du vendeur.
Dans cette classe 5 nous constatons que le formateur traite, comme le prévoit le référentiel, les objectifs de ventes en faisant un lien avec les cours de gestion tout en conservant une ligne directrice sur la vente.
La classe 6 est particulièrement intéressante car les mots principaux utilisés par le formateur sont : simulation, vendeur, ressentir, communication, situation et positif. L’analyse nous révèle que le formateur s’appuie également sur le référentiel de certification, partie compétences et savoir-faire. L’analyse du corpus nous montre que le discours d’Albert est en cohérence avec l’ensemble du référentiel de certification Bac Pro Commerce avec deux approches complémentaires sur les compétences entendues au sens de savoir-faire et des savoirs associés.
En ce qui concerne Chantal, les deux cours donnés portent sur le module gestion commerciale qui doit permettre aux stagiaires de se préparer à deux spécialités différentes du CAP. La moitié d’entre-eux est préparée au CAP Employée de Commerce Multi-Spécialités (CAP ECMS) et l’autre moitié au CAP Employé de Vente Spécialisé (CAP EVS).
Les évaluations sommatives de l’examen organisées par le Ministère de l’Education Nationale sont différentes selon la spécialité du CAP. Les CAP ECMS seront évalués sur le terrain de stage en épreuve pratique. Les CAP EVS seront évalués dans le cadre d’une épreuve écrite selon le calendrier national.
Le deuxième bloc identifié par IRaMuTeQ attribue à Chantal 3 classes distinctes. La classe 2 présente des mots liés au vocabulaire utilisé en gestion des stocks et particulièrement en gestion de la démarque commerciale. La classe 1 présente un champ lexical qui oscille autour de la notion de vol et de leur traitement dans les magasins. La Classe 4 s’éloigne quelque peu des notions de stocks et de démarque liés au vol pour se focaliser sur une sémantique liée à la gestion des rayons et des produits en surface de vente.
Toutefois l’étude du référentiel mis en adéquation avec le les éléments de cette classe 4 du dendrogramme, nous permet de tisser un lien entre les trois classes de ce bloc. Dans son discours, identifié par la classe 4, Chantal utilise également les termes « calculer, commander, stock, maximum, nombre ». Dans le contenu de son cours, elle semble aborder différentes notions nécessaires aux stagiaires et conformes aux référentiels pour revenir sur le contenu principal de son intervention la gestion des stocks, à travers la réception des produits et la démarque.
L’analyse lexicologique nous montre que Chantal mobilise à travers ses cours plusieurs éléments des référentiels et communs aux deux spécialités du CAP :
Tableau 16 : Eléments du référentiel, traités dans le cours de gestion commerciale en CAP
Cette première analyse lexicométrique nous permet donc d’identifier que les deux formateurs observés ont un discours bien dissocié. Ce premier élément de caractérisation des pratiques nous parait cohérent puisque Chantal et Albert n’interviennent pas dans les mêmes contenus de formation ni dans les mêmes niveaux de qualification. Le fait que leur discours soit dissocié et en adéquation avec les contenus des référentiels qu’ils utilisent pour déterminer les contenus de formation, nous permettent de postuler que les informations transmises permettent aux stagiaires d’acquérir les savoirs et connaissances déclinés dans les référentiels dans le but de construire les compétences.
L’approche IRaMuTeQ ne peut se suffire à elle-même, elle nous a permis de dégager des pistes d’analyse et une première réponse à notre problématique. Nous allons compléter par un traitement manuel plus fin en utilisant le cadre de la double approche et une grille d’analyse qui nous donne la méthodologie à suivre.
6.3 Analyse manuelle du discours des formateurs
L’analyse textuelle réalisée grâce à IRaMuTeQ nous assure, pour pratiquement la moitié du corpus traité que les discours des formateurs sont dissociés ce qui est cohérent avec leur champ d’intervention professionnel. A partir de cet élément nous pouvons affiner l’analyse manuelle en comparant les pratiques de chaque formateur avec et sans utilisation du simulateur.
Nous avons donc à partir des transcriptions des vidéos, classé chaque élément de discours des formateurs en lien avec le contenu des cours dans notre grille d’analyse et réalisé une approche quantitative et qualitative des deux composantes visibles (cognitives et médiatives) de notre cadre théorique : la double approche.
Pour réaliser cette analyse quantitative, nous avons uniquement circonscrit le discours des formateurs. Pour chacun des deux, nous avons éludé les quelques éléments portants sur des discours qui ne sont pas en relation avec les contenus du cours et que nous avons estimés ne pas influencer les pratiques des formateurs. Ces éléments correspondent à moins de 10 phrases prononcées par chaque formateur sur l’ensemble du corpus.
La quantification du discours est réalisée en comptant le nombre de phrase prononcées par les formateurs dans chaque catégorie sauf pour l’enrôlement où la comptabilisation des mots a été préférée.
Les résultats sont présentés dans la grille d’analyse pour chaque formateur suivi d’une analyse des deux composantes.
6.3.1 Analyse quantitative et qualitative du discours du premier formateur
Le cours donné en plateau technique sur simulateur est une situation de travail inventée par Chantal. Elle scénarise la séance de formation en demandant aux stagiaires de remettre le magasin en ordre car les clients ont tout « chamboulé », à cela elle intègre des activités quotidiennes comme la réception des marchandises et le rangement des rayons.
Les stagiaires sont amenés deux par deux à faire des réceptions et contrôle de colis, pendant que les autres travaillent en rayon avec des grilles permettant d’identifier les stocks, la démarque et les quantités à commander.
Le cours en salle banalisée porte sur les notions de démarques connues et inconnues. Les stagiaires ont travaillé au préalable sur deux dossiers type étude de cas que Chantal leur avait donné, l’objet du cours consiste à reprendre collectivement les dossiers et en faire une correction.
Tableau 17 : Résultats par catégories pour le discours de Chantal
Ce tableau 15 nous montre des variations importantes entre les catégories des composantes cognitives et médiatives selon que le formateur donne son cours sur le simulateur ou dans une
salle.
Analyse de la composante cognitive :
Chantal mobilise davantage de savoirs et de connaissances lors de l’utilisation du simulateur dont 3 types de savoirs et trois types de connaissances, alors que deux seulement pour chaque catégorie, lorsqu’elle donne son cours dans une salle banalisée comme à son habitude.
Les savoirs principaux relevant du cours de gestion commerciale sont davantage présents dans l’usage du simulateur avec quatre-vingt-dix-neuf phrases identifiées pour soixante-neuf phrases dans le cours traditionnel de type transmissif.
Nous pouvons considérer que Chantal transmet davantage de savoirs et de connaissances aux stagiaires lorsqu’elle utilise le simulateur.
Les savoirs langagiers sont légèrement plus importants également dans l’usage du simulateur car le champ lexical couvre davantage de catégories. Nous pouvons donc considérer que l’apport de vocabulaire professionnel ne subit pas de variations dans la situation de formation qu’elle soit menée avec ou sans simulateur.
Lors du cours en plateau technique sur simulateur, Chantal indique tous les éléments de savoirs à mobiliser par les stagiaires pour réaliser les exercices pratiques et construire les compétences visées par le référentiel :
« la commande à prévoir, c’est-à-dire que du coup je me retrouve avec un stock réel, un maximum à remplir, vous faites la différence entre le stock réel et puis ce qu’il y a à commander et puis on fera la commande.(...) Donc le stock théorique, la différence entre le stock théorique et le stock réel vous permettra de voir éventuellement ce qui nous manque et on le constate en connue ou en inconnue (…) Puisque quand vous êtes livré vous enregistrez vos réceptions, etc, les produits qui sortent sont à constater aussi par informatique donc je vous ai sorti bien évidemment le stock théorique…Donc le stock théorique, la différence entre le stock théorique et le stock réel vous permettra de voir éventuellement ce qui nous manque et on le constate en connue ou en inconnue ».
Ces extraits des transcriptions sont considérés comme des savoirs car ils présentent précisément les procédures et les termes utilisées dans le commerce, dans les pratiques professionnelles et sont adaptées par le formateur à la situation simulée au niveau de la gestion des stocks.
Nous relevons également des traces de savoirs professionnels mais orientés dans un autre domaine du programme et qui concerne la gestion des rayons :
« donc votre linéaire au sol il est là non, facing c’est là par exemple, (montre dans le rayon un produit présenté sur une face) là j’ai un facing, j’ai une fois le produit, d’accord. Si je viens ici (montre produits sur l’étagère supérieure) j’ai deux facings deux produits, d’accord ? le facing c’est la place prise par un produit dans le rayon (…) Donc le linéaire c’est la longueur du rayon (écrit en même temps au tableau). Le facing, vous voulez que je fasses un petit dessin, nombre de produits et là si je fais ça j’en ai deux, d’accord, ça va ? ».
Nous observons que Chantal introduit d’autres savoirs au fur et à mesure que les stagiaires questionnent où se retrouvent en difficultés par rapport à la réalisation des tâches qui leurs sont assignées à travers les situations de travail simulées :
« ben là le conditionnement c’est un pot, là ce sera un pot, c’est pas des lots, c’est un pot le conditionnement c’est ce que, ton article, c’est pas un lot, si j’aurai eu un lot, j’aurai eu 2 conditionnements. non, c’est une bouteille, tu vends ton conditionnement tu vas le vendre à la bouteille. Si j’avais eu des packs, tu sais de 6 petites bouteilles, mon conditionnement il aurait été pack de 6 bouteilles. le conditionnement c’est comment je le vends ».
Lors du cours qui se déroule en salle banalisée, Chantal travaille avec les stagiaires les notions de démarques connues et inconnues et utilise des documents issus de manuels scolaires spécialisés dans les enseignements professionnels. Les stagiaires ont rempli individuellement deux dossiers avant la séance de cours et Chantal reprend chaque élément des dossiers en cours collectif :
« la démarque connue, c’est tout simplement les produits cassés ou périmés, hein enregistrés, c’est enregistré, dites-vous bien ça hein, enregistrés par les employés. Ca c’est de la démarque connue, c’est tout simple on a des produits qui sont soit périmés, soit utilisés, soit cassés et qui sont enregistrés dans le livre de casse par les employés.
La démarque connue représente les produits qui ne sont plus en stock pour des raisons précises. La démarque connue comporte deux principales causes produits cassés ou périmés. Donc la démarque connue, les produits cassés, les produits périmés. Elle doit être identifiée et comptabilisée soit dans le cahier de casse soit sur informatique. La démarque connue on va la constater soi en bipant avec la caroline donc informatiquement ou comme vous l’avez vu en bas dans le magasin sur un livre de démarque, ça c’est les deux possibilités ».
Les savoirs transmis sont guidés par le document et Chantal lis les définitions et procédures indiqués dans les dossiers.
En ce qui concerne les feed-back, nous avons repéré qu’il y en a très peu dans le cadre du cours en salle alors qu’ils sont dénombrés à quinze dans l’usage du simulateur. Les feed-back concernent des retours d’information « chargés de savoirs » que le formateur adresse aux stagiaires lorsqu’ils répondent à une question.
Nous constatons également que Chantal ne suscite pas dans ses pratiques l’auto-évaluation des stagiaires ni l’évaluation des stagiaires par les stagiaires dans les deux situations de formation.
Analyse de la composante médiative :
Nous constatons des variations importantes dans la composante médiative en fonction de l’usage ou non du simulateur. Au niveau de la dévolution des connaissances techniques, la dévolution collective est quasiment absente avec seulement dix-neuf phrases repérées. Cependant les connaissances organisationnelles permettant aux stagiaires de poursuivre leur tâche est très présente. La dévolution est ici entendue au sens où le formateur rend le stagiaire responsable de sa tâche, il nous apparait que l’utilisation du simulateur n’impose pas à Chantal de médié fortement cet élément et que les stagiaires se responsabilisent sans intervention de la formatrice. Le contexte de formation apparait comme intégré par les stagiaires lorsqu’ils sont formés sur le simulateur, mais beaucoup moins lorsqu’ils sont formés en salle de cours. Nous avons relevé plus de cent-cinquante phrases dédiées à la dévolution du cours en salle, ce qui nous montre que Chantal accorde une place importante pour le contexte de formation et rendre les stagiaires responsables dans la compréhension et l’acquisition des savoirs.
L’utilisation du simulateur permet à Chantal d’intégrer des manipulations devant les stagiaires sur un plan collectif et individuel.
Le questionnement est un élément important des pratiques de Chantal, elles utilisent aussi bien des questions ouvertes et fermées pour médier les savoirs et connaissances dans les deux situations de formation avec une dominante dans les questions ouvertes lorsqu’elle donne le cours en salle à partir des dossiers présentant des études de cas. La catégorie questionnement présente globalement une certaine stabilité dans les pratiques de Chantal.
La variation la plus importante dans les pratiques se trouve dans la catégorie accompagnement. En effet nous observons à travers notre analyse que Chantal individualise pratiquement l’intégralité de la séance à partir du moment où les stagiaires ont reçu les consignes collectives de départ. Nous observons également que cette individualisation n’est pas réalisée avec tous les stagiaires et qu’elle est principalement dirigée vers deux stagiaires : Vincent et Louise. Un retour sur les transcriptions des vidéos nous permet de constater que Vincent sollicite énormément Chantal tout au long de la séance au fur et à mesure qu’il réalise les tâches demandées. Pour Louise, c’est Chantal qui se rend compte des difficultés et qui l’accompagne dans les tâches à réaliser afin de lui permettre de progresser dans la situation de travail. Dans ces individualisations, Chantal répète jusqu’à dix fois les mêmes explications aux mêmes stagiaires. Elle encourage davantage et met en garde sur des points vigilances les stagiaires lorsqu’elle forme sur simulateur.
En ce qui concerne la catégorie enrôlement, Chantal utilise énormément l’humour et l’ironie dans ses pratiques professionnelles. Notre grille nous permet d’affiner ces deux sous-catégories et de voir apparaitre qu’elles sont particulièrement utilisées lors du cours en salle, rappelons-le, où les stagiaires sont assis autour de tables disposées en U pendant toute la durée de la séance de cours. Les deux autres sous-catégories légitimisation et acquiescement sont peu utilisées sur simulateur mais très présent dans le cours en salle. L’approche traditionnelle et collective de nature transmissive semble nécessiter de la part de Chantal une adaptation de ses pratiques quant à la valorisation des interventions des stagiaires par le biais d’acquiescement et de légitimisation des savoirs et connaissances transmises.
Notre grille présente également une catégorie que nous avons intitulée « contrariété ». Les formateurs sont parfois contrariés dans leur tâche et sont amenés à hésiter et montrer qu’ils ne savent pas. La contrariété peut également se traduire par les réactions des formateurs soit parce qu’ils refusent les propositions des stagiaires, soit parce qu’ils doivent gérer des silences récurrents dans les interactions formateur / stagiaire. Dans le cadre de la séance de cours sur simulateur Chantal n’a pratiquement pas eu de contrariété mises à part quatre hésitations face à des questions de stagiaires et trois méconnaissances toujours liées à des questions spécifiques des stagiaires. Par contre, dans le cadre du cours magistral en salle, Chantal a été beaucoup plus contrariées dans ses pratiques. Globalement nous nous apercevons qu’elle a également eu des hésitations malgré le guide que procure les dossiers professionnels sur lesquels elle fait progresser les stagiaires dans l’acquisition des savoirs. Elle a également manifesté deux fois plus de méconnaissance face au collectif de stagiaires lorsque ceux-ci évoquent leurs pratiques dans leur lieu de stage. Ce qui nous intéresse particulièrement c’est le nombre de refus que Chantal a manifesté face aux propositions de réponse des stagiaires. Il nous semble que les réponses des stagiaires ne sont pas acceptées tant qu’elles ne correspondent pas précisément aux attentes du corrigé que le formateur utilise pendant le cours.
Pour la dernière catégorie de cette composante médiative, il apparait que Chantal évalue oralement les stagiaires dans la progression de leurs tâches dans le but de les faire progresser, cet élément est à croiser avec la catégorie individualisation. Dans la seconde situation de formation, cette catégorie évaluation n’est pas aussi transparente dans les pratiques. Certes, Chantal questionne le collectif en fonction des éléments des dossiers professionnels qui guident la situation de formation mais dans le but de renseigner les supports écrits et non pas d’évaluer les stagiaires.
Cette première analyse nous permet d’établir un premier constat des pratiques professionnelles de Chantal dans l’usage du simulateur. La dimension cognitive est fortement présente dans les enseignements de nature professionnels car le discours est technique et le contenu correspond aux référentiels des compétences et des savoirs associés. Les savoirs et les connaissances sont principalement médiés par l’intermédiaire d’élément d’organisation et d’un accompagnement basé sur l’individualisation au cours de laquelle, Chantal questionne fortement les stagiaires et manipule devant eux afin de leur permettre de construire leur propre réflexion à travers la mobilisation des savoirs et connaissances.
Analyse de composante institutionnelle et sociale :
L’analyse des transcriptions des vidéos ne nous a pas permis d’identifier ces composantes, c’est pourquoi nous utilisons les transcriptions des entretiens d’auto-confrontation en repérant à l’intérieur les indices transmis par Chantal.
La composante institutionnelle est présente dans les pratiques professionnelles de Chantal, nous pouvons l’identifier à travers ces propos :
« Quand ils passeront leur examen, donc j’insiste bien sur les termes mais c’est vrai que pffiou »
« Parce qu’ils sont quand même dans la vente, c’est des calculs de vente, des pourcentages, c’est quand même énorme, moi je me rends compte qu’il y a du p’tit niveau, faut pas de calculs c’est des gens qui ne font jamais de calculs, ils sont là pour de la vente vente hein. Terminé voilà suis dans les rayons et je vends mais bon un diplôme de vente faut quand même que tu connaisses le minimum de calculs quand même hein, surtout du pourcentage ! parce que ça dans la vente c’est primordial ».
Chantal évoque que les stagiaires ont plutôt un niveau faible et montre à travers cette remarque qu’elle a bien intégré les éléments du référentiels et le niveau attendu pour passer les épreuves de l’examen. Elle l’intègre totalement dans ses pratiques.
Chantal évoque également, de manière indirecte, qu’elle ne peut prendre le temps nécessaire avec les stagiaires les plus en difficultés, du fait des programmes qui doivent être nécessairement vu dans leur intégralité :
« j’avance un peu plus vite mais à un moment donné quand on a le programme à faire, on est loin quoi, on est loin et là j’active parce que j’ai pris beaucoup de retard par rapport à certaines personnes effectivement (…) j’accélère un peu parce que je sais que je vais être en retard, mais tant pis ».
L’analyse des transcriptions des entretiens nous permet d’accéder à deux éléments de la composante sociale. Le premier relève de pratiques internes à la structure qui consiste à systématiquement avoir un support visuel pour les stagiaires :
« Il leur faut même si tu leur expliques, il leur faut quelque chose de visuel, il leur faut à un moment donné quelque chose sur lequel se raccrocher et être sûr de faire les bons calculs, même avec ça tu t’aperçois qu’il y en a qui savent pas le faire ».
Le deuxième élément se réfère au système de notation, « la note sur vingt » qui d’après Chantal reste indispensable dans les pratiques pour évaluer et rendre compte aux stagiaires de ses performances même en formation professionnelle pour adulte. :
« Chantal : Si on reprend les notes de ces stagiaires-là, t’arrives à les repérer sans problème. Tu sais qui a des bonnes notes, qui a des mauvaises notes et même en ayant, en répétant et en rabâchant, tu n’y feras rien.
Chercheur : Comme quoi la note reste
Chantal : C’est une valeur ouais (…) C’est une valeur, ils ont besoin d’avoir ça »
Analyse de la composante personnelle :
Dans les transcriptions des entretiens d’auto-confrontation, Chantal nous explique que les stagiaires présentent de grandes difficultés de compréhension et que pour pallier ces difficultés elle associe le geste à la parole et des éléments visuels :
« Ça on l’avait vu la capacité de stockage. Et même là suis pas sûre qu’ils ont tous capté dans la, c’est visuel en plus, je mélange tout (…) J’ai associé le geste et on s’aperçoit qu’il y en a même avec ces 3 choses-là, c’est très compliqué ».
La composante personnelle de Chantal est omniprésente dans l’ensemble de son discours, elle nous apparait comme construite sur ses années d’expérience en tant que formatrice. Chantal affirme, dans son discours, qu’elle connait bien le niveau de ses stagiaires et qu’elle a bien identifié leurs difficultés. Elle affirme également que la méthode pour transmettre les savoirs et les connaissances réside dans la répétition permanente :
« je rabâche tout le temps avec elle, elle ne comprend pas, elle ne comprend pas le système (…) il faut vraiment que je fasse pas à pas sachant que même si j’ai fait pas à pas, je peux lui redonner demain la même chose elle va me refaire des erreurs (…) on redonne et on redonne le cadre, après si y comprenne pas bey ils m’appellent c’est sûr (…) A un moment donné je vais pas m’énerver, je sais que c’est comme ça, du coup je refais, je refais, peut-être qu’à un moment donné ça leur viendra à l’esprit en disant bey oui on l’a déjà fait vingt fois ! Ça serait bien, mais voilà au bout d’un moment tu fais, tu rabâches, tu rabâches, tu rabâches, tu rabâches. Mais là c’est parce qu’on est en action ».
Ces éléments non visibles dans les vidéos nous semblent très intéressant pour comprendre pourquoi nous avons auparavant observer autant de répétition dans les pratiques de Chantal. Celle-ci nous explique, comme une fatalité, que de toute façon c’est pour elle la seule manière pour que les stagiaires retiennent à un moment donné les contenus qu’elle leur transmet.
Nous n’avons pas observé autant de répétition dans la séance de formation en salle de cours ni d’individualisation et l’entretien nous permet de comprendre pourquoi :
« Là ça ne me gêne pas, on est en action donc je fais, je refais, je refais que en cours je pense que c’est tellement usant de dire dix fois la même chose avec dix produits différents, comme c’est toujours, c’est pas concret finalement, on essaye d’imaginer, on refait des tableaux, au bout d’un moment je pense qu’effectivement je finirai par m’énerver. Là comme tout le monde est actif, tout le monde fait quelque chose bey c’est vrai que voilà c’est pas grave on va reprendre avec lui et rebelote. Ouais c’est complètement différent en terme, en terme d’approche, de conduite du cours, c’est plus léger comme ça même si on est sollicité beaucoup mais c’est plus light ».
Chantal nous donne un indice très intéressant sur sa pratique quant à la mise en action des stagiaires. Même si elle est fortement sollicitée et qu’elle tient la station debout quasiment permanente pendant plus de deux heures alors qu’elle reste assise en salle de cours, former sur le plateau technique lui semble plus facile à gérer qu’une séance de cours traditionnelle. Elle affirme être plus patiente et plus disposée à répéter plusieurs fois les mêmes choses aux stagiaires alors que dans une autre situation de cours, elle ne le ferait pas sans s’énerver, selon elle.
« là le fait d’aller sur le plateau technique ils sont en phase, enfin ils sont en pleine action, je suis disponible autrement, je ne déroule pas mon cours. Ils font un truc, j’ai pas compris, hop je m’occupe d’un point particulier avec eux, c’est vrai que ça permet quand même autre chose, on a pas un suivi voilà de cours réel, là on individualise le cours, toi t’as pas compris ça je fais, toi t’as compris alors on repasse sur, c’est vrai que chaque point est différent et du coup c’est une attente différente que quand on est en cours bey voilà on explique et on réexplique mais il y en a qui ont compris et qui finisse par s’ennuyer parce que les autres ont toujours pas compris, c’est ce qui se passe et à un moment donné on peut pas freiner tout le monde, donc le cours, le cours il finit par ok t’as pas compris, on se revoit, je te redonne des exercices à part, c’est ce que je fais, je leur donne pour ceux qui ont eu du mal avec la compréhension, je leur redonne, ils ont des exercices qui sont disponibles au CDR pour travailler en aparté sur les éléments qui bloquent ».
Dans son discours, Chantal nous révèle un autre élément, pour elle former sur le plateau technique, ce n’est pas vraiment « donner un cours », c’est individualiser les apports en matière de savoirs et savoir-faire selon les besoins individuels des stagiaires. Nous pouvons interpréter que c’est l’usage du simulateur qui lui permet de modifier ses pratiques, elle nous dit être « disponible autrement » et pouvoir interagir individuellement avec les stagiaires alors qu’elle ne semble pas pouvoir le faire lorsqu’elle forme dans une salle classique.
Nous admettons donc largement que l’usage du simulateur influence nettement les pratiques de Chantal. Cette influence sera analysée en utilisant le cadre des genèses instrumentales dans une prochaine partie.
6.3.2 Analyse quantitative et qualitative du discours du deuxième formateur
Nous reprenons la méthode que nous venons d’utiliser pour analyser le discours de Chantal pour maintenant déterminer les pratiques d’Albert.
Les sous-catégories ont été modifiées dans les catégories savoirs techniques et connaissances techniques afin d’être en adéquation avec les contenus transmis dans les cours d’Albert.
Le cours donné en salle par Albert porte sur des enseignements techniques relatifs aux différentes étapes que doit suivre un vendeur dans la relation client. Il découpe la séance de formation en deux temps : des apports théoriques et ensuite des simulations en salle très axées sur des improvisations avec quelques articles de prêt à porter.
Le deuxième cours se déroule en plateau technique, Albert organise des simulations de vente dans lesquelles les stagiaires jouent tout à tour le rôle du client et du vendeur en binôme.
Tableau 18 : Résultats par catégories pour le discours d’Albert
Ce tableau 16 nous indique également des variations importantes entre les catégories des deux composantes visibles de la double approche en fonction de l’usage du simulateur.
Analyse de la composante cognitive :
Les apports cognitifs en termes de savoirs et connaissances professionnelles sont indéniablement plus présent collectivement lorsque le cours se déroule en salle avec 3 fois plus d’éléments transmis.
En salle de cours le formateur utilise des techniques transmissives pour transmettre les savoirs, il s’appuie également sur un document écrit qu’il a créé et distribué aux stagiaires.
« Accueil SBAM, on commence déjà dans les outils c’est bien. Donc au niveau de l’accueil effectivement il y a le SBAM. Après il y a des petits ajouts effectivement, d’accord, pour en être plus adapté à la réalité aussi du terrain, qu’est le regard effectivement qu’on pourrait rajouter (…) vous avez des questions précises à poser selon le thème où vous êtes selon le magasin où vous êtes, d’accord, et l’idée c’est ça, c’est de restreindre parce que derrière on nous dit par rapport à votre besoin, par rapport aux critères de choix, par rapport à vos mobiles d’achats (…) L’empathie c’est d’une manière générale se mettre à la place de l’autre (…) Donc il y a plusieurs techniques, on l’a vu hein, de conclusion, la conclusion directe, la conclusion peau de l’ours, etc…, on peut amener ça de différentes manières »
Les feed-back sont plutôt stables d’une situation de formation à une autre bien qu’on détecte davantage de retours du formateur dans le cadre de l’individualisation lors de l’usage du simulateur.
« Donc à l’intérieur vous avez parlé du SBAM accueil client là on revient sur la vente vraiment à proprement dite, d’accord effectivement voilà cette… quand on parle de SBAM ce que je disais c’est pas, faut pas juste connaître le titre par cœur pour être, d’accord pour avoir ce qu’on appelle la SBAM attitude d’accord pas juste dire ouais je sais ce quoi le SBAM, c’est pas le fait de savoir c’est le fait d’appliquer »
Les feed-back retenus sont des retours d’informations du formateur vers les stagiaires. A partir des réponses des stagiaires, le formateur reprend et va plus loin dans la transmission d’information en complétant par du savoir, des connaissances ou des données techniques quant à l’usage de cette information.
Analyse de la composante médiative
L’analyse de cette composante révèle également de nombreuses variations dans les pratiques d’Albert. Les connaissances techniques caractérisées par la dévolution et les informations d’ordre organisationnelle sont plus nombreuses lorsque le cours est donné sur le simulateur. Dans les deux situations de formation, Albert médie fortement le contexte professionnel afin de rendre les stagiaires responsables de leurs tâches et de faire des liens avec les savoirs.
La dévolution observée en salle de cours est d’ordre collective.
« c’est pareil vous le vivez cette situation, vous le vivez, vous avez pas le temps de vous dire euh le soncas alors je coche c’est quoi la sécurité, non, forcément c’est instinctif c’est rapide c’est tout de suite, analyser (…) vous êtes tous maintenant expérimenter en entreprise, vous avez de l’expérience donc vous savez que il y a différents profils de clients il y a des clients qui parlent très vite, y a des clients qui parlent doucement, y a des clients qui beh à un moment donné parle en tout cas ont une communication qui est pas très facilement perceptible on arrive pas trop à comprendre ce qu’ils veulent dire, erreur fatale c’est d’interpréter ».
Ces deux extraits issus des transcriptions traitées dans le tableau d’analyse nous montre qu’Albert s’adresse au groupe et valorise, en quelque sorte, les stagiaires en s’appuyant sur leurs expériences pour leur faire prendre conscience qu’au-delà du savoir, la mise en pratique est indispensable.
Sur simulateur nous observons des pratiques particulières, la dévolution part de la simulation individuelle réalisée par le stagiaire pour ensuite être traitée collectivement par le formateur.
« Alors vous avez dit qu’il manquait dans la recherche des besoins, je dirais aussi qu’il manquait dans la partie argumentation, d’accord, quand on propose des produits, d’accord, c’est un produit que vous avez sélectionné donc c’est qu’il y a des motifs normalement derrière, c’est pas juste au hasard sinon dans ce cas-là vous laissez la cliente le faire donc faut quand même argumenter (…) Je vous donne un exemple sur la fin quand tu pars sur la chemise, tu dis la couleur, etc.. y a pas que la couleur sur une chemise (le formateur prend un vêtement et montre) y a des motifs, y a beaucoup de choses, y a la coupe, etc… d’accord. Parce que là finalement qu’est-ce qui va se passer ? Ah bey oui, mais non y a pas de motif, c’est tout nan c’est pas terrible. Donc déjà hop faut des motifs ok !? etc etc donc on peut encore essayer de plus cibler. En fait vous avez compris que tout ce que vous avez fait à partir de la recherche des besoins, vous permet de gagner du temps derrière. Si vous l’avez pas fait, vous allez rencontrer des murs comme ça ».
Cet extrait de traces relevé dans le tableau d’analyse de la séance sur simulateur illustre les pratiques du formateur quant à la dévolution mise en œuvre. Pour faire des liens entre le savoir et les stagiaires, Albert s’appuie sur la simulation qu’il vient d’observer ou les remarques des autres stagiaires, afin de créer une prise de conscience dans l’intérêt de la tâche demandée par rapport à la mise en œuvre du savoir. Il utilise également la manipulation de produits pendant la séance sur simulateur et se prête à des imitations souvent humoristiques, il s’agit là encore d’une variation importante de ses pratiques puisque ces observations ne sont pas réalisées lors du cours en salle.
Une autre variation significative est observée quant à la médiation par le questionnement. Albert intègre chaque élément de savoir par un questionnement des stagiaires et rebondit sur les réponses de ces derniers afin d’amener au fur et à mesure les savoirs et connaissances en cours collectif. Les questions ouvertes et de rhétoriques sont majoritairement présentes dans l’observation alors qu’elles sont moins fréquentes lors de l’usage du simulateur.
L’usage du simulateur semble également influencer les pratiques professionnelles d’Albert en ce qui concerne l’accompagnement des stagiaires. En effet nous constatons une part importante du cours tournée vers l’individualisation. Nous retrouvons cette part d’individualisation lors de du premier cours observé lorsqu’Albert a organisé des simulations en salle, nécessitant de la part des apprenants une grande improvisation pour réaliser la tâche demandée. Pour médier via un accompagnement des stagiaires, Albert encourage et met en garde sur des points de vigilances. Il apparait que les encouragements sont majoritairement utilisés lors du cours collectif en salle et que les mises en garde sont stables quelque soit le lieu de formation en collectif ou en individualisation.
Pour obtenir une réelle activité cognitive, Albert enrôle les stagiaires à travers l’humour et l’ironie notamment dans l’usage du simulateur alors que la forme d’enrôlement dominante dans le cours en salle est la légitimisation des informations transmises. Dans chaque situation de formation, Albert acquiesce en signe de validation des réponses des stagiaires.
La catégorie contrariété observée est stable dans les pratiques de notre formateur. En effet, avec ou sans usage du simulateur pour former les stagiaires, il doit faire face de façon égale à des silences récurrents des stagiaires face aux questions qu’il pose.
La dernière catégorie observée est l’évaluation. Albert évalue peu les stagiaires dans chaque situation, il pratique un questionnement oral pour vérifier les connaissances des stagiaires. Malgré de nombreuses tentatives lors des simulations pour permettre aux stagiaires de s’autoévaluer, le formateur reçoit peu de coopération des stagiaires :
« Comment tu l’as ressenti ?
alors comment t’as appréhendé tout ça ? comment tu as géré cette situation ?
Alors, quel est ton ressenti ? pourquoi pas à l’aise ?
Vanessa quel est ton ressenti ? alors horrible pourquoi ? Alors comment t’as géré ces difficultés ? »
Les réponses formulées par les stagiaires sont peu constructives pour permettre une autoévaluation efficiente :
« bey c’est pas pareil qu’en magasin (…) y avait du monde, c’est pas pareil
C’est compliqué (…) quand tout le monde nous regarde comme ça
En magasin on a plus de possibilité que là c’est quand même assez restreint et puis c’est des personnes qu’on côtoie tous les jours donc c’est pas le même contexte »
On observe également peu de coopération lorsque le formateur provoque des interactions stagiaires / stagiaires en leur demandant d’évaluer la performance de leur collègue :
« Vous avez noté autre chose ? nan ? autre chose ? pas d’autres remarques ?
D’autres remarques ? Nan ?
Est-ce que vous avez d’autres remarques par rapport à cette simulation ? nan ? pas d’autres remarques ?
Nan ? pas d’autres remarques ?
Ensuite ? Est-ce que vous avez des … non ? Par rapport à ce qu’on vient de dire vous avez pas de… ?
Est-ce que vous avez noté autre chose ? (personne ne répond) nan ? »
Cette catégorie peut être croisée avec celle observée sur la contrariété en termes de gestion des silences récurrents et peut nous expliquer pourquoi l’humour est très présent dans les pratiques du formateur. Cette forme de médiation lui permet de pallier le manque d’engagement des stagiaires sur l’ensemble des tâches demandées que ce soit dans la simulation elle-même, l’autoévaluation et l’évaluation par les pairs.
L’analyse des composantes visibles du cadre de la double approche nous permet d’établir un premier résultat quant aux variations et aux stabilités des pratiques d’Albert dans l’usage ou non du simulateur.
La dimension cognitive est majoritairement présente lorsqu’Albert passe en mode transmissif collectif alors que la dévolution, l’individualisation et l’enrôlement sont les catégories majeures de ses pratiques dans l’usage du plateau technique.
Analyse de la composante institutionnelle et sociale :
Comme précédemment l’analyse des transcriptions vidéo ne nous a pas permis d’identifier ces composantes, nous analysons donc à présent les transcriptions de l’entretien d’autoconfrontation qui a été mené avec Albert.
Les traces repérées dans les transcriptions nous permettent de confirmer que la composante institutionnelle est complètement intégrée dans les pratiques de ce formateur au niveau des programmes et des modalités de préparations aux épreuves de l’examen :
« même dans le cadre de la VUC ils ont a les présenter donc on revient là-dessus (…). Exactement, parce qu’en fait j’oublie jamais qu’on est dans un bac professionnel commerce on est à visée professionnelle, à visée métier donc tu peux pas faire à un moment donné que du théorique »
Elle est également intégrée par Albert au niveau de contraintes institutionnelles locales sur les temps de formation alloués pour faire les programmes et préparer les stagiaires aux examens :
« t’as pas 45 heures de cours donc t’essayes d’optimiser les choses, mais bon »
En ce qui concerne la composante sociale, nous savons que les formateurs ont coutumes de donner des documents écrits aux stagiaires. Contrairement à Christine, Albert synthétise ses documents et les crée lui-même, il ne s’appuie pas sur des écrits issus de manuels scolaires ou autre ressource :
« Ouais c’est vrai que je leur ai donné un document synthétique, je redonne pas mal de choses, ouais il n’y a aucune prise de notes ».
Nous pouvons également affirmer qu’Albert a bien intégré dans ses pratiques le fait qu’au-delà de la préparation au diplôme, la formation professionnelle a pour vocation de professionnaliser les stagiaires sur des métiers :
« là c’est l’occasion justement idéale parce que encore une fois c’est vrai qu’on les prépare au diplôme, mais on n’oublie jamais, mais aussi au métier, le métier faut aller un peu plus loin, faut aller plus loin et en tout cas il faut bien compléter l’ensemble, c’est vrai que c’est pas forcément évident, dans les bouquins tu vas pas avoir toutes ces situations-là, ces pratiques-là tu l’auras pas donc là forcément ils voient tout de suite les anomalies, les choses qu’ils peuvent rectifier et qui peuvent leur servir beaucoup quand ils seront dans le cadre professionnel »
Dans cette déclaration qui est faite lorsqu’il visionne une simulation de vente de stagiaires, Albert nous donne un autre élément très intéressant. En effet il nous révèle que le fait de pouvoir utiliser le plateau technique comme simulateur pour mettre en situation professionnelle les stagiaires dans leur apprentissage, permet d’atteindre une autre dimension de la formation qui ne se résume pas à préparer un diplôme mais bien de travailler les savoirs techniques et savoirêtre dans un métier où ce sont des compétences dominantes.
Analyse de la composante personnelle :
Nous avons en premier lieu repérer des traces de cette composante dans les transcriptions vidéos :
« j’ai participé à des formations sur la vente (…) j’ai fait un suivi de stage, euh c’est un[peu audible] gamin dans un carrefour market (…) ça ça remonte souvent, c’est ce que je constate moi dans les ventes, il manque des précisions (…) moi j’ai déjà vu des vendeuses, moi j’ai été même victime de ça (…) Moi j’ai vu la personne elle a pris la veste quoi ».
Dans son discours adressé aux stagiaires pendant les cours, Albert fait souvent référence à ses expériences passées dans le métier de vendeur puis de manager. Il s’appuie également sur ces expériences actuelles de responsables de formation en charge des suivis et évaluations des stagiaires sur leur lieu de stage, enfin il évoque des expériences plus personnelles de client en magasin.
Nous retrouvons les mêmes indices dans l’entretien d’auto-confrontation qui confirme une composante personnelle très forte dans les pratiques professionnelles d’Albert :
« c’est vrai que je suis très actif. Je pense aussi que ça fait partie de ma personnalité, j’étais comme ça aussi dans le commerce (…) c’est aussi mon côté expérience professionnelle, qui fait que voilà je connais toutes les difficultés, les points positifs ou négatifs du métier (…) par rapport au métier moi tout de suite je vois toujours qualité compétences liées au métier ».
Albert rend tout à fait visible cette composante et nous montre qu’elle est au cœur de ses pratiques professionnelles notamment lorsqu’il donne des exemples en cours transmissif ou lorsqu’il forme sur simulateur :
« C’est des situations de vente que j’ai déjà rencontrées, en fait c’est les difficultés que tu rends compte toi quand tu as été vendeur et même quand t’étais manageur, des retours d’expérience et tu te dis tiens c’est des choses qui peuvent te mettre en difficulté (…) j’ai un bagage dans la tête de profil de client, je m’adapte à chaque fois ».
Il mobilise ses anciennes pratiques pour les transmettre aux stagiaires et les utilise également parfois pour légitimiser les connaissances et savoirs qu’il transmet.
La composante personnelle d’Albert est très riche, en plus d’une solide expérience en commerce, qu’il fait partager aux apprenants afin de les rendre plus engagés dans leur formation, il utilise l’humour et explique pourquoi :
« Alors en fait j’utilise pas mal l’humour dans mes cours parce que à un moment donné ça permet de détendre, de détendre et pis surtout comment dire je pense aussi que c’est positif, ça crée un lien avec le groupe ».
Tout comme Chantal, nous cernons dans le discours d’Albert que la répétition dans la transmission des connaissances et des savoirs est importante :
« Donc voilà encore une fois j’essaye de lui expliquer toujours d’expliquer les choses (…) Je revois, ça été vu il n’y a pas si longtemps que ça et voir s’ils sont capables quand même de me ressortir des choses, de voir vraiment concrètement s’ils mémorisent les choses ou pas quoi et là c’est flippant quand tu vois que tout le monde n’a pas retenu les notions c’est vraiment flippant, c’est flippant tu te dis pourtant tu l’as donné, tu l’as donné à l’écrit, tu l’as donné oralement, tu l’as donné en simulation, en mise en situation voilà (…) justement je refais le cours aussi parce que, pourquoi je refais ça parce que justement tu te dis attends, je vais quand même leur donner si c’est pas encore enregistré, une fois de plus pour qu’ils enregistrent, mais brièvement ».
A travers cette déclaration nous percevons une inquiétude de la part de ce formateur. Malgré de nombreuses interventions sur le même sujet et une approche composite dans la médiation avec support écrit, oral et gestuel, les objectifs peinent à être atteints.
Nous avons relevé un dernier élément à la fin de l’entretien d’auto-confrontation qui nous parait éclairer l’ensemble des pratiques professionnelles d’Albert. Ce moment se situe lors du visionnage de la dernière séquence de la vidéo :
« finalement dans ma communication avec eux, c’est vrai qu’à ce moment-là je pense que je suis en mode manager, suis vraiment manager avec une équipe en fait et c’est vrai que ça me rappelle quand j’étais manager, quand je me vois comme ça je leur parle c’est comme si je parlais à mon équipe en fait, mais c’est vrai qu’à ce moment-là je suis comme ça, vraiment, je reprends mon rôle de manager que j’étais et je leur donne des conseils, des simulations et du coup c’est vrai que voilà. Et c’est vrai que là je le vois sur la dernière action, mais en fait depuis taleur je fais ça je me rendais pas compte tu vois ».
L’usage du simulateur transforme les pratiques d’Albert, finalement il passe du rôle de formateur à celui de manager qu’il était auparavant, ce qui nous éclaire sur la place que prend cette composante personnelle dans ses pratiques et l’influence qu’elle exerce particulièrement sur la composante médiative. Nous traiterons dans la partie suivante l’interaction avec le simulateur en tant qu’artefact dans le cadre de l’approche instrumentale.
6.4 Analyse de l’usage du simulateur dans la médiation des savoirs
Nous utilisons le cadre des genèses instrumentales car nous cherchons à savoir comment les formateurs se servent du simulateur en tant qu’artefact et comment ils l’instrumentalisent pour médier les savoirs et les connaissances.
Nous analysons les transcriptions des vidéos et des entretiens d’auto-confrontation pour récupérer des indices qui caractérisent comment le magasin sert de médiation entre le formateur, les stagiaires et les savoirs.
Nous identifions des traces d’instrumentation et d’instrumentalisation pour éclairer quels aspects du magasin fictif en tant que simulateur sont instrumentés ou pas par les formateurs.
Nous focalisons notre analyse sur une seule des activités mises en situation dans les cours de Chantal : l’analyse des produits en rayon pour déterminer les quantités à commander.
6.4.1 Instrumentation
Au cours de leurs tâches, les formateurs ont instrumenté et instrumentalisé le magasin fictif en l’utilisant comme outil de médiation des savoirs. Nous relevons principalement des traces de monstration dans les pratiques des formateurs qui se caractérisent par des schèmes d’utilisation pour créer l’interaction entre les savoirs et les formés.
Chantal oriente son action à travers des schèmes structurés. Elle est en relation directe avec l’artefact à partir duquel elle a identifié ses potentialités et construit ses schèmes d’utilisation. Elle présente les différents éléments qui composent l’artefact et leur fonctionnement au collectif de stagiaires en associant le geste à la parole :
« donc votre linéaire au sol il est là non, facing c’est là par exemple, (montre dans le rayon un produit présenté sur une face) là j’ai un facing, j’ai une fois le produit, d’accord. Si je viens ici (montre produits sur l’étagère supérieure) j’ai deux facings deux produits, d’accord ? le facing c’est la place prise par un produit dans le rayon (formatrice se déplace en tête de gondole et montre un autre facing aux stagiaires) Là j’ai un facing de deux, là j’ai un facing de un ok ».
Chantal mobilise l’artefact dans son action pour expliquer les différents éléments qui le compose aux stagiaires. Ici, l’artefact est réduit à la double gondole utilisée pour que les stagiaires réalisent la tâche assignée. Pour réaliser cette tâche, Chantal crée une interaction entre l’artefact et l’objet qui est définit par les savoirs à mobiliser pour déterminer les éléments de gestion des produits dans le but de déterminer les quantités à commander pour réapprovisionner le rayon. L’artefact lui sert de support de cours pour redonner les définitions des savoirs langagiers.
Les contraintes et potentialités de l’artefact sont explicités par la monstration afin de permettre aux stagiaires de résoudre le problème donné dans les objectifs de la séance de formation. Cette action instrumentée permet à Chantal de médié le savoir en rappelant notamment dans notre extrait la définition du terme facing qui est systématiquement utilisé dans les référentiels et les pratiques professionnels des vendeurs.
Lorsque Chantal explique la mission confiée aux stagiaires, elle leur donne la procédure à suivre pour pouvoir déterminer la capacité de stockage des produits dans les étagères de la gondole. Elle utilise des schèmes d’action instrumentée comme l’analyse des quantités en rayon, en stock réels et en stocks théorique tout en utilisant des schèmes d’usage comme le calcul (addition, soustraction et multiplication), la prise de mesure et l’étude de la forme géométrique du produit pour conduire la reproductivité et l’assimilation des stagiaires afin qu’ils réalisent par euxmêmes par la suite.
« je vais prendre ma boite à œuf, ma boite à œuf là ici elle est calculée, mais imagine que t’aies pas, que tu l’aies pas dans les rayons. Là on sait qu’on va avoir un seul facing (formatrice prend également un mètre à mesurer) ok, on ne sait pas combien on va en avoir en hauteur, on ne sait pas combien je vais avoir en profondeur donc faut que je calcule tout ça. Donc là pour calculer je vais calculer la hauteur visuelle qui est de 25 (elle prend la mesure de la hauteur du rayon devant les stagiaires) ça c’est la hauteur maximum que j’ai dans mon étagère ma hauteur elle est de 25, ça c’est l’étagère mon produit il est de combien (mesure le produit) approximativement on va dire 8 hein histoire de… (note toutes les mesures au tableau et fait le calcul) ma hauteur de mon produit c’est 8 ».
L’analyse des pratiques d’Albert dans l’usage de l’artefact montre également un usage principalement tourné vers la monstration. Il ne se sert que d’une partie de l’artefact comme Chantal pour focaliser sur la zone vente conseil. Albert donne des scénarii aux stagiaires pour qu’ils réalisent des simulations d’entretien de vente. Ces situations de vente issues de ces expériences passées ne sont pas construites à partir des potentialités de l’artefact car comme il nous le révèle dans l’entretien d’auto-confrontation il a « un bagage de situations dans sa tête » et il mise fortement sur l’improvisation des stagiaires comme observée dans les vidéos.
Il met en œuvre des schèmes d’utilisation en utilisant les produits du simulateur pour étayer des connaissances, corriger des attitudes et des gestes professionnels :
« Dans le domaine du prêt-à-porter c’est primordial, vous montrez une robe à une cliente, y a pas mieux qu’elle regarde (formateur montre avec un vêtement comment présenter le produit à une cliente) si elle a le temps de l’essayer alors là c’est encore mieux. (…) Si vous le présentez voilà (il montre deux produits en même temps) on ça et ça éventuellement, non ? vous aimez pas bon… (ils reposent les vêtements cintrés sur le portant) faut y croire, faut croire en vos produits, c’est pas toujours évident ! Vous travaillez dans des structures, les produits vous y croyez pas forcément, mais vous êtes payé pour y croire, d’accord, c’est la réalité sinon faut changer d’emploi. Donc là faut y croire et faut vraiment être plus convaincant, voilà. (…) Je vous donne un exemple sur la fin quand tu pars sur la chemise, tu dis la couleur, etc.. y a pas que la couleur sur une chemise (le formateur prend un vêtement et montre) y a des motifs, y a beaucoup de choses, y a la coupe, etc… d’accord ».
Ici, Albert instrumente l’artefact pour médier les connaissances entre les sujets et les savoirs. Au-delà du style transmissif, il associe le geste et la présentation de produits concrets pour médier les informations qu’ils souhaitent que les stagiaires intègrent et conceptualisent dans leurs propres pratiques professionnelles. Il se sert de l’artefact et de ses potentialités pour permettre aux stagiaires une prise de conscience de leurs erreurs ou des points à travailler pour être opérationnels dans les situations de vente conseil.
6.4.2 Instrumentalisation
L’instrumentalisation se produit lorsque les formateurs attribuent au magasin des fonctions d’interface médiative entre le savoir et les formés
L’objectif du cours de Chantal est de former les stagiaires aux notions de démarque et de réapprovisionnement du rayon.
Chantal instrumentalise le magasin en enrichissant les propriétés de celui-ci dans le but de créer un nouvel outil permettant de réaliser d’autres activités. Ici elle dote l’instrument, en lui appropriant de nouvelles potentialités, de nouvelles fonctionnalités. La gondole qui permet la présentation des produits va être utilisée comme moyen de déterminer les quantités de marchandises à prévoir pour la prochaine commande.
« je vais vous donner, donc le travail c’est de faire un recensement des produits, euh qui se trouvent en rayon ok donc vous allez avoir chacune une fiche (…) vous me calculez le nombre d’articles que vous avez en rayon sachant qu’il y a eu un peu de fouillis donc vérifiez bien partout si tout est en place, (…) vous allez reprendre vos articles, je vous ai mis 6 articles à peu près chacun, vous allez reprendre le prix unitaire, vous allez me calculer, on va voir un peu le calcul de la capacité à mettre en rayon pour préparer finalement vos besoins pour remplir la globalité du rayon (…)Ensuite bey la commande à prévoir, c’est-à-dire que du coup je me retrouve avec un stock réel, un maximum à remplir, vous faites la différence entre le stock réel et puis ce qu’il y a à commander et puis on fera la commande ».
L’instrumentalisation de l’artefact par Chantal permet, au-delà des compétences et des savoirs associés du référentiel, de faire travailler d’autres savoirs aux stagiaires, notamment dans l’usage des mathématiques. Nous l’observons dans l’entretien auto-confrontation et nous avons relevé les traces suivantes dans les transcriptions pour étayer notre argument :
« Là on est vraiment sur du calcul, même si le calcul il est écrit, mais là je prends l’objet et je montre comment faire le calcul, donc derrière ça logiquement, l’oral plus le visuel plus la mise en application avec le produit, normalement ils sont capables de le faire (…) Le côté manipulation d’un produit différent de l’autre ou une bouteille par rapport à un produit qui est carré, etc… bey voilà c’est, ça semble, c’est comme la bouteille bey on fait comment pour la calculer ».
Pour Chantal, la manipulation pratique des produits en magasin facilite la compréhension et la réalisation des calculs de bases qui doivent être maîtrisés pour réaliser les activités liées à la gestion des produits. Elle instrumentalise donc l’artefact dans le but non seulement de permettre la réalisation des activités du cours, mais aussi de faciliter l’appropriation des méthodes de calculs qui pourront être transférées ensuite dans des études de cas écrites.
Nous avons également relevé une instrumentalisation de l’artefact dans les pratiques d’Albert. L’artefact permet de réaliser des simulations d’entretien de vente à partir de produits de prêt à porter. Cependant, afin de permettre la réalisation de sa propre tâche et celle du stagiaire, Albert a opéré une transformation des potentialités de l’artefact afin d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés pour sa séance de formation. Albert dote l’instrument d’une nouvelle potentialité en introduisant des nouveaux produits, des téléphones portables, issus spontanément d’une collecte effectuée dans le groupe. Il transforme un meuble en présentoir d’articles en téléphonie :
« Ouais, on peut faire sur les téléphones. Par contre il va falloir, moi je vais poser mon superbe iphone 10 (rire des stagiaires) on va les mettre là (il les installe sur la table de présentation des produits avec S3) (…) ben oui, mais si vous avez des clients qui ne veulent pas de smartphone. (formateur finit d’installer les 6 téléphones) superbe ».
6.4.3 Apports du simulateur pour les formateurs
Lors des entretiens d’auto-confrontation, les formateurs ont déclaré différentes informations quant à l’usage du plateau technique et ce qu’il leur apporte dans leurs pratiques professionnelles.
Pour Chantal, la médiation des savoirs sur simulateur permet d’adapter ses pratiques professionnelles et d’obtenir d’autres résultats en matière de performance et d’implication des stagiaires :
• Rendre actif les stagiaires et donner un cours plus attractif
« Là comme tout le monde est actif, tout le monde fait quelque chose bey c’est vrai que voilà c’est pas grave on va reprendre avec lui et rebelote. Ouais c’est complètement différent en terme, en terme d’approche, de conduite du cours, c’est plus léger comme ça même si on est sollicité beaucoup, mais c’est plus light ».
• Les mettre en difficultés pour favoriser les apprentissages tout en facilitant les efforts de conceptualisation
« Tu prends un produit, fin c’est ludique, tu bouges, tu fais les choses, c’est dedans, si ça avait été en cours je veux bien à un moment donné t’es obligé d’aérer parce que t’es concentré, t’essayes d’imaginer machin, que là t’es dans l’action (…) moi j’aime bien les mettre en pratique directement parce que ils sont confrontés à toutes les difficultés qu’ils peuvent rencontrer en situation réelle. Et pis voilà, je pense qu’à un moment donné se retrouver face à des produits alors que quand t’es en cours t’es obligé d’imaginer, de faire l’effort de te mettre devant un rayon (…) c’est vrai que le fait de le faire en direct facilite quand même pas mal de choses ».
Pour Albert, former sur simulateur transforme ses pratiques habituelles et facilite la transmission des savoirs et la relation des stagiaires aux séances de formation. Le magasin fictif donne une autre dimension à la formation qui s’éloigne du cours traditionnel nécessitant des adaptations importantes notamment pour les interventions d’Albert, qui faisait appel à une grande faculté d’improvisation et d’imagination de la part des stagiaires pour réaliser des simulations de vente sans support matériel :
• Faciliter et adapter l’objet de formation
« c’est vrai qu’habituellement je fais des simulations en salle, bon ça c’était avant qu’on ait le plateau technique forcément donc là plateau technique ça change les choses. Quand tu sais que tu vas arriver dans l’étape de simulation de vente ou autre maintenant je descends en bas directement quand j’ai une séance complète ».
• Rendre l’ambiance de formation plus attractive et sensibiliser davantage l’intérêt des stagiaires
« c’est que l’atmosphère est apaisé, là on est dans une ambiance plutôt sympa, ça favorise l’échange et puis à un moment donné quand tu vois que tout le monde participe (…) le plateau technique (…)c’est intéressant parce que du coup plus ils sont proches, plus c’est difficile à les comment dire, à les maintenir parce que plus t’es proche, plus tu discutes. Là ça fait un peu salle à manger quoi, finalement donc là c’est le petit danger de cette zone-là (…) tu vois les stagiaires se mettent quand même dans la situation même eux sont plus à l’aise. Tu vois quand même la différence entre là, ou même au niveau du placement, au niveau des mouvements c’est-à-dire voilà ils sont là, ils prennent les vêtements, t’as une sorte de comptoir, etc… pour simuler aussi la caisse donc c’est vraiment plus vivant aussi et c’est beaucoup plus intéressant. Alors pour moi oui c’est un outil super intéressant, super intéressant »
• Sensibiliser davantage l’intérêt des stagiaires
« c’est de la bonne dépense d’énergie parce que tu vois aussi l’utilité, tu sens aussi comment dire qu’il y a plus d’écoute, plus de, ça percute plus, il y a une meilleure sensibilisation aussi des stagiaires et c’est super intéressant ».
Notre analyse reste bien évidemment incomplète au regard de la richesse de notre corpus, mais nous avons choisi de nous limiter à l’observation des déterminants des pratiques des formateurs au sens de la double approche pour appréhender le métier dans sa globalité et au sens des genèses instrumentales pour observer l’influence que peut exercer un artefact dans ces pratiques.
L’objet de notre recherche était d’observer les formateurs en situations de cours face à face dans deux contextes différents. Dans un premier temps, nous avons pu caractériser les pratiques des formateurs au sens de la double approche. Dans un second temps, nous avons pu observer et comparer ces pratiques dans l’usage d’un simulateur, considéré comme un artefact au sens des genèses instrumentales, pour déterminer quelles influences se jouent dans ce contexte d’apprentissage spécifique.
Nous argumenterons notre discussion autour de trois points. En premier lieu, nous discuterons les pratiques stables des formateurs sur deux aspects : les invariants dans leurs pratiques communes et les invariants dans leurs pratiques respectives quant à l’usage ou non du simulateur. Puis, nous discuterons des variations constatées dans l’usage du simulateur en tant qu’artefact et nous terminerons notre discussion sur l’influence du simulateur dans les pratiques de formateurs.
7.1 Déterminants des pratiques des formateurs
7.1.1 Invariants dans les pratiques communes aux formateurs
L’analyse des résultats révèle une stabilité dans les pratiques des deux formateurs observés. Ils adoptent tous deux le même processus de contextualisation en formation au niveau des temps de prise de parole dans les interactions. « Les processus de contextualisation désignent l’ensemble des relations interactives entre l’enseignant et le contexte en cours d’action » (Marcel, 2002, p. 104). Avec ou sans simulateur, Chantal et Albert dominent largement l’espace phonique, avec un contenu de leurs interventions axé sur le savoir technique et les connaissances méthodologiques de travail.
L’analyse textuelle réalisée avec IRaMuTeQ nous confirme que le discours des formateurs est dissocié et bien spécifique à leur champ d’intervention professionnel. En croisant les résultats de l’analyse lexicométrique avec le contenu des référentiels, nous pouvons affirmer que Chantal et Albert ont une parfaite maîtrise des contenus qu’ils doivent transmettre dans leurs champs d’intervention respectif.
En mobilisant le cadre de la double approche pour observer les pratiques des formateurs, nous avons également observé lors des entretiens d’auto-confrontation, que les formateurs ont totalement intégré la dimension institutionnelle et sociale relative aux programmes qu’ils doivent réaliser dans un temps imparti plutôt court et en même temps professionnaliser les stagiaires pour favoriser le retour à l’emploi. En effet, nous savons que dans cet organisme de formation, le CAP vente est préparé sur une année scolaire et non deux comme en formation initiale et que le Bac Pro Commerce est préparé sur quinze mois au lieu de trois ans. Les enjeux de la réussite aux examens font également partie intégrante de cette dimension institutionnelle car les formateurs savent qu’en cas de taux de réussite et d’insertion professionnelle passables, le financeur peut décider d’interrompre ses crédits de formation pour les années suivantes. Préparer les stagiaires aux examens, nécessite de pouvoir voir tous les programmes du diplôme, permettre le retour à l’emploi, nécessite de professionnaliser les stagiaires par la construction de compétences attendues sur le marché de l’emploi, nous pouvons faire l’hypothèse que les formateurs ne peuvent se permettre de perdre du temps et qu’ils monopolisent souvent l’espace phonique dans le souci de transmettre les contenus des programmes et d’apporter un maximum de connaissances aux stagiaires pour qu’ils puissent construire les compétences attendues.
Autres invariants observés chez nos deux formateurs : l’utilisation de supports écrits, quel que soit le contexte de formation, et la recherche d’interactivité dans les échanges formateurs / stagiaires. Ceux-ci sont provoqués par les formateurs par un questionnement permanent, notamment lorsqu’ils exercent leur activité en salle de cours, où ils utilisent principalement des questions ouvertes (pour Chantal 5 fois plus que les questions fermées, pour Albert 3 fois plus que les questions fermées) afin de créer du dialogue et de faire progresser les stagiaires par leur propre réflexion sur les contenus traités.
Un enseignant qui privilégie le cours magistral ne laissera se développer que des questions relativement fermées, et répondra en donnant surtout des compléments d’information ; un autre qui essaie d’abord de laisser travailler les élèves répondra aux incidents en relançant le plus possible les questions (Robert et Rogalsky, 2002, p. 520).
Les formateurs ne sont pas dans une approche « cours magistral » au sens strict du terme car ils ne développement pas, comme le disent Robert et Rogalsky, les questions fermées mais ouvertes. Ils sont ouverts sur leur environnement et sur le groupe social mais font manifestement preuve de compensation, face pour l’un au manque de réponse constructive pour faire avancer les cours, face aux silences récurrents pour l’autre, en adoptant un style transmissif qui n’était pas forcément calculé au départ, notamment lors de la phase de préparation du cours.
L’individualisation systématique de la formation est également un invariant observé dans la composante médiative. Elle s’opère dès que les formateurs utilisent le simulateur. Nous avons pu accéder à la composante personnelle lors des entretiens d’auto-confrontation, au cours desquels les formateurs nous ont déclarés que, pour eux, former sur le simulateur, ce n’était pas vraiment « donner un cours » et que le rapport aux savoirs et à la relation avec les stagiaires était complètement différent, plus propice à travailler avec chacun selon chaque besoin, selon chaque difficulté. Leur déclaration nous éclaire sur le nombre de répétitions constatées lors des séances sur simulateur : reprendre et répéter les mêmes éléments de savoirs permettrait la construction des connaissances.
Selon Robert (2007),
Nous prenons aussi compte de l’ensemble des tâches proposées et de leurs répétitions. C’est ainsi que les « mouvements » de connaissances provoqués par les exercices, y compris leurs reprises, sont pris en compte comme variables dans la construction éventuelle de ces connaissances à partir des exercices (p.276).
Comme nous l’avons vu auparavant dans le contexte et le cadre théorique, nous estimons que les formateurs s’apparentent aux enseignants dans leur pratiques et c’est pourquoi nous avons choisi une lecture des pratiques au sens de la double approche. Toujours dans la même réflexion et en s’appuyant sur les travaux de Robert, nous transposons les exercices de la citation cidessus, aux tâches réalisées par les stagiaires, sur simulateur pour démontrer que les savoirs sont mis en actes par le jeu de la répétition afin de construire les compétences attendues.
Nous nous avançons peut - être un peu mais il semble ici que le simulateur vu comme un milieu de travail peu ordinaire par rapport à ce que vive habituellement les formateurs exercent une première influence sur la mise en condition des pratiques des formateurs.
A travers leurs composantes cognitives et médiatives, nous lisons que les formateurs cherchent à conduire une interaction didactique dans la dynamique du groupe de stagiaire en cohérence avec leur composante personnelle respective. Tous deux partent du postulat que les savoirs et connaissances nécessitent d’être répétés car les stagiaires ont un niveau faible. Pour eux, former à l’aide d’un simulateur favorise ce mode de médiation des savoirs, que l’environnement « salle de cours » ne permet pas ou que les formateurs ne s’autorisent pas.
7.1.2 Variabilités des pratiques de nos formateurs observés
Nous avons observé des divergences dans la médiation des contenus de formation dans les deux contextes de formation : avec et sans simulateur. Chantal a construit une situation problème en mobilisant des savoirs déjà transmis aux stagiaires dans un précédent cours et des savoirs encore non transmis, cette situation problème, qui consiste à déterminer les quantités à prévoir pour la prochaine commande est réalisée individuellement par les stagiaires avec pour support deux grilles de travail qui permettent de passer par des repérages et calculs intermédiaires.
L’organisation des tâches à mener ainsi que l’apport de savoir et de connaissance sont introduits collectivement par le formateur en début de séance, puis les réalisations sont individualisées. En parallèle, les stagiaires doivent également procéder à la réception d’un colis de marchandise, nous découvrons à la fin de la séance qu’il s’agit d’une évaluation, que le formateur n’avait pas indiqué en début de séance. Bien qu’elle ait organisée une séance de formation complexe du point de vue du nombre de tâches à réaliser, il apparait que c’est dans ce contexte que la transmission des savoirs et des connaissances est la plus importante. La séance en salle organisée et animée par Chantal est entièrement conduite à partir de deux dossiers que les stagiaires ont précédemment travaillé individuellement. L’objectif de la séance est de vérifier collectivement les informations à remplir dans ces documents. Nous aurions pu penser que les apports auraient été plus important en salle puisque Chantal utilise des ressources puisées dans des ouvrages et les utilisent comme guide pendant toute sa séance. Nous pouvons en déduire que c’est justement le fait d’utiliser des supports qu’elle n’a pas créés et qu’elle ne sait pas appropriés, qui la cloisonne dans les apports cognitifs et qui l’empêche de sortir du corrigé proposé par l’éditeur des ressources.
Contrairement à Chantal, Albert introduit les objectifs de la séance et ne transmets aucun savoir ni connaissance. Il met en place rapidement les simulations d’entretien de vente. Il s’appuie sur les prestations individuelles pour dans un premier temps faire un retour sur les points positifs et à améliorer du stagiaire pour ensuite ouvrir sur le collectif en donnant les apports de savoir et de connaissance. Les documents utilisés par les stagiaires dans les deux séances ont été créés par le formateur. Lors du cours en salle, les apports cognitifs sont transmis collectivement et oralement aux stagiaires qui ne prennent aucune note malgré la générosité du formateur quant aux quantités d’informations qu’il délivre. Les stagiaires se contentent du document transmis par leur formateur. Albert s’appuie sur ses connaissances professionnelles qu’il a adapté selon les contenus des référentiels et surtout sur ses connaissances personnelles du métier, pour médier les savoirs.
Nous pouvons affirmer que ce sont les valeurs et connaissances personnelles de chaque formateur qui les conduisent à agir si différemment. Nous pouvons également penser que c’est le souhait individuel de chacun de pourvoir agir dans un environnement pesant de contraintes institutionnalisées, qui les poussent à agir : soit ils utilisent librement la marge de manœuvre dont ils disposent, soit ils cherchent le confort et la sécurité des manuels scolaires conçus à partir des programmes.
Cette dimension personnelle nous semble particulièrement influencer les pratiques des formateurs en ce qui concerne le regard qu’ils portent sur le public. En effet, dans l’analyse nous avons repéré que Chantal fait beaucoup de répétition notamment parce que les stagiaires sont faibles, ils ne comprennent pas et selon elle, c’est en répétant qu’ils vont finir par « enregistrer » : « Tout le temps, mais je rabâche tout le temps avec elle, elle ne comprend pas (…) Ah ça c’est pareil c’est David ! Il comprend pas non plus ! (…) C’est vrai que Vincent c’est pareil il a du mal à comprendre (…) Ah bey là la multiplication, la division il sait pas faire, il ne connait pas ses tables donc forcément (…) je suis sûr que tu leur redonnes un truc à faire, ils n’y arriveront pas. Mais après mon ressenti euh j’ai pas de ressenti plus que ça, j’ai même pas d’énervement, parce que je le sais par avance de toute façon que c’est peine perdue entre guillemets, le jour où il arriveront à me le faire, super, je serai super contente quoi ! Mais il y a des fois c’est du peine perdue parce que tu connais le niveau des gens (…) au bout d’un moment tu fais, tu rabâches, tu rabâches, tu rabâches, tu rabâches. Mais là c’est parce qu’on est en action ».
Elle exprime également la nécessité de noter au tableau pour que les stagiaires gardent un visuel et de manipuler devant eux pour qu’ils comprennent : « J’ai associé le geste et on s’aperçoit qu’il y en a même avec ces 3 choses-là, c’est très compliqué ».
Nous pensons au regard des propos tenus par Chantal, que sa perception du public influence ses pratiques et qu’elle adopte un certain automatisme invariant de répétition inlassable, face aux publics qu’elle estime faibles et en grande difficulté.
« Je vais toujours vers les plus faibles. Alison qui est bonne, elle va m’interpeler pour être sûre que ce qu’elle fait est bon, mais elle ne m’interpellerait pas elle le ferait ça serait bon quand même.
Voilà et donc de temps en temps hop, clac, Louise je l’appelle régulièrement parce que je vois qu’elle ne capte pas ».
Chantal individualise principalement la transmission des savoirs et des connaissances en fonction des difficultés des stagiaires. Elle n’intervient qu’auprès de stagiaires qui la sollicite et auprès de ceux qu’elle sait en difficultés.
Albert a une autre approche du public même si tout comme Chantal, la répétition fait partie de ses pratiques. Son discours lors de l’entretien nous laisse percevoir qu’il voit en eux de futurs professionnels de la vente qu’il faut entrainer par la répétition de mises en situation en associant les mêmes apports de savoirs répétés en vue de permettre la prise de conscience et l’intégration des bons automatismes.
« J’essaye de lui expliquer toujours d’expliquer les choses, d’essayer de faire changer les choses dans sa tête aussi qu’il comprenne que voilà pour être dans ce métier-là faut être, faut être vraiment motivé, faut être impliqué, faut être costaud, c’est ce que je dis à chaque fois, mais faut être fort et comment dire, et à la fin il change un petit peu (…) tu t’interroges parce que tu te dis est-ce que la personne est faite pour le métier, c’est plus ça qui te dérange, parce que toi tu te dis t’es quand même là le stagiaire, t’es sensé l’amener vers un métier »
Contrairement à Chantal, Albert ne se focalise pas sur les faibles et ne prend pas spécialement appui sur les forts. Il partage son savoir avec tous les stagiaires et n’hésite pas à les valoriser et cherche à développer individuellement leurs compétences en fonction du niveau qu’ils ont atteint à ce stade de la formation. Son rapport face aux échecs l’interroge autrement, il n’envisage pas un manque de travail on une incompréhension, il se demande si le stagiaire est fait ou non pour le métier visé.
Au regard de cette première phase de discussion, nous pensons que les pratiques des formateurs sont stables et cohérentes du point de vue de la dimension cognitive influencée par la composante institutionnelle et personnelle. Cependant il nous semble que la dimension personnelle de chaque formateur influence particulièrement leur façon de médier les contenus, constat qui s’observe nettement dans l’usage de l’artefact.
7.2 Variabilité des pratiques dans l’usage de l’artefact
Nos deux formateurs n’utilisent pas le simulateur de la même manière. Chacun instrumente que certaines potentialités de l’artefact qui est un magasin fictif conçu en plusieurs zones, comme on peut l’observer dans de nombreux points de vente, par un autre formateur que ceux observés.
Ces propriétés doivent permettre de former en « blocs de compétences » par l’acquisition d’un savoir agir et réagir dans une situation professionnelle donnée et en lien avec les référentiels. L’objectif est de permettre aux formateurs de ne plus se limiter à la transmission verbale et écrite de savoirs (savoirs techniques, savoirs relationnels, savoirs organisationnels) mais de les transformer en savoirs en actes grâce à l’usage du magasin fictif pour pratiquer des situations professionnelles simulées.
Chantal instrumente la zone libre-service de l’artefact. Nous avons pu observer à travers les transcriptions et les traces écrites que la situation de travail simulée ont fait l’objet d’une préparation. Elle a préparé deux grilles d’analyse des produits sur informatique et les a codifiés différemment avec une liste de 6 produits à étudier par les stagiaires, chaque grille présente des produits différents. Elle a également préparé deux documents manuscrits présentant des informations nécessaires à la détermination des quantités qui reste en rayon (stock théorique et stock réel) Pour arriver à ce premier résultat de préparation nous nous rendons compte que Chantal a nécessairement étudié l’artefact et ses potentialités, pour préparer les supports permettant aux stagiaires de réaliser leurs tâches. Ensuite nous observons à travers son discours qu’elle a glissé des erreurs, des anomalies. L’objectif de la séance, les tâches à réaliser et les anomalies volontaires sont présentés dans un scénario d’ensemble aux stagiaires.
« il y a eu beaucoup de monde donc on se retrouve avec un magasin qui est un peu sens dessus dessous (…). Sur cette première fiche vous aurez les désignations, vous regardez-vous aurez le code barre s’il est pas noté vous le noté, euh, vous avez le prix unitaire, donc si le prix unitaire est affiché, vous savez très bien que c’est important qu’on ait les prix unitaires sur les rayons donc si il est affiché vous le notez, s’il est pas affiché vous le signalez (…) vous me calculez le nombre d’articles que vous avez en rayon sachant qu’il y a eu un peu de fouillis donc vérifiez bien partout si tout est en place ».
Chantal s’est donc elle-même, en tant que sujet, approprié l’artefact afin de construire des schèmes d’usage comme les différents calculs algébriques et les prises de mesures que les stagiaires doivent réaliser pour ensuite les associer à des schèmes d’action instrumentées comme l’analyse qui émane des résultats aux calculs.
Dans la dimension médiative dans laquelle l’artefact est médiateur, Chantal se sert de l’artefact afin de proposer des tâches à réaliser aux stagiaires ce qui fait l’objet d’une médiation pragmatique et lorsque les stagiaires sont en difficultés, l’artefact lui permet de prendre connaissances des difficultés ce qui relève d’une médiation épistémique. Pour pallier les freins rencontrés par les stagiaires, elle utilise la monstration et crée une médiation pragmatique d’une autre nature.
Nous avons pu observer que Chantal instrumentalise l’artefact en lui attribuant de nouvelles fonctions qui ne sont pas forcément celles attribuées dans une situation professionnelle réelle, notamment sur la prise de mesure et les calculs. Une gondole a pour fonction la présentation et le stockage des produits en magasin, ici Chantal transforme l’objet en outil de mesure et de calcul. L’instrumentalisation observée permet d’enrichir les propriétés initiales de l’artefact et travailler d’autres savoirs avec les stagiaires qu’ils pourront réutiliser ultérieurement dans d’autres situations de formation. Par ailleurs, cette instrumentalisation permet de donner du sens aux tâches demandées et s’inscrit totalement dans des logiques d’action pour la mise en œuvre des savoirs en actes car elle oblige les stagiaires à mobiliser des savoirs transmis dans d’autres modules comme les mathématiques ou de réactiver des savoirs endormis comme les unités tableaux de de conversion et les tables de multiplication.
Albert utilise différemment les potentialités de l’artefact. Il se focalise sur la zone vente-conseil. Contrairement à Chantal, il n’a pas préparé de scénario global et utilise les mêmes documents que dans la première séance de formation. Il donne spontanément en aparté, à chaque stagiaire endossant le costume du client, un rôle spécifique à tenir et laisse ensuite les deux protagonistes improviser. Nous observons qu’Albert n’a pas préparé sa séance de formation en s’appropriant les potentialités de l’artefact puisque dans les scénarios qu’il transmet aux stagiaires ne répondent pas forcément à ce que peut faire l’artefact tel qu’il est conçu. A titre d’exemple, Albert donne deux situations comme l’achat de lingerie et une tenue de motard. Or, l’artefact n’a pas été conçu pour répondre à ces situations, il demande alors aux stagiaires de faire preuve d’improvisation et d’imagination comme ils l’auraient fait en salle de cours en simulant des situations d’entretien de vente sans produits.
Albert utilise principalement des schèmes d’usage lorsqu’il manipule les produits dans le rayon qu’il associe également à des schèmes d’action instrumentées pour montrer aux stagiaires comment argumenter et comment présenter efficacement un produit à un client. Ici, l’artefact permet à Albert de concrétiser et de légitimiser les contenus de son discours. La manipulation des produits, souvent appuyée sur l’imitation de la situation qu’il vient d’observer, permet de faire prendre conscience aux stagiaires de leurs erreurs quant aux gestes et comportements appropriés dans la situation de vente.
Il instrumentalise très peu l’artefact. Nous avons observé une seule situation dans laquelle il transforme les propriétés d’une partie de l’artefact pour permettre une situation de vente en téléphonie.
Albert se sert également de l’artefact afin de proposer des tâches à réaliser aux stagiaires (entretien de vente) ce qui fait l’objet d’une médiation pragmatique et lorsque les stagiaires rencontrent des difficultés, l’artefact lui permet de prendre partiellement connaissance des difficultés. En effet c’est bien dans le discours des stagiaires qu’il vient principalement apporter des conseils tout en argumentant sur les savoirs associés et à maitriser pour l’acte de vente. L’artefact ne renvoi des difficultés que sur la manipulation des produits, la gestuelle et la posture des stagiaires ce qui relève d’une médiation épistémique. Albert corrige en proposant des alternatives possibles en utilisation à son trou l’artefact ce qui, ici relève d’une nouvelle médiation pragmatique. Pour pallier les freins rencontrés par les stagiaires, elle utilise la monstration et crée une médiation pragmatique d’une autre nature.
L’artefact présente des limites dans les pratiques d’Albert mais cela ne nous parait pas être un frein dans ses pratiques. Deux indicateurs nous le confirment : Albert fait appel à l’improvisation et à l’imagination des stagiaires, il réutilise le mode transmissif systématiquement comme à son habitude. D’ailleurs, lors de l’entretien d’auto-confrontation, Albert nous a confirmé qu’il a toujours travailler les situations d’entretien de vente par des simulations mais qu’elles étaient auparavant réalisées dans une salle de cours banalisée et intégralement basées sur l’imagination.
L’usage de l’artefact, intégré dans les pratiques des formateurs, est donc bien différent mais cohérent avec la dimension cognitive de chacun avec une forte prise en compte de la composante institutionnelles.
L’instrumentation domine dans les pratiques des deux formateurs et s’observe principalement à travers la composante personnelle de chacun. L’artefact, utilisé de manière différenciée, produit des influences différentes chez nos deux formateurs.
7.3 Influences de l’artefact dans les pratiques des formateurs
L’influence de l’artefact dans les pratiques des formateurs est plus ou moins prononcée. Il nous apparait que l’usage de l’artefact transforme l’ensemble des pratiques de Chantal, contrairement à Albert pour lequel l’artefact semble facilité ses activités habituelles. Dans les deux pratiques observées nous constatons « un objet pragmatique » qui est mis en scène et permet de diagnostiquer un problème pour agir de façon opportune (Pastré, 2008).
Chantal qui a l’habitude de travailler assise dans une salle de cours en utilisant des manuels dédiés aux enseignements professionnels, s’est trouvée dans une tout autre posture en formant sur le simulateur. Elle est restée debout sur la quasi-totalité de la séance et a utilisé des ressources qu’elle a elle-même créé. De plus, les apports cognitifs nous sont apparus comme beaucoup plus nombreux que lors du cours traditionnel. Nous constatons que l’artefact exerce une transformation importante de ses pratiques tant du point de vue cognitif que médiatif, tout en modifiant également la posture physique du formateur.
Nous pouvons supposer que l’artefact a permis à Chantal d’envisager la formation autrement et lui a permis de sortir de son « habitus ».
En ce qui concerne Albert nous n’avons pas observé de transformation significative des pratiques. Faire des simulations de vente a toujours fait partie de ses pratiques :
Chercheur : « tu as toujours fait des simulations pour enseigner cette matière-là ? »
Albert : « Oui toujours »
Il garde la même posture quelque soit le lieu de formation et contrairement à Chantal, l’usage du simulateur réduit les apports cognitifs dans la situation de formation pour laisser place à davantage de conseils et de cadrage professionnel.
L’artefact ne modifie pas les pratiques d’Albert mais les améliore avec plus de confort :
« (…) tu te rapproches un petit peu d’un magasin fictif entre guillemet donc du coup c’est quand même beaucoup mieux et pis surtout aussi tu as toujours le côté observation et tu vois les stagiaires se mettent quand même dans la situation même eux sont plus à l’aise. Tu vois quand même la différence entre là, ou même au niveau du placement, au niveau des mouvements c’està-dire voilà ils sont là, ils prennent les vêtements, t’as une sorte de comptoir, etc… pour simuler aussi la caisse donc c’est vraiment plus vivant aussi et c’est beaucoup plus intéressant. Alors pour moi oui c’est un outil super intéressant, super intéressant »
Nos deux formateurs n’ont pas été formés pour utiliser le simulateur vu en tant qu’artefact. Ce dernier a transformé les pratiques de Chantal car nous supposons qu’elle n’avait pas d’autres alternatives que de créer ses propres outils ayant l’habitude de travailler avec des supports pédagogiques scolaires. L’artefact a un pouvoir intrinsèque particulièrement fort sur les pratiques de Chantal. A l’inverse, Albert qui a l’habitude de réaliser des simulations a transposé ses pratiques et s’est servi de l’artefact sans entrer dans une démarche réflexive. L’artefact influence très peu ses pratiques.
Un autre type d’influence reste à souligner pour compléter notre discussion. Il s’agit de ce que produit l’artefact sur le groupe de stagiaires et l’ambiance de travail. Les deux formateurs, sans en avoir discuté entre eux, attribuent un pouvoir motivateur à l’artefact. Former sur le plateau technique simulateur donnerait un autre sens à la formation autre que le cours traditionnel. La passivité constatée chez les apprenants dans la configuration d’une salle de cours classique disparait au profit d’une activité et d’une réactivité très forte. D’ailleurs nous avons pu observer dans les vidéos, que les stagiaires les plus passifs en salle sont les plus actifs sur le plateau technique. L’artefact mobilise l’énergie et l’intérêt des apprenants, les rend acteurs de leur formation :
« c’est de la bonne dépense d’énergie parce que tu vois aussi l’utilité, tu sens aussi comment dire qu’il y a plus d’écoute, plus de, ça percute plus, il y a une meilleure sensibilisation aussi des stagiaires et c’est super intéressant, je penses que c’est pour ça aussi que t’es éprouvé parce que ça interagit aussi ».
« le fait d’aller sur le plateau technique ils sont en phase, enfin ils sont en pleine action ».
Pour les formateurs, l’artefact influence également le comportement. Albert déclare changer d’identité et revenir à ses anciennes fonctions de manager lorsqu’ils utilisent le simulateur : « c’est vrai que je prends la casquette manager, voilà j’y vais direct, je donne vraiment les éléments, etc… et tu vois qu’ils percutent beaucoup, beaucoup plus ».
Chantal se dit être davantage dans son élément et que le simulateur peut lui donner une réponse à ses besoins et son confort :
« C’est beaucoup plus épuisant là psychologiquement qu’en salle, en salle on tourne, en plateau pardon, en plateau on bouge, on passe de l’un à l’autre, etc… mais c’est moins contraignant. Là il n’y a pas d’activité, c’est mou et moi j’ai besoin de dynamisme dans mon cours (…) voilà pour moi c’est plus facile (…) C’est plus souple, suis moins fatiguée en sortant d’un cours fait sur le plateau technique qu’un cours fait là ».
Les pratiques des formateurs sont principalement dirigées par une dimension personnelle très forte liées à leurs parcours professionnels. Chantal et Albert atteignent tout deux leurs objectifs en utilisant des pratiques stables du point de vue cognitif et influencé par une dimension institutionnelle exerçant une pression importante. Les référentiels de certification ainsi que les contraintes imposées la législation, par l’organisation de la formation et les financeurs sont présents systématiquement dans les pratiques ce qui conditionne un genre professionnel commun à nos deux formateurs et définit par Clot et Faïta (2000) « comme les obligations que partagent ceux qui travaillent » (p. 14).
Leurs pratiques sont pourtant très diversifiées dans la composante médiative et surtout dans l’usage qu’ils font de l’artefact. Ils adoptent chacun un style différencié dans la médiation ainsi qu’une prise de recul dissemblable dans l’instrumentation et l’instrumentalisation de l’artefact. Le style d’un formateur est la transformation qu’il réalise sur le genre professionnel. Clot et Faïta définissent le style « comme une métamorphose du genre en cours d’action » (p. 15).
Notre travail de recherche portait sur les pratiques de formateurs au sens de la double approche et dans l’usage d’un magasin fictif, soit un simulateur conçu sur un modèle grande échelle et permettant la mise en œuvre de situations professionnelles se rapprochant le plus fidèlement possible du réel. Dans notre étude le simulateur a été désigné comme artefact au sens des genèses instrumentales.
Ces deux cadres théoriques nous ont permis de regarder les pratiques de deux formateurs dans le but de cerner objectivement ce qui se jouent selon le contexte de formation avec ou sans simulateur pour être ne mesure de répondre à notre problématique :
Quelle est l’influence de l’usage d’un simulateur dans les pratiques des formateurs d’adultes ?
Nous avons pu répondre à cette question grâce à un matériau particulièrement riche, collecté à partir de quatre vidéos cumulant près de 8 heures de formation et deux entretiens d’autoconfrontation d’une durée totale proche de quatre heures.
Les premiers résultats nous montrent que les déterminants des pratiques sont dirigés à la fois par une dimension institutionnelle influente pour nos deux formateurs ce qui conditionne la stabilité et la cohérence de leurs pratiques. Les savoirs transmis correspondent strictement aux programmes des certifications et l’usage d’un simulateur nous a permis d’observer et d’affirmer que les formateurs transforment leurs pratiques afin de répondre à la « commande » qui leur est faite à travers la législation en vigueur, à savoir permettre l’acquisition d’un savoir agir et réagir dans une situation donnée en lien avec les référentiels dans le but de valider des blocs de compétences.
Toutefois, chaque formateur présente une individualité certaine dans la composante médiative et dans l’usage de l’artefact.
Nous avons observé que nos formateurs, aux parcours très hétérogènes, marquent leurs pratiques par une dimension personnelle très forte mais différente. Pour l’un son parcours et ses expériences passées sont mis en valeur et sont largement utilisés pour légitimiser les savoirs transmis et sa façon de médier les savoirs, qui d’ailleurs ne diverge pas de ses pratiques habituelles dans l’usage du simulateur. Alors que pour l’autre, nous percevons fort bien, que le poids des années d’expériences sur le métier de formateur, donne une autre caractérisation de la composante personnelle qui se révèle dans des certitudes sur la façon de médier auprès d’un public adulte et de faible niveau.
Nos observations ne nous ont pas permis d’aboutir totalement aux mêmes conclusions pour les deux formateurs. Le simulateur nouvellement introduit comme outil de formation dans les pratiques influence ces dernières mais de façon variable.
L’utilisation du simulateur transforme indiscutablement les pratiques d’un formateur avec une emprise, détectée à travers les traces écrites, dès la préparation de la séance de formation jusqu’à l’animation qui s’est vu devenir un véritable marathon dans l’individualisation et l’accompagnement des stagiaires. Alors que pour l’autre formateur, nous avons pu observer une adaptation plutôt légère et sans réelle transformation des pratiques. Dans ce cas, l’artefact utilisé selon ses potentialités, produit un confort de travail dans l’acte de formation. Le formateur compense les limites de l’instrument par le recours à l’imagination et l’improvisation des apprenants.
Les pratiques de nos formateurs semblent se confondre dans un genre professionnel homogène, caractérisé par des obligations émanant de la composante institutionnelle très omniprésente au quotidien dans l’exercice de leur métier. Cette dimension institutionnelle est elle-même une structure composite dans laquelle se croisent et se heurtent, les programmes issus des référentiels de certifications avec les codes de l’Education et du Travail sans omettre les cahiers des charges du financeur principal qu’est la Région Grand Est et la législation en vigueur de la formation professionnelle continue avec la réforme de 2014.
Appartenant au même milieu social et professionnel (Clot et Faïta, 2000), nous pouvons associer la stabilité des pratiques observées comme le genre professionnel des formateurs, et de ce fait, attribuées les divergences au style individuel de l’action des formateurs.
« L’affranchissement du sujet pour agir n’est pas uniquement tourné vers le collectif et ses obligations. Il est aussi tourné vers lui-même. Le style, c’est aussi la distance qu’un professionnel interpose entre son action et sa propre histoire quand il l’ajuste, la retouche en se plaçant en dehors d’elle par un mouvement, une oscillation – là aussi parfois rythmique – consistant à s’en éloigner, à s’en solidariser, à s’y confondre mais aussi à s’en défaire selon de continuelles modifications de perspective qu’on peut considérer aussi comme des créations stylistiques » (Clot et Faïta, 2000, p. 16-17).
Notre matériau, bien que très riche, nous semble un peu léger pour ouvrir une continuité à notre réflexion sur un nouveau cadre théorique évoquant les genres et styles. Une nouvelle observation avec davantage de formateur permettrait d’étayer cette nouvelle réflexion.
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TABLES DES FIGURES ET DES TABLEAUX
Figures :
Figure 1 : la structure d’un référentiel de diplôme
Figure 2 : la compétence selon l’Education Nationale
Figure 3 : Modèles S.A.I. : :la triade caractéristique des Situations d’Activités Instrumentées (d’après Rabardel et Vérillon, 1985)
Figure 4 : schéma simplifié de l’approche de l’activité médiatisée
Figure 5 : modèle S.A.C.I. d’après Folcher et Rabardel (2004)
Figure 6 : Médiations principales, d’après Folcher et Rabardel (2004)
Figure 7 : Médiations interpersonnelles, d’après Folcher et Rabardel (2004)
Figure 8 : Médiations réflexives, d’après Folcher et Rabardel (2004)
Figure 9 : Instrumentation et instrumentalisation dans la genèse d’un instrument, d’après Rabardel (1995) et Gueudet et Trouche (2008)
Figure 10 : Dendrogramme discours des formateurs par IRaMuTeQ
Figure 11 : Dendrogramme champs lexicaux des formateurs par IRaMuTeQ
Tableaux :
Tableau 1 : Extrait Datadock : les indicateurs et les modes de preuves
Tableau 2 : Profil des stagiaires de la formation professionnelle
Tableau 3 : Profil des formateurs
Tableau 4 : Programmation des enregistrements vidéo des séances de formation
Tableau 5 : Programmation des enregistrements audio des entretiens d’auto-confrontation
Tableau 6 : Catégories et sous catégories de la composante cognitive
Tableau 7 : Catégories et sous catégories de la composante médiative
Tableau 8 : Nombre de mots prononcés par les stagiaires CAP Vente séance sur simulateur
Tableau 9 : Répartition du discours stagiaires / formateur
Tableau 10 : Nombre de mots prononcés par les stagiaires CAP Vente séance en salle de cours
Tableau 11 : Répartition du discours stagiaires / formateur
Tableau 12 : Nombre de mots prononcés par les stagiaires Bac Pro Commerce séance en salle de cours
Tableau 13 : Répartition du discours stagiaires / formateur
Tableau 14 : Nombre de mots prononcés par les stagiaires Bac Pro Commerce séance sur simulateur
Tableau 15 : Répartition du discours stagiaires / formateur
Tableau 16 : Eléments du référentiel, traités dans le cours de gestion commerciale en CAP
Tableau 17 : Résultats par catégories pour le discours de Chantal
Tableau 18 : Résultats par catégories pour le discours d’Albert
ANNEXES
ANNEXE 1 REFERENTIEL METIER DE FORMATEUR, MINISTERE DE L’AGRICULTURE
ANNEXE 2 PHOTOS DU PLATEAU TECHNIQUE
ANNEXE 3 : FICHE DE POSTE
ANNEXE 4 REFERENTIELS DE CERTIFICATION CAP
Extrait référentiel CAP Employé de Commerce Multi-Spécialités
Arrêté du 5 août 2004 portant définition et fixant les conditions de délivrance du certificat d’aptitude professionnelle employé de commerce multi-spécialités.
Compétences et savoir-faire
Savoirs associés
Extrait référentiel CAP Employé de Vente Spécialisé Option B : produits d’équipement courant
Arrêté du 5 août 2004 portant définition et fixant les conditions de délivrance du certificat d’aptitude professionnelle employé de vente spécialisé
Compétences et savoir-faire
Savoirs associés
ANNEXE 5 REFERENTIELS DE CERTIFICATION
BAC PRO COMMERCE
Arrêté du 4 mai 2004 portant définition du baccalauréat professionnelle Commerce et fixant les modalités de préparation et de délivrance.
Compétences et savoir-faire
Savoirs associés
ANNEXE 6 SUPPORT DE COURS UTILISES DANS LE COURS DE GESTION COMMERCIALE SUR SIMULATEUR
ANNEXE 7 SUPPORT DE COURS UTILISES DANS LE COURS DE GESTION COMMERCIALE EN SALLE
ANNEXE 8 SUPPORT DE COURS UTILISES DANS LE COURS DE COMMUNICATION EN SALLE ET SUR SIMULATEUR
ANNEXE 9 LOGICIEL IRAMUTEQ ET METHODE REINERT
Présentation générale du logiciel :
IRaMuTeQ signifie « Interface de R pour les Analyses Multidimensionnelles de Textes et de Questionnaires ». Il s’agit d’un logiciel libre multilingue d’analyse de textes et de tableaux de données qui fonctionne en interface avec le langage R (langage de programmation dédié aux statistiques et à la science des données). Le logiciel propose un ensemble de traitement et d’outils pour décrire et analyser des corpus de texte et produits des statistiques par un simple comptage graphique des mots, que le chercheur peut utiliser comme indicateur.
IRaMuTeQ propose un premier traitement des corpus permettant une simplification : « la lemmatisation qui est un procédé qui réduit à une forme canonique de la multitude de formes » (Emprin à paraitre). En d’autres termes, les verbes sont ramenés à l’infinitif, les noms au singulier et les adjectifs au masculin singulier afin de faire apparaitre des occurrences d’utilisation des mots.
Le logiciel s’appuie sur la méthode de classification décrite par Reinert (1983, 1991, cité par Emprin à paraitre).
Méthode Reinert :
Reinert a développé une méthode de classification descendante hiérarchique qui regroupe des unités de contexte en classes ou « mondes lexicaux ». Elle permet « la détermination de mondes lexicaux au moyen de l’analyse statistique des cooccurrences (Reinert,2007, cité par Emprin à paraitre) elle-même basée sur l’approche fréquentiste ou l’analyse géométrique de données » (Benzécri, 1973, cité par Emprin, à paraître).
La méthode permet de repérer le nombre de fois où les mots apparaissent ensemble dans la même unité de contexte soit les cooccurrences.
Pour pouvoir attribuer des mondes lexicaux, le corpus analysé doit être paramétré. Les paramètres sont définis par des lignes étoilées avec des variables. Dans note étude, nous cherchions à analyser le discours de deux formateurs, nos paramètres ont été définit comme suit :
**** INTER_F1 PUBLIC_vente lieu_plateautechnique
**** INTER_F1 publi_vente lieu_cours
**** INTER_F2 PUBLIC_BPRO LIEU_COURS
**** INTER_F2 PUBLIC_BPRO PLATEAU TECHNIQUE
Trois variables ont été paramétrées, les intervenants désignés par F1 et F2, le public désigné par vente pour les CAP vente et BPRO pour les Bac Pro Commerce et enfin le lieu de formation désigné par plateautechnique pour l’usage du simulateur et cours pour la salle de cours classique.
A partir de la méthode Reinert, IRaMuTeQ propose de nombreux outils sur lesquels le chercheur peut s’appuyer pour son analyse, tels que les dendrogrammes, les nuages de mots, les représentations graphiques des Analyses factorielles des Correspondances (AFC) etc… L’intérêt pour le chercheur, d’utiliser l’analyse textuelle et notamment la détermination de monde lexicaux est de pouvoir traiter rapidement les textes et de déterminer si certains phénomènes sont attachés à des paramètres identifiés (Emprin, à paraitre).
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Étiquette(s) de repérage (mot principal)
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