Le travail « partagé » entre le maître E et les professeurs des écoles titulaires de classe.
Le travail “ partagé ” entre le maître E et les professeurs des écoles titulaires de classe
Amélie Caniard
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Amélie Caniard. Le travail “ partagé ” entre le maître E et les professeurs des écoles titulaires de classe. Education. 2016. ffdumas-01392782ff
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Submitted on 16 Nov 2016
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Le travail « partagé » entre le maître E et les professeurs des écoles titulaires de classe
Par Amélie Caniard
Mémoire de deuxième année de Master
Métiers de l'enseignement de l’éducation et de la formation Mention PIF – Parcours Éducation et Formation
Axe de recherche 3 : Analyse du travail du professeur des écoles
Sous la direction de Monsieur Thierry Philippot
2015 – 2016
Remerciements
Ce mémoire de Master est le résultat d'un travail d'initiation à la recherche, réalisé sur deux années. Je souhaite adresser mes remerciements à toutes les personnes qui m'ont apporté leur aide, leur soutien, lors de la réalisation de mon mémoire.
Je remercie tout d'abord Monsieur Thierry Philippot, directeur de mémoire, qui a porté une attention particulière à mon travail. Il a suivi l'élaboration de mon mémoire en consacrant de son temps, en me donnant de nombreux conseils qui m'ont permis d'orienter mon travail afin de pouvoir le mener à terme.
Je souhaite également remercier toutes les personnes rencontrées qui m'ont donné des conseils, qui m'ont donné des contacts afin de pouvoir constituer ma population. Je remercie les directeurs des deux écoles primaires de Châlons-en-Champagne de m'avoir laissée entrer dans leur établissement scolaire et d'avoir mis à ma disposition une salle pour réaliser mes entretiens.
J'adresse mes remerciements aux deux enseignantes spécialisées titulaires du CAPA SH option E ainsi qu'aux trois professeurs des écoles qui ont accepté de participer à mes recherches. Je les remercie pour le temps qu'elles ont pu me consacrer pour la réalisation de mes entretiens.
Je tiens particulièrement à remercier les personnes de mon entourage pour leur patience, leurs encouragements ainsi que pour l'aide qu'elles ont pu me donner au cours de la réalisation de mon mémoire.
Résumé
Résumé : Les professeurs des écoles titulaires des classes sont confrontés à l'hétérogénéité des élèves présents dans les classes. Dans ce contexte, ils sont amenés à travailler avec des enseignants spécialisés du RASED, notamment les maîtres E. Ce mémoire de recherche aborde la question du travail partagé entre ces professionnels. Plus précisément il tente de mettre en évidence : les objets sur lesquels porte le travail partagé, de caractériser l’activité réelle, les empêchements et tensions dans le cadre des prescriptions organisant leur travail.
A partir d’un cadre de référence qui s’appuie sur l’ergonomie francophone et de la clinique de l’activité, nous analysons cinq entretiens réalisés auprès d'enseignants spécialisés et de professeurs des écoles titulaires de classe travaillant ensemble.
Les résultats montrent que ce travail partagé ne subit pas systématiquement les tensions évoquées par les auteurs malgré certaines sources d'empêchement pouvant le mettre à mal. On comprend comment et pourquoi ces enseignants agissent sur les prescriptions officielles pour faire leur travail au quotidien. Ces résultats permettent de mettre en avant quelques éléments susceptibles de favoriser le développement du travail partagé sous certaines conditions : des temps de concertation, du travail d'équipe, des échanges et la confiance mutuelle.
Mots-clés : Maître E, travail partagé, prescription, le réel de l'activité
Sommaire
A. Le travail partagé selon Jean-François Marcel
1. Évolution du contexte socio-historique
2. Reconfiguration du travail enseignant
3. Définition du travail partagé selon Jean-François Marcel
B. Le travail partagé dans le cadre de l’enseignement primaire
1. Les maîtres E : leur rôle pour faire face aux difficultés
2. Les Formes spécifiques de travail partagé entre ces deux professionnels
3. Les causes des difficultés du travail partagé entre ces deux professionnels
B. Travail partagé entre deux professionnels : maître E et enseignant de la classe
C. Travail prescrit et travail réalisé
E. L'utilisation des concepts pour ma recherche
V. Recueil de données envisagé :
B. Les entretiens semi-directifs
C. Les conditions de l'enquête de terrain
D. La méthodologie des entretiens
VI. Analyse de données : résultats et discussions
A. Les objets du travail partagé entre ces deux professionnels
2. La construction d'objectifs communs
3. La transmission de conseils
4. Les différents outils, documents et supports
B. L'activité réelle des deux professionnels
2. Lieu / Moment de communication (formel/informel)
3. Les autres activités menées lors d'une coopération
4. La coopération entre les deux professionnels
C. L'utilité du travail partagé entre ces deux professionnels
1. L’utilité de la communication
2. L’utilité de se transmettre des conseils
3. L’utilité des outils, des supports transmis
4. L’utilité de la co-intervention
Annexe - Entretien d'une maîtresse E : Madame G
Introduction
Étant actuellement en Master Métier de l'Enseignement de l’Éducation et de la Formation mention Pratique et Ingénierie de la Formation parcours Éducation et Formation et ayant comme projet professionnel de devenir professeur des écoles, il m'a donc paru intéressant d'étudier un des aspects du métier d'enseignant. Au sein des établissements scolaires, nous observons de plus en plus que les professeurs des écoles s'inscrivent dans un travail d'équipe et coopèrent avec de nombreuses personnes. Effectivement, ces derniers participent à des projets avec leurs collègues, ont une AVS (auxiliaire de vie scolaire) dans leur classe ainsi qu'un maître E qui intervient afin de les aider à faire progresser les élèves en difficulté. Cependant, nous savons que travailler à plusieurs peut engendrer des difficultés liées au manque de temps, à la personnalité, aux idées, aux centres d'intérêts, aux représentations de chacun. Toutes ces différences entre les individus peuvent se transformer en obstacle à la mise en œuvre d'un travail partagé. De plus, il existe des situations particulières comme celle du maître E. Ce dernier intervient dans plusieurs écoles de manière ponctuelle, il ne travaille pas chaque jour avec la même équipe pédagogique, avec les mêmes collègues. Cette particularité est une difficulté supplémentaire pour mettre en place un travail partagé avec ses collègues ayant une classe. De ce fait, la question que l'on peut se poser dans un contexte particulier comme celui-ci est : comment travaille-t-on avec un collègue qui est très peu présent dans l'école ? Il serait intéressant de voir quels sont les outils et la communication du travail partagé entre ces deux professionnels. Il faudrait également s'interroger sur les liens entre le travail partagé et les prescriptions qui organisent leur travail. De plus, il faudrait regarder l'utilité de leur travail partagé pour leur propre action.
La première partie du mémoire sera consacrée à l'exposé des motifs de ce sujet. Cette partie permettra de comprendre plus finement les éléments qui m'ont poussée à m'interroger sur ce thème. Dans une deuxième partie figureront les recherches effectuées par des chercheurs concernant le métier de l'enseignant, le travail partagé ainsi que les relations existantes entre le professeur des écoles et le maître E. Cette partie reflète l'évolution du métier d'enseignant ainsi que l'apparition d'un nouveau concept : le travail partagé. Elle permettra également de voir les formes spécifiques que ce dernier peut prendre ainsi que les causes des difficultés de sa mise en œuvre. Une troisième partie sera consacrée à la description des concepts mobilisés ainsi qu'à l'explication de leur utilité dans la réalisation de ma recherche. La quatrième partie mettra en évidence les deux questions de recherche auxquelles nous essaierons de répondre lors de l'analyse des données. Dans une cinquième partie sera exposé le recueil de données envisagées. Cette partie sera consacrée à la justification de mes choix méthodologiques pour effectuer mon enquête. On y découvrira également la population ainsi que la présentation de mon corpus. Une sixième partie correspondra aux traitements de mes résultats ainsi qu'à la discussion concernant ces derniers. Ce travail permettra d’aboutir à une conclusion qui sera suivie des références bibliographiques.
I. Exposé des motifs
Durant mes stages effectués dans des établissements d'école primaire, j'ai pu constater que les professeurs des écoles devaient faire face à l'hétérogénéité des élèves présents dans leur classe. Cependant, je me suis rendu compte que ces enseignants ne sont pas seuls face aux difficultés des élèves. En effet, d'autres professionnels de l’Éducation Nationale peuvent venir en aide aux élèves ; c'est le cas du maître E, membre du Réseau d'Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté (RASED). Le professeur des écoles titulaire de la classe est l'enseignant présent toute l'année dans l'école et s'occupant du groupe classe de façon permanente. Le maître E a premièrement suivi une formation initiale de professeur des écoles. Il a exercé comme tel pendant plusieurs années puis il a effectué une formation pour devenir enseignant spécialisé. Il est titulaire du CAPA-SH option E : il a reçu une formation spécialisée qui lui a fait acquérir des connaissances complémentaires des processus d'apprentissage, lui permettant une lecture particulière des difficultés rencontrées par les élèves. Le maître E est alors un enseignant spécialisé chargé de mettre en place des aides spécialisées à dominante pédagogique à l'école primaire. Le maître E a la même place hiérarchique que ses collègues. La particularité de celui-ci est qu'il n'est pas physiquement présent de façon permanente dans l'école, il n'a pas la charge d'une classe. Celui-ci travaille dans une ou plusieurs écoles. On qualifie sa position comme étant décentrée de la classe car il travaille individuellement ou en petits groupes avec les élèves, dans ou hors de la classe mais sur le temps scolaire. Concernant les missions spécifiques du maître E, d’abord il effectue une analyse des acquis et des besoins puis il met en place des dispositifs d'aides ajustés aux besoins des élèves. Il intervient dans le cadre de la prévention (afin d'éviter que certaines difficultés ne s'installent définitivement chez les élèves) ou de la remédiation (cette action se met en place suite à une analyse des besoins particuliers pour certains élèves). Le maître E aide l’élève qui a des difficultés à comprendre et à apprendre, il l’aide à mettre du sens sur les tâches scolaires, à développer des stratégies d'apprentissage, à mobiliser ses savoirs et ses capacités ainsi qu'à (re)prendre confiance en lui.
Dans un premier temps, nous avons pris connaissance des spécificités de l'enseignant de la classe et de celles du maître E. Dans un second temps, je vais exposer les motifs qui m'ont amenée à travailler sur les relations entre ces deux professionnels.
Durant un stage de quatre semaines au sein d'une classe de CP, j'ai pu constater que l’enseignante travaillait en dehors de la classe avec des enseignants du réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), principalement avec le maître E. En effet, à de nombreuses reprises, le maître E venait chercher des élèves individuellement ou par petits groupes. J'ai pu observer que ces professionnels échangeaient énormément entre eux pour faire des constats sur l'évolution des élèves pris en charge. Lorsque le maître E ramenait les élèves en classe, l'enseignante accueillait les élèves en les associant au travail de la classe ou en amorçant un changement d’activité. Le maître E avait un mot positif sur la séance ou bien utilisait une formulation « convenue » indiquant à l’enseignante qu’il était nécessaire de se parler à la récréation suivante. J'ai également remarqué que ces deux professionnels communiquaient en dehors de la classe. Ils échangeaient des mails, des appels téléphoniques, se voyaient lors des récréations et même après les heures de classe, en salle des maîtres. Ils se montraient des travaux des élèves, et élaboraient des activités ensemble. De plus, j'ai remarqué qu'ils réalisent ensemble des entretiens avec la famille. Afin de préparer un rendez vous avec les parents, j'ai pu voir que le maître E et le professeur des écoles titulaire de la classe travaillaient ensemble pour déterminer les points à aborder avec les parents.
Durant un second stage, j'ai constaté que je ne retrouvais pas ce travail entre le professeur des écoles titulaire de la classe et le maître E décrit ci-dessus. En salle des maîtres ou dans la cour de récréation, je n'ai pu observer que très peu d'échanges à propos de ces élèves. La communication était quasi inexistante. De plus, lors du retour en classe, l’enseignante titulaire n’accueillait pas les élèves, voire même ne les remarquait pas.
La nouvelle circulaire du 18 août 2014 « Fonctionnement des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) et missions des personnels qui y exercent », conforte les missions de ces personnels spécialisés tout en permettant de bien cibler leur action sur l’aide et le suivi des élèves rencontrant des difficultés persistantes et la prévention de ces situations. Elle précise aussi comment les aides spécialisées sont organisées pour répondre au meilleur niveau aux besoins repérés. Celle-ci affirme la double mission des maîtres E : l'aide directe aux élèves manifestant des difficultés persistantes d’apprentissage mais également son appui aux équipes pédagogiques. Elle montre l'importance de la prise en considération de la difficulté par l'ensemble de l'équipe, il faut donc prendre en compte la spécificité des missions de chacun, en veillant à ne pas produire de cloisonnements des actions. L'idée est d'apporter ensemble une aide efficace à l'élève en situation de difficulté scolaire.
Durant mes stages, j'ai vu que, pour venir en aide aux élèves en difficulté, le professeur des écoles titulaire n'était pas seul, il peut solliciter, à tout moment, l'aide du maître E. Cependant, je me suis rendu compte que ces deux professionnels n'avaient pas les mêmes relations de travail dans les différentes écoles où j'ai effectué mes stages. De ce fait, j'ai eu envie de réaliser mon mémoire sur ce thème afin de connaître les différents types de relations qui peuvent exister entre le professeur des écoles titulaire de la classe et le maître E et de comprendre ce qui entre en jeu dans la mise en place de ces relations.
II. Revue de littérature
A. Le travail partagé selon Jean-François Marcel
Jean-François Marcel, dans son article De la prise en compte des pratiques enseignantes de travail partagé (2009), évoque l'évolution du contexte socio-historique du travail des enseignants qui a engendré de nouvelles pratiques enseignantes qu'il appelle des pratiques enseignantes de travail partagé. Selon lui, celles-ci reconfigurent l'ensemble du travail enseignant et affectent les pratiques enseignantes.
1. Évolution du contexte socio-historique
Afin de qualifier les pratiques enseignantes, l'auteur effectue un prolongement du modèle Triadique proposé par Bandura (2003) dans sa théorie de l'agentivité. Les pratiques sont alors envisagées comme un système à trois composantes dépendantes l'une de l'autre. La première concerne l'acteur avec ses caractéristiques socioprofessionnelles, son histoire personnelle et professionnelle, ses valeurs ainsi que son expérience. La deuxième composante est le contexte dans lequel l'acteur effectue ses actions (dimensions sociales, matérielles, institutionnelles et symboliques). La troisième correspond à l'action en situation. Nous voyons que, d'après Marcel et Bendura, le professeur des écoles est un acteur dans les pratiques enseignantes mais le contexte a également une influence sur celles-ci. Cette vision est reprise dans l'article de J-F Marcel (2009) ; il précise que l'enseignant pose les jalons de la séance, il décide en partie de son action. Cependant, pour la mise en œuvre, il devra tenir compte du contexte, mobiliser les ressources et s'adapter aux imprévus et aux contraintes. Les pratiques sont donc structurées par des décisions de l'enseignant mais elles sont également sujettes à des variations suite à l'adaptation aux contextes. Selon l'auteur, « elles apparaissent marquées par une sorte de dialectique entre stabilité et variabilité ». (Marcel, 2009, p. 4)
Dans son article, Jean-François Marcel (2009) s'est intéressé aux transformations du contexte professionnel car celles-ci ont influencé les pratiques enseignantes. Il met en avant que le contexte socio-historique de ces pratiques a évolué dans l'ensemble des systèmes éducatifs occidentaux. De ce fait, selon l'auteur, « le « travail enseignant » a fortement évolué ». Afin de comprendre ces changements, les transformations ont été analysées. Dans l'article De la prise en compte des pratiques enseignantes de travail partagé, plusieurs variables sont évoquées. Premièrement, on note l'accroissement de l'autonomie accordée aux enseignants, ils peuvent faire preuve de plus d'initiative. Deuxièmement, il y a la dynamique de professionnalisation des enseignants c'est-à-dire qu'on observe une hausse du niveau de recrutement des professeurs avec la mise en place d'une masterisation. Pour terminer, il est évoqué une responsabilité accrue en tant qu'enseignant mais aussi au sein d'une équipe pédagogique.
Ces éléments décrits ci-dessus participent à l'évolution du contexte éducatif : l'organisation des écoles et la formation initiale des enseignants se transforment. Il est important de prendre connaissance de ces variations car selon Jean-François Marcel (2009) ces transformations du contexte ont des répercussions sur les tâches des enseignants. Pour lui, elles modifient le travail enseignant en développant d'autres modalités de travail. L'auteur caractérise deux types de pratiques enseignantes suite aux transformations du contexte : la pratique traditionnelle des enseignants c'est-à-dire seul face à des élèves avec un savoir à transmettre ; la deuxième concerne les nouvelles pratiques enseignantes : des pratiques interindividuelles (collaboration entre enseignants, partenaires, ou avec d'autres acteurs), des pratiques collectives (sans élèves, les équipes pédagogiques, les conseils). Ce sont « les pratiques enseignantes de travail partagé ».
La société évolue et les façons de travailler des enseignants également. De nombreuses recherches ont montré que le travail partagé est mis en place dans les écoles et que celui-ci a tendance à se développer. Dans l'article, il est écrit « Il est donc de nature à rendre caduque la célèbre formule d'Hubermann (1995) qualifiant l'enseignant de « loup solitaire » et à remettre en cause l'idée que l'enseignement constituerait le « cœur du métier » et que, par conséquent, les autres activités professionnelles s'avéreraient périphériques » (Marcel, 2009, p.6). Cette citation reflète bien l'évolution du contexte et donc du travail enseignant. Le professeur des écoles n'est plus seul dans sa classe, face à ses élèves avec un savoir à transmettre. Désormais, il y a d'autres professionnels qui interviennent à ses côtés et qui participent à l'acquisition des savoirs par les élèves. Jean-François Marcel (2009) précise qu'il faut faire attention à ces nouvelles formes de travail car celles-ci génèrent des résistances ainsi que des difficultés professionnelles. Suite à une enquête avec des jeunes professeurs, l'auteur évoque alors que le travailler ensemble est mal maîtrisé par les enseignants, la formation ne les y a pas assez préparés.
L'évolution du contexte socio-historique n'a rien d'anecdotique puisqu’elle provoque l'apparition du travail partagé, ce qui conduit à la modification des pratiques enseignantes.
2. Reconfiguration du travail enseignant
Selon Jean-François Marcel (2009), l'apparition des pratiques enseignantes de travail partagé est due à l'évolution du contexte socio-historique de la pratique enseignante. L'auteur permet de situer la place de ces nouvelles pratiques au sein des missions attribuées aux professeurs des écoles titulaires de classe. En effet, l'auteur évoque deux caractéristiques de pratiques enseignantes de travail partagé qui nous permettent de comprendre que celles-ci sont quotidiennes et nécessaires. Elles n'ont rien de secondaire dans le métier d'enseignant. Premièrement, ces pratiques sont présentes dans les textes officiels et l'auteur, en s'appuyant sur des recherches de Fernandes (2004), précise que « le temps professionnel consacré au travail partagé tend à se rapprocher du temps consacré au travail d'enseignement » (Marcel, 2009, p.8). Deuxièmement, l'auteur fait référence à l'existence de relations réciproques entre les pratiques d'enseignement et les pratiques enseignantes de travail partagé.
Plusieurs lectures ainsi que l'article de Jean-François Marcel (2009) permettent d’avancer l’idée qu’il existe depuis peu une reconfiguration du travail enseignant. Cela signifie que les pratiques enseignantes de travail partagé sont nouvelles mais ne sont pas considérées comme une tâche supplémentaire. Elles sont des tâches professionnelles au même titre que les autres prescrites au professeur des écoles. De plus, l'auteur reprend cette idée en affirmant qu'il n'existe pas deux sphères de pratiques distinctes. Aujourd'hui, le travail enseignant est composé de modalités individuelles ainsi que de modalités collectives.
Si les actions du professeur des écoles ne sont pas distinctes, alors il existe des relations réciproques entre les pratiques d'enseignement et les pratiques enseignantes de travail partagé. Afin d'expliquer cette théorie, Jean-François Marcel (2009) évoque deux éléments : la prescription, le collectif se pose en interface et devient à son tour prescripteur et l'apprentissage social, le travail partagé permet à l'enseignant d'élaborer des savoirs professionnels. Selon ce chercheur, l'unité du travail enseignant se traduit par ces deux pratiques ; elles ne peuvent plus être étudiées séparément. Nous pouvons conclure que les pratiques d'enseignement ne doivent plus être isolées par rapport aux pratiques enseignantes de travail partagé ; il faut également prendre en compte leurs influences réciproques. En effet, selon les modalités du travail partagé (subi ou choisi), le professeur n'agira pas de la même façon. Lorsque le travail partagé est choisi, les professeurs vont instaurer dans leur classe, avec leurs élèves, des modalités interactives plus intenses et plus diversifiées que dans la situation où le travail partagé est subi.
Comme toutes autres professions, les enseignants ont des prescriptions. Pendant de nombreuses années, celles-ci correspondaient aux actions individuelles de chaque enseignant dans sa classe. Cependant, l'analyse du travail enseignant a montré que les prescriptions se trouvaient profondément modifiées : la forme individuelle tend à se réduire par un processus en plusieurs étapes au sein desquelles le collectif d'enseignants occupe une place privilégiée. « Ce collectif reçoit des prescriptions descendantes (institutionnelles, locales…) mais il s’érige en « filtre » par rapport à chaque enseignant. Il s’approprie les prescriptions, les adapte, les transforme et élabore collectivement une prescription « remontante » pour l’ensemble des membres de ce collectif. Bien sûr, au niveau individuel, chaque enseignant s'approprie différemment cette nouvelle prescription mais cette interface collective présente plusieurs caractéristiques intéressantes : elle protège l’enseignant d’une prescription descendante qui peut s’avérer pathogène quand le travailleur est isolé (Clot, 2002) mais, surtout, elle contribue à contextualiser cette prescription, à structurer et à harmoniser une action collective en lien direct avec les spécificités locales (ses ressources, ses contraintes, ses élèves, ses enseignants, etc.) » (Marcel, 2009, p.19).
De même, l'évolution du métier et le développement des pratiques enseignantes de travail partagé amènent à s'interroger sur le nouveau rôle des collègues. Selon J-F Marcel (2009), les enseignants ont désormais des responsabilités accrues ; ils sont moins isolés, ils appartiennent à une équipe... L'arrivée du travail partagé des enseignants a reconfiguré leur métier car celui-ci a créé de nombreuses modifications dans leur activité.
3. Définition du travail partagé selon Jean-François Marcel
L'article de Jean-François Marcel (2009) a mis en évidence des transformations du contexte provoquant l’apparition des pratiques enseignantes de travail partagé. Il est pertinent de voir à présent à quoi celles-ci correspondent.
L'auteur apporte la définition suivante : « Les pratiques enseignantes de travail partagé recouvrent l’ensemble des activités professionnelles mettant en scène plusieurs adultes (autres enseignants, acteurs de l'établissement, partenaires extérieurs), selon des modalités interindividuelles ou collectives » (Marcel, 2009, p.6). Le travail partagé correspond donc à différentes formes de travail enseignant faisant intervenir conjointement plusieurs individus qui se partagent, répartissent des activités entre eux. L'auteur fait référence au travail partagé de forme interindividuelle ou collective. Il est donc pertinent de préciser que la forme interindividuelle correspond, par exemple, à la prise en charge d'un groupe d'élèves par un autre enseignant, un membre du RASED, un intervenant extérieur... La forme collective du travail partagé, quant à elle, regroupe les différentes formes de conseils, de réunions avec les parents, de groupe de travail dans le cadre d'un projet particulier …
L'article présente quelques éléments indispensables pour que cette pratique enseignante de travail partagé puisse se mettre en place, tout en étant la plus efficace possible. L'auteur précise que pour avoir des pratiques enseignantes de travail partagé, les individus doivent avoir un objectif commun, ce qui correspond à un accord entre tous qui leur permet de travailler ensemble. Jean-François Marcel (2009) évoque également que celles-ci sont liées au contexte social de l'établissement mais également à sa composition : la stabilité du binôme, du collectif ou de l'équipe, selon l'engagement individuel des enseignants concernés (leurs dimensions personnelles, affectives et symboliques peuvent intervenir).
De plus, l'auteur distingue plusieurs formes de travail partagé en partant d'un modèle « collectif d'enseignants », qu’il définit comme étant un groupe d'enseignants engagés collectivement dans la réalisation d'un projet dans le champ professionnel. Il distingue alors différentes formes d'acteurs collectifs : les équipes qui se constituent spontanément autour d'un projet, les équipes participant au fonctionnement officiel des établissements (conseils de classe, de cycle..) et les équipes de filière ou de diplôme (membres sont affectés). Selon les conceptions des collectifs pour un travail partagé, les membres auront une marge d'autonomie ainsi que des degrés d'engagements différents, ce qui aura une influence lors de la mise en place du travail partagé. Il faut donc garder à l'esprit que le travail partagé se développe avec une intensité différente selon la constitution des équipes, les établissements et les individus concernés.
A travers les recherches et l'article de Jean-François Marcel (2009), est mis en avant les pratiques enseignantes de travail partagé ne sont pas une modalité de travail supplémentaire qui s'ajoute au travail traditionnel des enseignants. Elles font partie intégrante du travail du fait d'une reconfiguration totale du métier d'enseignant.
B. Le travail partagé dans le cadre de l’enseignement primaire
Le travail de l'enseignant ne se limite plus aux pratiques d'enseignement c'est-à-dire seul dans sa classe, face à ses élèves avec des savoirs à leur transmettre. Suite aux transformations apparues avec l'évolution du contexte, d'autres pratiques enseignantes se sont développées.
1. Les maîtres E : leur rôle pour faire face aux difficultés
Le maître E est un enseignant chargé de l'aide spécialisée à dominante pédagogique. Celui-ci n'a pas de classe. Il apporte une aide directe aux élèves qui ont des difficultés avérées à comprendre et à apprendre dans le cadre des activités scolaires. Il accompagne ces élèves dans ou hors la classe (dans le cadre des groupements d'adaptation). Il intervient également en aide indirecte, lors des pratiques collaboratives visant à construire des systèmes d'aide en fonction des besoins des élèves.
L'enseignant de la classe repère les élèves qui, selon lui, sont en difficulté puis il rédige une demande d’aide au RASED afin de solliciter l'aide d'un maître spécialisé. Lorsque ce dernier intervient, il doit analyser la difficulté. Selon Christine Brisset, Christine Berzin, Alain Villers et Annie Volck (2009), les enseignants du RASED doivent constituer « un dispositif ressource complémentaire pour accroître les possibilités des équipes pédagogiques de mettre en œuvre une différenciation des réponses pédagogiques ». Il est important de préciser que cette analyse
des difficultés est possible et acceptée grâce à la position distancée du maître E par rapport à la classe. Cette idée a été développée par Serge Thomazet et Corinne Mérini (2014). En effet, leur étude a permis de montrer que cette position « décentrée de la classe » est une force pour effectuer une rupture avec les situations difficiles et ainsi faire une analyse pertinente des besoins. De plus, les auteurs évoquent l'idée que cette position spécifique du maître E est nécessaire car elle est favorable aux échanges avec les maîtres titulaires de la classe. Effectivement, d'après des entretiens effectués dans le cadre de leur étude, les enseignantes communiquent et se confient au maître E car celui-ci est suffisamment à distance de l'équipe de l'école et en même temps, il connaît le problème. Les auteurs concluent que sa distance lui permet cette analyse de la difficulté et son statut de maître spécialisé la légitime et l'autorise à agir d'une manière différente.
Les maîtres E sont à distance de la classe mais ils restent proches du maître ordinaire car ils doivent travailler ensemble pour pallier de manière efficace aux difficultés rencontrées par les élèves. En effet, aujourd'hui, on remet en cause l'idée que le maître titulaire de la classe s'occupe seulement des savoirs à transmettre et reste dans la classe ; mais également l'idée que le rôle du maître E s’arrête à la prise en charge de la difficulté lors des groupements d'adaptation. « La prescription évolue obligeant les maîtres ordinaires à mettre en œuvre un enseignement différencié et les enseignants spécialisés à faire du lien et à s'assurer des cohérences entre leurs pratiques et celles des enseignants ordinaires » (Thomazet, Mérine,Ponte, 2010, p.3). La prise en compte des élèves en difficulté a donc évolué car désormais l'école promeut l'égalité des chances ; ceci nécessite une prise en compte des difficultés rencontrées par les élèves, par l’ensemble du personnel enseignant. De ce fait, le travail partagé entre maître E et enseignant de la classe est nécessaire car le maître spécialisé dispose d'outils spécifiques pour déterminer l'aide à mettre en place pour ces élèves alors que le maître ordinaire a moins de ressources. Ainsi, il faut une concertation des deux enseignants pour choisir l'aide la plus efficace. Nous retrouvons cette idée chez Christine Brisset, Christine Berzin, Alain Villers et Annie Volck (2009), « les maîtres ordinaires, au même titre que les maîtres E, se sentent concernés par la prise en compte de ces difficultés même s'ils sont plus démunis que leurs collègues pour rendre compte des dispositifs de différenciation effectivement mis en place » (p.78). De plus, durant leur enquête, certains enseignants non spécialisés ont abordé le fait qu'il fallait absolument un travail d'équipe entre eux et le maître E mais que chacun garde son rôle pour aider au mieux l'enfant. L'idée importante mise en avant est que les maîtres E ont la spécialisation pour comprendre la difficulté alors que les enseignants, eux, connaissent mieux l'enfant. Cela confirme que ces deux professionnels sont complémentaires et doivent travailler ensemble pour choisir l'aide la plus adaptée à l'élève. Il est également important de préciser que le travail partagé entre les deux professionnels est préconisé pour permettre la cohérence des différentes prises en charge des élèves. Il faut créer du lien entre les actions menées pour rendre l'aide efficace. Selon Mérini Corinne, Thomazet Serge et Ponte Pascale (2010), le maître E et l'enseignant titulaire doivent s'allier ; ils vont travailler ensemble afin de trouver des pratiques transposables, adaptables aux choix pédagogiques de l'enseignant pour permettre à l'enfant de créer des liens et de réutiliser les apprentissages du groupement d'adaptation lors de son retour en classe. Le travail partagé entre maître E et enseignant de la classe est donc bénéfique pour faire face aux difficultés.
2. Les Formes spécifiques de travail partagé entre ces deux professionnels
Le travail partagé entre les professeurs titulaires de leur classe et les maîtres E est bénéfique. Des recherches ont montré qu’il existait des formes spécifiques de travail partagé dans le cadre de la prise en charge des élèves en difficulté. Il est donc nécessaire de les étudier afin de les définir.
La première forme de travail partagé entre les maîtres spécialisés et les maîtres ordinaires est la co-intervention. Serge Thomazet et Corinne Mérini, dans l'article La dimension collaborative, un espace professionnel du maître E (2014), écrivent que « Le maître E peut intervenir physiquement en co-intervention avec un maître de milieu ordinaire et tous deux peuvent avoir des activités orientées différemment : le maître de la classe « fait classe », pendant que le maître E soutient les élèves en difficulté » (p.36). Ce terme spécifique correspond à une intervention simultanée de l'enseignant de la classe et du maître E, dans un même lieu. Christine Brisset, Christine Berzin, Alain Villers et Annie Volck, dans Améliorer la réussite des élèves en difficulté par les aides spécialisées (2009), expliquent que pour le maître E, la co-intervention a pour but de voir comment l'enfant réinvestit les notions qu'il a travaillé avec lui. Pour que cette façon de procéder soit efficace, il faut que les deux professionnels préparent les objectifs d’apprentissage au préalable car la co-intervention s'effectue sur la base des tâches proposées à la classe entière par l'enseignant. Cette idée a été mise en avant par Isabelle Nédélec-Trohel (2014) à travers la description d'un exemple de co intervention dans son article Étude d'un dispositif d'aide pour articuler le Regroupement d'Adaptation à la classe d'origine. Elle précise que les notions travaillées avec les élèves lors des groupements d'adaptation sont celles qui ont posé problème lors de l'apprentissage en classe. Cependant selon l'étude, un décalage existe entre ces deux systèmes. En effet, lors des activités avec le maître E, les élèves progressent mais en classe, les maîtres ordinaires rencontrent des difficultés pour gérer ces élèves en difficulté tout en maintenant un bon rythme d'apprentissage dans leur classe. De plus, lorsque l'aide s'arrête et que les élèves retournent en classe, il y a un risque de déperdition du savoir travaillé ; il faut donc que les connaissances soient reprises en classe. Isabelle Nédélec-Trohel (2014) explique que la co intervention permet d'éviter le décalage entre le regroupement d'adaptation et la classe. En effet, elle explique que, dans un premier temps, avec le maître E, il y a une reprise des notions identifiées comme résistantes. Dans un second temps, toujours dans le regroupement d'adaptation, un apprentissage d'une notion est effectué avec une utilisation lors de situation d'apprentissage. Dans le troisième temps décrit par l'auteur, nous voyons une co-intervention entre le maître E et le maître de la classe. Ici, les enseignants se retrouvent ensemble dans la classe afin que les élèves ayant travaillé avec le maître E puissent présenter les apprentissages faits avec celui-ci. Durant ce travail partagé, c'est donc une diffusion des savoirs des élèves en difficulté qui s'effectue, ils montrent qu'ils ont appris: « Au Temps 3, dans la classe, le maître E, en co-intervention avec le maître de la classe et les élèves suivis, présentent les apprentissages effectués au regroupement d'adaptation sous la forme d'une diffusion des savoirs repris et anticipés » (Nédélec-Trohel, 2014, p.78). La co-intervention est le moment de travail conjoint entre le maître E et l'enseignant de la classe dans un même lieu, ici la classe.
La deuxième forme de travail partagé entre les maîtres E et les professeurs ayant la classe est la collaboration. Serge Thomazet et Corinne Merini (2014) définissent la collaboration comme étant : « le résultat d'un ensemble d'interactions entre les acteurs et le milieu dans lequel ils évoluent, interactions organisées autour d'une fonction homogène orientée par des intentions » (Thomazet et Merini, 2014, p.36). Les auteurs expliquent que dans la pratique de leurs activités, les maîtres E travaillent aux côtés des enseignants ayant une classe. Ils font de l'aide directe auprès de petits groupes d'élèves sortis de classes mais ils effectuent également des pratiques collaboratives visant à construire des systèmes d'aide en fonction des besoins des élèves et des ressources locales. Ces deux professionnels sont en interaction, en collaboration. Certains auteurs ont montré que diverses formes de collaboration sont mises en œuvres entre les maîtres E et leurs collègues non spécialisés. Selon Christine Brisset, Christine Berzin, Alain Villers et Annie Volck (2009) soit la collaboration concerne implement le repérage et l'analyse de la difficulté : on dit alors qu'elle est simple ; soit elle se poursuit tout au long de l'aide mise en œuvre : nous parlons, dans ce cas, de collaboration étroite.
La collaboration simple, dans l'article La dimension collaborative, un espace professionnel du maître E, de Serge Thomazet et Corinne Mérini (2014) est décrite comme une collaboration peu formelle c'est-à-dire qui s'exerce dans des temps informels tels que les discussions dans la cour, autour de la photocopieuse :« Il se déroule entre deux portes, dans les interstices du temps scolaire sur les pauses méridiennes ou les temps périscolaires ; il est intermittent et pas toujours explicite ; il est parfois même situé hors des locaux scolaires » (Thomazet et Merini, 2014, p.34). Suite à ces informations, nous voyons que la collaboration simple est difficilement perceptible. D'autres chercheurs tels que Christine Brisset, Christine Berzin, Alain Villers et Annie Volck (2009) ont travaillé sur ce type spécifique de collaboration. A partir de leurs résultats d'étude obtenus grâce aux entretiens effectués avec des maîtres E et des maîtres ordinaires, ils ont caractérisé la collaboration simple. Selon eux, celle-ci correspond à des échanges assez ponctuels qu'ils caractérisent au coup par coup c'est à-dire « entre deux portes », « selon la bonne volonté de chacun ». La collaboration simple entre les deux maîtres équivaut plus à des échanges d'informations qu'à une élaboration d'un projet à long terme, ensemble. Dans cette collaboration simple, les temps didactiques et les objets d'apprentissages sont séparés ; on peut donc considérer que les deux systèmes sont indépendants.
L'autre forme de collaboration existante entre les maîtres E et les maîtres non spécialisés est la collaboration étroite. Cette forme particulière de travail est caractérisée dans l'article Améliorer la réussite des élèves en difficulté par les aides spécialisées de Christine Brisset, Christine Berzin, Alain Villers et Annie Volck (2009). Leur étude, réalisée à partir d'entretiens, a permis de définir la collaboration étroite. Celle-ci correspond à une
recherche d'adéquation entre ce qui se fait en classe et dans le cadre de l'aide. Le travail envisagé est produit par une concertation des deux enseignants. De plus, cette collaboration peut également correspondre aux relations entre le maître E, le maître de la classe et l'équipe pédagogique. La collaboration étroite ne s'arrête pas à un simple échange d'informations, mais elle conduit à une élaboration de projet commun de travail au niveau de la classe ou du cycle. En effet, durant l'enquête, un réseau a fait référence à une collaboration qui dépassait le cadre de la classe et qui s'inscrivait dans une réflexion d’équipe au niveau du conseil de cycle. Tous les enseignants du cycle travaillent sur le projet de cycle dans lequel le maître E s'intègre pour que les éléments travaillés en classe et dans le regroupement d'adaptation se rejoignent. Dans cette situation, les échanges entre les maîtres spécialisés ainsi que les enseignants du cycle sont nombreux, ils travaillent sur un thème commun à l'ensemble du cycle. Ensemble, ils déterminent un objectif de travail au niveau de l'aide spécialisée qui soit en phase avec la démarche pédagogique adoptée dans la classe suite au projet. Chacun contribue à partir de sa propre expérience professionnelle, il ajuste son intervention pour rentrer dans le cadre du projet et afin d'effectuer un lien entre l'aide et le travail dans la classe. « On assiste donc, dans ce second cas de figure, à une étroite collaboration entre les deux maîtres tout au long de la prise en charge » (Brisset, Berzin, Villers et Volck, 2009 ,p.78). Ici a donc lieu un travail d'équipe de cycle avec le maître spécialisé ; toute l'école a un regard sur les élèves en difficulté.
Le but de la collaboration étroite est d'assurer la cohérence des interventions effectuées par les maîtres E avec l’ensemble des actions pédagogiques conduites au sein de l'école. Selon l'article, la collaboration étroite est possible grâce aux conseils de cycle qui sont des réunions formelles : « Les conseils de cycle sont le plus souvent désignés par les maîtres spécialisés et leurs collègues non spécialisés comme un lieu propice aux échanges d'informations entre maîtres et avec le RASED, à la mise en place de dispositifs pédagogiques tels que les décloisonnements ou les échanges de service, susceptibles de permettre une meilleure prise en compte des élèves en difficulté au sein de l'école. » (Brisset, Berzin, Villers et Volck, 2009, p.76).
Dans l'article Étude d'un dispositif d'aide pour articuler le Regroupement d'Adaptation à la classe d'origine Isabelle Nédélec-Trohel (2014) présente un exemple de collaboration étroite dans le cadre d'un projet de classe. Son étude porte sur le dispositif d'aide élaboré et mis en œuvre par le maître E avec la collaboration d'un maître de classe de CE2 afin de voir le lien entre le regroupement d'adaptation et la classe. Les élèves travaillent avec le maître spécialisé pendant plusieurs séances ; la dernière se déroule en classe, les élèves vont montrer des situations travaillées avec le maître E. Isabelle Nédélec-Trohel (2014), montre qu'il s'agit d'une collaboration étroite entre les professionnels, car ils sont tous les deux engagés dans le projet d'insérer au mieux les élèves en difficulté dans la classe, pour qu'ils quittent l'étiquette « élève en difficulté » pour endosser celle de « celui qui donne des réponses, qui réussit ». La chercheuse a procédé à une analyse de l'articulation entre les deux systèmes. Elle a conclu qu'il existait une collaboration étroite entre l'enseignant ordinaire et le maître E car ils sont inscrits dans le même projet et ils préparent conjointement la dernière séance qui se déroulera en classe. De plus, les décisions relatives au savoir enseigné et aux situations choisies se révèlent prises par les deux professionnels.
La collaboration étroite permet que « Les activités proposées dans le cadre de l'aide entretiennent alors un lien explicite avec celles de la classe » (Brisset, Berzin, Villers et Volck, 2009, p.80).
Suite à la prise de conscience des différentes formes de travail partagé existantes entre ces deux professionnels, nous en arrivons à l'hypothèse « selon laquelle les dernières formes de collaboration décrites précédemment augureraient d'une aide plus adaptée à l'enfant, dans la mesure où il risquerait moins d'être déséquilibré et pourrait mieux réinvestir en classe l'aide dont il a bénéficié avec le maître E » (Brisset, Berzin, Villers et Volck, 2009, p.80).
3. Les causes des difficultés du travail partagé entre ces deux professionnels
Il existe désormais de nouvelles pratiques enseignantes de travail partagé ; celles-ci prennent des formes spécifiques telles que : la co-intervention et la collaboration. Afin de caractériser au mieux le travail entre les professeurs des écoles titulaires de leur classe et les maîtres E, il est important de prendre connaissance des difficultés de celui-ci. Les articles ont révélé une réelle volonté de coopérer entre ces deux professionnels mais le rapport de Ferrier (1998) montre la difficulté d'intégration du RASED au sein de l'école. Le travail partagé est donc difficile à mettre en place à cause de plusieurs tensions : « tension sur le fait de recourir à l'implicite ou à l'explicite pour mettre en application ou prendre des décisions, au registre formel ou informel pour conduire stratégiquement une action selon le contexte ; tension de temporalités entre des maîtres ordinaires sous l'influence des programmes […] ; tension enfin dans la mission du maître E, à la fois « expert » de la difficulté et qui est en même temps « collègue » des maîtres ordinaires. » (Mérini,Thomazet et Ponte, 2010, p.6-7).
Premièrement, les tensions sont dues au manque de disponibilité. En effet, ces deux professionnels manquent de temps pour se voir, pour échanger des informations ainsi que pour construire des projets d'aide. Christine Brisset, Christine Berzin, Alain Villers et Annie Volck dans leur article Améliorer la réussite des élèves en difficulté par les aides spécialisées (2009), expliquent qu'il faudrait institutionnaliser des réunions de synthèse afin d'avoir une meilleure articulation des interventions de chacun, des interventions complémentaires au sein de la classe. Selon ces auteurs, la tension entre les deux professionnels peut également venir de l'organisation. Durant des entretiens qu'ils ont menés, à plusieurs reprises, des maîtres E se sont plaints d'être dérangés, d'un manque de salle spécifique, de l'impossibilité d'entreposer du matériel. Ces éléments négatifs ont une influence sur les relations de travail entre ces deux collègues.
Deuxièmement, des chercheurs se sont rendu compte que le travail partagé est difficile à mettre en place entre ces deux professionnels car le maître E est souvent mal considéré par ses collègues de milieu ordinaire. En effet, comme décrit précédemment et selon Serge Thomazet et Corinne Mérini (2014), le maître E a des lieux d'exercices spécifiques (il est au seuil de la classe ce qui lui laisse une plus grande liberté d'action), un temps de travail différent et il n'a pas la charge d'une classe. Tous ces éléments reflètent son activité différente et « font de lui un enseignant exerçant dans un intervalle au moins symbolique situé entre l'école et son environnement qui lui vaut les regards suspicieux de ses collègues » (Thomazet et Merini, 2014, p.40). D'autres enquêtes avec des entretiens ont montré cette vision des maîtres E par les professeurs non spécialisés: « Certains se cantonnent à la différence de travail engendrée par le nombre moins important d'élèves » (Brisset, Berzin, Villers et Volck, 2009, p.76). Cette citation met l'accent sur le fait que les enseignants titulaires d'une classe s'attardent sur les différences qui génèrent une certaine frustration, ce qui crée des tensions dans le travail partagé.
Les maîtres E sont mal considérés par les enseignants titulaires à cause de leur statut mais également en raison de leur intervention. Certains professeurs des écoles ayant la classe peuvent penser que le maître spécialisé intervient là où eux ont échoué, ce qui provoque des réticences au travail à deux. Cet aspect de difficulté du travail partagé a été étudié par Mérini, Thomazet, Ponte (2010) et décrit dans leur article L'aide aux élèves en difficulté : un espace de collaboration sous tension. Selon eux, « Pour un maître, travailler avec le maître E, peut signifier son impuissance à prendre en charge la difficulté de l'un de ses élèves »; « Quand le maître E « prend place » dans le système au nom de son « expertise », cela provoque des attentes autant que des résistances » (p.9). Ces deux citations montrent qu'il existe de la résistance à la collaboration. Dans la suite de l'article, cela est illustré avec des propos recueillis auprès d'enseignants spécialisés ; selon eux, cette résistance est souvent rencontrée avec des enseignants de CP. Cela est dû à l'enjeu très important de la lecture à faire acquérir à la fin d'année, certains enseignants sont dans l'optique de « faire réussir les élèves pour réussir soi-même ». Cette façon de penser est un obstacle à la collaboration.
Troisièmement, un point caractéristique des tensions dans les relations entre le maître E et l'enseignant titulaire de la classe concerne la position du maître spécialisé. Dans l'article de Mérini, Thomazet et Ponte (2010), il est expliqué que les maîtres E sont collègues des maîtres de milieux ordinaires mais aussi experts de la difficulté. Thomazet et Mérini (2014), précisent que le maître E se considère avant tout comme un enseignant du premier degré ; il veut construire une position d'égal à égal avec ses collègues. Cependant, les maîtres ordinaires ne manquent pas de lui montrer ses différences et de lui attribuer une incontestable expertise en matière de besoins particuliers de certains élèves. Au sein des relations de travail entre ces deux professionnels s'exercent une tension « expert-collègue » qui est revenue souvent dans l’étude. Les modes de collaboration sont donc liés aux conceptions de l'expertise c'est-à-dire à la manière dont le maître E voit sa mission et également à la façon dont ses collègues conçoivent sa mission et en fonction de la place qu'ils lui laissent dans l'interaction. Tous ces éléments vont influencer la mise en place de la collaboration car ils les positionnent différemment dans l'organisation.
Pour finir, une des tensions pouvant influencer les relations entre maître spécialisé et maître ordinaire relève de l'action du maître E qui peut viser le maître de la classe au travers d'échanges formels ou informels. En effet, cette difficulté est clairement décrite dans l'article L'aide aux élèves en difficulté : un espace de collaboration sous tension (2010) de Mérini, Thomazet et Ponte. Ces auteurs évoquent que le positionnement du maître ressource est sensible. Selon leur étude, chez les maîtres E, aider un enseignant pour aider un élève fait l'unanimité ; le but est d'aider le maître à comprendre les difficultés et à choisir le meilleur moyen d'y répondre. Cependant, les maîtres E se demandent s'ils sont encore dans leur rôle en donnant des conseils à un enseignant pour la classe entière, ils ne veulent pas se positionner comme supérieur hiérarchique ou comme conseiller pédagogique. Les auteurs précisent qu'ils ont effectué des entretiens avec les maîtres E, ce qui leur a permis de voir que cette difficulté peut être dépassée : pour aider efficacement un collègue, il est préférable de parler régulièrement dans un cadre informel (pendant les récréations...). Cette façon d'agir est plus efficace car ils se disent des choses qu'ils n’évoqueraient pas dans un cadre formel. De plus, il faut que le maître E soit vigilant à ne pas imposer ses choix mais plutôt à conseiller, à expliquer en disant « voilà comment moi j'ai fait avec le groupe ». De ce fait, les maîtres E trouvent une cohérence entre leur mission d'aide auprès des élèves en difficulté et leur action qui prend en compte les enseignants des classes.
Des chercheurs ont montré que le travail partagé entre les maîtres spécialisés à dominante pédagogique et les enseignants peut prendre la forme de co-intervention ou de collaboration. Cependant, celui-ci provoque de nombreuses tensions qui l’influencent au quotidien.
III. Les concepts mobilisés
A. Travail partagé
L'un des premiers concepts qui nécessite d’être défini clairement est le travail partagé. Suite à l'évolution du contexte socio-historique dans l'ensemble des systèmes éducatifs occidentaux, l'organisation des écoles et le travail des enseignants ont fortement évolué. L'image unique de la pratique traditionnelle qui correspond à l'enseignant seul dans sa classe, face à des élèves avec un savoir à transmettre n'est plus adaptée pour décrire le travail enseignant. En effet, désormais il y a aussi des pratiques enseignantes de travail partagé car d'autres professionnels interviennent aux côtés des enseignants et participent aux activités éducatives. Dans le travail partagé, les différents acteurs doivent avoir un objectif commun, c'est-à-dire un accord choisi qui leur permet de travailler ensemble autour d'un projet. Jean François Marcel (2009) définit le travail partagé de la façon suivante : « Les pratiques enseignantes de travail partagé recouvrent l’ensemble des activités professionnelles mettant en scène plusieurs adultes (autres enseignants, acteurs de l'établissement, partenaires extérieurs), selon des modalités interindividuelles ou collectives » (p.6). Les modalités des pratiques interindividuelles correspondent à la collaboration entre enseignants, partenaires ou d'autres adultes. Cette modalité correspond par exemple à la prise en charge des élèves en difficulté par un membre du RASED, un intervenant extérieur… Les pratiques collectives s'effectuent sans la présence des élèves, celles-ci correspondent aux réunions, aux équipes pédagogiques, aux conseils... Ma recherche portera sur le travail partagé dans sa modalité interindividuelle puisqu'elle concerne les rapports entre les professeurs des écoles titulaires de la classe et les maîtres E.
Le travail partagé est donc devenu quotidien et fait partie intégrante du travail du professeur des écoles. Celui-ci peut être influencé par le contexte social, la composition des équipes ainsi que la personnalité de chacun.
B. Travail partagé entre deux professionnels : maître E et enseignant de la classe
Le travail partagé correspond à des activités mises en place avec plusieurs acteurs. Cependant, il est pertinent de s'attarder plus spécifiquement sur les formes de travail partagé entre maître E et enseignant de la classe.
La première forme de travail partagé est la co-intervention, décrite précédemment comme ceci : « Le maître E peut intervenir physiquement en co-intervention avec un maître de milieu ordinaire et tous deux peuvent avoir des activités orientées différemment : le maître de la classe « fait classe » pendant que le maître E soutient les élèves en difficulté » (Thomazet et Merini, 2014, p.36). Celle-ci peut être définie comme étant un travail conjoint entre l'enseignant titulaire de la classe et le maître E dans un même lieu qui est la classe. Les actions de co-intervention entre ces deux enseignants consistent à la prise en charge, ensemble, des difficultés des élèves sans sortir de la classe. Durant la co-intervention, les actions des deux professionnels peuvent être identiques ou différentes, le maître E peut intervenir avec toute la classe, avec un groupe au sein même de la classe ce qui lui permet d'utiliser le support du maître titulaire de la classe ou encore, il peut procéder à une aide individualisée dans la classe.
La deuxième forme de travail partagé est la collaboration simple ; celle-ci est difficilement perceptible car les échanges sont peu nombreux. En effet, on parle de collaboration car les enseignants interagissent entre eux mais dans des temps informels tels que la cour, autour de la machine à café ; certains auteurs tels que Serge Thomazet et Corinne Mérini (2014) parlent d'une communication « entre deux portes ». Ce type de collaboration ne permet pas de mettre en œuvre des actions communes, ni des projets ; elle correspond à un simple échange d'informations concernant les élèves en difficulté. De ce fait, lorsque le maître E et le professeur des écoles titulaire de la classe sont dans ce type de collaboration, leurs activités sont souvent en parallèle mais sans lien. La collaboration simple provoque l'existence de deux systèmes indépendants l'un de l'autre.
La troisième forme de travail partagé est la collaboration étroite. Contrairement à la collaboration évoquée précédemment, celle-ci correspond bien à des échanges d'informations entre les professionnels. Cependant, cette collaboration ne s'arrête pas là. Les échanges sont beaucoup plus nombreux ; il y a également une élaboration et une mise en œuvre d'activités et de projet communs. Lorsque cette collaboration a lieu entre le maître E et le professeur titulaire de la classe, ils recherchent une certaine adéquation dans leur activité afin que l'aide soit en liaison avec les éléments travaillés en classe. En effet, le but pour ces enseignants est de travailler ensemble afin d'envisager un projet commun pour que l'aide apportée soit liée au travail de la classe et que les élèves puissent remobiliser les savoirs acquis avec l'enseignant spécialisé. La collaboration étroite peut correspondre à une collaboration encore plus intense entre tous les enseignants du cycle et le maître E. Le but recherché est le même ; ils collaborent afin d'agir tous ensemble pour fixer des objectifs et pouvoir ensuite ajuster leurs activités en lien avec les projets présents dans l'école.
C. Travail prescrit et travail réalisé
Afin de comprendre la mise en œuvre du travail enseignant, il faut s'attarder sur le concept de prescription. François Daniellou (2002) dans son article évoque les prescriptions Tayloriennes qui avaient pour but de prédire l'ensemble du travail. Il explique que désormais les prescriptions sont considérées comme une préparation du travail. Les prescriptions sont alors une anticipation des situations afin de mettre à disposition des éléments, outils, règles, connaissances nécessaires afin de pouvoir les réaliser. René Amigues (2009) dans son article Le travail enseignant : prescriptions et dimensions collectives de l'activité ajoute que les prescriptions éducatives sont produites par l'activité humaine puis soumises à des transformations sociales. En effet, les prescriptions sont issues du travail de groupes d'experts de comités de programmes, elles résultent d'un choix politique à un moment donné et découlent de plusieurs réformes. François Daniellou (2002) dans son article Le travail des prescriptions met en évidence l’existence de diverses formes de prescriptions ainsi que le déficit de celles-ci. L'auteur a d'abord indiqué que les prescriptions correspondaient à une injonction formulée par une autorité. Les ergonomes, eux, s'intéressent aux prescriptions sous forme écrite, venant de la hiérarchie. L'auteur fait référence au travail sur les tâches prescrites réalisé par Leplat afin de montrer qu'une partie des prescriptions ne prennent pas la forme d'une injonction mais apparaissent sous une forme de contrôle. Dans cette situation, le travailleur a alors le rôle d'anticiper les formes de l'évaluation pour transformer celles-ci en objectifs. Une autre forme de prescriptions est également évoquée : celles directement incorporées dans la conception des moyens de travail. Daniellou (2002) considère alors qu'il y a un passage d'une définition de la prescription comme étant une « injonction de faire émise par une autorité » à une définition de prescriptions multiples « pressions diverses exercées sur l'activité de quelqu'un, de nature à en modifier l'orientation ». Il met en évidence dans son article deux grandes catégories de prescriptions : celles descendantes c'est-à-dire venant de la structure organisationnelle (organisation hiérarchique du travail, les programmes..) ainsi que celles remontantes relatives à la matière, au vivant, au psychisme, aux collectifs. De ce fait, sur l'activité des travailleurs s'exerce une diversité de prescriptions concernant les objectifs à atteindre et la manière de les atteindre. Ce même auteur a également étudié les déficits des prescriptions, ce qui l'a amené à décrire deux statuts différents. Il évoque dans un premier temps les « sous-prescriptions » ; elles correspondent aux faits que les objectifs à atteindre et les moyens pour y arriver reposent sur les travailleurs qui doivent les inventer eux même, ils ne peuvent pas mettre en œuvre des règles connues. Dans un second temps, il parle de « prescription infinie » des objectifs et une sous-prescription totale des moyens pour les atteindre. Par exemple, la satisfaction des usagers est un objectif mais c'est une prescription infinie qui peut entraîner des conflits. Les prescriptions sont donc plus ou moins précises concernant les objectifs à atteindre ainsi que les moyens pour y parvenir. Les professionnels de l'enseignement bénéficient également de toutes ces prescriptions. En effet, les prescriptions descendantes sont les programmes, les progressions, les référentiels, les différents Bulletins Officiels. Les prescriptions remontantes correspondent par exemple à la situation où l'enseignant va faire comme son collègue fait mais aussi lorsque l'école ne bénéficie que d'une salle de sport alors l'usage de celle-ci sera lié à ce que les autres enseignants décident d'en faire. Concernant les statuts différents de prescription, nous pouvons voir que les enseignants ont une prescription infinie importante : c'est celle de permettre l'apprentissage, la réussite de tous les élèves. L'autorité n'est pas la seule à faire des prescriptions, elles peuvent ne pas être intentionnelles ni explicites. René Amigues rejoint l'auteur cité précédemment sur l'idée que désormais pour les travailleurs « Travailler c'est mettre en débat une diversité de sources de prescriptions, établir des priorités, trier entre elles, et parfois ne pas pouvoir les satisfaire toutes tout le temps » (Daniellou, 2002, p.11). Selon l'auteur, la prescription suscite un questionnement professionnel adressé à la prescription (qui dit quoi faire mais pas comment le réaliser) ainsi qu'au métier (qui ne dit pas comment faire).
Dans les années 1950, les fondateurs de l'ergonomie francophone ont démontré que l'analyse du travail ne pouvait pas se limiter à la prescription faite par la hiérarchie, ni à l'observation du travail réalisé. Ceci a engendré la distinction entre le travail prescrit et le travail réalisé. Les auteurs tels que Clot (2000), Daniellou (2002) en encore Amigues (2009) évoquent cette différence existante entre le prescrit et le réalisé. Cette opposition n'est pas immédiate, Clot et al. expriment qu'il existe entre le travailleur et l'organisation, un travail de réorganisation de la tâche par les collectifs professionnels. René Amigues dans son article Pour une approche ergonomique de l'activité enseignante (2003) évoque également l'écart existant entre le prescrit et le réalisé. Il dit qu'il y a deux façons de concevoir cet écart : soit du point de vue de l'employeur, soit de celui de l'ergonome. Pour l'employeur, l'écart est un défaut, une incompétence, une formation insuffisante. De ce fait, ce dernier tente de le réduire en ajoutant des prescriptions supplémentaires. Contrairement à cela, pour l’ergonome, l'écart est un choix, une décision, un investissement subjectif pour faire au mieux dans la tension entre le prescrit et le réel. Pour ce dernier, l'écart est irréductible ; c'est le siège de l'activité professorale. Dans cet article est précisé que les prescriptions c'est-à-dire les programmes, les instructions officielles sont effectivement conçues loin du lieu d'exercice mais cela ne provoque pas de coupure entre la conception de la prescription et son accomplissement. En effet, l'auteur dévoile l’existence de personnes telles que l'inspecteur, les conseillers pédagogiques... entre les prescripteurs et les professeurs qui appliquent ces prescriptions. Elles ont pour mission de retravailler sur les prescriptions.
René Amigues (2003) met en exergue qu'il y a beaucoup de travail autour des prescriptions mais que ceci n'augmente pas leur précision. Pour ce dernier, les prescriptions dans l’enseignement sont « floues » alors que dans d'autres domaines professionnels, elles sont quelquefois plus précises. Les professeurs des écoles peuvent alors rencontrer des difficultés pour savoir ce qu'ils doivent précisément faire et comment le faire. Face à ce constat, dans son article Pour une approche ergonomique de l'activité enseignante, il évoque le fait que les prescriptions initiales font l’objet d’interprétations et de redéfinitions selon les projets, les collectifs de professeurs dans l’établissement. Ce dernier explique que, pour un enseignant, répondre à une prescription ne veut pas dire appliquer strictement une consigne ; il effectue une redéfinition de ce qu'il faut faire et de quelle façon il faut le faire. L'approche ergonomique de l'activité a montré qu'un professeur utilise et refaçonne les moyens à sa disposition pour améliorer l'efficacité et l'efficience de l'action d'où le décalage entre le prescrit (les programmes..) et le réalisé (ce que fait réellement l'enseignant). De même, dans son article Le travail enseignant : prescriptions et dimensions collectives de l'activité (2009), l'auteur explique à travers les programmes que les prescriptions sont à géométrie variable c'est-à-dire que les contenus d'enseignement, les méthodes... ne s'adressent pas seulement aux professeurs mais également aux élèves, aux parents et à d'autres professionnels. Ce caractère multi-adressé de la prescription provoque une multiplication des sources de prescriptions. De ce fait, ces prescriptions ne sont pas immédiatement applicables car ce sont des prescriptions infinies des objectifs, et des sous-prescriptions des moyens pour les atteindre. Dans cet article, à travers l’exemple du travail des conseillers pédagogiques dans les circonscriptions pédagogiques de l'enseignement du premier degré ainsi que celui concernant l'orientation de troisième, l'auteur a montré que les prescriptions ne sont pas faites pour être prêtes à agir directement. Selon ce dernier, elles déclenchent un dialogue sur la prescription, les ressources disponibles, ceci entraînant une activité de re-conception des buts et des moyens d'action ainsi que du milieu de travail qui permettra de les mettre en œuvre. Cette activité de transformation de la prescription correspond à l'écart entre le travail prescrit et réalisé. Suite à cette étude, René Amigues (2009) a mis en évidence trois points essentiels. Le premier concerne le fait que la prescription ne descend pas directement sur le professeur de manière individuelle, un questionnement a lieu dans le collectif de travail. Le second concerne la différence existante entre le travail productif et le travail en éducation. Le travail productif bénéficie d'une tâche prescrite qui représente un modèle de l'activité de l'opérateur, il doit la redéfinir alors que le travail en éducation a une prescription infinie et une sous-prescription des moyens conduisant les professionnels à concevoir de façon collective cette prescription ainsi que les moyens pour la réaliser. Le troisième est relatif à l'efficacité dynamique de la prescription, elle engage activement les enseignants dans la conception et la construction d'outils, la recherche de moyens d'agir afin de pouvoir répondre à la prescription. De ce fait, l'auteur conclut que travailler c'est transformer, renouveler la prescription avec le développement de l'expérience professionnelle. Les enseignants sont attachés à la prescription et aux possibilités de la modifier ; c'est pour cela qu'ils la transforment pour agir au mieux avec les élèves. L'écart entre le travail prescrit et le travail réalisé n'est pas creux. En effet, c'est dans cet écart que les professeurs conçoivent des outils, des dispositifs qu'ils vont développer dans leur milieu de travail donc dans leur travail réalisé.
Cette prise en compte de l'activité autour de la prescription montre qu'elle ne peut pas être totale. Le travail prescrit correspond aux prescriptions, textes officiels ; or le travail des enseignants consiste à transformer ces prescriptions et à faire plus que ce qu'elles disent de faire. De plus, ils font des actions qu'elles ne disent pas, afin d'être efficaces. Le réel de l'activité conduit les professeurs à transformer les prescriptions pour pouvoir se les approprier, pour les mettre en place dans le collectif de travail et auprès des élèves ; c'est ce qu'on appelle le travail réalisé.
Dans notre travail il sera donc nécessaire de tenter d’identifier les différentes prescriptions qui organisent le travail du maître E et du maître ordinaire.
D. La notion d'activité
Le concept « d'activité » est également important pour comprendre les interactions entre les professeurs des écoles titulaires de classe et les maîtres E. Il est donc primordial d'effectuer un travail de définition de celui-ci. Yves Clot, Daniel Faïta, Gabriel Fernandez et Livia Scheller (2000) expliquent dans leur article que l'ergonomie et la psychologie du travail ont constaté une distinction entre la notion de tâche et celle d'activité. Ils définissent la tâche comme étant un élément relevant d'une prescription c'est-à-dire ce qui doit être fait, alors que pour eux l'activité correspond à ce qui se fait. René Amigues (2003 et 2009) dans deux de ses articles rejoint cette idée en séparant la notion d'action et d'activité en évoquant que l'activité ne se réduit pas à l'action. Cet auteur s'appuie sur la théorie de l'activité proposée par Léontiev (1976) afin d'expliquer la distinction entre ces deux notions. Ce dernier définit l'action comme étant la réalisation d'un but précis dans certaines conditions, ceci correspond à la tâche pour les ergonomes. L'action peut s'effectuer en individuel, en collectif ou être partagée entre plusieurs acteurs. Par la suite, l'auteur évoque le fait que l'activité des professeurs répond à des motifs. Celle-ci renvoie à des ressorts sociaux, des valeurs partagées, à l’histoire ou à la tradition d’un groupe social. Elle compose avec plusieurs logiques et plusieurs temporalités. René Amigues (2009), en évoquant la distinction entre action et activité, ajoute que l'action et l'activité n'ont pas les mêmes limites temporelles et spatiales : l'action s’arrête à la réalisation de la tâche alors que l'activité déborde toujours. L'action découle généralement d'une prescription alors que l'activité est imprescriptible, elle est liée au sujet et au milieu dans lequel elle s'exerce. Dans l'article Entretiens en autoconfrontation croisée : une méthode en clinique de l'activité, Clot, Faïta, Fernandez et Scheller (2000) ajoutent le fait que le réel de l'activité correspond à ce qui se fait mais également à ce qui ne se fait pas. Pour ces auteurs, l'activité concerne aussi ce que l'on cherche à faire sans y parvenir, ce qu'on aurait voulu faire ou encore ce que l'on pense pouvoir faire après : « le réel de l'activité est également ce qui ne se fait pas, ce que l'on cherche à faire sans y parvenir – le drame des échecs – ce que l'on aurait voulu ou pu faire, ce que l'on pense pouvoir faire ailleurs » (Clot, Faïta, Fernandez et Scheller, 2000, p.2). Ils disent aussi que l'activité correspond à ce que l'on fait pour éviter ce qui est à faire. Afin de conclure selon René Amigues (2003), l'activité correspond à un lieu de rencontre de plusieurs histoires (du métier, de l'individu, de l'institution, de l'établissement...) dans lequel l'acteur fixe les rapports entre les prescriptions, les outils, les règles, les valeurs, le collectif de travail et lui-même. L'auteur conclut que l'activité a lieu dans plusieurs milieux, plusieurs temporalités. Elle correspond à un compromis que le professeur doit passer avec lui
même et les autres afin d'améliorer « l'efficacité » et « l'efficience » de son action. La psychologie du travail et l'ergonomie du travail appellent cela le travail réel. L'auteur cite NOULIN 1995 « L'activité [est] le reflet et la construction d'une histoire : celle d'un sujet actif qui arbitre entre « ce qu'on lui demande » et « ce que ça lui demande », celle d'un sujet divisé dans ses dimensions physiologiques, psychologiques et sociales, et qui toujours doit construire son unicité en gérant le rapport qui le lie au réel et aux autres » (Amigues, 2009, p.15).
L'activité enseignante a un caractère particulier, elle est contrainte et partagée. René Amigues, dans son article Le travail enseignant : prescriptions et dimensions collectives de l'activité (2009) évoque une activité contrainte parce que le professeur des écoles ne choisit pas ce qu'il doit faire (les programmes) ni avec qui il doit le faire (élèves, collègues...). Il ajoute que l'activité est partagée car pour lui elle l'est sur deux points : dans le temps et l'espace ainsi qu'avec d'autres personnes. Cet auteur explique que le travail enseignant ne se limite pas à l’enseignement c'est-à-dire que les pratiques de classes ne reflètent pas l'ensemble des pratiques enseignantes. L'auteur en évoquant le travail partagé montre que le travail individuel de l'enseignant ne se réduit pas à « l'espace-temps » qui est la classe. En effet, le travail de l'enseignant a lieu en plusieurs temps, dans plusieurs situations (classe, conseil de classe, concertation entre collègues...). L'activité enseignante ne se réduit pas à l'action : les motifs de l'une ne correspondent pas au but de l'autre, elles n'ont pas les mêmes limites spatiales et temporelles. L'activité professorale n'est donc pas uniforme et ne se limite pas qu'à la classe. Dans la mise en place de l'activité a lieu un phasage : une première phase de conception et une seconde phase de réalisation. L'activité de conception correspond à la redéfinition des prescriptions initiales et à la préparation des tâches données aux élèves. Cette activité, l'enseignant la réalise avec d'autres personnes telles que ces collègues de travail. De ce fait, la passation de tâches aux élèves se fait avec les prescriptions officielles, les choix du collectif de travail mais également les choix de l'enseignant en fonction de sa classe. Le professeur des écoles ne s'arrête pas à l'interprétation des consignes mais réalise une réelle activité de conception de tâche. L'activité professorale selon René Amigues (2003) établit des relations entre conception d'une séance, organisation de la classe et le contenu des tâches des élèves. La phase de réalisation a pour but l'apprentissage des élèves. Celui-ci a lieu dans le temps, cela suscite une activité réalisée avec des outils que l'enseignant fait évoluer dans le temps en fonction des avancées des élèves. L'activité du professeur des écoles est importante car celle-ci influence les activités futures. En effet, l'auteur explique que le temps passé pour une activité ne pourra pas être utilisé pour une autre ; les ressources d'une activité peuvent devenir des contraintes pour une autre ; l'activité d'un professeur peut dépendre de l'activité précédente ; ce qui a été réalisé ou non dans une activité aura une incidence sur la prochaine activité. L'auteur ajoute : « la charge de travail des professeurs ne se limite pas à faire la classe. Mais on voit au contraire tout ce qu'il est nécessaire qu'ils mobilisent pour pouvoir la faire » (Amigues, 2009, p.15). L’analyse de l’activité s’intéresse à ce que le professeur fait avec ses élèves mais aussi à l’effet du travail sur le professeur. L'enseignant s'interroge toujours sur son activité, il se demande comment refaire ce qui n'a pas été compris, changer les supports pour que les élèves ne s'ennuient pas. Lorsque tout se déroule comme prévu, cela n'est pas forcément source de satisfaction car le professeur avait peut-être prévu d'aller plus loin. L'activité enseignante correspond à un travail partagé avec le collectif de travail afin de transformer les prescriptions initiales pour ensuite choisir les tâches données aux élèves. René Amigues (2009), en citant Yves Clot, évoque que l'activité est triplement dirigée. Dans un premier temps, elle est dirigée vers la tâche à réaliser ; dans un second temps, elle est à destination des autres personnes du milieu de travail en relation avec la tâche. Pour finir, elle est dirigée vers soi-même. L'auteur définit cela comme étant une activité adressée car il y a plusieurs destinataires. Cependant, ces trois directions différentes peuvent devenir une source de tension car le développement d'une direction peut se faire au détriment d'une autre. Si le conflit est important, alors l'engagement dans la tâche sera moindre ; or celui-ci est primordial.
René Amigues, dans son article Le travail enseignant : prescriptions et dimensions collectives de l'activité (2009), évoque l'importance du milieu dans la mise en œuvre de l'activité. Précédemment a été évoqué que l'activité du professeur ne pouvait pas être réduite à
son action. De ce fait, l'étude de l'action n'explique pas forcement l'activité de celui-ci. L'action est liée à une prescription, contrairement à l'activité qui dépend du rapport entre l'action du sujet et le milieu dans lequel elle s'exerce. Les prescriptions sont transformées par les enseignants en fonction de leur nature ainsi que du milieu de travail. Celles-ci, si elles sont manipulables et qu'elles participent au développement des situations, des relations aux autres, deviennent alors des outils pour l'activité. De ce fait, même incomplète, une prescription forte crée des actions possibles alors qu'une prescription faible rend difficile le travail de re conception. L'auteur ajoute que le milieu de travail dans lequel se déroule l'action est une source ainsi qu'une ressource pour le développement de l'activité du professeur dans les dimensions individuelles et collectives. Le milieu de travail permet d'organiser collectivement un milieu externe à la classe pour que les enseignants puissent ensuite développer leur propre activité dans leur classe. De ce fait, le destin des prescriptions et celui du milieu sont liés car les prescriptions sont transformées en fonction de l'histoire du milieu de travail. Cependant, le milieu de travail peut être dans l'incapacité de transformer la prescription en outil pour permettre l'action. La dynamique de l’activité sera alors confrontée à des difficultés. En effet, si le milieu de travail est dégradé alors cela crée un obstacle à l'engagement individuel et collectif. René Amigues (2009) nomme cela activité empêchée ou contrariée au niveau de l’établissement ayant des conséquences sur l'activité réalisée.
E. L'utilisation des concepts pour ma recherche
La définition des concepts est une étape importante car ces derniers sont indispensables pour penser le questionnement de recherche, construire le dispositif de production de données et pour pouvoir effectuer l'analyse des données recueillies lors de la recherche.
Le concept de travail partagé a été défini en premier car celui-ci est le thème central de l'enquête. En effet, lorsque les professeurs des écoles titulaires d'une classe et les maîtres E sont en interaction auprès des élèves en difficulté, alors ces derniers rentrent dans les modalités du travail partagé. L'étude du concept de travail partagé des enseignants a permis de décliner les différentes formes que celui-ci peut prendre telles que la co-intervention, la collaboration simple et la collaboration étroite. De même, ces concepts plus spécifiques ont été définis précisément car ce sont des outils nécessaires à l'enquête. En effet, afin de comprendre les modalités des interactions entre les professeurs des écoles ayant la classe et le maître E, il faudra d'abord identifier la forme de travail partagé existante entre ces deux professionnels. La connaissance des spécificités de ces trois formes de travail partagé est donc primordiale pour caractériser les relations qui s'exercent entre les professeurs des écoles ayant la classe et les maîtres E pour ensuite permettre une analyse plus fine des interactions. Le but est de comprendre les différents savoir-faire, documents ainsi que les modalités d'interactions entre ces deux professionnels.
Un autre concept essentiel est celui des prescriptions, car ce sont elles qui provoquent les actions du professeur des écoles titulaire de la classe ainsi que celles du maître E. Les prescriptions ont pour rôle de dire aux professionnels ce qu'ils doivent faire. Il est important de définir ce concept afin de comprendre ces différentes catégories : descendantes, remontantes. Ce concept va permettre d'identifier sur quel type de prescription s'appuient les interactions entre les professeurs des écoles et les maîtres E. La connaissance des prescriptions initiales de ces deux professionnels va permettre de comprendre comment ces derniers les ont transformées et traduites ensemble, qu’elles soient remontantes ou descendantes. Le concept relatif à l'écart entre le travail prescrit et réalisé nous aidera à comprendre la redéfinition des prescriptions selon les projets des deux enseignants. Il est intéressant de savoir comment ces deux professionnels ont transformé les prescriptions pour pouvoir entrer dans un travail partagé en mettant en place des manières de faire ensemble, pour répondre aux prescriptions officielles. Il est nécessaire d'avoir ces connaissances pour pouvoir analyser l'activité réelle de ces professionnels, en lien avec les prescriptions.
De plus, le concept d'activité a été défini car celui-ci aura également son importance lors de l'analyse des données de l'enquête. La définition de ce concept a permis d'élaborer la différence existante entre les tâches/actions et les activités. Cette étude a permis de définir les activités comme étant imprescriptibles, liées au sujet qui les met en œuvre ainsi qu'à l'environnement dans lequel elles s'exercent. Ce concept permettra d'analyser l'activité réelle des deux professionnels c'est-à-dire de mettre en évidence ce qu'ils font mais également ce qu'ils cherchent à faire sans y parvenir. En utilisant ce concept, le but sera également de discerner l'activité adressée c'est-à-dire identifier les différents destinataires de l'activité mise en œuvre par le travail partagé entre le professeur des écoles ayant la classe et le maître E. Ce concept d'activité sera aussi utile lors de l'analyse des entretiens afin de discerner les formes d’empêchement de l'activité entre ces deux professionnels. La connaissance de ce concept me permettra ensuite de voir ce qui provoque l'activité empêchée et les effets de celle-ci sur les interactions des deux professionnels.
IV. Question de recherche
Mes situations de stage m'ont donné envie de comprendre les interactions entre les professeurs des écoles et les maîtres E, dans le cadre de l'aide aux élèves en difficulté. Afin de me documenter sur ce sujet, j'ai donc recherché et lu plusieurs articles de recherches portant sur le thème du travail entre le professeur des écoles titulaire et l'enseignant spécialisé. Après ces démarches, j'ai défini ma question de recherche qui est la suivante : Quels sont les objets sur lesquels porte le travail partagé entre le professeur des écoles titulaire de la classe et le maître E ? Dans le cadre des prescriptions qui organisent le travail du professeur des écoles et du maître E : quelle activité réelle, quels empêchements, tensions pour ces deux acteurs ?
V. Recueil de données envisagé :
Les lectures d'articles scientifiques effectuées ont permis de comprendre que le travail partagé entre les maîtres E et les professeurs des écoles titulaires de leur classe est difficile à mettre en place et à saisir par le chercheur. Cependant, celui-ci est tout de même mis en œuvre sous diverses formes par ces professionnels. De ce fait, il est pertinent de déterminer comment ce dernier se fait. L'enquête a pour but de connaître les savoirs, savoir-faire qui sont en jeu dans les interactions, la façon dont ces enseignants partagent leur savoir, connaître les documents qu'ils se communiquent et l'utilité de se transmettre ces documents...
A. Les outils de recherche
Afin de recueillir des données en vue de répondre à mon objet de recherche, il faut procéder à une enquête de terrain en effectuant plusieurs entretiens. Le recours à des entretiens paraît le plus adapté car l'enquête nécessite une méthode qualitative puisqu'on cherche à comprendre, à analyser un phénomène humain qui n'est pas mesurable. Pour cette recherche, l'observation semble être un outil inapproprié. En effet, l'enquête nécessite d'être confronté aux acteurs. Cependant, le travail partagé n'a pas toujours lieu au même moment de la journée, ce qui rendait difficile d'éventuelles observations. De plus, faire des observations lors de l'action du maître E en petit groupe n'aurait pas été judicieux car son travail auprès des élèves est basé sur une confiance réciproque. De ce fait, ma présence pourrait mettre en péril la confiance qu'ils ont établie. Une méthode par questionnaire n'est pas non plus adaptée à mon enquête car je ne souhaite pas obtenir des données quantifiables. L'utilisation de cet outil est inappropriée puisque l'objet de l'enquête nécessite d'être confronté aux acteurs afin de comprendre comment ils interagissent (de quelle manière et comment cela se déroule). Ce type d'informations ne pourrait pas être recueilli par questionnaire.
B. Les entretiens semi-directifs
Pour l'enquête, le plus judicieux est donc de mener des entretiens. Plus précisément, il s'agira d'entretiens semi-directifs avec les enquêtés car ces derniers me semblent les plus pertinents : ce sont les formulations des réponses des personnes interrogées qui vont avoir une incidence sur la dynamique générale de l’entretien. Cette façon de procéder permet d'approfondir le thème de l'entretien et de recueillir des données plus riches. En menant ce type d'entretien, le but est de recueillir des données pour pouvoir comprendre les savoirs, savoir-faire qui circulent entre les maîtres E et les professeurs des écoles titulaires d'une classe. De même, on souhaiterait comprendre ce qu'ils se partagent, dans quels buts et comment ces derniers utilisent les conseils, les documents de l'autre.
C. Les conditions de l'enquête de terrain
Lors de la rencontre avec les personnes sollicitées pour réaliser les entretiens, elles ont été informées sur les modalités des entretiens c'est-à-dire que je leur ai présenté simplement le thème de l'enquête, leur ai précisé que l'entretien sera enregistré mais que celui-ci restera anonyme. Par la suite, afin de pratiquer le recueil de données dans les meilleures conditions possibles, les personnes interrogées seront contactées à l'avance, afin de pouvoir convenir d'un rendez-vous. En procédant de la sorte, le but est de pouvoir trouver un horaire adéquat pour faire mes entretiens. En effet, il serait inapproprié de les réaliser durant la pause méridienne ou le soir avant de récupérer les enfants car le risque est que les enquêtés ne soient pas totalement disponibles et plutôt angoissés par le temps. De plus, afin d'être dans des conditions optimales, des dispositions seront prises afin de pouvoir effectuer les entretiens dans les locaux de l’établissement scolaire afin d'être dans un lieu neutre, relativement calme et ayant moins de risque d'être dérangés par un tiers. Il faut avoir conscience que des mauvaises conditions d'entretiens peuvent avoir un effet négatif sur le recueil de données.
D. La méthodologie des entretiens
Le recueil de données pour l'enquête sur les interactions entre les professeurs des écoles et les maîtres E s'effectuera avec des entretiens, en suivant une méthodologie définie. Les données seront recueillies à partir d'entretiens semi-directifs avec dans un premier temps des professeurs titulaires de classe puis, dans un second temps, avec des maîtres E. Lors du début de l'entretien, les thèmes essentiels de la recherche ne seront pas abordés. Celui-ci commencera par des thèmes généraux, assez faciles. Cette démarche a pour but de mettre en confiance la personne interrogée pour qu'elle puisse parler plus librement, sans crainte dans la suite de l'entretien. Il faut réussir à instaurer une conversation afin d'obtenir des données riches, que l'enquêté soit l'acteur de l'entretien, qu'il ne se contente pas d'attendre les questions et d'y répondre de façon brève. Les entretiens semi-directifs avec ces deux professionnels auront lieu de façon séparée afin de collecter des données sincères ainsi que des vrais ressentis sur leur travail. En effet, lors d’un entretien commun, la parole pourrait être censurée : ces deux professionnels risquent de n’évoquer que les éléments positifs de leur travail ensemble afin d'éviter toute frustration de l'autre qui pourrait avoir des répercussions dans leur travail. Ainsi, en effectuant des entretiens individuellement, la parole sera plus libre donc les données recueillies seront plus riches. Pour ma part, lors des entretiens, j'adopterai une posture empathique c'est-à-dire écouter attentivement le discours de l'enquêté. Il faut savoir contenir sa parole et laisser la personne parler afin de comprendre ses propos. Mon rôle sera également de répondre à l'enquêté en essayant de lui faire approfondir ses propos. De même, si la personne interrogée a tendance à ne parler que de propos théoriques, mon rôle sera de l'amener à parler de ses pratiques concrètes.
E. La grille d'entretien
Les entretiens se réalisent à partir d'un guide d'entretien sur lequel figureront les grands thèmes à aborder, les questions à ne pas oublier. En fonction de ma question de recherche, trois grands thèmes seront abordés dans ces entretiens. Le premier sera relatif aux savoirs, savoir-faire, documents, à l'objet de leur communication c'est-à-dire ce qu'ils se disent ou ne se disent pas entre eux. Le but sera de comprendre s'ils se disent ou donnent des choses et quelles sont ces choses. On cherchera alors à savoir quels sont les objets sur lesquels porte le travail partagé entre ces deux professionnels. Le second thème portera sur la façon dont ils coopèrent ou pas (moment informel ou formel, temps qu'ils passent...), comprendre quand et où ils partagent leurs savoirs, leurs documents. Ce thème porte également sur les supports conçus ensemble, savoir comment cela a eu lieu. L'enjeu est de comprendre, dans le cadre des prescriptions qui organisent le travail, quelle est l'activité réelle des professeurs des écoles ayant une classe et du maître E. Le troisième thème permettra d'interroger ces professionnels sur l'utilité du travail partagé c'est-à-dire sur ce qu'ils se transmettent (documents, savoirs, savoir-faire...) mais également sur l'utilité de leur communication. L'objectif de ce thème est de savoir s'ils se servent des conseils ou supports de leur collègue mais également de comprendre comment ils les réutilisent. Les entretiens vont se structurer à partir de ces grandes entrées.
F. La population
Concernant les enquêtés, les entretiens seront réalisés avec ces deux types de professionnels qui travaillent ensemble : maître E et professeur des écoles titulaire d'une classe. Cependant, l'enquête ne sera réalisée qu'avec des professeurs des écoles ayant une classe de Cours Préparatoire (CP) ou de Cours Élémentaire Première Année (CE1). En effet, mon recueil de données sera effectué avec des enseignants du cycle II c'est-à-dire le cycle des apprentissages fondamentaux dans la mesure où les difficultés sont plus présentes à ce niveau. Souvent, sur la décision des inspecteurs de circonscription, les maîtres E interviennent prioritairement dans ce cycle donc dans ces niveaux de classe car les difficultés apparaissent avec l'apprentissage de la lecture avec la correspondance entre son et lettre ainsi qu'avec les mathématiques. Mon recueil de données sur les interactions entre les maîtres E et les professeurs des écoles titulaires de classe sera réalisé avec deux binômes d'enseignants travaillant à Châlons-en-Champagne. Dans un premier temps, les entretiens seront effectués avec des professeurs des écoles travaillant dans une ancienne école d'application désormais devenue une école élémentaire de centre ville. Celle-ci est composée de six classes ainsi que d'une ULIS École. Le public de cette école est plutôt hétérogène ; cependant, selon plusieurs enseignantes, l'école est tout de même de bon niveau. Dans cette école, la maîtresse E a tout de suite accepté d'effectuer des entretiens pour participer à l'enquête. Dans cet établissement scolaire, la maîtresse E travaille avec des élèves issus d'une classe de CP/CE1 ainsi que d'une classe de CE1. Il m'a donc paru intéressant d'obtenir l'accord de ces deux professeurs des écoles travaillant avec la maîtresse E pour mon enquête. Le but est de voir si le travail partagé entre la maîtresse E et ces deux enseignantes est le même, sinon il faudra identifier ce qui entre en jeu pour le différencier. Dans cette école, les entretiens seront réalisés dans un premier temps avec la maîtresse E puis dans un second temps, de façon individuelle, avec les deux professeurs des écoles : celle de CP/CE1 et celle de CE1. La suite de l'enquête sera réalisée avec des enseignants d'une école ayant tous les critères de Zone d’Éducation Prioritaire mais n'ayant pas cette dénomination car celle-ci se situe dans un quartier n'étant pas classé en secteur ZEP. Cette école a un public très hétérogène et comprend à peu près deux
cents élèves répartis en neuf classes. Dans cette école, l'entretien sera d’abord réalisé avec l'enseignante de CE1 puis avec la maîtresse E travaillant avec les élèves de cette enseignante.
G. Présentation du Corpus
Afin de pouvoir réaliser mon recueil de données, j'ai effectué cinq entretiens semi directifs.
Le premier a été effectué avec madame M, maîtresse E intervenant dans l’école du centre ville, qui exceptionnellement n'avait pas d'élèves en charge sur la matinée car ces derniers étaient en sortie scolaire. Cet entretien qui a duré une heure, a été réalisé dans la salle RASED de l'école, ce qui a permis d'être dans un endroit calme sans être dérangé. Par la suite, des entretiens ont été menés avec deux enseignantes travaillant avec cette maîtresse E. D’abord, l’entretien avec madame S, maître formateur enseignante de CE1, a été effectué lors de sa journée de décharge. Celui-ci a donc eu lieu un lundi, en début d'après-midi, pendant une demie heure, dans une salle de réunion de l'école. Le lendemain, après la sortie des élèves c'est-à-dire aux environs de seize heures, j'ai mené un entretien d'une quarantaine de minutes, dans une salle de classe, avec madame T, enseignante de CP/CE1, travaillant également avec cette maîtresse E.
Mon enquête est ensuite constituée d'un binôme d'enseignants d'une autre école. L’entretien réalisé avec madame V, enseignante de CE1, a duré quarante-cinq minutes, dans sa classe, pendant la pause méridienne car celle-ci n'était pas disponible à d'autres moments. Celui de madame G, maîtresse E travaillant avec madame V a également été effectué lors de la pause du repas et a duré une heure.
Mon corpus est donc constitué de la transcription de cinq entretiens semi-directifs. Au sein de celui-ci figure deux transcriptions d'entretiens de maîtresses E ainsi que trois transcriptions d'entretiens effectués avec des professeurs des écoles ayant une classe de CP/CE1 ou CE1. Le travail de transcription des entretiens a été réalisé en mettant en gras les phrases prononcées par l'enquêteur, le reste correspond donc aux paroles de l'enquêté. La ponctuation a été choisie de façon à mettre un point lorsque l'enquêté change de phrase, une virgule si celui-ci change d'idée et l'utilisation des points de suspension correspond à des silences courts. Des guillemets ont été utilisés pour mettre en évidence les paroles rapportées. En effet, il est arrivé, à plusieurs reprises, que l'enquêté cite des paroles utilisées par lui-même ou d'autres personnes, celles-ci sont donc entre guillemets. De plus, des annotations entre crochets ont été apportées afin de décrire les gestes réalisés par l'enquêté lorsqu’il parlait ainsi que pour signaler certaines caractéristiques de la situation comme les moments de rires, de silence long.
VI. Analyse de données : résultats et discussions
L'analyse du recueil de données s'organise sous trois grands thèmes. Le premier est relatif à la compréhension des échanges oraux sur les savoir-faire et les échanges de documents c'est-à-dire tout ce qui circule entre les enseignants titulaires d’une classe et les maîtres E lorsqu'ils ont un travail partagé. Une seconde partie portera sur les lieux, les moments durant lesquels a lieu le travail partagé entre ces deux enseignants. Dans une dernière partie, sera évoquée l'utilité du travail partagé mis en œuvre par ces deux professionnels.
A. Les objets du travail partagé entre ces deux professionnels
1. La communication
Lors de l'analyse des entretiens de mon binôme (enseignante CE1 et maîtresse E) et de mon trinôme (maîtresse E et enseignantes de CP/CE1 et de CE1), j'ai remarqué que leur communication était essentielle et extrêmement présente. Dans les cinq entretiens, il est revenu que la première communication sur les élèves en difficulté avait lieu lors d'une réunion, en début d’année. Cette réunion appelée « Journée RASED » permet aux enseignantes de dire quels sont les élèves en difficulté. A partir de là, l'enseignante spécialisée va intervenir et réaliser ses évaluations pour construire ensuite des objectifs communs autour des besoins des élèves c'est-à-dire les compétences spécifiques à travailler.
Cependant, pour tous, la communication a lieu essentiellement après chaque prise en charge d'élèves en petit groupe par le maître E. Dans les cinq entretiens menés, il a été évoqué que les maîtresses E, après leur prise en charge, spécifiaient aux enseignantes les évolutions de l'enfant. En effet, il est revenu qu'elles évoquaient le travail fait en groupe, les réussites, les difficultés, les échecs, ce qui fonctionne ou non avec l'enfant. Il a également été précisé dans les cinq entretiens qu'après la prise en charge, les maîtresses E évoquent le comportement de l'enfant : son rapport aux autres, son attitude face au travail (motivé, attentif ou ailleurs), s'il a été correct ou insolent. Les maîtresses E ont également dit que, lors de leur communication, elles parlaient des résultats de leurs évaluations, des bilans faits sur les élèves. Dans les entretiens, il a été mentionné que la communication pouvait porter sur d'autres objets. Madame S, a évoqué que leur discussion pouvait porter sur d’autres actions telles qu'une équipe éducative. Cette dernière, ainsi que Madame V et la maîtresse E Madame M, ont évoqué, durant leur entretien, que les conversations pouvaient porter sur la vie privée de l'élève afin de mieux le comprendre. En effet, ces trois collègues ont évoqué que l'enfant était plus apte à se confier en petit groupe que dans le groupe classe, sur des événements familiaux qui peuvent le perturber (divorce des parents...). La maîtresse E, madame M, a expliqué qu'elle disait aussi à l'enseignante tout ce qui permet de mieux comprendre l'enfant, son fonctionnement, ses angoisses pour que celle-ci puisse s'adapter en classe.
« Sur quoi portent vos échanges ? Est-ce que vous échangez sur des façons de faire, on vient de dire que ça dépendait ? Oui, surtout sur les comportements de l'enfant, ses réussites, ses échecs, son attitude, ce qu'il a pu me dire sur son ressenti de la classe, de la famille. Parce que souvent la parole elle est plus libérée ici qu'en classe.
Oui parce que vous n’êtes que 2. Oui voilà en petit groupe. L'enfant a moins la pression de réussite ici. Ici le statut de l'erreur, voilà ici il y a pas de souci, on peut se tromper.
Tout ce que l'enfant vous dit, vous le redites à l'enseignante ? Ce qui me paraît nécessaire pour comprendre son fonctionnement, pour comprendre ses angoisses voilà ça, c'est redit.
Oui pour qu'elle puisse s'adapter après en classe ? Oui tout à fait et pour expliquer un comportement, expliquer une façon de voir, voilà ».
Madame M, maîtresse E
Les deux maîtresses E, ainsi que Madame T enseignante de CP/CE1, ont également évoqué que parler des évolutions des élèves entre elles permettait de savoir quand le transfert de compétences a lieu en classe et ainsi pouvoir ensuite communiquer pour envisager soit d’autres objectifs, soit l'arrêt de l'aide ou un autre mode de prise en charge. Au niveau des enseignantes, deux sur trois ont évoqué que la maîtresse E leur rapporte à chaque fois ce qui se passe en groupe d’aide et de même, de leur côté, elles lui spécifient ce qui se passe en classe. Cependant, Madame S, l'autre enseignante a révélé que, de son côté, elle parlait moins de ce qui se passe en classe.
L'analyse des entretiens a permis de voir que le binôme et le trinôme communiquait sur des objets extérieurs à leur rôle auprès des élèves en difficulté. Madame M, parle de l'atmosphère de l'école, elle essaie de participer pour s’intégrer à l'équipe pédagogique. Madame V parle des autres élèves pour que la maîtresse E les connaisse car elle sera amenée, éventuellement, à travailler avec eux et dit également discuter des séances qui se passent mal afin d'obtenir un regard d'un autre adulte, pour obtenir des conseils dans les discussions. Dans plusieurs entretiens, il est revenu également qu’elles parlaient de leur vie privée.
Après s'être intéressé à l'objet de la communication entre les maîtresses E et les enseignantes, nous allons voir ce qu'elles ne se disent pas. Les trois enseignantes interrogées ont évoqué ne garder aucun secret envers le maître E. Elles échangent tout ce qu'elles savent sur les élèves en difficulté suivis par la maîtresse E. Madame T dit qu'il n'y a pas de secret, qu'elle lui dit tout ce qui est important, qu'elle ne cache rien et qu'elles peuvent même entrer dans le secret professionnel. De son coté, Madame V, explique garder pour elle, seulement ce qu'on lui a demandé de garder secret sinon elle communique tout à la maîtresse E ; elles peuvent même parler des autres élèves, de ses difficultés à elle pour faire atteindre un objectif.
« Et par contre, à l’inverse qu'est-ce que vous ne pouvez pas dire à votre collègue ? Par rapport à l’enfant ?
Oui. Honnêtement, rien sauf si vraiment il y a une situation où j’ai été mise au courant et qu’on m’a demandé de garder secret.
Par les parents par exemple ? Oui par exemple par les parents ou par les services sociaux ; là, dans ces cas-là voilà, je le garde pour moi. »
Madame V, Enseignante de CE1
De l'autre côté, les deux maîtresses E, durant leur entretien, ont évoqué des éléments qu'elles gardaient pour elles, qu'elles ne communiquaient pas à l'enseignante. Madame M, dit qu'il n'y a pas de tabou avec Mesdames T et S, elle dit ne rien leur cacher mais seulement garder pour elle ce qu'elle estime sans importance pour faire progresser l'élève. Cependant, dans son entretien, elle évoque le fait qu'avec d'autres enseignants, elle garde certaines choses pour elle lorsqu'elle sait qu'il peut y avoir des répercussions négatives sur l'enfant : prise en grippe par l'enseignant, source d'autres problèmes. Madame G, quant à elle, ne dit pas les choses qu'un enfant lui a confiées sur sa vie personnelle si ça n'a pas d'utilité pour l'enseignante. Elle se justifie en expliquant qu'il est important de garder la relation de confiance construite entre l'enfant et elle. Afin de ne pas donner une image négative de l'enfant, tout comme l'autre maîtresse E, elle garde pour elle le comportement qu'a pu avoir un élève en aide. Par exemple, pour un enfant connu comme perturbateur, elle dit à l’enseignante que ça s'est bien passé sauf s'il y a vraiment eu un gros débordement. Le côté négatif, elle en parle avec l'élève, elle le punit en aide, le gronde mais n'en parle pas à l'enseignante pour ne pas noircir l'image que celle-ci a de l'élève et afin que celui-ci ne soit pas puni une seconde fois.
Discussion : La recherche menée a permis de voir que les échanges entre les maîtresses E et les professeurs des écoles étaient très riches. Un climat d'écoute et de confiance mutuelle est mis en place puisqu'elles évoquent de nombreux sujets sur les élèves en difficulté mais cela va plus loin : discussion sur l'atmosphère de l'école, sur les autres élèves ainsi que sur leur vie personnelle. Cette communication facile évoquée ne relève pas de prescriptions officielles et peut laisser présager la mise en place d'un réel travail partagé.
Par la suite, lorsqu'on s'intéresse aux informations que ces professionnels ne se communiquent pas, dans la plupart des cas, il est ressorti qu'il n'y avait pas de censure de parole. Cependant, trois sur cinq ont tout de même évoqué ne pas dire tout ce qu'elles savaient à leur collègue. Dans ce type de situation, l'activité réelle de Madame V (enseignante) ainsi que celle de Madame G (maîtresse E) sont construites à partir des prescriptions descendantes telles que les a définies François Daniellou (2002). Les prescriptions descendantes viennent de la structure organisationnelle ; nous voyons ici que ces enseignantes respectent les prescriptions concernant les devoirs du professeur des écoles envers l'obligation du secret professionnel. En effet, ces dernières gardent des informations secrètes, ne communiquent pas à leur collègue des informations personnelles sur l'élève si celles-ci ne sont pas primordiales pour permettre l'apprentissage. De plus, les deux enseignantes spécialisées ont évoqué garder pour elle certaines informations pouvant noircir l'image de l'élève en difficulté aux yeux de l'enseignante. Cette situation montre que l'objet de la communication est lié à la connaissance de sa collègue et de sa façon de faire avec les élèves ; cela va influencer la décision de transmettre ou non certains événements rencontrés avec les élèves.
2. La construction d'objectifs communs
Le binôme ainsi que le trinôme ont tous évoqué définir des objectifs ensemble c’est ce que l'analyse des entretiens révèle. Ces derniers visent les compétences à faire acquérir aux élèves pris en aide. Ces objectifs sont établis lors de la réunion formelle de début d'année ou lors d'un autre moment de communication entre les deux professionnels. Dans les entretiens menés avec Madame M, et les enseignantes Mesdames S et T, il est évoqué que la maîtresse E fait des évaluations de son côté par rapport aux difficultés que les enseignantes lui ont évoqué. Après cette étape, la maîtresse E discute avec les enseignantes des difficultés qu’elle a mises en évidence, compétences acquises ou non acquises et qu'il faudrait retravailler. A partir de là, elles discutent afin de dégager des objectifs communs. Madame G, dans son entretien, évoque également réaliser des évaluations et faire part des résultats à Madame V. De plus, Madame G, maîtresse E, précise que les objectifs peuvent être revus en fin de période ou en fin de cycle ou simplement quand l'enfant les a atteint. Dans ces situations, la maîtresse E et l'enseignante ciblent les objectifs suivants à atteindre.
Discussion : Les cinq enquêtés ont expliqué que les objectifs concernant les élèves en difficulté étaient construits lors d'une concertation entre la maîtresse E et le professeur des écoles de la classe. Leur façon de travailler est conforme à celle évoquée par Jean-François Marcel (2009), qui précise que pour avoir des pratiques enseignantes de travail partagé, les professionnels doivent avoir un objectif commun. Le travail partagé mis en œuvre entre le professeur de la classe et la maîtresse E se déroule en lien avec le travail prescrit par le ministère de l’Éducation Nationale. En effet, celles-ci construisent ensemble leurs objectifs d'enseignement en se référant aux prescriptions descendantes qui sont : Le Bulletin Officiel du 19 juin 2008 (les programmes de l'éducation nationale) ainsi que Le Bulletin Officiel du 5 janvier 2012 (les progressions). Le travail réel entre les professeurs des écoles et les maîtresses E s'appuie sur les prescriptions officielles c'est-à-dire qu'il correspond au travail prescrit. Lors du choix des objectifs pour ces élèves, ils doivent suivre les programmes et les progressions de l’Éducation Nationale ; les enseignantes et les maîtresses E ne sont donc pas totalement libres. D'après René Amigues (2009), on parle alors d'une activité contrainte.
3. La transmission de conseils
Lors de l'étude de mon recueil de données, les deux maîtresses E ont eu des réponses presque similaires aux questions relatives à la transmission de conseils aux enseignants. Madame G indique qu’elle peut donner des conseils à l’enseignante au cours d’une discussion. Cependant, dans l'entretien cette maîtresse E a confié qu'elle ne se permet pas d'intervenir sur ce qui se passe en classe, ni d'aller conseiller sa collègue sur sa façon de faire. Pour elle, ce n'est pas son rôle puisqu'elles sont toutes les deux enseignantes. Elle a tout de même précisé qu'elle donnait des conseils mais seulement lorsqu'on lui en faisait la demande.
« Est-ce que, en tant que maître E, vous donnez des conseils à l’enseignant notamment pour la différenciation, l’aide aux élèves en difficulté ? On en parle mais après, des conseils, je suis enseignante, elle est enseignante aussi ; mais oui, il y a des petites choses qu'on peut peut-être parfois adapter donc oui on en parle mais après il y a des conseillers, un inspecteur. Je me permets moins d'intervenir sur ce qui se passe dans la classe.
Oui, vous donnez des conseils que si elle vous le demande ? Oui voilà c'est ça, c'est quand même délicat d'aller dire à la collègue... Voilà j'ai pas la fonction
Oui vous ne pensez pas que c'est votre rôle ? Non je pense pas. »
Madame G, Maîtresse E
L'autre maîtresse E interrogée a évoqué la même idée qu'elle ne se sentait pas supérieure aux enseignants et que de ce fait, elle ne donnait pas de conseils : « S’il y a une demande de l'enseignant oui. J'ose pas moi-même aller voilà. ». Les deux maîtresses E interrogées donnent des conseils aux enseignants sur les façons de faire face à la difficulté, comment s'y prendre, comment gérer la différenciation mais uniquement s'il y a une demande de la part des enseignants. Madame M ajoute qu’elle se permet d'autant moins de donner des conseils à Madame S et Madame T car elles sont toutes les deux des maîtres formateurs. En effet, la maîtresse E confie qu'elle échange avec ces enseignantes sur les élèves mais qu’elle ne se permet pas de les conseiller car elles ont de l'expérience autant qu'elle.
« Enfin je sais bien que dans notre rôle, il y a aussi un rôle de conseil mais moi personnellement, j'ai du mal à part enfin, ça dépend de la personne qui est en face. Mais là, vu la configuration de l'école, des maîtres formateurs avec beaucoup d'expérience, mais il y a des échanges. »
Madame M, maîtresse E
L'enseignante, Madame V, travaillant avec la maîtresse E madame G, a évoqué à plusieurs reprises qu'elle demandait à ses collègues donc également à l'enseignante spécialisée de l'aide et que s'il le fallait, elle n'hésitait pas à en demander. L'enseignante a ajouté qu'elle demandait des conseils à la maîtresse E pour plusieurs choses, pas seulement pour les élèves que celle-ci suit en petit groupe mais aussi pour les autres et également pour d'autres matières, pour un objectif qu'elle n'arrive pas à atteindre. Elle explique que la maîtresse E a un autre regard et donc peut lui venir en aide.
« Bien sûr des fois, on parle pas seulement des enfants qui sont pris en charge mais aussi d’autres élèves ou à un instant donné, on voit une difficulté et on va dire que le maître E, il a un regard un peu plus expérimenté, un peu plus expert et il va pouvoir nous guider sur une technique, une approche à faire. »
Madame V, enseignante de CE1
Cette enseignante a également ajouté que l'échange de conseils, de savoir-faire se faisait dans les deux sens. Elle explique qu'elle aussi donne des conseils à la maîtresse E. Elle précise avoir une meilleure connaissance des élèves puisqu'elle les voit tous les jours, elle se permet alors de guider la maîtresse E sur ce point.
« Vous vous transmettez des techniques et des conseils l’une envers l’autre ? Oui oui je pense. »
Madame V, enseignante CE1
Les enseignantes Madame T et Madame S, travaillant avec la maîtresse E madame M, expliquent toutes les deux qu'elles peuvent abandonner leur façon de faire pour prendre celle de la maîtresse E si elle a fonctionnée. Les enseignantes expliquent que lors des discussions, il arrive que la maîtresse E dise qu'elle a réussi à faire progresser l'élève avec telle ou telle chose qui a fonctionné. De ce fait, madame S, explique que suite à ce qu'a fait la maîtresse E, si ça a fonctionné, elle abandonne sa façon de faire pour s'inspirer de celle que la maîtresse E a réussi à mettre en place. Madame T explique que les échanges avec l'enseignante spécialisée portent sur les techniques, les choses qu'elle pratique. Elle réutilise alors les choses que la maîtresse E a réussi à mettre en œuvre avec l'élève. Cette dernière ajoute que les échanges avec les conseils de l'enseignante spécialisée lui sont bénéfiques pour faire progresser l'élève de son côté.
Discussion : Dans les prescriptions officielles concernant les enseignants spécialisés, il est précisé que ces derniers ont un rôle de conseil, d'aide et d'appui envers les équipes pédagogiques. Cependant, les deux entretiens menés avec les maîtresses E ont permis de voir que leur travail réalisé est différent du travail prescrit. En effet, nous découvrons l’existence d'un biais puisqu'elles vont remplir leur mission de conseil différemment selon le statut de l'enseignant titulaire de la classe. Madame M explique ne pas donner de conseils à ces deux enseignantes car celles-ci sont des maîtres formateurs avec de l'expérience. Pour elle, ces dernières sont compétentes et n'ont pas besoin de son aide. Il faut également noter que ces deux maîtresses E remplissent leur rôle de conseil, d'aide seulement quand on leur en fait la demande. Ne voulant pas s'imposer comme supérieures face à leur collègue, elles n'osent pas donner de conseils s'il n'y a pas de réelle demande. Cette façon de concevoir leur mission de conseil confirme celle présentée par Mérini, Thomazet, Ponte (2010) dans la revue de littérature. Dans leur article, tout comme dans les entretiens menés, nous pouvons voir que, chez les maîtres E, aider un enseignant pour comprendre les difficultés et pour choisir le meilleur moyen d'y répondre afin d'aider un élève fait l'unanimité. Cependant, nous avons aussi retrouvé l'idée que les maîtres E se demandent s'ils sont encore dans leur rôle en donnant des conseils aux enseignants. Ces derniers ne veulent pas se positionner en tant que supérieur hiérarchique, ni comme conseiller pédagogique. L'activité réelle des enquêtés correspond donc à une appropriation des prescriptions officielles en fonction du statut de leur collègue ainsi qu'en prenant en compte l'existence de tensions évoquées par Mérini, Thomazet et Ponte.
Les trois enseignantes interrogées ont expliqué que les discussions avec les maîtresses E leur permettaient d'obtenir des conseils et ainsi savoir quelles activités mettre en place avec ces élèves en classe. De ce fait, leur conversation et les conseils donnés par la maîtresse E de façon implicite permettent aux enseignantes de mettre en place de la différenciation pédagogique et ainsi remplir l'une des prescriptions descendantes présente dans le référentiel de compétences : « Prendre en compte la diversité des élèves ».
4. Les différents outils, documents et supports
L'analyse des entretiens a permis de mettre en évidence quels étaient les outils/les supports que ces deux professionnels se montrent, se transmettent ou créent ensemble.
Concernant les outils et les supports que les maîtresses E montrent aux enseignantes, dans quatre entretiens, il a été évoqué qu'elles montrent leurs évaluations, quelques exercices. Madame G montre également des fiches « Lecture chronométrée » (nombre de mots lus sur quel temps et les difficultés rencontrées). Il ressort également que les enseignantes spécialisées montrent très peu de documents écrits. Nous pouvons justifier ce phénomène par le fait qu’elles expliquent que leurs actions passent beaucoup par la manipulation, les jeux et l'oral. De l'autre côté, dans quatre entretiens sauf Madame S, il a été dit que les enseignantes montraient des exercices réalisés en classe (évaluation, dictée, exercices...) à la maîtresse E.
Concernant les supports, les outils que se transmettent ces deux professionnels les deux maîtresses E interrogées ont indiqué qu'elles pouvaient prêter du matériel, des documents (classeurs, textes de lecture rapide..) ou encore transmettre les projets et les bilans des élèves qu'elles suivent aux enseignantes mais seulement lorsque celles-ci en font la demande. Ces deux enseignantes spécialisées ont également dit qu'elles pouvaient réutiliser des outils de la classe, comme des textes, mais qu'elles les réadaptaient aux élèves en difficulté. Du côté des enseignantes, il n'y a pas d'uniformité dans le type de documents qu'elles transmettent. Madame T donnent ses progressions dans le domaine que la maîtresse E doit travailler c'est-à-dire les sons ; elle donne également des textes s'il y a un besoin de travail sur la compréhension. Madame V peut donner des jeux qu'elle trouve intéressants mais qu'elle ne peut pas mettre en place en classe, des exercices qui posent problème ou qu'elle souhaite que la maîtresse E retravaille. Le binôme Madame G et Madame V se transmettent également des documents par mail afin de préparer des séances, ainsi que des recherches qu'elles ont faites.
Dans les cinq entretiens, à la question relative à la construction commune d'outils ou de supports, la réponse a été négative. Cette réponse peut être liée au manque de temps pour travailler ensemble, cette problématique étant évoquée plusieurs fois par tous les enquêtés. De plus, le constat qu'ils ne construisent pas d'outils communs et qu'ils utilisent peu ou en les adaptant les outils de leur collègue peut être associé au fait que, dans les cinq entretiens, il est fait mention qu'ils n'utilisaient pas les mêmes méthodes. Ces deux idées d'outils et de méthodes différents ont été exprimées dans les quatre entretiens. En effet, selon quatre enquêtés, pour que l'élève progresse mieux, il faut utiliser des outils, des supports, des méthodes différentes de la classe car le blocage peut venir de l'outil. Le côté ludique et la manipulation, moins présents en classe mais largement explorés en aide, sont bénéfiques.
Discussion : Lors de leur travail partagé, le binôme et le trinôme s'échangent et se montrent certains documents tels que les progressions, les exercices... Cette pratique professionnelle rentre dans le cadre des prescriptions descendantes définies par François Daniellou (2002). En effet, les cinq enquêtés, en partageant des documents, remplissent une des compétences communes à tous les professeurs et personnels d'éducation c'est-à-dire « coopérer au sein d'une équipe ». Ces professionnels coopèrent, travaillent ensemble autour de ces élèves en difficulté. De plus, dans le référentiel spécifique de l'option E, il est précisé que le maître E « veille à la cohérence des différentes interventions pédagogiques auprès des élèves ». La transmission de documents permet donc aux enseignants spécialisés de travailler comme le référentiel leur demande. Le travail réalisé de ces professionnels est organisé selon le travail prescrit c'est-à-dire en lien avec les différentes prescriptions officielles.
La recherche a montré qu'au sein du binôme tout comme au sein du trinôme, il n'y avait pas de construction commune d'outil, de document ou de support. Cette situation correspond à une activité empêchée comme l'a définie René Amigues (2009). En effet, les enquêtés ont rappelé à de nombreuses reprises la contrainte du temps. Ces derniers aimeraient faire plus, partager davantage de choses ; cependant le manque de temps crée un obstacle à l'engagement individuel, c'est à ce titre que nous pouvons parler d'activité empêchée. Dans cette situation, une tension liée au manque de temps pour le travail partagé est présente puisque les enseignantes expliquent ne pas créer ensemble faute de temps. L'existence de cette tension renvoie à l'idée de Mérini, Thomazet et Ponte : entre ces deux professionnels s'exercent des tensions liées à un manque de disponibilité. Il faut tout de même tenir compte que les maîtresses E et les enseignantes souhaitent garder des outils et des documents différents pour permettre une réelle progression des élèves. De ce fait, la tension de temps n'est pas la seule raison à l'absence de construction commune.
Afin de terminer la discussion de cette partie, à travers l'analyse des entretiens, nous pouvons voir que le binôme et le trinôme effectuent un travail partagé dans sa modalité interindividuelle. Cette forme spécifique est définie par Jean-François Marcel (2009) comme correspondant à la prise en charge d'un groupe d'élèves par un autre enseignant, ici un membre du RASED.
Selon ces premiers résultats, nous pouvons penser que le travail partagé ayant lieu entre les maîtresses E et les enseignantes interrogées ne relève pas de la collaboration simple. En effet, Brisset, Berzin, Villers et Vock (2009) décrivent celle-ci comme étant deux systèmes indépendants. Cependant, pour le binôme et le trinôme, ce n'est pas le cas puisque leur travail partagé porte sur de nombreux objets. En effet, ces derniers communiquent beaucoup sur les élèves en difficulté ainsi que sur d'autres thématiques ; ils définissent ensemble des objectifs pour ces élèves, ils se demandent et transmettent des conseils sur les façons de faire en classe, ils se transmettent également des outils pour permettre de faire le lien entre le groupe et la classe. De plus, les maîtresses E et les professeurs des écoles interrogés organisent leur travail dans le cadre des prescriptions descendantes ; elles peuvent tout de même être amenées à les modifier. Le travail partagé mis en place par les enquêtés se situe donc dans une collaboration étroite. En effet, comme l'ont défini Brisset, Berzin, Villers et Vock (2009), cette forme permet de faire l'adéquation entre ce qui se passe en classe et dans le cadre de l'aide ; ceci nécessite une véritable concertation entre les enseignants comme nous l'ont expliqué les enquêtés. Cependant, le binôme et le trinôme ne sont pas dans la forme la plus complète de la collaboration étroite puisqu'ils subissent des activités empêchées dues à des tensions liées au temps. En effet, par manque de temps, les professeurs et les maîtresses E ne créent ni projet ni outils communs, ce qui est nécessaire pour parler de réelle collaboration étroite.
B. L'activité réelle des deux professionnels
1. La co-intervention
Les entretiens ont montré que la co-intervention n'était pas pratiquée par tous. Premièrement, dans le trinôme : Madame M (maîtresse E), Madame S et T (enseignante de CE1 et CP/CE1), on constate qu'il y a peu de co-intervention, celle-ci est quasi inexistante. Madame S dit ne pas faire de co-intervention avec l'enseignante spécialisée car pour elle, l'aide est plus bénéfique lorsque l'élève sort de la classe. Madame T, elle, dit ne faire de la co
intervention avec cette enseignante spécialisée que très rarement, elle peut venir en classe pour faire passer des évaluations oralisées d'un texte, de listes de mots. Madame M, maître E dit clairement ne pas faire de co-intervention avec ces deux enseignantes car elle n'aime pas cette méthode de travail mais également parce que l'école ne s'y prête pas. Elle explique ne pas faire de co-intervention parce qu'elle ne trouve pas sa place de maître E dans cette situation. On peut également mettre en lien cette « non pratique », avec le problème de manque de temps puisqu'elle n’est que quatre heures dans l'école, ce qui empêche une préparation collective. On peut également relier cela au fait que les élèves des deux enseignantes ne sont pas en grande difficulté qui nécessiterait de telles pratiques pour permettre une progression.
« Après on a du mal en tant que maître E à trouver sa place entre le rôle d'AVS où on est à côté de l'enfant et puis on fait rien, on a rien préparé donc je préfère préparer et travailler avec eux ici (en montrant la salle où elle intervient en petit groupe) si c'est pour s'isoler au fond de la classe et déranger la classe autant qu'on soit là donc ouais, en gros, je trouve pas ma place moi en tant que maître E dans la co-intervention. »
Madame M, maîtresse E
Le binôme d'enquêtés effectue de la co-intervention. Madame G, la maîtresse E et Madame V, l'enseignante, font essentiellement de la co-intervention sur des activités de lecture. L'enseignante spécialisée travaille avec tous les élèves en ayant un œil plus attentif sur ceux en difficulté. Madame V met en pratique des situations de co-intervention avec la maîtresse E parce qu'elle pense que c'est utile pour l'enfant de rester en classe pour certaines activités mais que celui-ci a tout de même besoin d'aide ou d'explications plus nombreuses. De son côté, Madame G explique avoir eu des réticences face à cette pratique mais que, suite à une demande institutionnelle, elle a commencé à en mettre en œuvre. Elle ajoute dans l'entretien qu'elle a trouvé cette pratique bénéfique même si elle précise qu'il est toujours nécessaire de prendre les élèves en petits groupes en dehors de la classe.
« J'ai du mal à m'y mettre. Ça m'a été un peu imposé. Les premières années, on ne faisait pas du tout de co-intervention ; cela a été une demande de l'inspection. Je vous avoue qu'au début, je me suis dit « ça ne va rien apporter du tout » et en fait bah si, moi je trouve, c'est intéressant. Vraiment, c'est intéressant pour les enfants et pour moi aussi. Après comme quoi, il faut essayer. »
Madame G, maîtresse E
Concernant la décision de ce binôme de faire des activités de co-intervention, ce qui est ressorti des entretiens, notamment celui avec Madame V, c'est que la décision se prend lors de discussion entre les deux collègues dans la cour ou le matin. Cette dernière ajoute que si elle décide de faire de la co-intervention, elle va en parler à l'enseignante spécialisée. Si c'est quelque chose d'habituel ou sans préparation préalable, elle lui en parle au dernier moment. Alors que s'il faut que la maîtresse E y réfléchisse ou apporte ses outils, alors elle va lui en parler avant. Ce qu’on peut déduire de ces deux entretiens, c'est qu'il n'y a pas de préparation commune de séance ou de support pour la co-intervention. En effet, les deux collègues ont évoqué que l'une préparait et montrait à l'autre afin de lui expliquer. Madame V ajoute que, lorsque l'une des deux montre les documents, celle qui n'a pas préparé peut apporter ses idées et elles en discutent. Le fait de ne pas préparer la co-intervention ensemble peut être expliqué par le problème de temps évoqué de nombreuses fois dans les deux entretiens.
Discussion : Concernant les deux maîtresses E, nous pouvons voir une différence entre le travail réalisé et le travail prescrit. Premièrement, Madame M ne respecte pas les nouvelles prescriptions officielles qui leur demandent de mettre en œuvre des activités de co intervention en plus de leur travail en petit groupe d'aide. La réticence éprouvée par cette enseignante spécialisée peut éventuellement s'expliquer par le fait qu'elle ne s’y retrouve pas dans ce type de fonctionnement c'est-à-dire qu'elle ne trouve pas sa place en tant que maîtresse E, ceci provoquant alors un sentiment d'inutilité. Ce mode de travail ne correspond vraisemblablement pas à ses convictions professionnelles, à ses représentations. Dans cette situation, il paraît donc difficile de sortir du cadre traditionnel de son travail pour aller vers la nouveauté. Ceci est d'autant plus difficile lorsqu'on exerce le même métier depuis plusieurs années comme ici Madame M, enseignante spécialisée depuis quinze ans. De plus, il existe d'autres barrières à la mise en place de séance de co-intervention. En effet, la maîtresse E ne met pas en place ce type d'activité conjointe avec le professeur de la classe pour des choix personnels mais également en raison de tensions liées au manque de temps ainsi qu'au besoin de l'école. La mise en œuvre de co-intervention est freinée par une tension liée au manque de temps évoqué par Mérini, Thomazet et Ponte. Dans cette situation, le travail réalisé est différent du travail prescrit par le ministère. Nous constatons que les prescriptions officielles ne sont pas toujours suivies car le mode de travail en co-intervention peut atteindre la personne dans son identité d'enseignante et la rendre ainsi vulnérable (ne se sent plus utile, n'a plus l'impression d'effectuer son métier).
Deuxièmement, Madame G a expliqué faire de la co-intervention suite à une demande institutionnelle. De ce fait, le travail effectué par cette dernière est en lien avec les nouvelles prescriptions descendantes c'est-à-dire qu'elle obéit aux demandes faites par son inspecteur d'académie. Cependant, l'activité réelle de cette maîtresse E et de l'enseignante travaillant avec celle-ci sont différentes des prescriptions officielles concernant la co-intervention. En effet, celles-ci mettent en place ce type d'activité mais contrairement aux demandes institutionnelles, elles ne préparent pas ensemble la structure de la séance, les supports ni même les documents. Ces enseignantes adaptent les prescriptions face aux contraintes, aux tensions auxquelles elles doivent faire face dans leur métier. En effet, les problèmes de temps ne leur permettent pas d'effectuer des préparations communes en vue d'une co-intervention. Une activité empêchée est donc présente au sein de leur travail partagé car, sans problème de temps, ces dernières répondraient entièrement aux prescriptions de leur supérieur hiérarchique.
Dans ces deux situations, le travail réalisé est donc différent du travail prescrit. Le trinôme ne suit pas les demandes institutionnelles concernant la co-intervention et de l'autre côté, le binôme, lui, décide de se les approprier. De ce fait, ce n’est pas le dispositif en tant que tel qui est important mais la façon de se l’approprier avant et après qui génère des changements ou pas. Cette façon de concevoir son métier correspond aux éléments évoqués par René Amigues (2009) qui dit que les prescriptions sont transformées par les enseignants en fonction de leur nature ainsi que du milieu de travail. Ces situations montrent que la co intervention, demande assez récente, fait partie de la « boîte à outils » du maître E mais ne s’impose pas de façon systématique. Il semble intéressant d’élargir les façons de faire dans le cadre du travail auprès des enfants en difficultés.
2. Lieu / Moment de communication (formel/informel)
Dans les cinq entretiens, il est revenu que les communications entre les maîtres E et les enseignantes avaient lieu dans les moments formels ainsi que dans ceux informels. Pour toutes, la communication a lieu principalement dans les moments informels c'est-à-dire après la prise en charge, dans la cour de récréation, salle des maîtres, le matin ou encore le soir. Nous pouvons relier cette information au fait que, dans plusieurs entretiens, il a été évoqué qu'il y avait peu de moments formels durant l'année. Cependant, dans les cinq entretiens, il a été cité quelques situations où la communication est formelle : lors des réunions RASED de début d'année, des bilans faits à chaque période et lors des conseils de cycles. Madame M a précisé ne pas participer aux conseils de cycle pour les classes des deux enseignantes avec qui elle travaille car ce n'est pas son école de rattachement, elle n'est pas incluse dans les projets donc elle considère que ce n'est pas utile pour son intervention auprès des enfants. Celle-ci a précisé qu'elle y participerait sans problème en cas de demande d'une des deux enseignantes ou si l'ordre du conseil de cycle la concernait.
Les entretiens avaient également pour but de savoir si les enquêtés préféraient la communication lors des moments formels ou informels ainsi que savoir dans quel type de situation la parole était plus libre. Pour les deux enseignantes travaillant avec madame M, une préférence est montrée pour les moments informels. En effet, Madame S préfère la communication en salle des maîtres car pour elle, le formel sert plus à faire un constat de ce qui se passe. Ce moment, pour elle, ne permet pas d'évoquer les évolutions des élèves mais simplement de dire où on en est à un moment précis. Sa collègue, Madame T, partage la préférence des moments informels car ça lui permet d'avoir une relation exclusive avec la maîtresse E, ce qui lui permet de plus communiquer que dans les moments formels. En effet, pour elle, dans les réunions, il manque de temps car il y a d'autres enseignants, ils parlent de tous les élèves. Elle ajoute que les moments formels sont tout de même importants pour faire un bilan de classe mais elle pense que la communication informelle est la meilleure méthode puisqu'elle pense que l'on communique lorsqu'il y a un réel besoin.
« Non parce que l'informel est très bien, on le fait quand on en a besoin. Donc quand on en a besoin, on se voit, on se parle et puis voilà, c'est fait. La communication, elle naît quand il y a un vrai besoin et quand il y a un vrai besoin, on cherche des vraies réponses et c'est là, que c'est important et c'est là, que c'est constructif, à mon avis. »
Madame T, enseignante de CP/CE1
La maîtresse E, Madame M travaillant avec les deux enseignantes citées précédemment, préfère communiquer dans les moments formels. Pour cette enseignante spécialisée, la parole est plus libre lors de situation formelle parce qu'il n’y a que les personnes réellement concernées. En effet, des personnes non désirables ne peuvent pas entendre, ceci permet alors de parler de chose confidentielle sur l'enfant. Elle trouve ces réunions formelles très importantes et regrette qu'il y en ait si peu.
Le binôme Madame V et Madame G ne se positionnent pas car, pour elles, les deux modes de communication c'est-à-dire formel et informel sont bénéfiques et indispensables. L'enseignante considère que, dans les deux situations, la parole est libre puisqu'elle évoque l'importance de la franchise entre elles. Elle ajoute que les moments informels sont indispensables au quotidien puisqu'elle a chaque jour les élèves en difficulté avec elle ; les moments formels, eux, sont bénéfiques pour prendre notes et faire un bilan écrit de tout ce qui a été fait pour l'élève. La maîtresse E rejoint l'idée que les deux types de communication sont importants puisque, dans l'un comme dans l'autre, il y a des avantages et des inconvénients qu'elle cite. Elle conclut que, pour elle, les moments formels et informels sont complémentaires.
« Quels sont les avantages et les inconvénients des deux ? Pour chaque moment ? Pour les moments informels je pense qu'il y a plus de liberté, il y a des choses qui se disent des fois qu'on ne dirait pas lors d'un moment formel où il y a un compte rendu des choses comme ça donc ça c'est l'avantage du moment informel. Et l'avantage du moment formel, c'est que on est pas pris par d'autres choses, c'est un moment consacré qu'à ça et on peut se poser et mettre les choses à plat. Donc c'est les deux avantages. Les inconvénients du moment informel, c'est qu'il y a plein de choses autour qui interviennent et c'est quand même difficile de se poser, de se concentrer. Et les inconvénients, c'est qu'il y a moins de liberté dans les moments formels. Des fois les enseignants, ou moi, on est peut-être moins enclin à dire certaines choses.
Vu qu'il y a un rapport écrit. Voilà c'est plus compliqué et pas laisser non plus. EnFin voilà les écrits ça reste. Les moments informels, ça permet aussi parfois à un enseignant qui en a par-dessus la tête d'un enfant de l'exprimer, ça a été dit, il a vidé son ,sac et voilà on passe à autre chose qu'il ne ferait peut être pas devant d'autres collègues dans un moment de réunion.
Donc pour vous, les deux sont importants et complémentaires ? Oui je pense. » Madame G, Maîtresse E
Discussion : René Amigues (2009) a mis en évidence que l'activité enseignante n'est pas uniforme et ne se limite pas à la classe. Il a montré que le travail enseignant avait lieu en plusieurs temps ainsi que dans plusieurs situations. Le travail partagé entre les professionnels du binôme et entre ceux du trinôme se déroule en temps formel et informel. Lorsqu'ils travaillent ensemble lors des moments formels comme lors de la réunion RASED de début d'année, ou dans les conseils de cycle, ils effectuent leur travail partagé dans le cadre des prescriptions descendantes. En effet, l'un des devoirs de tous les professeurs des écoles est : « L'obligation de service » c'est-à-dire qu'ils doivent se consacrer à l'intégralité de leur activité professionnelle, aux tâches qui leur sont confiées. En effet, les enseignants, en plus de leur vingt-quatre heures d'enseignement hebdomadaire, doivent participer à vingt-quatre heures de travaux d'équipe : conseils de cycles, de maîtres... Ceci confirme les évolutions des pratiques enseignantes évoquées par Jean-François Marcel (2009). Il avait précisé l'existence d'un temps professionnel consacré au travail partagé qui se rapproche du temps consacré au travail d'enseignement. De même, les maîtresses E agissent en lien avec les prescriptions puisque dans le référentiel spécifique de l'option E, on trouve : « travaille en réunion de conseil de maîtres ou de cycles, en communiquant des éléments d'observation et d'évaluation relatifs aux projets individuels ». Cependant, Madame M explique ne pas participer aux conseils de cycle pour les classes de Madame S et T. Celle-ci adapte les prescriptions descendantes en fonction de la situation spécifique de l'école. Ce phénomène avait été évoqué par René Amigues (2009). En effet, l'école n'a pas d'élèves présentant des difficultés importantes, elle n'est pas celle de rattachement de l'enseignante spécialisée. Celle-ci intervenant très peu dans cet établissement décide de ne pas participer à toutes les réunions formelles. Elle adapte donc les prescriptions en fonction de son environnement, de sa situation de travail.
Dans les cinq entretiens, il est revenu que la communication informelle était très présente et indispensable au sein de leur travail partagé. Dans la revue de littérature, il a été précisé par Brisset, Berzin, Villers, Volck (2009) que les conseils de cycle, c'est-à-dire des moments formels, étaient le plus souvent désignés par les maîtres spécialisés et leurs collègues non spécialisés comme un lieu propice aux échanges d'informations entre maîtres et avec le RASED. Cependant, ma recherche nuance et infirme cette idée puisque seule Madame M a évoqué une préférence pour les moments formels. De plus, les deux enseignantes travaillant avec celle-ci ont une préférence pour les moments informels et le binôme interrogé explique que l'informel et le formel sont complémentaires. L'activité réelle concernant le travail partagé des professionnels a lieu dans les moments formels et informels. De ce fait, leur collaboration va plus loin que celle prévue et écrite dans les prescriptions officielles. En effet, leur travail dans les moments informels ne relève pas d'une prescription mais celui-ci est très important voire primordial pour leur collaboration. Les temps de concertations informels ne sont donc pas de l'imposé ni de l'impensé.
3. Les autres activités menées lors d'une coopération
Les deux enseignantes spécialisées ont évoqué faire des actions qui ne sont pas réellement de leur ressort. En effet, Madame G, en plus de son intervention auprès des élèves en difficulté de l'école, peut faire des actions hors de ses fonctions. Elle a expliqué dans l'entretien que, pour venir en aide à une collègue de l'école, dans une classe difficile, elle a pris en charge le groupe d'élèves sans difficulté pour faire une activité et ainsi permettre à l'enseignante de travailler avec les élèves en difficulté. L'enseignante spécialisée, en sortant de son rôle d'aide auprès des élèves, a permis à l'enseignante de passer du temps avec les élèves en difficulté, ce qu'elle ne peut pas faire suffisamment en classe entière et avec une classe difficile.
« Je sais que dans une école justement, avec une classe très très difficile, presque 100% masculine d'ailleurs, on avait pris des moments où justement on séparait la classe. On fait les mêmes choses, mais là je sors un peu de mon cadre de maître E mais bon. Dans ces cas-là, c'est elle qui gardait les enfants en difficulté alors il y en avait beaucoup aussi et j'avais pris les autres justement pour qu'elle travaille avec ces enfants-là, parce qu'elle trouvait qu'elle avait jamais de temps pour eux et que les autres prenaient beaucoup d'espace donc moi je sortais les autres élèves, on faisait une activité lambda pas d'aide et elle elle gardait ces enfants-là pour avoir un moment avec eux aussi. Ça peut être des choses comme ça, après moi, je suis ouverte à plein de trucs, je ne me cantonne pas non plus à prendre un groupe d'aide.
Vous êtes ouverte aussi à d'autres activités ? Oui enfin après, je sors peut-être un peu de mes fonctions ; je ne sais pas si mon inspecteur serait toujours d'accord mais je pense que l'aide E, c'est pour les élèves mais parfois ça peut être pour les enseignants, quand il y a des choses à gérer un peu difficiles en classe. »
Madame G, maîtresse E
De son côté, l'autre maîtresse E, Madame M, effectue également des actions qui ne sont pas de son ressort, en collaboration avec des enseignantes. Elle verbalise dans l'entretien le fait que certains collègues signalent beaucoup d'élèves en difficulté dans la classe, par exemple 10 sur 20. La maîtresse E explique qu'elle en discute alors avec l'enseignante pour trancher, après des évaluations qu'elle a menées. Cependant, elle dit prendre certains élèves en aide alors qu'ils ne sont pas vraiment en difficulté parce qu'elle considère que si l'enseignante en signale autant, c'est que ça lui pose problème en classe et qu'elle a besoin d'aide. En prenant des élèves sans réelles difficultés, le but pour la maîtresse E est de garder un lien avec le professeur des écoles afin qu'il ne se sente pas seul ni exclu.
« Là, je vais toujours prendre un petit peu d'enfants, ce n'est pas trop professionnel, c'est plus pour garder contact avec l'enseignante, pour prendre en compte quand même parce que si elle en signale 10, c'est qu'elle ne va pas bien quand même. C'est que ça lui pose problème quand même malgré tout, donc je vais prendre un petit peu parfois des élèves, plus pour garder le contact avec elle, qu'elle ne se sente pas exclue et tout. Bon on travaille un trimestre puis je dis « c'est bon, les enfants, ça va bien » et hop, j'en reprends ailleurs. »
Madame M, maîtresse E
Discussion : L'analyse des entretiens menés avec les deux maîtresses E a permis de voir que le travail réalisé par celles-ci ne se cantonne pas au travail prescrit. En effet, leurs missions sont régies par des prescriptions descendantes (les bulletins officiels, les référentiels de compétences...) mais cependant, ces enseignantes spécialisées se donnent d'autres missions à accomplir. Elles pensent devoir faire plus que ce que les prescriptions leur disent, faire d'autres actions afin d'être plus efficaces. De ce fait, leur activité réelle est donc différente des prescriptions puisqu'elles font des activités supplémentaires. Nous pouvons voir qu'elles transforment les prescriptions pour se les approprier et faire face à d'autres besoins. Cette façon de procéder confirme que le destin des prescriptions et la réalité du milieu sont liés car selon René Amigues (2009) les prescriptions sont transformées par les enseignants en fonction de leur nature ainsi que du milieu de travail. Les situations des deux maîtresses E confirment ces dires mais il faut ajouter qu'elles modifient également les prescriptions en fonction des besoins de leur collègue ayant la classe (comme c'est le cas ici). Leurs actions ne s'arrêtent donc pas à la réalisation des tâches qui leur sont prescrites.
4. La coopération entre les deux professionnels
Les cinq enquêtés ont répondu « Oui » à la question « Est-ce que vous vous sentez complémentaires ? ». Il y a une unanimité sur cette question de complémentarité qui est justifiée par le fait que les enseignants et les maîtres E ont des méthodes, des exercices, des façons de faire, des regards différents sur les élèves, ce qui leur permet de les faire progresser. De plus, dans les cinq entretiens, on retrouve également que pour chaque binôme maître E - enseignant, la communication est plutôt facile. Ce constat est à mettre en lien avec l'idée de la compatibilité des caractères, de la personnalité de chacun, évoquée dans plusieurs entretiens. Le travail partagé entre les personnes interrogées est plutôt satisfaisant puisque les trois enseignantes ont répondu que l'idéal dans le cadre du travail entre maître E et enseignante était ce qu'elles vivaient actuellement. De plus, les deux maîtresses E ont expliqué ne pas éprouver de difficulté avec ces enseignantes-là.
« Et donc selon vous, quel est l'idéal dans le cadre du travail avec maître E enseignant ? Bah je pense la situation dans laquelle on est, je pense que c'est déjà très bien à mon avis, par rapport à d'autres écoles. »
Madame V, enseignante de CE1
« Selon vous, quel est l'idéal dans le cadre du travail avec le maître E ? C'est ce que je vis [Rires] »
Madame T, enseignante de CP/CE1
« Selon vous, quel est l'idéal dans le cadre du travail avec le maître E ? Bah l'idéal, c'est ça, de pouvoir justement parler de l'élève et de ce qu'on fait et notre manière de faire pour que ça puisse évoluer. Et que chacun ne reste pas dans son coin et ne prenne pas mal ce que l'autre peut donner comme conseil. »
Madame S, enseignante de CE1
Discussion : Pour le binôme et le trinôme, il est ressorti que la collaboration entre eux était plutôt facile, sans obstacles. Ceci s'oppose aux constats fait par de nombreux auteurs. En effet, l'analyse de mon recueil de données montre qu'il n'existe pas de tension entre ces professionnels contrairement à ce qui est évoqué dans la revue de littérature. En effet, Mérini, Thomazet et Ponte (2010) ont démontré que le travail partagé est difficile à mettre en œuvre à cause de plusieurs tensions. D'autres auteurs ont montré que des tensions liées à la position du maître E pouvaient s'exercer dans le travail partagé : le maître E a des temps de travail différents, il n'a pas de classe donc une activité différente. Ces éléments pour Brisset, Berzin, Villers et Volck (2009) sont un frein au travail partagé car ils génèrent une frustration chez les enseignants de classe ordinaire. De même, le maître E peut être mal considéré à cause de ses interventions, certains pensent qu'il intervient là ou l'enseignant a échoué. Des tensions liées au rapport « expert-collègue » ont également été évoquées comme provoquant une réticence au travail à deux. Mon enquête infirme tous ces éléments, c'est-à-dire le fait que le travail partagé entre ces professionnels est rempli de tensions. Aucunes de ces tensions n'ont été évoquées dans les entretiens menés avec les deux maîtresses E et les trois enseignantes ; ceci nuance donc ce qui est présenté dans la revue de littérature. Cependant, une tension est tout de même revenue de nombreuses fois dans les cinq entretiens, c'est celle concernant le manque de disponibilité (manque de temps pour se voir, échanger des infos, construire ensemble). Brisset, Berzin, Villers et Volck (2009) ont évoqué que ces éléments avaient une influence sur les relations de travail entre ces deux collègues. Pour mes enquêtés, on peut constater que ce n'est pas le cas. Ce manque de temps pour mettre en œuvre leur travail partagé ne crée pas de tensions entre les professionnels mais crée des activités empêchées car ils aimeraient faire plus mais n'en ont pas les moyens. Il faut tout de même ajouter que les résultats obtenus ne sont pas généralisables puisqu'ils reposent sur un échantillon de convenance (les personnes constituant ma population sont volontaires), cela n'est donc pas assez représentatif.
Afin de conclure la discussion de cette partie, le constat a été fait que les maîtresses E et les professeurs des écoles titulaires de la classe communiquaient entre eux de façon formelle ainsi qu'informelle. De plus, ces professionnels ont tendance à modifier les prescriptions descendantes afin de les adapter à leur représentation, à la situation de l'école ainsi qu'aux empêchements qu'ils rencontrent. Ces résultats confirment ce que Jean-François Marcel (2009) avait expliqué : le collectif a des prescriptions descendantes mais il se les approprie, les adapte, les transforme afin d'élaborer collectivement des prescriptions remontantes. Le but est de contextualiser cette prescription afin d'harmoniser une action collective en lien avec le contexte.
Nous avons également pu voir que leur collaboration se déroulait sans difficulté, sans tension. Cependant, il est intéressant de s'interroger sur ces absences de tensions. Les enquêtés ont évoqué à de nombreuses reprises ne pas préparer de séance commune, ne pas construire de support, de document ensemble. Il faudrait s'interroger si ce manque d'actions communes relève bien d'un problème de disponibilité ou si ces dernières ne mènent pas d'activité commune dans le but de ne pas créer de tensions entre elles. Dans cette situation, nous pourrions parler d'une procédure d'évitement afin de ne pas mettre à mal leur entente professionnelle actuelle.
Le binôme et le trinôme travaillent ensemble, communiquent lors de moments formels et informels, s'échangent des supports/documents. Ils ont une bonne coopération, ce qui permet de voir qu'ils agissent dans le cadre de leur référentiel de compétences. En effet, ils remplissent une des compétences communes à tous les professeurs et personnels d'éducation : « Coopérer au sein d'une équipe ». Ces derniers organisent donc leur travail en lien avec les prescriptions officielles.
C. L'utilité du travail partagé entre ces deux professionnels
1. L’utilité de la communication
Les enseignantes spécialisées interrogées ont révélé que la communication avec le professeur des écoles de la classe leur permettait de prendre des informations sur les élèves qu'elles suivent. Ceci est donc primordial pour réaliser leur action. Dans tous les entretiens menés, il est revenu que la communication permettait aux enseignants d'avoir un autre regard sur l'élève, de mieux comprendre son comportement, ses difficultés, son fonctionnement. Les enseignants grâce à la communication peuvent ainsi adapter leur façon de faire en classe avec ces élèves en difficulté. En effet, Madame V a évoqué qu'elle échangeait avec la maîtresse E sur les situations personnelles des élèves, car pour elle, plus on sait de choses, mieux on peut s'adapter et faire progresser l'enfant. Madame S et Madame T, travaillant avec la même maîtresse E, ont également évoqué que les discussions après l'aide leur permettaient de mieux cerner l'enfant, de le comprendre, d'avoir un regard extérieur et qu'à partir de ça, elles adaptaient leur comportement en classe par rapport à l'élève.
Dans l'ensemble des entretiens réalisés, il est également ressorti que la communication permettait de faire la continuité entre ce qui se passe en classe et dans le groupe d'aide. En effet, la communication permet de savoir ce qui est travaillé en classe ainsi les maîtresses E peuvent s'adapter, elle permet également de savoir si l'élève transfère en classe les choses acquises en aide. Madame T dit que les discussions avec la maîtresse E lui permettent de connaître les progrès faits en aide et ainsi regarder si l'élève les transfère en classe. Madame G explique que les évolutions peuvent avoir lieu en groupe d'aide mais pas toujours en classe et c'est cette communication qui permet de le savoir et d'y remédier par exemple en co intervention, ou en discutant avec l'élève.
De plus, la communication est utile puisqu'elle permet de comprendre les évolutions des élèves et ainsi l'avenir de l'aide. En effet, dans quatre entretiens, il a été mentionné que leur communication permettait de savoir où en était l'élève afin de réajuster l'aide c'est-à-dire modifier les projets, changer le type d'aide ou encore l'arrêter.
Dans les cinq entretiens, il a été mis en évidence que la communication était primordiale dans le travail partagé entre le professeur des écoles et la maîtresse E pour faire progresser les élèves. En effet, à de nombreuses reprises, il a été exprimé que, sans communication, il leur est plus difficile de mener à bien leur action auprès des élèves en difficulté.
Discussion: La communication régulière et informelle mise en place entre les enquêtés est utile car celle-ci permet la continuité dans le but de mettre en réussite les élèves en difficulté. En effet, il a été évoqué que les échanges oraux permettaient de faire la continuité entre ce qui se passe en classe et dans le groupe d'aide. De ce fait, l'activité réelle de ces professionnels est bien en lien avec la prescription officielle relative au fait de ne pas cloisonner les activités menées auprès de ces élèves. De plus, cette communication permet de clarifier les enjeux afin qu'ils soient explicites pour le professeur des écoles titulaire de la classe et le maître E afin de rendre leur complémentarité plus effective. Les trois enseignantes participant à l'enquête ont expliqué que la communication leur permettait de comprendre l'élève, savoir ce qu'il était en capacité de faire afin de pouvoir modifier leur pratique de classe. L'utilité de cette communication est de permettre aux professeurs des écoles ayant la classe de prendre en compte les difficultés et les réussites évoquées par la maîtresse E afin de mettre en place une différenciation pédagogique pour permettre à tous les élèves de progresser à leur rythme. De ce fait, dans cette situation, leur travail s'organise autour de la compétence professionnelle descendante du ministère qui est de « prendre en compte la diversité des élèves ». Les données confirment l'idée avancée par Thomazet, Mérini et Ponte (2010) dans la revue de littérature. En effet, ces derniers avaient évoqué que les prescriptions obligeaient désormais les maîtres ordinaires à mettre en œuvre un enseignement différencié et que les enseignants spécialisés devaient faire du lien, assurer des cohérences entre leurs pratiques et celles des enseignants.
2. L’utilité de se transmettre des conseils
Les deux maîtresses E ont expliqué, qu'à la demande des enseignantes, elles leur donnaient des conseils afin qu'elles puissent s'adapter aux difficultés spécifiques de l'élève, à ses capacités, à son niveau, le but étant de faire progresser au mieux l'élève et qu'il se sente bien en classe. En effet, les trois enseignantes interrogées ont explicité que les conseils donnés par la maîtresse E leur étaient utiles pour comprendre les difficultés et savoir comment adapter leur pratique en classe à cet élève afin qu'il progresse. Ainsi, les trois professeurs des écoles ont dit qu'elles pouvaient abandonner leur façon de faire en classe afin d'utiliser pour cet élève les conseils, les techniques utilisées par la maîtresse E. De plus, Madame T et Madame V ont également expliqué que les conseils reçus de l'enseignante spécialisée leur permettaient de gérer la différenciation dans leur classe. Contrairement à cela, Madame S explique qu'elle applique les conseils de l'enseignante spécialisée seulement pour les élèves que cette dernière suit. Selon elle, les autres élèves n'en ont pas forcément besoin.
« Est-ce que les conseils que vous donne le maître E sur les enfants en difficulté vous sont utiles dans votre travail de classe et dans votre différenciation pour tous les élèves? Ah oui, ça c'est très important.
Par exemple lorsqu'elle vous dit « j'ai réussi à faire ça avec un élève », vous pouvez le réutiliser pour d'autres ? Ah oui c'est possible. Oui par exemple, l'approche de la technique opératoire qui peut être différente et me dire bah tiens, est-ce que tu as essayé de cette façon là ? Et peut être qu'un enfant qui a un petit problème, juste un petit coup de pouce, de l'avoir fait avec une approche différente, il va comprendre et hop, c'est parti.
Donc les conseils que vous donne la maîtresse E sur les enfants, ce n'est pas que pour ceux en difficulté ? Bah ça peut être adapté aux autres, oui. »
Madame V, enseignante de CE1
Les trois enseignantes ont également évoqué que les conseils qu'elles apportaient à l'enseignante spécialisée étaient utiles pour permettre à celle-ci de mieux cerner, connaître l'élève puisque ce sont elles qui l'ont au quotidien en classe.
Discussion : Concernant l'utilité des conseils transmis de l'une envers l'autre, nous pouvons voir que les trois enseignantes utilisent les conseils données par la maîtresse E pour mieux prendre en compte les difficultés spécifiques de l'élève et ainsi pouvoir s'adapter à ce dernier. Les conseils de la maîtresse E pour les enseignantes sont donc utiles pour leur permettre de remplir la compétence professionnelle descendante « prendre en compte la diversité des élèves ». Dans ce type de situation, sachant que la maîtresse E a mis l’élève en réussite en utilisant telle ou telle méthode, alors les enseignantes vont abandonner leur façon de faire afin d'utiliser celle de l'enseignante spécialisée. Selon Daniellou (2002), dans cette situation, les professeurs des écoles ayant la classe suivent des prescriptions remontantes car ici « l'enseignante fait comme son collègue fait ». Cette façon d'agir et d'accepter les conseils de l'enseignante spécialisée pour l'ensemble des enquêtés montrent une certaine opposition à l'idée de tension mise en évidence par Mérini, Thomazet, Ponte (2010). Ces derniers évoquent une réticence au travail à deux parce que le maître E est mal considéré à cause de ses interventions : certains pensent qu'il intervient là ou l'enseignant a échoué, c'est-à-dire que travailler avec un maître E montre leur impuissance à prendre en charge la difficulté de l'un de ces élèves. La recherche menée à travers le binôme et le trinôme révèle que ce type de tension n'est pas systématique, peut-être même rare. Il faut tout de même garder en tête que les résultats ne sont pas assez significatifs pour généraliser cette observation. Ce constat fait grâce au traitement des données permet de confirmer ce que Brisset, Berzin, Villers et Volck (2009) ont mis en évidence : les maîtres E ont la spécialisation pour comprendre la difficulté alors que les enseignants, eux, connaissent mieux l'enfant ; c'est pour cela qu'il faut que ces professionnels travaillent ensemble pour choisir l'aide la plus adaptée.
3. L’utilité des outils, des supports transmis
L'utilité du travail partagé autour des supports dans un premier temps sert à permettre la continuité. En effet, la maîtresse E, Mesdames T et S expliquent que les documents donnés par les enseignantes (lecture, capital mot, progressions..) servent essentiellement à assurer la continuité entre ce qui se passe en aide et en classe.
« Pouvez-vous me parler de la continuité des apprentissages entre ce qui se passe en petit groupe avec le maître E et dans la classe ? Qu'est-ce que vous faites pour qu'il y ait toujours le lien entre les deux ? Bah, je lui donne les progressions donc forcément, elle fait les sons en parallèle donc la continuité elle est là, grâce aux documents que je lui donne. »
Madame T, enseignante de CP/CE1
Les deux maîtresses E, quant à elles, expliquent utiliser les supports des enseignantes afin que les élèves ne soient pas perturbés. Madame G, maîtresse E, précise qu'elle montre à sa collègue, Madame V, des exercices qu'elle réalise en aide dans le but de changer sa perception des élèves : pour qu'elle se rende compte de l'évolution, de quoi ils sont capables. L'enseignante explique que cela lui permet de savoir où en sont les élèves dans les connaissances. De plus, les deux maîtresses E ont expliqué que les documents montrés par les enseignants leur étaient utiles afin de voir, cibler et comprendre la difficulté des élèves et ainsi adapter leur aide. Les deux enseignantes travaillant avec madame M ont expliqué ne pas utiliser les outils de leur collègue en classe car elle ne pouvait pas à cause de l'effectif. Contrairement à cela, Madame V a précisé qu'elle utilisait certaines activités données par la maîtresse E.
Discussion : L'enquête menée a permis de s'interroger sur l'utilité de se transmettre et se montrer des documents lors du travail partagé entre maître E et professeur des écoles titulaire d'une classe. Il est apparu que cela permettait de faire une continuité entre ce qui se passe en classe et dans le regroupement d'adaptation. Une fois de plus, nous voyons que l'activité réelle de ces professionnels est organisée dans le cadre des prescriptions officielles qui préconisent de faire en sorte de ne pas cloisonner les différentes prises en charge des élèves. Cette idée est à relier avec l'importance de faire circuler des objets communs entre la classe et le groupe d'aide ; c'est ce que Nedelec-Trohel (2014) appelle des objets migrants. Cette prescription a pour but de tout mettre en œuvre afin de permettre aux élèves de faire plus facilement des liens entre les différentes situations proposées et les objets de savoirs en jeu. La façon de travailler des différents enquêtés confirme ce qui était avancé dans la revue de littérature par Mérini, Thomazet, Ponte (2010) : l'importance de s'allier, de travailler ensemble afin de trouver des pratiques transposables pour permettre à l'enfant de créer des liens et de réutiliser les apprentissages du groupement d'adaptation lors de son retour en classe. Cependant, lors des entretiens deux enseignantes sur trois évoquent ne pas pouvoir utiliser les outils de l'enseignante spécialisée en classe à cause de l'effectif trop élevé. Ces enseignantes aimeraient utiliser certains supports de la maîtresse E mais le contexte ne leur permet pas ; on peut alors parler de l'existence d'activité empêchée.
4. L’utilité de la co-intervention
Seul le binôme Madame G et Madame V effectue de la co-intervention. Ce qui est ressorti des entretiens de ces deux enquêtés est que cette pratique permettait à la maîtresse E de mieux cerner l'élève et de comprendre les difficultés qu'il éprouve en classe. Madame G a également ajouté que certains élèves ne se rendent pas compte qu’ils peuvent transférer en classe les progrès qu'ils ont faits en groupe d'aide. Pour cette dernière, faire de la co intervention lui permet de guider l'élève lors d'une séance en classe pour l'orienter et ainsi lui permettre de faire le transfert. De plus, elles ont évoqué le fait que cette pratique leur permettait de communiquer plus facilement sur leur méthode. La maîtresse E explique que la discussion est plus facile puisqu'elles parlent d'un moment vécu ensemble, ce qui permet de dire à l'enseignante qu'il vaudrait mieux faire d'une autre manière.
« Et donc pour vous, ça vous apporte des choses comme voir ce que l'enfant est capable de faire à cet âge-là ? Voilà, parce que quand je fais de la co-intervention, par exemple en CP sur un temps de co-intervention, on fait des exercices de la classe donc moi, je fais la même chose mais je prends les enfants en difficulté pour vraiment voir à quel endroit ça pêche dans la classe parce que on ne s'en rend pas toujours compte en petit groupe parce qu'on adapte toujours plus à leur niveau. Donc c'est plus pour ça en fait, voir pourquoi l'enfant en difficulté est en difficulté dans sa classe.
Ça vous permet de mieux comprendre pourquoi il n'arrive pas à suivre le rythme de la classe ? Oui voilà c'est ça et puis des fois, ça permet aussi de dire à l'enseignant peut-être qu'il faut ajuster certaines choses, peut-être pas lui proposer ce que tu lui proposes en ce moment.
A partir de la co-intervention, ça vous permet de donner des conseils à l'enseignant ? Oui je pense aussi. »
Madame G, Maitresse E
Discussion : Seul le binôme d'enquêtés travaille dans des formes de co-intervention. Elles se sont lancées dans ce type d'activité suite à une demande institutionnelle mais depuis elles trouvent de nombreux avantages à cette forme de travail partagé. Les idées avancées par les deux enquêtés viennent rejoindre les éléments mis en évidence par Brisset, Berzin, Villers, Volck (2009) : la co-intervention a pour but de voir comment l'enfant réinvestit les notions qu'il a travaillées avec le maître E, ainsi que ceux mis en exergue par Nédélec-Trohel (2014) c'est-à-dire que la co-intervention permet d'éviter le décalage entre le regroupement d'adaptation et la classe ; éviter le risque de déperdition lors du retour en classe. En effet, ces divers éléments ont été cités lors des entretiens. La situation de co-intervention telle qu'elle a été décrite par la maîtresse E permet de dire que celle-ci effectue une activité adressée selon la définition de René Amigues (2009) s'appuyant sur Yves Clot. En effet, l'enseignante spécialisée explique que, dans la co-intervention, elle intervient autour d'un savoir c'est-à-dire une tâche à effectuer, envers l'élève en difficulté, mais également envers elle-même et envers l'enseignante afin d'améliorer leur pratique. Elle est donc dans une activité triplement adressée c'est-à-dire avec plusieurs destinataires.
Afin de conclure suite à toutes les discussions, le travail partagé mis en œuvre entre les maîtresses E et les enseignantes interrogées ne relève pas de la collaboration simple puisque leurs échanges ne sont pas simplement oraux. En effet, elles construisent ensemble des objectifs, se transmettent/se montrent des supports ou des documents ; leur communication assez riche leur permet de se donner des conseils. De plus, leur travail partagé n'a pas seulement lieu dans des moments informels et les professionnels montrent une utilité à ce travail partagé. En effet, cela les aide à comprendre, à cerner l'élève, à mettre en œuvre l'aide la plus appropriée en adaptant sa méthode en classe ainsi qu’à instaurer une continuité entre les différentes prises en charge. Le binôme et le trinôme d'enquêtés se situent donc dans une collaboration étroite. En effet, leur façon de travailler correspond à celle décrite par Brisset, Berzin, Villers, Volck (2009) c'est-à-dire une recherche d'adéquation entre ce qui se fait en classe et dans le cadre de l'aide. Le travail envisagé est produit par une concertation des deux enseignants, il y a un projet commun autour de l'enfant donc au niveau de la classe. Cependant, ni le binôme, ni le trinôme ne conçoivent ensemble des supports, des outils, des documents et ni l'un ni l'autre ne s'inscrivent dans un projet de cycle ou d'école par manque de temps ou à cause d'une présence trop faible du maître E dans l'école. De ce fait, il y a un biais car la forme de travail partagé entre ces deux types de professionnels ne correspond pas à une forme complète de collaboration étroite puisque des activités empêchées apparaissent entre ces professionnels. En effet, selon Brisset, Berzin, Villers, Volck (2009), le but de la collaboration étroite est d'assurer la cohérence des interventions effectuées par les maîtres E avec l'ensemble des actions pédagogiques conduites au sein de l'école. De ce fait, les enquêtés se situent dans une forme incomplète de la collaboration étroite mais vont tout de même plus loin qu'une collaboration simple où les activités sont juxtaposées, sans lien entre elles.
Conclusion
Il convient de rappeler le but de ce travail de recherche qui consistait à comprendre comment s'organise le travail partagé entre les maîtres E et les professeurs des écoles titulaires d'une classe. Afin de pouvoir répondre à cette interrogation, cinq entretiens semi-directifs ont été menés en suivant une méthodologie précise et en se basant sur une grille d'entretien réfléchie et conçue préalablement afin de pouvoir répondre aux questions de recherche qui sont les suivantes : Quels sont les objets sur lesquels porte le travail partagé entre le professeur des écoles titulaire de la classe et le maître E ? Dans le cadre des prescriptions qui organisent le travail du professeur des écoles et du maître E : quelle activité réelle, quels empêchements, tensions pour ces deux acteurs ?
Dans un premier temps, l'analyse et la discussion des entretiens a permis de mettre en évidence les différents objets sur lesquels porte le travail partagé entre ces deux professionnels. Il a été démontré que ce travail partagé reposait principalement sur une communication informelle très régulière, ponctuelle puisqu'elle a lieu principalement après chaque prise en charge d'élèves en difficulté par l'enseignante spécialisée. Leur communication concerne essentiellement les élèves en difficulté mais celle-ci peut également porter sur d'autres thématiques telles que l'école, les autres élèves... Il faut tout de même préciser, qu'entre eux, ils ne se communiquent pas certains éléments : tout ce qui relève du secret professionnel ou pouvant porter préjudice à l'élève. Le travail partagé entre ces deux professeurs se construit dans une élaboration commune d'objectifs à atteindre ; ces derniers vont devenir le fils conducteur de leur collaboration. La recherche a également montré que ces professionnels s'échangeaient des savoir-faire, des conseils. En effet, l’enseignante de la classe apporte des conseils à la maîtresse E au niveau de la connaissance de l'élève. De son côté, la maîtresse E donne des conseils sur la gestion de la difficulté d'apprentissage, si l'enseignante lui en fait la demande. L'enquête a mis en évidence que le travail partagé entre ces deux professionnels passait également à travers des documents, des supports, des outils qu'ils se montrent ou se transmettent. Il faut tout de même garder à l'esprit que les enquêtés ne font pas de construction commune, par manque de temps.
Un des thèmes de recherche portait sur l'utilité du travail partagé c'est-à-dire l’intérêt de ce qu'ils se montrent et se transmettent (documents, outils, savoir-faire...) mais également de leur communication. Ce qui est ressorti de ce thème est que les enseignantes utilisent les conseils de la maîtresse E au sein de leur classe afin de pouvoir adapter leurs méthodes d'apprentissage aux difficultés spécifiques de certains élèves et ainsi mettre en place une différenciation pédagogique. De plus, leur communication et la transmission de documents et d'exercices leur est utile pour mettre en œuvre une continuité entre ce qui se passe en groupe d'aide et en classe. De même, la co-intervention, qui n'est mise en œuvre que par le binôme étudié, permet dans un premier temps à la maîtresse E de comprendre les difficultés rencontrées par l'élève puis elle permet de voir si l'élève arrive à réinvestir dans le groupe classe les notions acquises en petit groupe.
Un autre enjeu de la recherche était de comprendre quelle était l'activité réelle du professeur des écoles titulaire de la classe et de l’enseignante spécialisée dans le cadre des prescriptions officielles qui organisent leur travail. Le travail partagé entre ces deux professionnels découle des prescriptions descendantes c'est-à-dire des Bulletins Officiels ainsi que du référentiel de compétences. Leur activité réelle, c'est-à-dire leur travail réalisé, est le même que le travail prescrit puisqu'ils suivent les directives nationales et remplissent des compétences telles que « Prendre en compte la diversité des élèves », « Coopérer au sein d'une équipe » et « Veille à la cohérence des différentes interventions pédagogiques auprès des élèves ». Cependant, l'enquête a montré que l'activité réelle de ces professionnels consistait également à s'approprier les prescriptions descendantes. En effet, les maîtresses E ont évoqué transformer les prescriptions concernant leur rôle de conseils aux équipes pédagogiques. Afin de ne pas mettre à mal leur collaboration, elles préfèrent attendre une demande de leur collègue plutôt que de donner des conseils de leur propre initiative. De plus, le statut de leur partenaire joue également un rôle : si celui-ci est titulaire d’une certification spécifique au niveau de la formation initiale et expérimenté, les enseignantes spécialisées ne remplissent pas leur mission car selon elle, il n'y a pas de besoin. De même, une nouvelle prescription institutionnelle recommande aux enseignants spécialisés de mettre en place de la co intervention. L'enquête a révélé que cette prescription était fortement transformée par les enseignantes. L'une ne la suit pas par choix personnel et l'autre la modifie (pas de préparation commune). La recherche a également mis en évidence que le travail partagé entre ces deux professionnels reposait également sur des éléments ne relevant pas de prescription officielle. En effet, ces dernières communiquent beaucoup lors de moments informels et les maîtresses E, selon les besoins du contexte et des collègues, effectuent des actions en plus de leur travail prescrit. Ces quelques exemples témoignent du fait que l'activité réelle de ces deux professionnels passe par une transformation des prescriptions descendantes.
L'enquête a également mis en évidence qu'au sein du travail partagé s’exerçaient des prescriptions remontantes, des activités contraintes, des activités empêchées ainsi que des activités adressées. Les prescriptions remontantes sont liées au fait que les professeurs des écoles abandonnent leur façon de travailler avec l'élève pour faire comme leur collègue spécialisée en vue de la réussite de ce dernier. Les activités empêchées sont liées à la seule forme de tension s’exerçant entre ces professionnels c'est-à-dire celle lié à la disponibilité. Ces professionnels ne créent pas de supports, d'outils, de documents ensemble, ne préparent pas conjointement la co-intervention, par manque de temps. S'ils avaient plus de temps, leurs actions seraient plus complètes ; on peut alors parler d'activité empêchée. Le travail partagé induit une nécessité de coordination, ce qui est consommateur de temps et d’énergie. Le manque de temps et la trop grande charge de travail mettent à mal cette modalité de travail. De plus, il a été montré que le travail réalisé par la maîtresse E pouvait relever d'une activité adressée : en situation de co-intervention, son action est dirigée vers plusieurs partenaires.
Ce travail de recherche mené avec des professeurs des écoles et des maîtresses E a permis de mettre en évidence que le travail partagé reposait sur une communication ainsi que sur des documents qu'ils se montrent. Les professionnels s'organisent autour de prescriptions officielles qu'ils retravaillent, adaptent à leur façon de travailler, à leur collègue, à leur préférence, aux élèves ainsi qu'à la situation de l'école. Cette façon de faire leur permet d'installer un réel travail partagé et ainsi, à travers leurs échanges verbaux et de supports, ils créent une continuité entre les différentes situations autour des élèves en difficulté, ce qui est indispensable pour les faire progresser. Le but du travail partagé entre le maître E et le professeur des écoles titulaire de la classe est de parvenir à ce que Daniellou (2002) présente comme une prescription infinie de l’Éducation Nationale c'est-à-dire « assurer l'égalité des chances entre les élèves et ainsi permettre la réussite de tous les élèves ». Cependant, il faut garder à l'esprit que ces résultats ne sont pas généralisables puisqu'ils reposent sur un échantillon de convenance, c'est-à-dire sur des personnes qui étaient volontaires pour participer à cette enquête. De ce fait, ma population n'est pas assez représentative pour permettre de généraliser ces résultats.
L'initiation à la recherche à travers la réalisation de ce mémoire m'a permis de construire plusieurs compétences professionnelles. En effet, j'ai été capable de lire et comprendre des articles scientifiques afin de les résumer avec mes propres mots. J'ai également su, au sein de ces articles, identifier des concepts utiles pour ma recherche. De plus, j'ai été en mesure de réaliser entièrement un travail de recherche en apprenant à mener des entretiens. Effectivement, j'ai acquis des compétences concernant les techniques d’entretiens : je connais désormais les différents types d'entretiens et leurs spécificités ainsi que les différentes étapes afin de pouvoir les réaliser et les analyser. Ce mémoire m'a également permis d'enrichir mes connaissances sur la notion de travail partagé entre ces deux professionnels et les modalités de celui-ci.
Annexe - Entretien d'une maîtresse E : Madame G
Pouvez-vous vous présenter s'il vous plaît ? Oui. Je suis S. G je suis maître E sur trois écoles de Châlons-en-Champagne et ses alentours.
Pouvez-vous me dire depuis combien de temps vous êtes maître E ? Je calcule… Ça doit faire douze ans.
Douze ans et depuis combien de temps y êtes-vous dans le réseau de Châlons-en Champagne ? Dix ans.
Vous travaillez depuis quand avec cette enseignante, celle avec qui j'ai fait un entretien ? Depuis la réunification j'appelle ça … 2009 ça fait 6 ans.
Et c'est à sa demande ou à votre initiative que vous prenez ces élèves ? A sa demande
Vous pouvez m'expliquer comment ça se passe ? En fait, on fait des équipes de cycle une fois par trimestre donc en début d'année et on définit les besoins dans chaque classe et puis après on s'organise pour créer des groupes d'aide selon les difficultés des enfants.
Lorsque vous vous organisez, c'est pareil, lors d'une petite réunion ? C'est beaucoup comme ça. Déjà lors de l'équipe de cycle et puis après c'est plutôt entre deux portes ou sur un temps de conseil de cycle mais c'est ...
Oui c'est pas des réunions formelles avec le RASED ? Oui c'est pas très formel. Voilà Combien d'élèves de cette enseignante suivez-vous ? Euh cinq
En maths en français ? En lecture
Que pensez-vous en général de cette collaboration avec cette enseignante ? Ça se passe bien en général.
Selon vous qu’est-ce que vos interventions auprès des élèves en difficulté de cette enseignante apportent à ces élèves ? Les interactions entre nous ?
Vos interventions auprès des élèves, qu'est-ce que cela leur apporte ? Donc moi je vais parler qu'en lecture parce que je les prends qu'en lecture. Déjà on essaie en début de CE1, comme c'est une classe de CE1, une petite remise à niveau ; on reprend le code en fait. Que du code c'est pour leur permettre de suivre les activités en classe, être un peu plus autonomes avec la lecture et puis reprendre confiance en eux aussi surtout. Ils viennent montrer à la maîtresse ce qu'on fait dans le petit groupe. On fait des lectures chronométrées, des choses comme ça, donc c'est concret donc ils vont lui montrer leur score. Voilà, c'est plus ça.
Donc reprendre confiance en eux ? Oui et puis vis-à-vis des autres élèves aussi. Comment ça ? Parce qu'ils montrent aussi aux autres ce qu'ils ont fait souvent. Oui, il ne reste pas que l'enfant en difficulté ? Oui voilà une autre image.
Et qu'est-ce que vos interventions auprès des élèves en difficulté apportent à cette enseignante ? Alors en général, je vais être honnête, il y a aussi des temps où elle peut travailler avec les autres élèves, moins se centrer sur ces élèves en difficulté déjà et puis après, bah, justement les intégrer plus facilement dans le groupe classe en fonction des progrès qu'ils ont réalisés mais ça, c'est sur le long terme. Au court terme, souvent, j'essaie de les sortir de la classe quand elle fait aussi un temps de lecture donc je les prends en lecture donc elle peut travailler des choses qui ne sont pas à la portée de ces élèves-là mais avec les autres élèves de la classe.
Donc cela lui permet d'avancer ? Oui avancer avec les autres, avoir du temps pour les autres aussi parce que c'est des élèves qui demandent beaucoup d'énergie et de temps dans une classe.
Vous venez de me dire que vous suivez 5 élèves en lecture. Le but de votre métier est la réussite scolaire de tous les élèves. Oui
Donc pouvez-vous m'expliquer tout ce que vous faites comme travail, outil, communication avec l'enseignante pour ces élèves ? Alors avec l'enseignante parce que il y a des choses que pour moi.
Oui avec l'enseignante. Fin nan ce n'est pas que pour moi, ça me permet aussi de faire un point. Donc j'ai comme outil les projets individuels déjà pour chaque enfant avec les objectifs à travailler et puis noter les grandes étapes de réussites.
Par exemple, ces projets vous les garder que pour vous ou vous les transmettez à l'enseignante ? Ils sont dans la classe à disposition. Mais oui souvent ils restent que pour moi. L'enseignant.. après c'est plus de l'oral, à l'écrit il n'y a pas grand-chose. Là ici, cette année, il n'y a pas grand-chose de fait à l'écrit. J'ai déjà tenté d'autres choses dans d'autres écoles avec des cahiers de suivis, des choses comme ça, mais ça tombe souvent, ça fait beaucoup de choses à remplir ou à lire pour les enseignants.
Donc un cahier de suivi pour faire le lien entre la classe et le groupe d'aide ? Oui c'était ça avec toutes les informations utiles aussi comme par exemple, je sais pas, prise d'un rendez vous chez l'orthophonie. Chacun notait les informations pour chaque élève comme ça, si on se voyait pas, il y avait toujours une trace avec les dates des choses importantes. Je sais pas moi, voilà maintenant il sait faire ça ça ça. Mais je me suis rendue compte que c'était pas très efficient. Souvent ça restait dans un coin et ça servait pas forcement.
Donc pour vous c'est mieux de communiquer à l'oral ? Oui. C'est pas toujours possible mais là ça peut se faire donc... Mais oui c'est assez rare, j'ai jamais ça. Ça m'a été conseillé mais ça sert pas. Voilà c'est remplir des papiers pour remplir des papiers et …
C'est peut-être plus une perte de temps et ça vous apporte moins que de se parler ? Oui moi je pense.
Est-ce que vous faites des outils avec l'enseignante ? Non
Est-ce qu'il y a des travaux que vous faites ensemble ? Bah pareil, ça ne se fait pas cette année mais je peux aussi en parler. L'année dernière, on avait mis en place des temps où moi j'intervenais dans la classe et donc on travaillait sur des ateliers. Donc là, je travaillais avec tous les élèves en ayant plus un œil aussi sur ceux pour lesquels je venais dans la classe. Et donc on avait mis en place des ateliers de production d'écrit donc là, on travaillait toutes les deux pour préparer et puis voir ce qu'il fallait adapter pour ces élèves.
Et donc vous prépariez quand, le soir ? Pendant midi ou pareil, on se répartissait donc on va faire ça ça ça, toi tu prépares ça, moi je prépare ça. Il n'y a pas beaucoup de temps de coordination vraiment effectif.
Vous travaillez ensemble chacune de votre côté ? Oui voilà, on s'envoie des choses, on regarde ce qui a été fait.
Concernant la communication que vous avez avec l'enseignante pour faire réussir ces élèves-là ? Bah c'est pareil, c'est tout à l'oral.
Oui oui. Bah, elle va me montrer par exemple un travail qui a été fait en classe sur lequel il y a eu des difficultés, voir comment moi je peux y remédier, ce qu'on peut travailler ensemble. Ça va être aussi moi pour montrer quelque chose qu'il a réussi, pour montrer aussi les réussites en dehors de la classe parce que souvent, ce sont des élèves qui ont une mauvaise image dans la classe. Et montrer ce qu'il est capable de faire à l'extérieur et parfois les maîtresses, elles se rendent compte que, bah, il y a quand même des choses et qu'il faut peut
être mieux retravailler tel ou tel point ou donner moins de texte. Plus des choses comme ça.
Vous concertez-vous pour établir un objectif commun, un projet pour ces élèves en difficultés, pour mettre en œuvre certaines activités ? Entre la classe et la classe d'aide ?
Oui avec l'enseignante est-ce que vous établissez un projet pour l'enfant, un objectif ? Oui oui il y a des objectifs. Voilà, par exemple moi les enfants que je prends dans sa classe sur la première période ça a été de revoir tout le décodage justement pour les rendre autonomes avec les sons complexes, les syllabes complexes, lire des courts textes, des courtes phrases au départ et donc là travailler plus la découverte du texte, la compréhension du texte. Donc, on revoit quand même à chaque période ou en fin de cycle ou quand on voit que l'enfant a atteint les objectifs, on revoit pour les objectifs suivants mais c'est pareil, c'est tout.
Oui de façon informelle mais vous vous voyez quand même avec l'enseignante ? Oui oui
Et vous établissez ensemble ce qu'il faut travailler principalement ? Oui principalement après, on n’entre pas dans les détails.
Utilisez-vous les mêmes méthodes de travail que l'enseignante ? Alors, en CP par exemple, je suis la méthode de lecture, je ne vais pas leur apporter autre chose. Il y a une classe qui travaille sur les alphas moi je reprends les alphas pour faire de l'aide. L'autre classe est plus dirigée sur le livre de Taoki, là je vais plus me servir des outils de Taoki. Voilà, j'essaie de me raccrocher quand même aux choses de classe ; après, dans les plus grandes classes, j'arrive plus facilement à prendre d'autres outils.
Pourquoi ? Bah justement pour leur permettre de voir aussi autre chose, de sortir aussi un peu de cette méthode parfois et puis c'est vrai que, souvent, les enseignants, ils n'ont pas qu'une seule méthode non plus.
Oui ils font de différentes manières. Oui voilà donc c'est plus facile comme ça. Et sachant que, en plus, je prends des élèves de plusieurs classes donc c'est pas toujours facile(ment) de se rattacher qu'à une seule méthode. Mais en petite classe, c'est plus simple.
Pensez-vous que ça leur apporte des choses en plus, d'utiliser des outils différents de la classe ? Oui moi je pense parce que, des fois, c'est l'outil qui les met en difficulté aussi et donc de prendre d'autres outils justement, ça peut les ouvrir sur d'autres choses. Il y en a qui comprennent des choses différentes, par exemple ceux qui n'utilisent pas les alphas ça peut être intéressant de leur montrer les alphas pour mémoriser justement le nom des lettres, le bruit des lettres. Ils peuvent s'accrocher à ça et parfois, c'est repris aussi en classe justement pour ces groupes-là. Les maîtresses prennent des références différentes.
Utilisez-vous des outils communs, les mêmes outils que la classe ? Bah oui en support, le livre de Taoki par exemple ceux qui prennent la méthode où on a le livre. En support, le tableau des nombres plus des choses comme ça. Après prendre des affaires de classe ... les outils par exemple, je sais que l'année dernière, tout ce qu'on faisait en lecture, ils avaient un endroit dans leur classeur de lecture de classe où il y avait les textes, ou il pouvait retravailler avec.
Oui vous prenez beaucoup pour les difficultés de lecture et est-ce que vous travaillez sur les mêmes textes qu'en classe ? Non. La plupart du temps non pas cette année.
Construisez-vous certains supports ensemble ? Non c'est chacune un peu
Et par exemple pour la co-intervention comme vous venez en classe pour des petits ateliers ? Oui soit je me greffe sur des activités qui sont faites en classe. En CP, en lecture, on a fait des petits ateliers de lecture donc lui, il garde ses élèves plutôt bons lecteurs et moi je prends les élèves en difficulté mais j'ai construit mon matériel à partir des supports du maître. J'ai repris les mots de la classe, des choses comme ça mais ça n'a pas été fait ensemble. Après, on se montre.
Qu'est-ce que ça vous apporte de vous montrer ? Ça donne des idées déjà et puis je sais que lui en ayant vu ce que j'avais fait, la lecture de mots, il s'est greffé sur ce genre d'idée pour s'occuper d'un groupe moyennement en difficulté. Voilà donc, ça peut donner des idées.
Groupe moyennement en difficulté que vous ne suivez pas alors ? Non mais qui avait peut-être besoin d'une remédiation
Pourquoi vous ne faites pas des supports ensemble ? Le temps …. Le temps, voilà moi je suis pas là à plein temps, je suis sur trois écoles. Oui c'est plus ça. Le temps de réunion, ça sert à autre chose.
Oui c'est plus par manque de temps que pas d'envie ? Oh non ! En plus, je pense que c'est intéressant de travailler ensemble.
Préparez-vous ensemble des séances, des activités ? Non
Même pour la co-intervention ? Non
Vous arrivez avec chacun vos supports, vos idées et vous vous montrez ? Oui ou soit un a préparé et propose à l'autre et puis, le coup d'après, c'est l'autre. C'est plus ça en fait, mais des temps à préparer à deux : non.
C'est plus des échanges, discuter des choses sans préparer ensemble. Oui voilà, c'est plus ça.
Vous transmettez-vous des supports de travail, des techniques, des conseils ? Ça oui
Vous pouvez expliquer ? Oui. Par exemple avec des collègues, là j'ai acheté un petit livre de textes de lecture rapide donc ça, je leur ai repassé. Des choses qu'on fait aussi en classe, par exemple ce tableau des nombres justement s'il n'est pas fait en classe, proposer que les enfants l'aient devant leur table donc c'est le donner à l'enseignante pour que les enfants l'aient devant eux. Qu’ils retrouvent aussi les mêmes outils en aide E et en classe ; ça va être des choses comme ça.
Donc si vous créez des outils en aide E, vous pouvez les donner à l'enseignante pour qu'ils les aient en classe ? Oui oui.
Concernant les conseils. Est-ce que vous en donnez à l'enseignant pour gérer les difficultés de l'élève que vous suivez ? Oui ça oui ; on prend des temps pour en discuter mais ça, c'est pareil, de manière informelle. Mais oui et surtout lors des équipes de cycle, là on a le temps ; c'est juste l'enseignant avec la psychologue scolaire, le maître E donc c'est un temps où on peut parler vraiment de chaque élève.
Vous parlez des élèves un par un ? Oui de tous les enfants en difficulté ou tous ceux qui interpellent l'enseignant ; on prend un temps pour dire ce que nous, on a constaté avec les évaluations, des choses comme ça, ce qu'on a mis en place et puis l'enseignant aussi renvoie ...
Que partagez-vous comme document sur les élèves par exemple les bilans, exercices, grilles d'évaluation ? Les bilans, on les partage ; je ne lui donne pas le bilan mais justement en équipe, on lit ce qui a été fait, voilà si je fais une évaluation, je vais lui faire un compte rendu de ce que j'ai noté comme difficulté. Il y a aussi des enseignants qui m'ont demandé, j'avais fait une fiche avec les objectifs du groupe que je prenais, les exercices pratiqués des choses comme ça.
Donc là vous leur donnez la fiche ? Ça je leur laisse ou je leur avais envoyé par mail, ils en avaient besoin. Voilà moi c'est prêt mais après si on me le demande pas, je le donne pas ; c'est pas forcément utile pour eux.
Donc vos bilans, si on vous les demande, vous les donnez sinon, non. Oui. Il y a rien de secret
Est-ce que l'enseignante vous montre des exercices pour voir la difficulté ? Ça oui, ou arrive avec un cahier et me dit bah regarde ce qu'il a fait ou ce qu'elle a fait et oui moi aussi pareil.
Vous faites des exercices écrits que vous lui montrez ? Oui. EnFin écrit, c'est assez rare mais on en fait. C'est plus, je vous disais tout à l'heure, la lecture chronométrée donc par exemple là, on note les difficultés qu'on rencontre le plus souvent : les sons complexes, le nombre de mots lus à la minute. Et donc ça, on voit un peu l'évolution avec les enseignants.
Vous faites un petit peu de co-intervention. Oui
C'est principalement pour quelles activités ? Lecture et maths. Moi, surtout lecture ; comme on est deux maîtres E sur l'école donc, elle a repris plutôt les activités mathématiques. C'est une question de sensibilité je pense.[Rire]. Mais surtout en lecture
Pourquoi faites-vous de la co-intervention pour ces activités, qu'est-ce que ça vous apporte de plus ? Déjà c'est pas les sortir tout le temps de la classe, que les autres voient aussi ce qui est travaillé avec ces élèves-là et voient ces élèves dans une autre situation que en difficulté, qu'ils voient qu'il y a aussi des réussites au sein du petit groupe justement. C'est aussi un temps où l'on voit les autres élèves, parce que c'est pas toujours facile d'avoir que les enfants en difficulté, à se projeter, à voir ce que sont capables de faire les autres. C'est un moment important aussi.
Pour vous ? Oui pour moi aussi et c'est aussi un moment d'échanges dans la classe, vraiment on parle de choses qu'on a fait en commun donc c'est plus facile aussi d'échanger avec l'enseignant justement sur ces moments-là, en fait.
Et vous pour votre aide, ça vous aide à mieux intervenir auprès de ces élèves ? J'ai du mal à m'y mettre. Ça m'a été un peu imposé. Les premières années, on ne faisait pas du tout de co intervention ; cela a été une demande de l'inspection. Je vous avoue qu'au début, je me suis dit « ça ne va rien apporter du tout » et en fait bah si, moi je trouve, c'est intéressant. Vraiment, c'est intéressant pour les enfants et pour moi aussi. Après comme quoi, il faut essayer.
Et donc pour vous, ça vous apporte des choses comme voir ce que l'enfant est capable de faire à cet âge-là ? Voilà, parce que quand je fais de la co-intervention, par exemple en CP sur un temps de co-intervention, on fait des exercices de la classe donc moi, je fais la même chose mais je prends les enfants en difficulté pour vraiment voir à quel endroit ça pêche dans la classe parce que on ne s'en rend pas toujours compte en petit groupe parce qu'on adapte toujours plus à leur niveau. Donc c'est plus pour ça en fait, voir pourquoi l'enfant en difficulté est en difficulté dans sa classe.
Ça vous permet de mieux comprendre pourquoi il n'arrive pas à suivre le rythme de la classe ? Oui voilà c'est ça et puis des fois, ça permet aussi de dire à l'enseignant peut-être qu'il faut ajuster certaines choses, peut-être pas lui proposer ce que tu lui proposes en ce moment.
A partir de la co-intervention, ça vous permet de donner des conseils à l'enseignant ? Oui je pense aussi
Parce que vous pouvez l'observer en quelque sorte ? Oui
D'accord donc c'est quand même un moment bénéfique. Oui mais pas que de la co intervention ; je pense que c'est quand même intéressant qu'à un certain moment on les prenne à part parce qu'on peut pas toujours se rattacher aux activités de classe. Un enfant qui est non lecteur au CE1, on ne peut pas venir faire de la lecture en classe ; il y a des choses à reprendre qui sont totalement détachées de la lecture de classe.
Concernant l'objet de votre communication. Lorsque vous discutez des élèves, que dites vous à votre collègue ? Qu'est-ce que je dis à ma collègue…
Oui sur les élèves. Ça va être sur un moment, dire bah tiens aujourd'hui il a su faire ça. Oui c'est plus sur des moments qui se sont passés pendant l'aide qui vient d'avoir lieu.
Donc vous lui dites ce qui s'est passé directement après l'aide ? Oui
Donc c'est ses réussites, ses difficultés. Ses échecs aussi, son comportement ce jour-là en aide, les relations qu'il a eues avec les autres. Voilà c'est des moments forts qui se sont passés. Ou alors, sur un temps d'évaluation, lui faire un compte rendu de ce qui a été évalué et comment ça s’est passé.
D'accord et à l'inverse, qu'est-ce que vous ne pouvez pas dire à votre collègue ? C'est vrai qu'on ne dit pas tout. [Rire]. Qu'est-ce que je ne dis pas... bah les choses que l'enfant m'a confiées à moi, déjà si ça ne concerne pas directement l'enseignant, sur sa vie personnelle, des choses comme ça, ça je garde parce que c'est important pour la confiance qu'ils nous accordent. Euh ... certains comportements. Si c'est un enfant qui est déjà connu parce qu’il est toujours énervé bah justement, on essaie de calmer un peu le jeu et de dire ça se passe mieux en aide et que.. enfin c'est pas toujours, mais moi, j'essaie de montrer plus le côté positif de ce qui se passe et le négatif on en parle avec l'enfant mais voilà. Pas toujours renvoyer cette image toujours négative de l'enfant et puis j'évite de le faire devant l'enfant déjà, dans tous les cas.
Donc vous gardez le négatif si le comportement n'était pas bien ? Voilà à part si vraiment il y a un débordement mais sinon on a résolu le problème, voilà moi je suis une maîtresse donc ils savent que si on le résout ici, il y a pas besoin encore d'être puni en classe pour ce qu'il s'est passé, ça a été résolu c'est terminé, on passe à autre chose.
Pour que l'enseignant n'ait pas toujours une image négative aussi ? Oui aussi et aussi parce que sinon c'est la double peine, il se fait gronder en aide et en rentrant, donc non.
Est-ce que, en tant que maître E, vous donnez des conseils à l’enseignant notamment pour la différenciation, l’aide aux élèves en difficulté ? On en parle mais après, des conseils, je suis enseignante, elle est enseignante aussi ; mais oui, il y a des petites choses qu'on peut peut-être parfois adapter donc oui on en parle mais après il y a des conseillers, un inspecteur. Je me permets moins d'intervenir sur ce qui se passe dans la classe.
Oui, vous donnez des conseils que si elle vous le demande ? Oui voilà c'est ça, c'est quand même délicat d'aller dire à la collègue... Voilà j'ai pas la fonction
Oui vous ne pensez pas que c'est votre rôle ? Non je pense pas.
Comment décririez-vous vos relations : plutôt un échange d'informations ou une création de projet, d'activités à long terme ? Il y a des créations de projets et d'activités. Il y a des choses qu'on a essayé de mettre en place avec l'ancienne maîtresse de CE1 dans sa classe avec du travail à différencier, avec des choses à préparer, faire des groupes, les faire alterner ; on avait fait un projet de lecture justement. Oui je pense qu'on peut bien travailler et c'est d'autant plus facile si on est rattaché qu'à une école. Ici c'est vrai que c'est un peu plus compliqué dans ce cadre-là.
Oui pour faire des projets, vu que vous êtes sur plusieurs écoles ? Oui c'est plus difficile déjà de se dégager du temps parce que ça, ça demande du temps par contre le projet.
Donc c'est plus une création de projet qu'un simple échange d'informations ? Oui oui
Selon vous, qu'est-ce qui est le plus important dans votre communication ? Euh … Je sais pas. Le plus important dans notre communication entre les deux enseignants ou moi envers l'enseignant de la classe ?
Les deux. Dans notre communication bah dégager tout ce qui a été positif, là où ça avance, en fait.
Pour vous ce que vous dites à l'enseignante ? Oui et ce qu'elle aussi ressent de positif voilà l'image que ça lui renvoie et qu'après, elle note aussi l'effet positif de l'aide mais pas seulement, mais aussi de l'attitude de l'enfant en classe.
Est-ce que votre communication avec l'enseignante porte sur d'autres objets dont nous n'avons pas encore parlé ? Non
Pouvez-vous me parler de la continuité des apprentissages entre ce qui se passe en classe et avec vous en petit groupe ? [Silence]
Comment travaillez-vous ensemble pour permettre la continuité ? Oui oui. En CE1, là c'est assez compliqué. En CP, c'est plus facile dans les petites classes cette continuité. Mais après sur les plus grands, je sais que, dans d'autres écoles, je travaille sur les mathématiques donc quand on travaille en aide et que je vois qu'à un certain niveau les enfants ont compris, on peut dire aussi en classe bah voilà à partir de maintenant, tu peux travailler les nombres à trois chiffres, quatre chiffres, des choses comme ça.. C'est plus ça. En lecture après c'est un peu la même idée. Les exigences qu'elles peuvent avoir en classe par rapport à ce que nous on constate. Les exigences qu'on peut adapter en classe en fonction des progrès des enfants qui ont été pris en aide.
Donc la continuité c'est plutôt : vous travaillez avec l'enfant, vous dites à l'enseignante ça c'est bon et qu'elle peut passer à autre chose ? Oui voilà c'est plus dans cet ordre-là ; il n'y a pas une continuité le même support, on fait cet exercice-là tu peux le faire. C'est plus en global.
Oui dans les objectifs ? Oui voilà c'est plus ça.
Maintenant on va parler de la temporalité et des lieux de vos échanges. D'accord
Comment faites-vous pour prendre des informations sur les difficultés des élèves que vous devez suivre ? Bah lors des équipes de cycle, ça on les fait dans chaque école donc on se laisse souvent deux ou trois semaines à la rentrée. Moi, pendant ce temps-là, je fais souvent des évaluations avec les enfants en lecture, en mathématiques ; c'est à la demande des enseignants. A partir de ce moment-là, voilà on a déjà une base pour voir les difficultés et puis lors des équipes de cycle, on met tout ça au point avec les difficultés de classe et on peut se dire cet enfant-là a tel besoin donc il faudrait plutôt un groupe d'aide. Voilà
Quand ont lieu ces réunions ? Sur le temps scolaire.
En début d'année ? Oui souvent fin septembre. On se laisse quand même un mois parce qu'on ne peut pas dire le jour de la rentrée, tel enfant va en aide. Sauf pour les enfants qu'on connaît de l'année précédente, pour qui on démarre déjà des petites choses.
Avant ? Oui avant les équipes et justement ça permet un échange de dire bah voilà, il en est là maintenant, est-ce qu'on continue l'aide, est-ce qu'on continue pas.
D'accord donc c'est en tout début d'année. Oui on en fait une avant les vacances de Toussaint c'est sûr, on essaie d'en faire une avant noël et on en refait une souvent avant les vacances de printemps.
Donc lorsque vous prenez des informations sur les enfants avant de les prendre en aide, vous en discutez avec l'enseignante pendant cette réunion-là. Oui
Et c'est là que vous prenez les informations sur les difficultés et le travail que vous allez devoir faire. Oui là et suite aussi aux évaluations que moi aussi je vais faire avec ces enfants là.
Que vous faites à la suite de l'aide ? A la suite ou avant. Voilà, si on en a parlé un petit peu avant et qu'elle m'a dit avec celui-là je vais peut-être avoir besoin d'aide avant les équipes de cycle, je les prends déjà, je fais des évaluations et comme ça, je sais aussi de quoi je parle si je ne les connaissais pas d'avance les enfants.
Donc l'aide que vous apportez, c'est adaptée à vos évaluations, à ce que dit l'enseignante. Et aux évaluations de classe aussi.
Lorsque vous créez des supports, des activités ensemble : Comment le décidez-vous avec l'enseignante ? Bah déjà on a défini les difficultés donc quel objectif on se fixe jusqu'à la prochaine période et à partir de là, moi je travaille.
Oui vous créez vos supports vous-même ? Oui et puis j'ai d'autres... j'ai accumulé des petits trucs depuis et que je réadapte.
Lorsque vous faites de la co-intervention : quand et où préparez-vous ensemble ? Souvent dans la cour de récré, sur le temps avant d'entrer en classe, à l'accueil quand il n'y a pas les enfants. Puis sinon, à la fin de la co-intervention, rapidement en classe, on fait un point et puis se dire bah la semaine prochaine on fait plutôt ça ou par mail.
Donc c'est plus : vous faites chacune vos préparations et vous en parlez dans la cour, avant la co-intervention. C'est le jour même en fait. Nan quand il y a des projets un peu plus gros, là on prend plus de temps, on se prépare plusieurs semaines avant en se disant on a pas fait ça. Mais oui, c'est très rare d'avoir des temps où on se pose vraiment. Ça manque
Mais si c'est des gros projets ? A bah la par contre, ça m'est arrivé avec une collègue de prendre une heure le soir, le temps après l'école ou pendant midi, ça arrive aussi.
D'accord. Pouvez-vous m'expliquer comment vous travaillez avec l'enseignant pour ces élèves, est- ce que vous vous voyez en amont avant votre aide, après votre aide ? Pendant mon aide [Rire]. Toujours pareil pas de moments formels. Oui on se voit avant pour la réunion, après si on en a parlé et que j'ai fait les évaluations seulement après je lui montre ce que ça donne et justement là où ça cloche et puis après à la fin de chaque fois que je ramène les enfants. EnFin pas à chaque fois parce que, si elle est en classe, c'est pas évident mais pendant les récréations ou à part, s'il y a un événement marquant, on prend deux minutes à la porte.
Sinon à chaque jour d'aide vous en parler. Oui chaque jour je fais un petit point sur les enfants que je ramène dans la classe.
Pouvez-vous m'expliquer comment et quand se font les transmissions concernant les évolutions des élèves, donc vous c'est plutôt des moments informels ? Oui plutôt ça et les équipes de cycles. L'équipe de cycle du milieu on voit ce qui a été fait, comment ça a évolué donc ça sert aussi à ça.
Donc il y a trois moments formels dans l'année et après c'est de l'informel. Oui voilà. Dans l'autre école, on profite aussi des conseils de cycle et conseils de maître pour mettre ça à plat. Il y a des moments réservés.
Pas dans cette école ? Non pas ici, déjà il y a beaucoup plus d'élèves, j'y suis moins je suis plus sur une autre école et puis ici, on fait quand même des équipes de cycle alors que dans l'autre école on le fait que deux fois, c'est pour ça aussi.
Oui donc ça dépend de l'organisation de l'école. Ouais c'est ça.
Donc vous communiquiez dans différents lieux, formels et informels, dans la cour de récré, entre deux portes. Oui dans la salle des maîtres.
Oui mais est-ce qu’il y a des moments ou des lieux plus importants pour vous ? Pour communiquer ?
Oui. Non . EnFin le pas de la porte, c'est pas quand même ce que je préfère. Déjà pour communiquer il y a tous les autres derrière donc ce n'est pas un moment très calme. Avant, le matin avant de commencer la classe, ça peut être plus calme, en salle des maîtres.
Parce que vous n'êtes que vous sans élèves ? Oui voilà on n’est pas perturbé, la maîtresse doit pas se retourner pour crier sur un enfant qui vient de faire une bêtise donc voilà, c'est quand même mieux sur un moment où les enfants sont pas là.
Oui que vous deux. Est-ce qu'il y a des moments où la communication est différente, par exemple lors des moments informels ou formels, la parole est plus libre ? Oui c'est plus libre dans les moments informels, en récréation on parle de ça, d'autres choses.
Pour parler des difficultés c'est mieux dans les moments informels que vous pensez ? Ah non. Non non ce n'est pas mieux. Je pense que c'est mieux dans les moments formels. Voilà on est sur le sujet et on parle que de ça.
Donc les moments formels sont plus propices à parler des difficultés ? Mais ouais je ne sais pas trop en fait parce qu'il y a des avantages dans les deux.
Quels sont les avantages et les inconvénients des deux ? Pour chaque moment ? Pour les moments informels je pense qu'il y a plus de liberté, il y a des choses qui se disent des fois qu'on ne dirait pas lors d'un moment formel où il y a un compte rendu des choses comme ça donc ça c'est l'avantage du moment informel. Et l'avantage du moment formel, c'est que on est pas pris par d'autres choses, c'est un moment consacré qu'à ça et on peut se poser et mettre les choses à plat. Donc c'est les deux avantages. Les inconvénients du moment informel, c'est qu'il y a plein de choses autour qui interviennent et c'est quand même difficile de se poser, de se concentrer. Et les inconvénients, c'est qu'il y a moins de liberté dans les moments formels. Des fois les enseignants, ou moi, on est peut-être moins enclin à dire certaines choses.
Vu qu'il y a un rapport écrit. Voilà c'est plus compliqué et pas laisser non plus. EnFin voilà les écrits ça reste. Les moments informels, ça permet aussi parfois à un enseignant qui en a par-dessus la tête d'un enfant de l'exprimer, ça a été dit, il a vidé son ,sac et voilà on passe à autre chose qu'il ne ferait peut être pas devant d'autres collègues dans un moment de réunion.
Donc pour vous, les deux sont importants et complémentaires ? Oui je pense.
D'accord. Est ce qu'il y a des moments où vous communiquez autrement, d'une autre façon avec l'enseignante ? Autre que l'oral oui ça m'est arrivé. Alors cette année par exemple, sur une autre école, une enseignante qui me demandait qui était là qu'à mi-temps, je lui ai fait une page sur les difficultés de chaque enfant avec le nom en haut, des choses rapides, des choses qu'on avait mises en place. Mais voilà une feuille écrite mais ce n'est pas non plus très formel, c'est entre nous. Ce n'est pas un document précis mais comme on avait pas l'occasion de se voir beaucoup voilà, ça lui a été transmis.
Par mail ? Nan de la main à la main mais elle voulait garder aussi. Elle avait du mal à cibler les difficultés donc d'avoir mon avis à moi aussi pour en parler aux parents. Après, ça n'a pas été montré aux parents mais elle avait une base.
Oui pour elle travailler. Oui voilà c'est ça.
Vous communiquez par mails, appels ? Par mails oui ça marche aussi. Par téléphone moins parce que je suis quand même dans les écoles à peu près tous les jours mais par mail oui.
Et qu'est-ce que vous échangez par mail ? Des documents dans le cadre de co-intervention, ça peut être mes projets si une enseignante me demande un projet je lui envoie par mail avec le projet des élèves. Qu'est-ce que ça peut être d'autre ? Oui un document que j'ai travaillé.
Quel est le but de votre coopération, de tout ce travail fait ensemble, pourquoi vous vous échanger des mails, des documents, pourquoi vous vous montrez des traces écrites, pourquoi vous discuter des évolutions ? Pour aller tous dans le même sens déjà. Moi je pense que notre travail en premier, même avant la difficulté scolaire, c'est aussi justement de montrer à l'enseignant que l'enfant qu'elle a dans sa classe il sait des choses et qu'elle peut s'appuyer sur certaines choses et c'est important justement de communiquer pour changer cette image. Il y a certains enfants qui parfois sont pris, je ne vais pas dire le mot … si .. pour des demeurés, ou pour des enfants qui savent rien et en fait de leur montrer ce qu'ils ont fait avec nous, ou ce qu'ils nous ont dit ça peut être important pour changer l'image de cet enfant. Déjà vis à vis de l'enseignant.
Changer le regard de l'enseignant, ne pas considérer que c'est que un enfant en difficulté. Voilà c'est ça et qu'il sait des choses, qu'il faut peut-être gratter un peu ou pas le mettre au fond de la classe, pas lui donner que des choses complètement bébêtes à faire parce qu'il est capable.
Donc votre communication sert à changer l'image de l'enfant qu'il soit vu positivement et après vous parler des difficultés, des réussites, du comportement. Oui
Et lorsque vous échangez ensemble ? Souvent quand l'enseignant me parle c'est pour parler de ce qui s'est mal passé en classe ou aussi de bah tient ça y est, il a réussi à lire son texte tout seul. Souvent c'est pour elle ou lui me dire les difficultés ou progrès en classe et moi c'est aussi pour apporter ce qu'on a fait dans le groupe d'aide.
Dans quel(s) but(s) donnez-vous des conseils à l'enseignante?Pour que l'enfant que je prends déjà se sente mieux dans la classe ça, ça peut être une première idée.
Pour qu'elle puisse s'adapter?Oui, pour qu'elle puisse s'adapter et être vraiment au bon niveau de l'enfant.
Dans ce qu'elle lui donne en travail?Dans ce qu'elle lui donne en travail, dans sa façon d'être avec lui aussi des fois voilà, il y a des postures un peu particulières. Il y a des enseignants qui ont du mal avec les enfants en difficulté et ils ont besoin d'entendre qu'on peut lui faire faire certaines choses, que c'est possible voilà, on peut le faire avancer. Voilà c'est plus ça en fait, au niveau pédagogique moins, c'est plus vraiment sur l'image des enfants.
Donc c'est plus sur sa façon de se comporter avec l'enfant.Oui
Pas au niveau de quelles méthodes elle va utiliser?Bah ça ça peut arriver aussi. Par exemple sur les nombres, je vois il y a des maîtresses qui travaillent du 10 au 19, du 20 au 29 et il y a des enfants à qui ça ne correspond pas du tout donc là par exemple on peut dire donne lui déjà tous les nombres de 0 à 99 pour qu'il se repère, pas tout morcelé. C'est des choses comme ça, des petits conseils pour un enfant précis.
Pour un enfant précis parce que vous pensez mieux connaître sa difficulté?Repérer des choses oui c'est plus facile quand on en a quatre dans un petit groupe forcément et puis aussi avec l'expérience au bout de quelques années, on sait qu'il y a des choses qui ne marchentpas avec certains enfants.
Que vous savez repérer alors que l'enseignant n'a pas forcement été confronté à cette difficulté?Voilà
Dans quel(s) but(s) faites-vous des activités ensemble?Quand on fait la co-intervention?
Oui par exemple. Ça nous a étéimposé déjà pour commencer. Et maintenant dans quel but, pour pas toujours sortir cet enfant justement parce que en CP-CE1 c'est plutôt bien vécu mais dans les grandes classes, il y a quand même une image de soi par rapport aux autres qui est moins facileà assumer pour des enfants qui sont déjà en difficulté. Alors certains adorent venir avec nous mais pour d'autres c'est un peu plus difficile quand ils grandissent, donc c'est l'occasion aussi de ne pas les sortir de la classe.
Oui mais de leur apporter une aide quand même.Oui d'apporter une aide dans la classe en aidant un peu les autres. Qu'ils soient moins ciblés, certains enfants, ça, ils le vivent très très mal et puis c'est aussi de se rattacher à des activités vraies de classe pas des choses totalement détachées, essayer de rattacher ce qu'on a fait.
Oui transférer.Oui
Pourquoi discutez-vous des évolutions des élèves avec l'enseignante?Parce que parfois ces évolutions elles ont lieu dans le petit groupe mais pas dans la classe.
Il n’y a pas detransfert? Pas toujours. Justement et c'est là aussi que la co-intervention est importante. Ils ne se rendent pas compte que les progrès qu'ils ont faits en groupe d'aide, ils peuvent les transférer en classe vu que c'est pas tout à fait les mêmes activités. Donc c'est important d'aller aussi en co-intervention pour dire bah rappelle-toi, ça on l’a fait en aide ça ressemble un petit peu, tu peux peut-être aussi faire ça..
En co-intervention vous pouvez permettre le transfert?Oui je pense, c'est le pointle plus important de la co-intervention. Transférer et petit à petit, la co-intervention quand c'est en fin d'aide, on se dit on va bientôt avoir terminé, on va aller à classe, petit à petit
Oui on va le réintégrer dans la classe.Voilà on le réintègre eton le libère un peu de nous parce que parfois c'est une relation un peu fusionnelle avec l'aide E
Vous m'avez dit que vous prépariez ensemble certaines activités pour des projets. Qu'est-ce que l’enseignant vous apporte lorsque vous préparez ensemble?Bah déjà ce que lui a déjà pratiqué dans la classe, donc c'est plus sur des supports, des choses avec lesquelles il a l'habitude de travailler.
Des choses qu'il sait que les enfants ne seront pas perdus?Voilà plus se rattacher à des choses comme ça, plus d'habitude. Après voilà sur aussi les exigences que l'on a sur un niveau de classe parce que nous on se détache un peu de ça. En CE1, moi je suis encore avec un groupe à lire des syllabes.
Oui vous n'êtes pas dans le programme de CE1.Et non. Donc des fois on se dit à oui effectivement, il est vraiment en grand décalage donc ça permet ça aussi d'échanger avec l'enseignant et de préparer des choses ensemble. De dire ah bah non là, on va peut-être faire autre chose que de la lecture de syllabes avec toute laclasse.
Oui elle vous apporte ce qu'on peut attendre des enfants à cet âge-là?Oui. Institutionnellement ce qui est demandé.
D'accord et vous, qu'est-ce que vous pensez lui apporter?Un autre regard déjà je pense.
Oui quand vous construisez les supports.Ouais je pense que ça c'est, justement un regard moins institutionnel. Si on propose ça, quelle difficulté les élèves vont rencontrer. C'est plus ça; moi quand je vois un support, je pense à quelles difficultés ça engendre chez les enfants qui vont avoir ce support-là donc plus ce côté-là et puis des outils aussi que je peux avoir mis en place, fabriqués. Voilà c'est plus ça.
Vous lui apportez des outils plus pour l'aide, des jeux. Oui voilà plus de manipulation.
Lors de votre travail d’équipe, est-ceque vous vous sentez complémentaires?Oui bah oui. On va toutes les deux dans le même sens, avec chacun sa personnalité, chacun son vécu. Je pense que oui.
Oui plus avec vos expériences.Oui c'est plus un échange, un qui montre à l'autre.
Oui vous allez ensemble, vous vous inspirez d'elle, elle s'inspire de vous. C'est dans ce sens-là que vous êtes complémentaires? Oui moi je pense plus oui.
En quoi communiquer avec l'enseignant vous est utile pour aider ces élèves en difficulté?Communiquer sur ces élèves en difficulté?
Oui, en quoi toute votre communication avec l'enseignante, elle vous est utile pour vous adapter votre aide?Bah justement sur ces moments où moi je me dis bon bah c'est bon il sait le faire et qu'elle me dit bah non en classe il sait toujours pas. EnFin je sais pas, lire une phrase bah pourtant il sait lire une phrase. Donc c'est plus ça, réadapter ou en parler avec l'enfant en lui disant bah comment ça se fait qu'en classe ça marche pas alors qu'ici tu sais le faire. Donc c'est plus ça en fait. Réadapter moi ce que je fais avec eux.
En fonction de ce que vous dit l'enseignante de ce qui se passe en classe?Oui voilà
Comment réutilisez-vous ces informations pour ces élèves? Oui je m'adapte ou j'en parle avec les enfants parce que des fois c'est aussi eux même n'ont pas bien compris ce qu'on leur demandait et en quoi c'était pareil que ce qu’ils réussissaient avec moi et pas avec la maîtresse.
Oui ils n'ont pas vu que c'était le même exercice. Oui voilà toujours la question du transfert et c'est ça souvent qui pêche.
Pourquoi utilisez-vous les documents ou savoir-faire de votre collègue, par exemple le livre Taoki en CP?Bah pour garder déjà le CP c'est compliqué donc si on leur apporte toute une mine de documents donc là c'est déjà pour rassurer les enfants, pour qu'ils soient pas non plus totalement détachés des activités de classe. Par exemple, s'ils sont en train d'étudier un texte en classe, bon on va pas le lire ensemble parce qu'ils n'en sont pas là mais je peux aussi leur lire pour que si la séance d'après on reparle du texte qu'ils ne soient pas complètement perdus sur ce qui a été fait pendant le temps où ils étaient sortis de la classe.
Donc pareil pour les CE1 en lecture? Oui. EnFin non c'est pas les mêmes textes mais ils le font sur plusieurs jours, cette année on fait pas du tous les mêmes textes. Mais ça m'est arrivé de travailler les mêmes textes aussi. Par exemple, si c'est un texte long, moi je vais lire tout le début et on va décoder ensemble la fin. EnFin voilà ça va être des jeux comme ça plus. Mais on peut faire les mêmes choses qu'en classe.
Oui vous pouvez faire les mêmes choses mais vous réadaptez?Oui on fait le même support mais d'une façon différente.
Dans ce travail avec l'enseignant, quelles sont lesprincipales difficultés que vous pouvez rencontrer?Bah le temps déjà, trouver du temps pour parler, pour préparer. Oui ça c'est une contrainte principale. Tous les enseignants ne sont pas ouverts au dialogue enfin de plus en plus quand même, c'est plus facile mais il y a des enseignants avec qui il est impossible de prendre les enfants, où il est impossible d'entrer dans la classe et ça on ne peut pas les obliger.
Donc comment ça se passe, vous n'aidez pas les enfants en difficulté?Bah il y a des années où certains enfants ne sont pas montrés en difficulté. On nous le dit pas et donc là on peut pas intervenir, je ne peux pas aller chercher les enfants de force dans la classe.
Du coup, ils n'ont pas d'aide, ils restent en classe.Bah non. C'est rare, c'est vraiment de moins en moins mais les premières années, j'avais vraiment des collègues pour qui, tous les ans dans leur classe, il y a avait aucune difficulté et puis l'année d'après on se rendait compte que bah, il y avait eu des difficultés mais on les avait laissé.
Du coup quand vous dites qu'il y a moins de communication est-ce que vous pensez qu'il y a des conséquence sur l'aide?Quand on communique pas ah oui oui et puis l'enfant, il passe une année déplorable pour lui. Il arrive avec une estime de soi l'année d'après, c'est terrible.
Ah bon? Oui oui j'ai quelques cas en tête. Et on se dit vraiment que ça a été une année dure pour lui déjà on l'a pas aidé, dans la classe souvent on l'a pas aidé non plus parce que souvent c'est des enfants qu'on a laissé de côté surtout s'ils embêtaient personne et l'année d'après là, il faut vraiment.. On travaille vraiment sur l'estime de soi plus que sur les compétences.
Donc s'il n'y a pas de communication avec l'enseignante et le maître E..Bah c'est directement l'enfant qui est touché. Oui ça, c'est sûr.
C'est l'enfant et dans sa difficulté et dans sa personne. Oui oui
Pourquoi dans sa personne? Parce qu'il n'est pas pris en compte en fait. Ouais c'est ça, il y a pas de prise en compte de lui, de sa difficulté.
Par exemple vous le prenez avec vous, vous traitez la difficulté mais l'enseignante elle, elle fait rien en classe? Ouais. Oui c'est ça. En Fin je peux vous dire que cet enfant quand vous arrivez en classe il (y)a un sourire comme ça [Geste du sourire avec ces mains sur son visage], c'est leur moment de bonheur dans la semaine mais vraiment. C'est rare mais ça arrive.
Avez-vous déjà dû faire face à certaines tensions entre vous et l'enseignante avec qui j'ai fait un entretien?Ah non avec elle non.
Et avec les autres?Non non parce que moi, je suis une bonne pâte [Rire] et puis mon rôle aussi en tant que maître E c'est d’aplanir tout ça, des fois il y a des choses qui me .. mais bon je laisse couler, c'est aussi dans l’intérêt des enfants et puis j'ai pas un caractère comme ça de toute façon. Et puis quand j'ai demandé à être maître E, mon inspecteur avait déjà eu un entretien et il avait bien insisté justement sur ça que le caractère est important, en tant que maître E il faut justement calmer le jeu plutôt que tout remonter.
Comment avez-vous fait pour travailler ensemble, la communication facile ?Oui voilà je pense qu'il y a des personnes avec qui c'est aussi très facile, d'autres un peu moins ou il faut aller plus les chercher mais avec madame V, non il n'y a jamais eu de souci.
D'accord. Est-ce que c’est toujours «facile» de travailler ensemble?Non c'est pas toujours facile. Déjà par exemple la co-intervention je me mets aussi à la place des collègues; c'est pas toujours facile d'avoir quelqu'un dans la classe, on sent un regard quand même, même si je vais pas donner de conseil et que je vais jamais raconter ce qui se passe dans les classes. Mais ça déjà c'est pas facile et puis voilà il y a des personnalités qui s'entendent moins que d'autres. Moi-même, il y a des gens avec qui j'ai moins facile.
A aller voir, discuter. Et oui. On se force un peu parfois, c'est tout [Rire].
Qu’est-ce qui, selon vous, pose le plus de problèmes dans les interactions avec l'enseignante? Avec madame V, le fait que je sois peut être pas toujours sur l'école. Ça je pense que c'est quand même un souci; quand un RASED est vraiment sur une école c'est quand même plus simple que quand on doit gérer que deux, trois endroits rien que pour se retrouver, pour les réunions, pour tout ça. Et après en général parfois, on se heurte à des personnes qui savent et qui savent et qui n'ont pas besoin de vous et qui vous explique même comment faire en gros quand vous prenez leurs enfants en difficulté. Mais bon ça.
Votre position décentrée de la classe joue-t-elle un rôle dans les interactions, communications avec l'enseignant, est-ce qu'elle ose plus vous parler par exemple?Oui je pense. Oui je pense parce que même venir me parler d'un mal être avec certains enfants avec des enfants très compliqués à gérer ou des choses comme ça.
Des enfants que vous ne suivez pas forcément?Que je ne suis pas forcément. EnFin voilà, encore ce matin une maîtresse qui a un enfant très très difficile dans sa classe et qui ne va pas très bienen ce moment et qui peut venir me parler justement. Je pense moi, que justement d'être en dehors de la classe, et puis moi je suis dans l'équipe mais je suis aussi un peu en dehors de tout ça, de tout ce qui est pédagogie et tout donc, j'ai plus le rôle où on vient me parler des problèmes justement qu'on rencontre avec les enfants.
Et pourquoi?Déjà parce que je les connais déjà presque tous, les enfants de l'école. Je les ai pas eus dans ma classe mais vu que je vadrouille d'une classe à l'autre, je lesconnais pas mal.
Après pourquoi plus? Peut-être un regard différent par rapport à un autre enseignant qui a sa classe, qui gère sa classe qui sait peut-être très bien gérer sa classe, à qui on va pas aller dire ah bah moi j'arrive pas. Moi je travaille avec des petits groupes, je leur dis toujours d'ailleurs, lui il est difficile dans ta classe, moi c'est sûr, ça se passe bien mais j'en ai quatre, c'est normal que dans un groupe classe se soit plus compliqué.
Donc ils pensent que vous aurez moins de jugement qu'un collègue même si le collègue ne le juge pas forcement?Oui je pense. De pas avoir de classe justement.
Oui vu que vous n'avez pas de classe, vous ne pouvez pas comparer avec vous?Oui voilà et puis c'est normal qu'avec moi il soit plus sage, plus calme, ce que c'est vrai. C'est plus facile à gérer
Votre position est bénéfique.Oui de toute façon généralement, quand j'arrive dans une école, on me parle d'une difficulté rencontrée avec un élève, avec un parent et le fait de connaître tous les élèves ça y fait aussi et puis ça fait 10 ans que je suis sur l'école donc
Oui avec les frères et sœurs aussi.Oui voilà c'est plus facile.
Elle vous demande des conseils pour d'autres enfants donc est-ce que, en étant maître E vous l'aider à gérer sa différenciation?Euh oui, ça arrive. Je sais que dans une école justement, avec une classe très très difficile, presque 100% masculine d'ailleurs, on avait pris des moments où justement on séparait la classe. On fait les mêmes choses, mais là je sors un peu de mon cadre de maître E mais bon. Dans ces cas-là, c'est elle qui gardait les enfants en difficulté alors il y en avait beaucoup aussi et j'avais pris les autres justement pour qu'elle travaille avec ces enfants-là, parce qu'elle trouvait qu'elle avait jamais de temps pour eux et que les autres prenaient beaucoup d'espace donc moi je sortais les autres élèves, on faisait une activité lambda pas d'aide et elle elle gardait ces enfants-là pour avoir un moment avec eux aussi. Ça peut être des choses comme ça, après moi, je suis ouverte à plein de trucs, je ne me cantonne pas non plus à prendre un groupe d'aide.
Vous êtes ouverte aussi à d'autres activités?Oui enfin après, je sors peut-être un peu de mes fonctions; je ne sais pas si mon inspecteur serait toujours d'accord mais je pense que l'aide E, c'est pour les élèves mais parfois ça peut être pour les enseignants, quand il y a des choses à gérer un peu difficiles en classe.
Oui vous pouvez venir en aide à l'enseignante.Oui
Vous considérez que c'est votre rôle aussi? Oui enfin peut être pas mais .. [Rire]
Donc si elles ont des difficultés avec un enfant que vous ne suivez pas, elles peuvent vous demander des conseils?Oui
Et donc, c'est déjà arrivé? Oui oui ça, c'est déjà arrivé. Vous avez vu aussi dans cette école, ma collègue qui fait fonction de maître E, par exemple il y a un enfant qui pose aussi de gros soucis, on en a quelques-uns ici et c'est elle qui va le prendre toutes les fins d'après-midis. C'est un moment où il en peu plus, où dans la classe c'est infernal donc on a créé un créneau. C'est pareil, on est pas dans nos fonctions mais l'inspection le sait parce que c'est un enfant compliqué mais tous les après-midis, elle le sort de la classe, elle est avec lui et que lui.
Donc oui vous venez en aide aux enseignants quand même. Oui
Selon vous, qu'est-ce qui est le plus important dans les contacts, relations, interactions avec l'enseignante de la classe?[Silence] Je sais pas... En plus de ce que j'ai dit?
Oui ou revenir sur des choses importantes.Bah le plus important, c'est déjà de pouvoir parler de tout sans problème, sans jugement. Que l'enseignant ne se sente pas jugé, que nous non plus parce que c'est vrai on pourrait, avec ce qu'on fait des fois, on pourrait se dire bah ça n'avance pas.. Voilà, que ce soit clair, qu'il y ait une libre communication. Je pense que ça c'est important mais ça, c'est dans la relation encore une fois. Pour moi c'est ça parce qu'à partir de là, si on peut se dire les choses voilà.
Oui on peut s'adapter et aider l'enfant. Oui voilà c'est plus simple.
Selon vous, quel est l'idéal dans le cadre du travail maître E/ l'enseignant? L'idéal donc comme je voudrais que ce soit.
Oui.Pour moi l'idéal c'est ce qu'on avait essayé de faire mais c'est super compliqué; voilà c'est un moment de classe, les enfants qui savent où ils en sont dans les difficultés, que le maître E soit là qu’il réponde à la difficulté du moment, sur un moment de classe. Mais bon ça veut dire beaucoup de maîtres E. C'est plus ça pour moi et aussique l'enseignant puisse dire bah tiens, là aujourd'hui il y a ça qui cloche. C'est moins de l'aide E, on est peut-être plus dans du soutien mais si on répondait tout de suite parfois aux difficultés, ça éviterait que ça s'accumule et peut-être mettre plusl'accent aussi sur grande-section CP souvent on attend peut-être un peu tard et une fois que c'est installé bah là.
Oui c'est plus difficile.Oui il y a des enfants qu'on suit du CP au CM2 et on sait qu'il y aura toujours un décalage forcément.
Oui parceque vous intervenez prioritairement en CP et CE1? Oui principalement CP, CE1, CE2 parfois mais après bah c'est par manque de temps et par manque de personnel. Parce qu'il y aurait des besoins.
Donc les documents, vous n'en échangez pas énormément? Bah non moi j'ai un projet de groupe, j'ai un projet individuel pour chaque enfant mais après non il y a rien après, des fois je fais passer mon projet aux collègues mais c'est tout, après l'idéal c'est vrai le cahier aussi. L'inspecteur l'avait dit d'ailleursà la fin de chaque séance, on note ce qu'il y a. Moi je le fais pour moi, mais voilà c'est fait sur un bout de papier.
Oui et vous ne le donnez pas aux enseignants? Non parce que je lui dis.
Oui rien ne passe à l'écrit car beaucoup passe à l'oral?Ouic'est ça peut-être que si on se voyait pas, là on serait bien obligé de le faire.
Oui s'il n'y avait pas de temps pour vous voir, vous lui feriez?Bah oui je pense parce que oui c'est important. Si on prend le temps de lui dire, c'est que c'est important donc ouais, ce serait peut-être là obligatoire. Mais après, je ne vois pas trop comment ils peuvent utiliser ce genre d'outil pour un enfant précis quand on a une classe de 25 à gérer, c'est super compliqué.
Oui ils ne peuvent pas mettre en place les mêmes choses que vous. Oui voilà moi ça me paraît compliqué. Il y a tellement déjà tellement de paperasserie en plus à faire. Parfois le projet je me dis, il me sert à moi mais l'année d'après, voilà. C'est pareil, je préfère passer du temps à préparer des jeux, du matériel qu'à passer du temps à tout rédiger.
Oui si c'est juste pour une année.Oui c'est juste pour moi et voilà, je le sais ce que j'écris, je m'en rappelle donc.... EnFin voilà, ça c'est plus une contrainte institutionnelle aussi, donc c'est tout.
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-Numéro Hors-Série. Horaires et programmes d'enseignement de l'école primaire. Bulletin Officiel n°3 du 19 juin 2008
-Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation. Bulletin Officiel n°30 du 25 juillet 2013
-Référentiel spécifique de l'option E extrait du Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale.Spécial n°3 du 8 mai 1997
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